II
Les Grecs :
PLATON
Le texte
Pour la génération divine, il y a une période qu’embrasse un nombre parfait. Pour celle des hommes, au contraire, c’est le plus petit nombre dans lequel certaines multiplications, dominatrices et dominées, progressant en trois intervalles et quatre termes, arrivent finalement, par toutes voies d’assimilation, croissance ou décroissance, à établir, entre toutes les parties de l’ensemble, une correspondance rationnellement exprimable.
La base épitrite (de ces opérations), accouplée à cinq, multipliée trois fois, fournit ces deux harmonies, dont l’une est faite d’un nombre également égal et de cent pris autant de fois, alors que l’autre est faite, partie de facteurs égaux, partie de facteurs inégaux, à savoir de cent carrés de diagonales rationnelles de cinq, chacun diminué de un, ou de cent carrés de diagonales irrationnelles, diminuées de deux, et de cent cubes de trois.
C’est ce nombre géométrique tout entier qui possède une telle vertu, de commander aux bonnes et aux mauvaises naissances, et quand, par ignorance, vos gardiens accoupleront à contretemps des jeunes femmes à des jeunes hommes, il en naîtra des enfants qui ne seront favorisés ni de la nature ni de la fortune (République, VIII, 546 a-c).
Numériquement, les deux harmonies sont donc telles :
a) un nombre inconnu mais quantique, c’est-à-dire défini par son quantum, comme 12, en tant qu’Unité, n’est que 12 fois son 1/12 – multiplié cent fois,
b) une succession de facteurs égaux : 100 X 3³ = 900 et une succession de facteurs inégaux, que Platon tente d’égaliser par les deux calculs : 100 carrés de diagonale 5, c’est-à-dire de surface : 12,5, puisque, selon le théorème de Pythagore, C² + C² = D² et que la surface égale C². A 1/12,5 près;
ou 100 carrés de diagonales irrationnelles, non définies, à 2/x près.
Le nombre approché est ici : 12,54 X 100 = 1 254.
Harmonique de 1 254 + 900, le nombre inconnu ou parfait des générations divines est alors 2 154, aux approximations humaines près. Mais, jouant des 3, des 4, des 5 et des 12, le nombre ne peut être que 2 160, à 6/2 160 ou 1/360 près.
Le 1/3 de 2 160 est 720,
le 1/4 de 2 160, 540,
le 1/5 de 2 160, 432 ou 216 X 2.
Le 1/12 de 2 160 est 180 : le quantum du nombre « tout entier ».
L’addition des deux successions humaines peut s’écrire :
5/12 + 7/12 = 12/12,
au lieu de 900 + 1 260 = 2 160.
L’appareil se présente sous la forme numérique :
Ce sera ce nombre, 2 160, que retiendront la plupart des platoniciens : Cicéron, Ptolémée. Quant aux astronomes, de Hipparque à Kepler, leurs propres calculs les conduiront à des nombres divers, plus proches de 2 160 ans chez Hipparque, plus proches de 2 150 ans chez Kepler.
Je remarquerai que, si l’on choisit pour « nombre des générations divines » 2 154, le 1/100 en est 21,54, et sa « base épitrite » est la racine 21,54 : 4,64,
en sorte que le nombre harmonique est : 4,64 X 4,64 X 100.
Or, ces deux nombres fondamentaux : 4,64 et 2,154, présentent des particularités remarquables, à ma connaissance uniques.
L’un est – en absolu – le carré de l’autre, à l’infini :
0,464 X 0,464 = 0,2154,
4,64 X 4,64 = 21,54,
46,4 X 46,4 = 2 154, etc.
Mais les puissances de 2,154, à l’infini, donnent une série répétitive des 3 nombres : 2 154, 464 et 1 (ou 10 en ses puissances) :
2,154 X 2,154 = 4,64,
4,64 X 2,154 = 10,
10 X 2,154 = 21,54,
21,54 X 21,54 = 46,4,
46,4 X 2,154 = 100,
100 X 2,154 = 215,4,
215 X 2,154 = 464,
464 X 2,154 = 1 000, etc.
Si bien que le calcul de Platon n’est pas seulement valable pour l’ère précessionnelle de 2 154 ans, mais pour bien d’autres temps, ésotériques ou non, telles les successions scientistes utilisées en biologie et dans l’étude des ondes hertziennes entre autres : 10², 10³, 10⁴,10⁵, etc.
