II
Les applications de la table
Le renversement — Pour les prophètes du 13ème siècle, qui répètent les prophètes du 9ème siècle avant J.-C., les 2 160 ans se prennent de -900 ou de 1260. Ils embrassent l’ère du Bélier, depuis Abraham jusqu’au Christ, ou l’ère de l’Ichtus, depuis 0 jusqu’en 2160. Il y a donc un temps d’incubation, de 9 siècles, depuis Salomon jusqu’au Christ, ou depuis eux-mêmes jusqu’au 22ème siècle :
Mais, historiquement, le déclin ne commence qu’en -432, selon Thucydide, ou depuis 1728, par l’imposture de la Valeur prépondérante, le langage détourné de son sens, la Polis de Platon, la Société Civile de Kant.
Ce déclin dure, selon Ezéchiel, 390/430 ans, depuis -590, et, selon Platon 360 ans, depuis -400 (la mort de Socrate). Il s’achève donc, pour l’un, vers -160, pour l’autre vers -40.
La première date est retenue par Rabelais (comme prématurée, toutefois), la seconde par Montaigne. Mais l’Utopie de Thomas More avait choisi une 3ème date : -252. Pourquoi?
La formulation de l’alchimie, vers l’Ouest — et l’Or/substance — avait exigé neuf siècles, de -360 à 540 environ, ou de Platon à Boèce. Mais ce n’avait pas été un temps de formulation, de regain, sans être un temps de déclin (des sociétés antiques, grecques, puis hellénistiques, puis romaines); de déclin, surtout, pour le dieu de Justice et pour ses disciples : les juifs, les brahmanes. Car le Nouveau Temple n’avait ni la splendeur ni la solidité du Temple de Moïse : depuis sa recréation, par Esdras et par Néhémie, vers -450/-430, il ne s’était ouvert qu’à l’imposture, à la compromission, grecque ou hellénistique, puis romaine, à la destruction enfin. Au 6ème siècle, les caraïtes renonçaient à la substance de leur croyance; au 7ème siècle, au 8ème, ils reconnaissaient le triomphe de l’Amour, comme tous les peuples à la même époque, y compris le brahmane et ses Veda, vaincus par le bouddhisme.
A l’inverse, il est démontré que, depuis Perceval ou Etienne, les Quêtes et l’alchimie ne sont plus que des « réponses », plus ou moins malhabiles, au terrifiant déclin, que marqueront les schismes, les hérésies, les invasions des peuples « païens », les pestes, les fléaux de toute nature et, pour finir, les guerres universelles, l’usage du nucléaire.
Mais ces neuf siècles de déclin, depuis 1260 jusqu’au futur 2160, ou depuis l’Occultation (900) à 1800, ou depuis 620 à 1620 (la fin des prophètes), en d’autres calculs, ne sont pas de dégénérescence seulement. Car un dieu ne s’éloigne pas sans qu’un autre ne se rapproche. Parallèlement à l’épuisement de l’alchimie, d’autres quêtes se sont organisées, un autre espoir s’est affirmé, celui du Verseau, de l’Esprit Saint, puis de l’Esprit Libre. Des prophètes ont ouvert sa route, ils en ont marqué les étapes.
Nous ne sommes plus en présence d’un analemme, d’un serpent double ou de deux serpents, qui se seraient embrassés au 7ème siècle, mais en présence de deux triangles, le primaire et l’antithétique de Yeats, ou des 4 centraux de toutes les machines, septénaires ou célibataires, etc.
Pourtant, si le chevauchement de l’Un nous est connu, le renversement, l’Echappement au sein de la Forme Vide ne l’est pas.
Où s’est-il réellement situé, de -432 à 0? Où peut-on le situer dans les Temps Modernes, entre 1728 et 2160?
Fut-ce au temps de l’Imposture naissante?
Au temps de formulation du mythe rationaliste et de son Etat porteur : la Macédoine de Philippe et Alexandre, ou la France de la Révolution et de Bonaparte Napoléon?
En l’apogée de ce rationalisme : -252 ou 1908?
Par les premières révoltes, des esclaves jadis, de la jeunesse aujourd’hui, vers -200 ou vers 1960?
Plus tard encore?
Examinons.
Les derniers prophètes — Les prophètes sont rares, qui datent leurs prophéties. Quand ils le font, ils sont suspects de charlatanisme, et c’est sans doute justifié, même s’il s’agit des astrologues chaldéens de jadis, ou des kabbalistes, plus près de nous. Ces professionnels prêtent toujours à sourire, s’agirait-il d’un cardinal comme Cues, ou d’un Nostradamus, et même si leurs pronostics s’avèrent, se révèlent exacts : les célèbres 1789 ou 1792 de Cues et de Nostredame.
Les amateurs touchent davantage, ou plus profond : des poètes (Arion, Pindare, Eschyle), un mathématicien (Pythagore), un législateur (Lycurgue, Solon). Le 6ème siècle avant J.-C. est tout rempli de ces inspirés, dont les plus grands se nomment le bouddha Gautama, Lao Tseu ou Confucius, Héraclite/Parménide en Grèce.
Le 16ème siècle l’est aussi, où le temps des prophètes accouche de Thomas More, Paracelse, Rabelais, Montaigne — sans oublier Shakespeare et Cervantès.
L’Utopie de More prend pour prétexte le retour d’un galion depuis les Amériques. Ce pays au-delà de l’Océan ne serait-il pas ce que fut Rome pour les colonisateurs de l’Antiquité, au 7ème siècle avant J.-C.?
Or, si 1530 correspond à -630, une autre date, dans l’avenir, doit correspondre au -252, qui fut la fin de toutes les croyances, des princes-moines Tcheou en Chine, la fin de la Thora juive, et le début des guerres dévastatrices entre tous les Etats hellénistiques, Carthage et Rome. La concordance se situera donc en 1908.
Ce sont donc ces 360 ans : 1540/1900 que décrit l’Utopie de More. Elle tient en un mot : la corruption croissante de la Justice (le Bélier), parallèle à la corruption de la Création ou du Taureau, après le bref triomphe de Babylone et du Taureau Mardouk (-610-/-540); ou, à l’avenir, celui des nouveaux servants de la Justice-Dieu, les Puritains, vers 1550/1620.
