Le rêve est la présence de Dieu dans le JE absent, en sommeil, mort. Toute oeuvre humaine, cette tapisserie, est la présence de JE dans le dieu absent, lointain ou endormi.
LE SAUTE -MOUTON
Quelles que soient les combinaisons que JE s’autorise, il ne les formule qu’en un dessin, qui lui autorise le Voyage, comme d’un élément à l’autre, et que dans cet unique dessein: découvrir l’élément majeur, constant, qui lui permettrait de construire la combinaison qu’aucune autre ne surpasserait (en durée ou en étendue), éternelle ou universelle.
De cette précision en son dessin, et de cette règle (son dessein), il attend de remplacer Dieu par lui-même, JE, doublement créateur alors, d’un univers qui lui convienne, dans lequel il puisse voyager à l’aise, et que ne limite aucun seuil, non plus spatial que temporel. D’une certaine manière, le double projet demeure un leurre: JE ne découvre jamais, tout à la fois, cette carte, précisée et limitée, et cette constante, cette règle sans limite.
Mais d’une autre manière, il y atteint toujours – et d’autant plus sûrement que la carte se réduit, de l’univers à la Terre, de la Terre à l’Etat, de l’Etat au pays, et que la règle croît, en ses applications certaines (une réussite, alors, rendant illusoire l’autre). Mais il y parvient aussi, à l’inverse, en réduisant la règle au plus petit dénominateur commun (le paradoxe) qui se trouve annuler la règle, et en portant la précision jusqu’à l’indivision l’imprécision suprême: JE, le seul contenant connu de tous les univers. Les deux démarches, alors, concourent au même but: un paradoxe individuel, une exception universelle: l’UN. Dieu ou JE, il n’importe plus.
Nous l’avons vérifié tout au long des études qui composent Le Rire du Verseau.
Par l’étude des « aspects » de l’objet, si je réduis le vocable à la lettre, le chiffre au nombre (positionnel ou tendancieux), la figure au milieu (moyeu, centre ou entour).
Par le contenu et le contenant, des signifiés ou signifiants la lettre. Par le Plus et le Moins le nombre; par l’ouverture et la fermeture (le discontinu, le continu, le visible ou l’invisible) la figure.
Par l’étude des 3 sens, ensuite, qui découlent seulement des aspects: sémantique, directionnel, sensoriel. Puis, par celle des lieux – ou milieux. Puis par celle du contenant (debout/couché, ouvert/fermé, plein/vide) et du contenu (stabilité/mouvance, entrée/sortie, libre ou conditionné). Etc.
Mais nous ne l’avons pas vérifié en ce qui concerne les Jeux, d’où découlent les combinaisons, conceptuelles ou ludiques. […] Inévitablement les jeux nous apparaissent divers, puisqu’ils sont le Tout-possible de JE.
Le jeu de mains a eu ses règles, puis les échecs, les dames les leurs. Le cartes ne jouent pas comme les dés, ni la Vache comme le Bridge, traitant des cartes. Quant aux jeux de l’oie, de Monopoly, de rôles, d’informatique, aux composants communs, je ne puis les rattacher aux pièces, aux dès, aux cartes, puisqu’ils les emploient tous.
J’avais achevé Le rire du Verseau sans même me soucier de trouver cette constante précise aux jeux (je la disais introuvable) lorsque une saynète de 1994 m’est revenue à l’esprit, l’envahissant bientôt: le saute-mouton. Je l’avais situé, en ma pièce, avant toutes les autres dialectiques: de l’amour et de la haine – Judas, de la prétention partiale et du Souffle égalitaire, de Mégane et de Canathos (la Vierge-Mère), le conflit du traiteur (du Dicteur, le conférencier) et de son entretien avec le public. Je me demandai pourquoi j’avais élu premier ce saute-mouton (S.M.), que l’aventure de la conférence/pièce situait en sa fin, quand le public, excédé, lapide le diseur, le recouvre et l’exclut.
C’était que le S.M. se retrouve en tous les jeux, du jeu de mains au jeu de l’Oie. Mais, primordial ici et là, aux deux extrêmes, il se présente comme partiel aux échecs (le saut du cavalier, le roque), moyen prédominant aux Dames, distinctif en certains jeux de cartes (quand, à la belote, le valet-atout prend le roi) ou moyen généralisé aux osselets, aux dés, etc.
Puis, adjoint à d’autres dialectiques lorsqu’il se fait totalisant: le courbe (le poing fermé, relâché), et le droit (la main tendue ou les deux doigts) dans le jeu de mains; l’avance ou la station (la prison?) dans le jeu de l’oie ou de rôles; aux démarches de la tour, du fou, des souverains au jeu d’échecs, etc. Prépondérant jusqu’à l’enjeu suprême quand il est seul en cause: le Roi d’échecs, Pat ou Mat (enclos et sauf ou libre et condamné); ou bien l’Atout, maître du coup quand il est le seul atout, dominé, sauté par un atout plus fort, etc.
Egalisé aux autres par handicap, ou distingué des autres par cap-in-hand ou déférence, s’il n’est pas seul (original, particulier, nouveau).
Mais, d’une manière ou de l’autre, par processus ou procédé, c’est toujours A mobile dans le saut, quand B stationne. Ou B mobile quand son tour vient (A immobile, localisé). En tous les jeux.
Jean-Charles Pichon
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SAUTEMOUTON2 (audio)