Il se conçoit sans peine pourquoi le philosophe, s’il n’est pas mathématicien, se scandalise d’un tel texte, et en souffre s’il honore Platon : il préfère le passer sous silence, ainsi que quelques autres nombres, non moins ridicules (5 040, le 4ème démon, 360).
Une réponse à ce philosophe risque d’être plus longue et plus confuse qu’un simple commentaire mathématique[1]. Elle ne peut se fonder que sur l’œuvre entière de Platon, et particulièrement les trois ouvrages où interviennent des nombres : la République, le Politique, le Timée.
Mais, d’abord, il faut expliquer la quadrilogie « nouvelle » que dénomme le texte cité : l’assimilation, la désassimilation, la décroissance et la croissance. Ce ne peut être sans dire quelques mots des deux siècles qui séparent Ezéchiel de Platon.
Les précurseurs
Tout l’ésotérisme des tribus s’est fondé sur deux réalités (successivement et simultanément) : leur répartition, zodiacale, élémentale ou cardinale d’une part, leur peuplement ou malédiction temporelle.
Mais la Justice réelle, matérielle, a été la fusion de cette répartition et de cette dynamique dans une seule entité : le Foyer, le Clan, la Phratrie, la Tribu, d’où le maudit était exclu et les restants re-répartis, soit comme Siméon et Lévi en Un (les Frères), soit comme Joseph en Deux (Ephraïm et Manassé).
Hors de la Justice, une telle fusion n’est plus réalisable, puisque les Tribus n’ont plus de sens défini et que les Clans ont disparu d’Egypte, sont menacés dans l’Inde, n’existent plus en Grèce.
Quand naît Platon, les Eléates, puis les Sophistes n’ont cessé, depuis un siècle, de disserter de la figure (localisable) et du mouvement (cohérent ou incohérent) comme d’entités contradictoires, antinomiques.
Les partisans de la Figure en sont venus à ne plus croire qu’aux sensations (particulièrement la Vue), c’est-à-dire au reflet, qui double le modèle, à l’image, à l’idole. Les partisans du Rythme en sont venus à ne plus croire qu’aux sens vectoriels, que doivent révéler des lois ou principes applicables à chaque cohérence.
Les fondements de la dialectique platonicienne, ainsi, sont les deux sens : sensoriel dans le visible (la voie de l’Opinion), rythmique dans l’invisible (la voie de la Vérité).
Parménide est l’auteur de la distinction entre Opinion et Vérité : c’est assez dire laquelle des deux voies il choisit.
A l’inverse, Héraclite affirme que « nous nous baignons et ne nous baignons pas dans le même fleuve », car, si le fleuve en soi est toujours le même (la Vérité de Parménide), les eaux, en leurs figures, y sont toujours diverses. Si les lois nous ramènent à l’éternel retour, les figures nous font accéder aux mondes de la métamorphose.
« Et les âmes, ajoute-t-il, s’exhalent de l’humide ». C’est-à-dire que les figures s’exhalent du sec.
De -500, l’époque de Parménide et Héraclite, à l’époque de Platon, d’innombrables philosophes ont répété le premier et proscrit la Figure au nom de la Vérité. Moins nombreux mais plus géniaux, cinq ou six mythologues ont poursuivi leur quête dans la voie de l’Ephésien : Pythagore, Diotime, Empédocle, Socrate. Ils ont multiplié sans fin les figures de la métamorphose et annoncé le dieu futur, soit sous sa figure de Poisson (Pythagore), soit par la loi nouvelle qu’il viendra instaurer : la Sympathie d’Empédocle, l’Amour-daïmon de Diotime et de Socrate.
Entre les deux sens, Platon ne choisit pas. Il voit clairement que la voie savante se résout en sophisme. Car l’enchaînement nécessaire (de la cause à l’effet) est une vue de l’esprit, et c’est ainsi que, successivement, les Eléates ont pu démontrer que tout naît de l’Eau ou du Feu ou de l’Air.