Si l’agonie de la Justice doit être horrible, par l’imposture, la répression, la tyrannie, de l’Eglise puis du communisme, etc., elle ne le sera pas plus que la décomposition de la création taurique, par Babylone, Philippe puis Alexandre, puis le sophisme triomphant de la Macédoine, de Séleucos, de Pergame et de Carthage.
Au Moloch de cette dernière cité, à sa fournaise où l’on jetait les petits enfants, au cri : « Ce ne sont pas des enfants, c’est du cochon », correspondront un jour d’autres fournaises, des Camps et des Goulags, où l’on jettera des corps vivants, au cri : « Ce ne sont pas des hommes, mais des vipères lubriques ».
« Nulle part », dit le titre de More. Car cela ne se situe pas dans l’Espace, mais dans le Temps. Le Toujours et l’Encore seuls commandent ici.
La prophétie de More a empli un roman, celle de Rabelais, trente plus tard, n’exige qu’un poème : Les fanfreluches antidotées (antidatées?); elle est aussi moins claire, le temps de la liberté s’achève, celui de la persécution ecclésiastique revient.
Mais elle n’est pas moins importante et judicieuse.
Quand le dieu d’Air s’annoncera, dit le poète, ce sera, comme l’Ichtus, 160 ans trop tôt, en un temps renouvelé du grand espoir des Maccabées et de Scipion (166/160 avant notre ère). Dans la dernière décennie du 20ème siècle, par suite. A quoi tiendra l’échec? A diverses causes : on voudra le canon, et le beurre; l’évêque perdra son bonnet; d’autres mythes s’agiteront dans l’ombre, tels que Léda et ses Gémeaux. Mais, surtout, le dieu aura pris froid, car l’année ne sera pas assez avancée. Résultat : beaucoup de bruit pour rien — ou pas grand-chose!
Plus courte encore, et mieux cachée — l’Inquisition règne à nouveau — la prophétie de Montaigne tient quelques lignes, dans le chapitre V, du 3ème Livre des Essais (1586/88). Le philosophe médite sur 5 vers de Lucrèce (dans le De natura rerum) où, ayant dit sa certitude de vivre la fin d’une civilisation, le poète romain affirme sa foi en un nouveau printemps, dont la croissance de certains arts, navals entre autres, lui donne la certitude inverse.
Puis, revenant à sa propre époque, Montaigne évoque les peuples récemment « découverts », de l’autre côté de l’Atlantique. Si nus, si dépouillés qu’ils soient, ne porteraient-ils pas le germe attendu?
Il en atteste le Sibylles et les démons eux-mêmes : « cet autre monde ne fera qu’entrer en lumière quand le nôtre en sortira. L’univers tombera en paralysie; l’un membre sera perclus, l’autre en vigueur »… Et, dans une autre Rome, un autre poète dira le printemps nouveau!
2160 ans après -50, ce sera au début du 22ème siècle, à la veille d’un Etat universel, panthéiste comme l’Empire romain le fut.
Ainsi, en moins d’un siècle, de 1530 à 1590, trois esprits de première grandeur, mais non pas des prophètes professionnels, ont-ils annoncé :
– l’apogée de l’Imposture en une autre Carthage et une autre Macédoine, un cycle après -250,
– les révoltes et délires d’un messianisme prématuré, un cycle après -160,
– une Rome à venir et ses poètes du renouveau, un cycle après -50.
Les procès de Moscou et ceux qui ont suivi, qui suivent, le réveil des peuples épouvantés, du sectarisme et des religions, la croissance même de l’Amérique sont des évènements trop proches ou trop présents pour qu’il soit nécessaire d’y insister.
Une confirmation numérique — En dépit des croyances scientistes, les nombres ne prouvent rien, ils n’expliquent rien non plus. Mais, d’une certaine manière, ils démontrent et confirment.
Cherchant à mieux comprendre les rythmes étranges du temps, telle concordance même entre Platon et Kant, aux sources et à la fin des alchimies, il arrive que JE tombe un jour, par hasard, sur une formule simple : l’équation de la moyenne : n = (N+1)/2, et qu’il trouve une « solution » à son problème.
Le lecteur que les jeux de nombres séduisent trouvera en annexe quelques uns de ceux que permet l’équation : JE ne les a pas tous recensés. Ils n’ont de valeur en cette étude qu’autant que les faits les confirment.
Or, l’une des applications les plus utilisables de la formule est certainement, pour N et n plus grands que 1, la double équation : N-1 = 2(n-1), d’où : n-1 = N-n.
Un état quelconque de la Forme Vide N est lu en n avec un écart tel qu’il égale le temps écoulé de l’1 à n, et que le temps qui s’écoulera du 1 à N devra le doubler.
Or, nous voyons que :
dès 1430, pierre d’Ailly (et de Cues, le suivant) prophétisent la Grande Révolution pour 1789 ou 1792. N-n = 360 ans, de 1070 à 1430;
dès 1520, Thomas More projette l’apogée du rationalisme pour la période 1900. N-n = 380.
n-1 = 380 ans, de 1140 à 1520.
Vers 1540, Rabelais imagine un autre -160, pour l’an 2000 à peu près, dans le cycle de 2160 ans (mais Kepler donne : 2150). N-n = 470 ans, de 1540 à 1990; ou 480 ans, de 1540 à 2000.
n-1 = 470/480 ans, de 1070/1080 à 1540.
Pour confirmation, la Prognostication de Paracelse donne la date : 1992 pour la fin de la période rationaliste, le point de renversement. Le texte est daté de 1536. N-n = 1992-1536 = 456; n-1 = 456 ans (de 1080 à 1536).
En 1588, Montaigne projette pour 2100 (depuis -50) le futur « printemps » américain. N-n = 2100 – 1588 = 512 ans.
n-1 = 1588 – 1076 = 512 ans.
On voit que, dans tous ces exemples, l’achèvement de l’Unité graalique ou la fin du Temps de Dieu sont datés de 1070/1140, de Bérenger de Tours, le dernier disciple d’Erigène. Historiquement, ce fut, tout à la fois, l’éclatement de la Chrétienté, par les Querelles entre l’Eglise et l’Etat (le Pape et l’Empereur), le remplacement des pèlerinages de paix par les premières Croisades, et les premiers balbutiements des scolastiques, chrétiennes, musulmanes ou bouddhistes, par Roscelin et Abélard, Averroès, Ramanuja. Dès 1160, les premières sectes « diaboliques » appellent les premières persécutions de l’Eglise. Mais aussi, les premières quêtes du Graal, encore gallo-romaines, les premiers Keningars d’Islande et les premières Sagas d’Irlande seront datées de 1120/1135.
Si l’Unité recouvre 2160 ans, comme l’ont dit Platon, l’Apocalypse et les prophètes du Moyen Age, cette Unité-là, du Christ ou de son Graal, est donc à prendre de -190 (Bolos) à 1070, ou de -120 (l’Ecole d’Elie, Auguste ne « codifiant » l’éveil que cent ans plus tard) à 1140.
2160 ans plus tard, l’Unité de l’Esprit, du Verseau, devra se prendre de 1990 à 2040, ce qu’aucun prophète médiéval ou renaissant, n’ignore. Le Coran, déjà, ne l’ignorait pas : de 1990 à 2028 s’ordonnent les deux sourates (73 et 74) qui content les destins du nouvel Ermite, « revêtu de son manteau, comme d’une ombre ». Selon Nostradamus, le retour des « hommes seuls, des Seuls », contre les Etats, les tyrans, les « asniers »…
Cet écart, cette incertitude plutôt, de 38 à 50 ans, dans la prophétie du point d’Echappement, de renversement, décevra de nombreux lecteurs, qui rêvent de mettre en l’Histoire une précision que leur vie ne comporte pas. Mais ce n’est, à très peu près, que l’écart d’un demi-degré précessionnel : 36 ans sur 72.
Une deuxième vérification en devrait-elle être apportée, on la trouverait dans l’étude des prophètes juifs et grecs, de ceux — du moins — qui ont daté leurs « prognostications ».
Vers -590, Ezéchiel date le renversement de -200 (390 ans plus tard) en précisant qu’il sera suivi de 40 années d’incertitude et de conflits, où il vaudra mieux faire retraite, se reposer et attendre.
N-n = 390 ans, de -590 à -200, ou 430 ans, de -590 à -160, et, par suite, n-1 = les mêmes temps, de -1020 à -590, ou de -980 au même temps : -1020/-980 fut le règne de David.
Vers -540, Daniel prédit le renversement de -160, avec une précision telle que les rationalistes refusent d’y croire et font du Livre de Daniel l’œuvre d’un pseudo-Daniel, vers -160.
N-n = -540/-160 ou 380 ans;
n-1 = 380 ans, de -920 à -540, situant l’achèvement de l’Un au temps de Salomon.
Du déclin de la Grèce (-432/-400), Platon date le début des 360 ans où les dieux se désintéressent de l’homme :
n-1 = 360 ans, comme de -792 à -432, situant la fin de l’Unité au temps des fléaux (l’invasion, la rouille, la nielle, les grandes hérésies). Mais Platon n’est pas prophète plus que ne le sera Kant. Il prétend « simplifier » d’abord. 2160 ans avant la fin du Temps d’Amour, vers 1100, nous trouvons l’autre tournant : -1060, qui ouvrit le temps des Rois : Samuel, David, Salomon. Et, 2160 avant 1140, nous trouvons -1020, le règne de David.
Peut-être aussi, les prophètes juifs et grecs, qui ne connaissaient guère que le Pi (22/7) et le nombre d’or (1,618), ne pouvaient-ils atteindre aux précisions de prophètes pour lesquels Pi se nombre 3,1416 (au lieu de 3,142) et que Neper, vers 1600, allait initier au nombre « e » : 2,718, le fondement des logarithmes népériennes.
Pour Platon, l’Unité : 4 Pi (un cercle de rayon 2) valent 88:7 ou 12,568 et non 12,5636, comme pour nous.
La sommation de sa série, jusqu’au 1/5040, est 12/7 ou 1,714, et non (e-1) = 1,718 comme pour nous, etc.
Nos scientistes devraient se moquer de ces écarts (ne pas s’en soucier), mais ils s’en moquent différemment : ils les ridiculisent, eux qui ne jouent pas à moins d’une approximation au 1/10 dans leurs laboratoires! L’une des bases, et non la moindre!, de l’imposture où ils se complaisent…
Sur les 22/7 au lieu de Pi toutes les pyramides s’étaient édifiées.
Sur le nombre d’or s’édifieront les cathédrales. Ce ne sont pas des exactitudes à dédaigner.
Les séries convergentes — C’est dans le même siècle, le 16ème, que Basile Valentin compose ses Douze clés, dans le sens de la dégénérescence de l’Or/Substance, et que, dans le sens inverse, Ulrich, More, Nostradamus, Rabelais, Montaigne précisent les siècles à venir, vers l’Occident Nouveau, le rêve de Colomb. Il arrive même que l’alchimiste et le prophète soient un seul homme : Paracelse, Nuysement. Les serpents de l’alchimie renvoient B. Valentin à Cléopâtre, et les 4 symboles de Nuysement aux 4 de Pline : le Grain, la Salamandre, le Pélican, le Phénix, avec un écart de dix-sept siècles au plus. Mais les prophètes du 16ème siècle renvoient à ceux du 6ème siècle avant J.-C., dont ils renouvellent les calculs, avec 2160 ans d’écart. Tel est le problème, qu’aide à résoudre, une fois encore, l’étonnante fonction de la Moyenne.
Il est clair qu’à la fois, le prophète vit une durée dont il ne peut s’échapper, celle de l’anticipation, de la cause vers l’effet, et que, pourtant, il a conscience d’un autre Temps, cyclique, où l’heure du Messie renouvellera l’heure d’Abraham (pour Ezéchiel, Daniel), où l’heure de l’Esprit répètera celle du Christ (pour Rabelais, Montaigne).