Mais la voie de l’Opinion n’est pas plus sûre. Car elle permet de constater les choses mais non d’établir entre elles le moindre enchaînement logique. En outre, ce qui est constaté n’est pas nécessairement ce qui est. Dans l’apologue de la Caverne, Platon compare les voyants à des gens enfermés, enchaînés, dans une grotte où passent des ombres qu’ils prennent pour les ombres de leurs gardiens. Mais ce ne sont que les ombres des figurines que leurs gardiens promènent au-dessus d’un mur.
Ni Parménide ni Héraclite, du reste, n’ont ignoré la relativité de leur doctrine propre. Pour ce qui est, au-delà du dicible ou la cohérence, ils s’en sont remis à la déesse virginale, dominatrice à leur époque. Si Parménide met son propos dans la bouche de la déesse, c’est à l’Artémis d’Ephèse que Héraclite dédie son œuvre.
Mais Platon n’adore pas la Vierge morte et qu’il sait éclatée en déesse matérielle, toute livrée au profane (l’antique déesse de Terre), et la spirituelle, peut-être porteuse du futur daïmon. Son dieu est l’antique dieu des combats, Arès, dont il fait le dieu du Bien : Eros, toujours archer mais dont les flèches touchent au cœur.
Or, en l’Arche, l’Archer est aussi le dieu du Nombre, et le dieu de la direction, du Sens, en tant que Sagittaire : Celui qui envoie (la flèche ou le messie).
Pour Platon, la Dialectique se fonde sur ce Nombre, dissociatif ou associant, qui permet de situer les figures, et sur ce sens ou Direction, progressif ou dégressif, croissant ou décroissant, qu’il nomme, conjointement, l’Idée, tout à la fois figure, puisque localisable, et rythme cohérent : métaphore et vérité.
De ces deux directions numériques,
a) l’une mène du monde sensible des figures au monde éternel des lois (toujours exprimées par des nombres),
b) l’autre mène du monde cyclique des lois à la succession des figures, que les nombres permettent aussi de localiser.
Si les figures se multiplient, par désassimilation, les directions perdent de leur cohérence (et, surtout, cette seule direction qu’a proclamée une loi particulière, telle que la loi de causalité). La loi ne se vérifie plus.
Si les figures se raréfient, par assimilation, les nombres retrouvent une cohérence (parfaite quand la figure ne se distingue plus) et la loi se vérifie.
Les deux directions numériques dès lors se présentent également comme axées de l’Unité vers le Multiple, ou du Multiple vers l’Unité; ou de l’Invisible au Visible et à l’inverse; ou du Même à l’Autre et de l’Autre au Même, etc.
Dans tous les cas, l’intervalle « moyen », dialectique, s’impose comme une 3ème voie ou dimension. Par exemple, l’Etre et le Non-Etre sont présents à tous les degrés de la pensée (cohérente ou non) et de l’espace (discernable ou non). Ou bien : le devenir n’est nulle part sans matière, ni la matière sans devenir. L’intervalle moyen (l’Instant) situe le point où les contraires : le passé en figure et ou possible s’équilibrent, non plus dans l’espace mais dans le temps.
Aux 4, devenus des termes ou limites, de l’association, de la dissociation, de la croissance et de la décroissance, s’adjoignent les 3 intervalles ou dimensions, que Platon nomme toujours le Vrai (de la loi), le Beau (de la figure), mais aussi le Bien : l’accord ou l’équilibre.
Si, cependant, Platon parle souvent des 4 Termes et des 3 Dimensions, il ne s’en explique pas davantage, sinon confusément. Car le Vrai n’est lui-même qu’une des Idées dont la somme dialectique est le Bien; et les 4 seuils ou termes de l’Harmonie ne sont pas autre chose que des passages (ouverts au saut) du Vrai au Bien, du Bien au Beau, du Beau au Vrai ou à l’inverse.
Après avoir longuement tenté de définir les 4 par les Eléments, puis par des volumes réguliers : Terre = Cube, Air = Octaèdre, Feu = Tétraèdre, Eau = Icosaèdre, Platon renoncera à toute figuration des 4 qui ne soit circulaire ou sphérique (dans le Timée).