Dans la durée, ils suivent la loi commune : le drame de Daniel, captif à Babylone, n’est pas celui d’Ezéchiel, en la fin de Juda, cinquante années plus tôt. De même, le drame de Montaigne, l’Inquisition revenue, n’est pas celui de Paracelse ou de Rabelais, avant le concile de Trente. Le renouveau de Mardouk, d’Apis, les Taureaux, ou des Vaches dans l’Inde, à Rome, dans le premier cas, ou, dans le second, le renouveau de Jéhovah, des Lois, de la juridiction ecclésiastique, de la Bible surtout, par les Puritains, n’ont pas peu contribué à la dégénérescence du dieu de Justice, là, du dieu d’Amour ici. Il n’est pas d’autre durée à l’anticipation, religieuse ou scientiste, que cette entropie même.
Mais la Forme Vide ignore le déclin de la matière, puisqu’elle n’en contient aucune. -540 ou +1620 ne sont que des dates, comme -590 ou +1560. Et l’écart de 2150 ou 2160 ans fait que, de l’une, peut être déduite l’autre.
Dans cette acception nouvelle de « n », non plus « moyenne », mais « lecture », « n » peut être pris :
– tantôt comme une lecture de la durée et de ses états successifs, si l’Unité est prise comme une cause : l’Ua : n, et donc N comme supérieurs à l’Unité, dans le sens de l’édification ou de la Nécessité kantienne;
– tantôt comme une lecture d’un Temps cyclique quelconque : le jour, le mois, l’année, l’ère, où « n » ne nombre plus qu’une station dans le cycle, que renouvelle sans fin le contingent des heures (dans le jour), des jours dans le mois, des mois dans l’année.
La première lecture, La ou lecture anticipée, ne traite que des actions, toujours actuelles, entre le devenu et l’avenir. Plus grand que l’1, n y est plus petit que N : N -1 = (N-1)/2.
La deuxième lecture, Lr ou lecture retardée, affabulée, ne traite que des évènements — ou des phénomènes constatés, du passé au devenir. Plus grand que N, n y est plus petit que l’1, il est lu après N, qu’il mythifie toujours, comme les Teinturiers ont mythifié Hermès ou Asclépios, et Démocrite lui-même.
Car Asclépios ou Zoroastre, Salomon ou Platon ne furent que des heures dans le Temps d’un jour — et le Sagittaire, le Scorpion de même, dans l’Apocalypse de Jean.
En La, Galaad déjà ne se préoccupait que de son avenir : un autre monde, où il serait le roi, quand le vrai Roi sera mort. Il anticipe toujours sur l’acte, et par son choix d’abord, entre les routes. Ce choix, Lulle, Ripley, Valentin et Philalète s’y contraignent de même : d’où, leurs dialectiques.
En Lr, Gauvain encore ne songe jamais à son avenir : il possède tout, étant noble, distingué d’avance et fils de roi. Il regarde : la Dame, la Licorne, le Lion, le château et le cortège du Graal. Il ne dit même pas : « Je comprends mal », car il ne soucie pas de comprendre. Il dit : » Est-ce que je vois bien ce que je vois? »
Or, les deux lectures sont au cœur de toutes les recherches mathématiques de JE, depuis 6000 ans à coup sûr — et, sans doute, depuis les nombrements néolithiques, par les Nœuds, ou depuis les dénombrements paléolithiques, la Préhistoire, par les peintures rupestres, etc.
I) à Sumer, dès -4000, les deux lectures se formulaient par l’Inversion, qui permettait, à tout moment, de calculer « n » par une fraction, si n était plus petit que 1, par son inverse, si n était plus grand que 1.
L’Unité étant un nombre défini : 60, qui joue de tous les diviseurs connus à l’époque de Sumer : 2, 4, 5, 6, les fractions étaient : le 1/6 : 10, le 1/5 : 12, le quart (Ishtar) : 15, le tiers : 20, le demi : 30.
Plus tard, on joua de 1/2 + 1/4 : les 3/4; ou de 1/3 + 1/3 : 2/3, etc.
Mais, aux fractions, s’opposaient leurs inverses, si « n » était plus grand que 1, dans la lecture La.
Deux unités égalent 120, dix jours constitués d’heures doubles; six unités égalent 360 jours : l’année; et, peut-être, 360 ans, si je joue de l’année, etc.
Il nous en reste les cycles les plus abstraits : 60 minutes égalent 60 X 60 secondes : notre heure. Comme il arrivait que les Sumériens dégénérés, les chaldéens, prétendissent en des cycles de 3600 ans. Autre chose nous reste de Sumer : la Tetraktys des Grecs, dans le sens de la Lecture retardée : 1/4 +1/3 + 1/2 + 1, ou dans le sens des Yugas de l’Inde : 4 + 3 + 2 + 1, dans le sens de la Lecture anticipée.
Notre Bible, œuvre des lecteurs de l’anticipation, s’achève sur la proposition de Daniel : l’Or retombe à l’Argent, l’Argent au Cuivre, le Cuivre au Plomb. Ce n’est pas autre chose que la lecture d’Hésiode, le Grec : les 4 âges, en ordre décroissant, auxquels s’ajoutait parfois l’âge de Fer, en 5ème position.
Car les Grecs, de Sumer, rejetaient l’Inversion, y substituant d’autres calculs.
II) Thalès, les Eléates puis Pythagore d’abord, puis cent calculateurs, d’Euclide à Apollonius (ses badernes) créent une tout autre arithmétique, dont l’objet demeure les deux lectures.
Mais ils fondent la lecture Lr sur les Couleurs, qui deviendront la clé des Teintures (vers l’Or) et la lecture La sur la Musique, ses notes harmoniques : Ré, Mi, Fa, Sol, La (le Si, avant le Do, d’invention ultérieure).
Des nombres de Sumer, l’Un ou 60 a disparu. Ils n’en ont plus besoin quand leurs nombres sont 9 (la Table de Pythagore), puis quand le Dix ou le X joue déjà, à Rome. Ces X nombres, les kabbalistes de la Thora les ajouteront aux 22 lettres, pour des calculs qui n’en seront pas simplifiés. Car le 10, qu’est-ce, sans le Zéro, qui, en Grèce, n’existe pas encore?
Ils conservent un nombre de la rationalisation de Sumer (Akkad), le nombre Pi ou 22/7. Du 7 ils font leur clé : les 7 couleurs ou les 7 notes, les 7 planètes, les 7 jours.