Le 1er appareil : mathématique
Les nombres « nuptiaux », des générations divines : 2 154, et des générations humaines : 1 254 et 900, ont hanté Platon toute sa vie. Après avoir tenté de leur donner une base mathématique dans la République, il tentera de leur donner une base cosmologique dans le Politique, puis d’en créer une figure géométrique, dans le Timée.
Comme ces œuvres s’échelonnent entre -368 et -361, dans la pleine maturité du philosophe, il faut bien croire que les nombres représentent l’essence même de sa philosophie.
Le plus difficile est assurément de concevoir comment ils sont venus à sa connaissance. De même que la Vision d’Ezéchiel, il se peut qu’ils lui aient été imposés, par intuition, puis vérifiés par l’expérience ou confirmés par diverses théories.
Mais, sinon ces nombres mêmes, les rapports qui existent entre eux ont pu être le fruit d’une recherche mathématique, dont le nombre 5 040 nous livrerait la clé.
En effet, établissant numériquement sa Cité des Idées, Platon écrit que « les chefs de l’idéale cité sont au nombre de 5 040 ».
Or 5 040 est le nombre de combinaisons obtenues avec 7 composants :
1 X 2 = 2 combinaisons,
1 X 2 X 3 = 6 combinaisons,
1 X 2 X 3 X 4 = 24 combinaisons,
1 X 2 X 3 X 4 X 5 = 120 combinaisons,
1 X 2 X 3 X 4 X 5 X 6 = 720 combinaisons,
1 X 2 X 3 X 4 X 5 X 6 X 7 = 5 040 combinaisons.
L’inversion de ces nombres donne la série des factorielles inverses qui, à l’infini, rend compte de la durée d’un corps radioactif et que Platon semble prendre comme le terme de toute Durée :
1/1 + 1/2 + 1/6 + 1/24 + 1/120 + 1/720 + 1/5 040, etc.
Ce terme est (e-1) ou 1,718 à l’infini.
Platon ignore le nombre e-1 mais il connaît la fraction 12/7, équivalente (1,714), obtenue dès 1/5 040.
Si je donne à l’Unité la valeur : 1 260 = 7/7, 12/7 = 2 160 et la série des factorielles inverses, moins l’Unité, vaut : 2 160 – 1 260 = 900.
Corrigés de 12/7 à e-1, ces nombres seront : 1 256 + 904 = 2 160.
Il suit que, des deux nombres humains, l’un, 1 254 exprime l’Unité (l’être en soi) ou la période harmonique où l’Etre se manifeste et se révèle, et l’autre, 900, nombre la durée matérielle de cet Etre, dans une harmonique divine de 2 154 = 1 254 + 900.
Mais que se passe-t-il dans l’intervalle entre 1 254 et 900?
Ou, si l’Unité d’un homme s’accomplit en 125,4 ans et si durée est de 90 ans, que se passe-t-il, au-delà de sa mort, dans les 35,4 ans qui restent?
Pas plus que le commun des mortels, Platon ne peut répondre à cette question. Il dirait que son propos n’est pas la vie de cet homme-là, mais la vie d’un dieu, sur 2 154 ans.
Le 2ème appareil : cosmologique
Qu’est-ce que la vie d’un dieu pour l’humanité, sinon le temps où ce dieu se manifeste, se révèle et dure?
Sur un peu plus de 2 000 ans, le Créateur avait régné, sous la forme zodiacale ou matérielle du Taureau, du 5ème millénaire au 3ème; puis, sur un peu plus de 42 générations de 49 ans selon les juifs, le Justicier achevait son cours, comme de -2 100 à 0, sous la forme zodiacale du Bélier ou matérielle de la justice tribale.
Platon invente le nombre 2 154.
Mais il sait que, sur ce temps, 1 254 ans ont formulé et révélé le dieu, à travers les 12 figures (4 X 3) et 900 ans contiennent sa dégénérescence, à la fois par la multiplication dissociative de ses figures et la décroissance de ses œuvres ou de ses tribus.