Les mathématiciens de l’Inde inventent le 14 : 7 X 2. Les Yugas jouent des 7 dans un sens, et des 7 dans l’autre.
On ne peut démontrer que la même inversion existe en Grèce, puisque les Grecs n’utilisent pas l’Inversion. Mais les calculateurs du 2ème siècle avant J.-C. utiliseront la partition du cercle, par la Croix (Apollonius). Pi/4 = V (q-1), et q est connu : il vaut, à notre estime, 1,618. Puis, 12 q² = 10 Pi, selon l’équation qui résout le problème de la quadrature du cercle.
III) Le Moyen Age — Une invention des Grecs va leur survivre : les deux nombres « humains » de la République platonicienne :
– 4 fois le nombre irrationnel Pi (22:7) : 88/7 = 12,57,
ou le carré dont la diagonale est 5. Selon le théorème de Pythagore : 12,5, puisque le carré = C² et que D² = 2 C² ou 25 = 12,5 + 12,5,
ou cent fois ce nombre : 1250 ou 1257;
– un triplé de 3 (souvent traduit, faussement, par « cube ») : 9 et — ou — cent fois ce nombre : 900.
L’Apocalypse a joué de ce calcul et nombré l’Unité de Temps : 1260. Les prophètes du Moyen Age en jouent aussi : 900 ans recouvrent la formulation, l’incubation de la Personne divine : le Père, le Fils ou l’Esprit, et 1260 recouvrent sa durée;
U ← 900 ans
2160
→ 1260 ans
Mais le 13ème siècle invente deux autres séries (Fibonacci) :
1 1/2 2/3 3/5 5/8 8/13 13/21……., approchant Q-1 = 1/Q ou 0,618,
2 = 2/1 3/2 5/3 8/5 13/8 21/13…., approchant Q ou 1,618.
0,618 se prend entre 1/2 et 2/3; 1,618 entre 3/2 et 2 :
← 2/3 Q-1 1/2
1
→ 3/2 Q 2
Ce sont ces deux dernières séries qu’affinent les séries convergentes, de sommation : Pi/4 (la série récurrente) et de sommation (e-1), la série des factorielles inverses. De 1620 (Neper) à Euler, cent ans plus tard.
< 1 ← Pi/4 (1) -1/11 + 1/9 -1/7 +1/5 -1/3 0
>1 → (1) +1/2 + 1/6 + 1/24 + 1/120 + 1/720 + ….(e-1)
Qu’il s’agisse des inversions de Sumer, de la Tetraktys, des Ages d’Hésiode, des Métaux de Daniel ou des Yugas indiens, des couleurs (leurs longueurs d’onde) et des sons (leurs fréquences), des nombres de Platon et de Fibonacci, de Neper et d’Euler, le schéma est toujours tel :
<1 n > N
>1 n < N et, concrètement :
Vers 648 : ← Aeineias Olympiodore Zosime Thessalos Cléopâtre -252
Etienne ou 600 ans 800 ans 1000 1400 1600
le Graal
→ Bérenger Villeneuve Lulle Ripley Valentin… 1908
Mais, bien sûr, dans le cycle ou la F.V. de 2160 ans, c’est 1908 qui répond à -252 (l’apogée du rationalisme), 1800 à -360 (Kant/Platon), 1620 à -540 (les derniers prophètes), 1200 à -960 (la cathédrale gothique ou le temple de Salomon), 1260 à -900 (la fin du Temps divin, selon Joachim de Flore).
Cette Forme Vide, ce cycle, rien n’empêche JE de le nommer un palindrome. Mais sera-ce bien la même figure, selon que JE la prendra depuis l’infrarouge ou le jaune, depuis Pi/4 ou Q-1? Et depuis la note Ré ou la note Fa? Depuis V (e-1) ou Q?
Le palindrome — Si le lecteur ou l’alchimiste ne peuvent rien changer au sens dans lequel ils se déplacent, pas plus que l’enfant ou l’adulte, ils ne peuvent transformer la fable en un principe ni, à l’inverse, un non sens en une couleur : Thessalos ou Olympiodore ne prophétisent pas, sinon qu’ils se dirigent vers l’ouest. Ils constatent simplement le point où ils se trouvent : sa « station » dans l’Ensemble, ses « distances » depuis le départ de la courbe — et non depuis l’arrivée, que l’attente du Royaume rapproche presque toujours, à cent ans de la Promesse comme les apôtres, à deux cents ans comme les martyrs, à cinq siècles, comme Saint Augustin.
Au contraire, les alchimistes, puis les scientistes, de l’an 1000 (Glaber, Gerbert) au 17ème siècle (Rabelais ou Paracelse, Kepler ou Mercator), ne cessent de prophétiser : les 5 royaumes, le triomphe rationaliste des juifs, la Révolution, l’apogée du rationalisme ou son déclin. De même que, d’ailleurs, les prophètes grecs et juifs, les auteurs des Upanishads dans l’Inde, 2160 ans plus tôt. Ces prophéties, le plus souvent exactes, ne leur permettent pas de se situer précisément dans l’analemme, de triompher des Pouvoirs, des Eglises, des Etats, de ne pas être emprisonnés, esclaves, torturés et assassinés.
Ils ne peuvent donc pas, non plus, ni les uns ni les autres, transformer un jaune en orange, un (e-2) : 0,718, en un Pi/4 (0,7865), dans le sens de la fable, ni un Ré en Mi, un Mi en Fa, ou la 1ère factorielle : 1 + 1/2, en la 2ème : 1 + 1/2 + 1/6, dans le sens du principe. Les changes horizontaux ne leur sont pas plus possibles que les changes verticaux (récit/institution).
Cependant, à toute époque, ils évoquent le Palindrome comme un remède à l’analemme, l’Ouroboros comme l’arrachement aux deux serpents entrelacés, le Zodiaque, le cercle des saisons (et la croix dans le cercle) comme une libération certaine des deux voies, des deux sexes, du genre et de l’espèce, de la matière et de la forme. Quand Démocrite invente l’atome, il avoue ne reproduire qu’une invention phénicienne, deux mille ans plus tôt, et un Avogadro, au siècle dernier, reprend la thèse de Démocrite.
Platon a dit, dans le Timée, comment d’une bande tordue en son milieu (un analemme) je peux reconstituer un cercle unique, en partageant la bande en deux parties égales; et Moebius, 2160 ans plus tard (à l’approximation près) décrira le même procédé.
Peu de temps avant Moïse, les « labyrinthes » égyptiens ont dit comment un Fil, judicieusement choisi, transforme les replis du labyrinthe en ce grand océan, l’Okéanos, qui encercle la Terre; puis un même fil, d’Ariane, permet à Thésée, le héros, de tuer le Taureau et de sortir indemne du dédale.
Quelque 2200 ans plus tard, au 8ème siècle de notre ère, le Kojiki japonais raconte qu’un autre héros, l’Impétueux, a vaincu le Serpent à huit têtes, en le faisant boire à huit coupes disposées aux huit portes de la Cité circulaire (le Yi King). Ses têtes coupées par le Sabre magique, le monstre n’a plus été que la Ville — ou le double palimpseste, un palindrome encore.
Mais, vers -2000 ou peu avant, Enlil-Tabi-Outoul avait décrit tous ses voyages, depuis sa Ville (de Paix et de Plénitude) jusqu’aux lointaines cités de l’est (la fin des Malédictions, la fin des Plaintes), et depuis les dernières villes tragiques jusqu’à sa propre Cité, transformant les deux voies annalemmiques en un parcours unique, comme autour d’une circonférence.
Vingt et un siècles plus tard, le jour de sa destruction, Pompéi possédait le Carré magique :
SATOR
AREPO
TENET
OPERA
ROTAS
le palindrome parfait, dont le sens est : « le serpent, en rampant (a repto pour arepo), tient par œuvre les roues).
Le Labyrinthe ou Thésée et le Kojiki,
Platon ou Démocrite et Moebius, Avogadro,
ou, dans le cycle antérieur :
Tabi Outoul et le Carré magique,
révèlent, tous les six, un même secret, ace, précisément, l’Etre pour écart.
Mais il est des cycles ou des Formes Vides de toutes grandeurs : nous en connaissons quatre-vingts. L’atome est ce cercle, tout comme l’Okéanos, ou la Noosphère de Chardin. Les 4, du moins, demeurent incomparables les uns aux autres : dans le Cosmos, dans l’atome, dans une vie, dans l’année (ou dans le mois, le jour, etc.).
Des palindromes sont très courts : ICI, EVE; d’autres, plus longs :
ESOPE RESTE ICI ET SE REPOSE.
Il peut même arriver que le palindrome, très long, se modifie d’une lettre et formule des objets tout autres, comme les deux phrases qui ouvre, l’une, et ferme, l’autre, une « histoire » de Raymond Roussel :
Les lettres du blanc sur la bande du vieux pillard (ce qui signifie : les missives de l’homme blanc, relatives à la compagnie du vieux forban), et
Les lettre du blanc sur la bande du vieux billard (ce qui signifie : les caractères écrits par une fraie sur la partie externe du vieux billard).
Car on ne sort pas nécessairement du labyrinthe le même qu’on y est entré, ou le vainqueur du Serpent n’est pas toujours exactement le même que celui qui n’avait point vaincu (l’effet modifie la cause).
Allons plus loin : le palindrome n’est pas nécessairement bénéfique. Il semble que le vocable même ait ses racines en :
palinodie : une expression réduite, en retrait, toujours un peu ridicule, et :
palinod, un chant en l’honneur d’une divinité, de la Vierge Marie au Moyen Age.
Car ce palindrome-là est toujours bienfaiteur, libérateur, miraculeux, qu’il soit de Platon ou de Tabi-Outoul, du Sator ou du Kojiki; mais la notion de palindrome est ridicule, inacceptable ou bien utilisable seulement par le joueur éhonté, comme celui qui change toujours de politique.
Je retrouve ici, mais à l’inverse, homonymique, les jeux synonymiques, que permettent le grec : Para et le latin : Parare (ce qui est à côté ou ce qui reproduit) dans le vocable Parade : un ensemble de parures, ou une défense (un parage) qui peut être une défense de la ville, en sa banlieue.
Les vocables guident, à défaut des nombres.
L’ouverture et la fermeture — Ils ne guident pas sans situer et, par suite, définir.
PARADE est la meilleure définition de l’Un/TOUT : comme simple objet, dehors, comme ensemble de parures, dedans, pour sa défense; mais, en tant que sujet, le mâle en sa parade, la danse d’amour, la ville en sa banlieue, en ses parages.
Car l’Un, le Sang-dieu, est toujours présenté comme contenu dans le Vase, contenu dans le château du Graal, contenu dans une « terre désertée ou gaste, en friche », à l’Ouest. Si l’Un est tout, rien n’est hors, que le désert, l’absence (de toute civilisation, d’abord).
En ces 1260 ans, l’objet/sujet est bien un palindrome aussi, ou plusieurs palindromes, contenus l’un en l’autre, comme les actes (délits/défi) dans les Lectures de la Promesse et de la Réponse.
Simplement, cet objet/sujet est tantôt hors de la matrice, la terre dont il sort, ainsi que le bébé du ventre maternel — ou la pierre brute de la carrière; tantôt encore dedans, comme la face cachée de la pierre.
Ou bien il entrera, du dehors vers le dedans : le mâle dans la femelle; ce ne sera pas sans s’effeuiller, comme de la cause à l’effet, sans se partager, (le sexe d’un côté, le sperme de l’autre), sans se répandre.
Le contenant ou la matrice, alors, aura dû s’ouvrir, pour laisser son fruit sortir — ou pour se laisser pénétrer.
La parturition et le coït exigent tous deux l’ouverture.
Au contraire, la Forme Vide n’est rien que forme. Ne contenant rien, elle est contenue dans tout : en tant que forme picturale, la pomme de Cézanne est inscrite quand tout le reste du tableau est peint.
C’est ici le vide, le désert, qui se trouve au cœur des palindromes ou des trois cercles de l’Ouroboros de Cléopâtre, par exemple.
Si le cercle interne est une pendule (la ronde des heures), l’externe est comme un manège : la danse apparente des Jaquemarts.