Il y a donc un temps où les Idées adviennent, s’organisent, se réalisent et un temps où elles dégénèrent, perdant de leur cohérence à cause de leur dissociation.
Si le premier temps est celui des figures mythologiques, harmonieuses, unies et désunies, le second est celui des lois, de la nécessité que nous nommons durée et où les phénomènes n’opèrent qu’en un seul sens, de la cause à l’effet, du passé à l’avenir, selon les lois.
On sait que Platon nomme « Cercle de l’Autre », le monde des figures, où s’opposent la même chose et la chose contraire, selon que les figures sont associées ou dissociées; et qu’il nomme « Cercle du Même », le monde des lois ou de la science, où la même cause produit toujours le même effet, dans l’Etre même.
Il imagine que, lorsque Dieu commande (le temps de la Hiérarchie et de l’Ordre), un rapport constant s’établit entre la même figure et la figure différente, dans l’Autre. Alors, l’humanité accomplit l’Etre, par la Création, la Justice ou l’on ne sait trop quoi encore, qu’Empédocle a nommé la Sympathie et Diotime l’Amour.
Lorsque Dieu et les dieux s’absentent, s’éloignent ou abandonnent, seule la nécessité des lois commande, que les Hellénistiques bientôt nommeront Tyché, la Fatalité. L’homme a l’illusion, ou peut-être le pouvoir de régir seul sa destinée, qu’achève nécessairement la mort.
Platon a donné le nombre : 1 254 à la première période et le nombre 900 à la seconde. Entre les deux périodes (1 254 – 900 = 354) quelque chose s’instaure, qui n’est pas l’harmonie divine de l’ancien dieu et pas encore l’harmonie divine du prochain; ni la figure dépassée (le Passé) ni le devenir encore seulement probable (l’Avenir).
La Loi permet le passage. Elle en inverse le sens, car elle ne connaît pas le temps réel (du devenir au devenu) mais seulement le temps inverse, rationnel (du passé-cause à l’avenir-effet).
C’est ce passage rationnel que Platon veut établir numériquement mais aussi cosmologiquement, puisque le rationnel a besoin d’une explication, d’une causalité.
Il écrit, dans le Politique : « Cet univers, le nôtre, tantôt la divinité guide l’ensemble de sa marche et conduit l’ensemble de sa révolution circulaire; tantôt elle l’abandonne à lui-même, une fois que la révolution atteint en durée la mesure qui sied à cet univers; et il recommence alors à tourner dans le sens opposé, de son propre mouvement ».
Le sujet du chapitre où s’inscrit cette phrase est l’inévitable passage de la Royauté à la Polis à un certain moment de l’Année ou Ere que nous appelons « précessionnelle », passage qu’ont marqué, à la fin du 6ème siècle, les disparitions du Roi dans la Rome étrusque, dans Juda libéré, à Sparte et dans bien d’autres lieux légendaires ou non. Mais, ayant raconté longuement l’Histoire de l’humanité « depuis les origines » et montré qu’un même rythme, infiniment plus vaste, préside aux renouveaux et aux effondrements des civilisations, Platon signale « quelle lourde faute il a commise en rattachant ce rythme à deux espèces d’homme : le royal et le politique », car le propos va bien au-delà.
S’il est notable dans la destinée de tout Etat et dans le cadre de l’ère de 2 154 ans, il l’est également dans des périodes plus longues (la Grande Année de 12 ères) et des périodes beaucoup plus courtes, telles que l’année solaire ou le jour de 24 heures.
Dans tous les cas, semble dire Platon, une Unité de temps étant déterminée et la durée totale trouvée, aux 12/7 de cette Unité, un renversement se produit dans la période qui sépare l’Unité, 7/7, de sa lente destruction, 5/7. Cette période vaut évidemment 7/7 – 5/7 = 2/7.
Dans le cadre de l’Etre, elle vaut :
1 254 ans – 900 ans = 354 ans.
Ce décompte n’est pas donné dans le Politique, mais dans le Timée : il y est précisé que le nombre du renversement n’est autre que le nombre commun aux révolutions des 8 corps célestes : le Soleil, la Lune, la Terre, Mercure, Venus, Mars, Jupiter et Saturne, c’est-à-dire, ces deux dernières révolutions étant considérablement plus longues que les autres, le nombre commun aux révolutions de Saturne et de Jupiter.