Entre les deux sera la membrane ou l’interface, où JE tournera vers la droite ou vers la gauche, comme je desserre ou serre une vis sans fin, le tire-bouchon. Mais, ainsi, je découvre ou recouvre, arrache ou cache, selon que je joue de la palinodie des figurines, des fanfreluches, ou du palinod rythmique, liturgique, où l’horloge se reconstitue : la ronde des dieux, en ce dieu-là.
Comme d’une paire de ciseaux, l’ouverture et la fermeture du palindrome, dans l’Un, font la Coupe en la Forme Vide : elles sont la cause de la partition finale. Mais, au contraire, l’ouverture et la fermeture de la matrice, dans la parturition ou celles de la bouteille, afin de conserver ou de répandre le vin, sont le seul motif de l’action du tire-bouchon, de la vis, ou de la lance qui, de même, pénètre et libère (le sang).
Les parades sont, ici et maintenant, l’acte de description ou la description de l’acte. Palinod et palinodie sont l’inscription des fins ou la fin des inscriptions. Les 2n ne sont que des moyens ou des moyennes d’une part (instances ou distances), des acteurs de l’autre, que définissent leurs fonctions (le rôle, l’emploi) et leurs dispositions (la station ou l’état).
Du schème ci-dessus, il se déduit que l’Un n’est pas le contraire de la Forme Vide, ou 1 de N. Car, c’est le plein qui est le contraire du vide, si je traite du Contenant; mais c’est le dedans, l’interne, qui est le contraire du dehors, l’externe, si je traite du Contenu.
L’Un est le contenu qui n’est plus contenu (dehors); la F.V. est le contenant qui ne contient plus rien. Puisque le Un est Tout et qu’il se tient dehors, je ne peux pas l’inscrire (en quoi?), mais je peux le décrire, par ses actes, de passages d’abord : du dedans au dehors, comme « objet », ou du dehors au-dedans, comme « sujet » : le bébé, l’enfant là, le pubère, l’adulte ici. Sous le nombrement de l’Um, au terme des fractions plus petites que l’Un, ou par le nombrement de l’Ua, comme premier terme d’une série inverse.
Quant à l’Un contenu, dedans, je ne pourrai pas en calculer l’Um, je devrai m’arrêter à l’infrarouge ou au nombre : Pi/4, puisque ma lecture, n, excède toujours la fraction N (l’évènement ou le phénomène).
Et je ne pourrai pas en calculer l’Ua, puisque tout acte, y compris celui de la pénétration, ajoute au sujet quelque chose : 1/q en (q+1)/q, par exemple 1/11 en 12/11.
Un acte, de délivrance ou de pénétration, de sortie ou d’entrée, restreint le premier compte ou ajoute au second : il « me » cache une partie de l’objet ou adjoint au sujet une jonction factice.
Au contraire, puisque la F.V., matériellement, n’est rien, je ne peux la décrire. Mais, de l’extérieur, l’incohérence du Tout, je peux y inscrire, l’égratignant, des Lettres, leur manège, ou des Nombres, les heures. Les premières seront à découvert, les secondes (secondes en ce calcul seulement) seront recouvertes : mais la découverte des premières n’ira pas sans un découvert comptable, car la marge est ici une syncope, un manque; le recouvrement des secondes sera un recouvrement comptable, puisque le cycle ou la pendule recouvre tous les retours, ré-cits, ré-pétitions, légendes et fables — par l’émargement (le salaire apprécié).
Simplement, le retour se fera toujours autrement : la fable n’est pas la vie, ni la re-présentation de la pièce sa « couturière ».
La forme pleine ne sera pas la forme vide : le fœtus qu’elle porte la développe et l’agrandit, y mûrissant.
Une forme pleine n’est pas plus mesurable, en sa prophétie, que l’Un contenu ne l’est en cet instant (car même le calcul de sa position sera modifié par le calcul de sa quantité de mouvements, et par le moyen, radiographie, laser, utilisé pour le double calcul).
Par son tact et sa distinction, le fils du Roi pressent que le fruit sera (l’Arche d’Alliance ou le Graal), mais il ne saura pas quand le fœtus commencera de vivre, en la matrice, ni exactement quand la parturition devra s’accomplir, au mieux des intérêts de la mère et de l’enfant : il ne pourra point prophétiser, comme, de fait, Cléopâtre, Zosime, Olympiodore ne prophétisent pas (et les martyrs ou Augustin se trompent).
Par sa science et l’application de ses principes, le Jaque apprend à prophétiser, assez exactement, le temps où l’avortement n’est pas encore un crime, l’heure la plus propice pour une conception, etc. Mais quel sera l’enfant? Un garçon, une fille, un prématuré, un tardif, un handicapé, un surdoué? Ce que sera le dieu, l’objet/sujet, il ne peut que l’imaginer, le supposer, à partir du principe qui ne cesse de le guider. La notion de « qualité » lui fait défaut, à lui, le maître en quantité.
Les cycles — Il se comprend mieux pourquoi, en sa démarche, le Jaque (alchimiste ou scientiste) rejette avec violence la simplification du cycle, son « retour éternel » et l’anticipation même qu’il autorise, car l’effet de la cause le déçoit toujours, à brève échéance, l’entropie venue.
Il se comprend mieux pourquoi, en sa démarche, l’Affabulé (le teinturier ou le fils du roi) rejette avec terreur la complexification des sciences et la trivialité du Jaque, au point de ne plus chercher à comprendre, car toute complexité, toute précision même, l’arrête ou le détruit.
Mais le palindrome n’est pas cette récurrence, cet éternel retour, sans être la figure la plus précise, la mieux nombrée.
Le problème n’est plus seulement : comment passer de l’analemme au palindrome; ou du besoin/nécessité de la vie au contingentement du cycle. Mais : comment l’éclatement, tout hasardeux du Big Bang ordonne-t-il aussi précisément les galaxies ou les constellations, les astres ou les soleils, les planètes ou les comètes?
En bref : quel est le rapport — constant? — entre le manège, toujours naïf, des dieux, des mythes, des fanfreluches de Rabelais, des Filles d’Artaud, et la rigueur de la pendule et de ses heures : Idées de Platon, Catégories de Kant? Entre les besoins du Jaque et les principes de la science, des « nécessités » tous deux? Ou les contingences de la fable et le contingentement du cycle, dans l’autre sens?
Certains cycles ne sont-ils pas l’effet d’une cause, tel le cycle d’une vie (la civelle, puis l’anguille)? D’autres ne sont-ils pas d’une nature telle que cent hypothèses ou projections en rendent compte : l’Hermès ou bien l’Arkhon, la terre immobile, le Soleil tournoyant — ou bien à l’inverse?
On dira que les premiers font la liberté de JE, par l’exercice d’une science, mais sa raison est impuissante à l’arracher au cycle vital et il meurt toujours, à la fin. On dira que les seconds font l’esclavage de JE, lié par l’évènement et par les mythes qu’il crée, dans la pire contingence. Mais ces délires le font vivre. Mieux : ils le sauvent, le libèrent — de la cyclicité et de la peur de la mort, s’ils sont assez puissants, organisés, par les enfants, les œuvres, les dieux qu’il a conçus, créés ou imités, selon sa croyance.
Le savant le reconnait, ainsi que le mythomane : absolu (à -273°), le zéro ouvre sur l’infini, le non-mesurable. Limite du mesurable aussi, C, la vitesse de la lumière n’en permet pas moins des fonctions qui exigent son dépassement : E = MC².
Mais JE n’est pas seulement humain. Lorsqu’il a ensemencé l’abeille, le bourdon peut mourir, père d’une longue descendance; et l’anguille, de même, dans le Grand Océan, la civelle mise au monde.
Du fil qu’il tire de lui, le ver fait son linceul, d’où il renaîtra, papillon. Le mâle de la Veuve Noire est tué par son amour : il devient sa nourriture; et l’unicellulaire, isolé de la masse pour jeter le cri d’alarme : tous vont mourir!, y revient pour mourir, sa tâche accomplie.
Les symboles de l’alchimie — de Pline à Nuysement, sur dix-sept siècles, ne disent rien d’autre : le Grain meurt pour que soit l’épi, le Pélican afin que vivent ses petits; la Salamandre meurt à cette couleur afin de mieux renaître en cette autre, et de la cendre du Phénix, un autre naîtra, le temps venu. La mort est survivance, enchantement.
La Fin est mûrissement, progéniture, l’enchantement de l’Arc-en-ciel, la survivance.
Mais quand est-elle l’un? Et quand l’autre?
Le bourdon, le ver à soie, l’anguille, l’araigne mâle ne décident pas de leur mort, ni le grain ou le phénix. Le cycle même la limite à leur accomplissement. Le JE humain en décide souvent, par le suicide mais aussi par l’excès ou le manque (la consommation, l’ascétisme à quoi il réduit sa vie). Le JE-nation (état, empire, république) en décide toujours.
La Macédoine d’Alexandre se donnait deux mille ans d’existence, depuis Pélos; la France de Napoléon, deux mille ans de même, depuis les Gaulois. Mais Persée, roi de -179 à -168, renouvelait le mythe fondateur de la Macédoine, cinq ou six siècles plus tôt; et la France de De Gaulle et de ses successeurs rêvait de renouveler le mythe de Jeanne d’Arc, cinq siècles plus tôt. En -152, un petit trublion, Andriscos, ne rêvait que du père d’Alexandre, Philippe : il en prenait le nom, réduisant toute l’histoire de la Macédoine à ces deux siècles : -352/-152. Et, de même, en 1989, le gouvernement de la France refait 1789, mois après mois, jour après jour, ne donnant plus à la France républicaine que ces deux siècles d’existence.
En -148, la Macédoine n’existait plus en tant qu’Etat.
Ce n’est pas un pronostic qu’en 1993, la France, en tant qu’Etat, ne sera plus, soit que l’Europe la dévore, soit qu’elle meurt de son isolement.
Si la réduction du cycle produit de tels résultats, l’élargissement du cycle ne manque pas de produire l’effet inverse. L’Egypte avait duré, selon les Traditions, treize millénaires, et, réellement, de la Vierge Isis au Bélier Amon, quand elle disparut, impuissante à formuler le dieu d’Amour, le Christ ou Bouddha, que son Sérapis suggérait à peine. L’Inde a certainement vécu l’ère du serpent Naga, l’un des composants de son Brahma, puis celle des Oiseaux Jumeaux, du Taureau, du Bélier Agni, du dieu d’Amour, par le bouddhisme : peut-elle, aujourd’hui, formuler le Verseau? La réponse à cette question fera sa survie ou sa mort. Du Serpent Jaune aussi date l’histoire de la Chine, et le bouddhisme aussi l’a sauvée; mais il lui sera sans doute plus aisé, plus jeune, de survivre à l’Esprit. Le Japon se fonde sur les Jumeaux (Izanagi, Izanami), il revivra sûrement, en une forme inconnue, dans les 2000 et même 4000 ans à venir. Les Mayas du Mexique et de l’Amérique Centrale, ces autres Egyptiens, et l’Espagne, un Japon plus jeune (depuis le Taureau) ont certainement des avenirs divers, mais non moins étendus.
Car, si le rationalisme (et les Etats qui le fondent, sur la réduction du cycle) ne peut que rétrécir sa vie, une mythologie exacte, son polythéisme, prolonge, bien au-delà du possible, les Empires et les peuples qui s’y soumettent.
C’est dire quelle gravité présente le choix de son cycle. Le renversement de midi, au cœur du jour, n’est pas celui de la nouvelle lune, dans le Mois, celui de la Saint-Jean dans l’Année. Pas plus que la Macédoine d’Alexandre (et moins encore celle d’Andriscos) ne se laisse comparer aux douze siècles de la Rome Antique, ni ce millénaire aux treize mille ans de l’Egypte…
Il faut choisir, de toute urgence toujours. Mais qui le peut? Et comment JE le peut-il, qu’il s’agisse d’un individu ou d’un Empire, d’un enfant d’Adam, d’un enfant de Jacob ou d’un chevalier?
Des générations adamiques, des tribus de Moïse, des fiefs de la Chrétienté?
Jean-Charles Pichon