Selon les estimations contemporaines, la révolution de Jupiter s’accomplit en 11 ans et 265 jours, celle de Saturne en 29 ans et 166 jours. Au temps de Platon, ces estimations étaient un peu moins précises (ou les révolutions des deux astres différentes) : elles correspondaient à peu près à 12 ans pour Jupiter et 29,5 pour Saturne.
12 X 29,5 + 354[2].
Le 3ème appareil : ludique
Relativement précis dans sa formulation mathématique, le 2ème appareil cependant ne se laisse pas aisément représenter ni concevoir.
Si, en effet, le temps se retourne au terme d’une certaine période (les2/7 de l’Unité), est-ce à dire que, pendant cette période, les vieillards vont rajeunir, les enfants redevenir fœtus et les fœtus néant? Non seulement Platon le suggère, mais il ne craint pas de décrire minutieusement l’impossible phénomène (impossible selon la loi) : sur des millénaires dans le cadre de la Grande Année, sur des siècles dans l’Ere précessionnelle, sur des années au cours d’une vie d’homme, sur des mois dans l’année, sur des heures dans le jour, la lumière, la nature, la puissance de l’esprit, le dieu qui la dispense, Dieu qui contient les dieux se restaurent, se régénèrent, contre toutes les lois savantes.
On voit bien qu’il en est ainsi dans le jour de 24 heures, dans l’année de 12 mois. Il peut s’admettre qu’il en soit de même dans certaines existences animales ou humaines, mais comment le concevoir au-delà, à l’échelle de l’humanité?
Puis, ce mystérieux temps de renversement, où le prendre? Si je soustrais les 354 ans des 1 254, une période de 900 ans (1 254 – 354) s’ajoute à la période dégressive de 900 ans, et le nœud de renversement se situe entre la renaissance et le déclin. Si j’ajoute le nœud aux 900 ans de déclin, le plaçant entre le crépuscule et l’aube, il ne tient plus en l’éclatant Midi de l’ère mais en son Minuit.
Enfin, si je suppose deux nœuds, aux antipodes du temps, il me faut soustraire non pas 360 ans de 2 160 (ou 354 de 2 154), mais deux fois 360 ans. Je ne joue plus des nombres : 1 260 et 900, mais des nombres : 900 + 360 + 900 + 360, sur 2 520 ans et non plus 2 160, etc.
Mais, surtout, je ne fais pas comprendre comment, dans un cercle défini, tel celui des 24 heures, jouent en réalité deux cercles : l’un, de croissance et de décroissance de la ténèbre, l’autre de la croissance et de la décroissance de la clarté, car ces deux cercles ne sont qu’un.
Le Timée tente de répondre à ces questions. Il y parvient de deux manières : par la démonstration géométrique et par l’invention d’une mathématique nouvelle. Mais, à y regarder de près, la démonstration et l’invention ne sont que des jeux.
a) le jeu géométrique. Les deux cercles du Timée ne sont qu’un en même temps que tangents et inscrits l’un dans l’autre. Ils sont aussi sept cercles (pour dix divisions), et l’on comprend que tous les commentateurs du texte y perdent leur grec.
Pourtant, comme toujours, Platon est d’une précision extrême dans la description de sa « machine ».
Le premier cercle est constitué d’une bande (d’étoffe ou de papyrus) retournée et collée en ses extrémités l’endroit contre l’envers.
Si je partage cette bande retournée, que nous appelons aujourd’hui bande de Moebius, dans le sens de la longueur, je n’obtiens pas deux cercles, mais un seul cercle, double du cercle primitif.
Un nouveau partage dans le sens de la longueur me donne enfin deux cercles, inscrits l’un dans l’autre. Etc.
Ce sont ces deux circonférences que Platon nomme le Cercle du Même (ou de la science) et le Cercle de l’Autre (du reflet, de l’opinion droite), c’est-à-dire le Cercle de la Loi et le Cercle de la Figure.
Toute disposition des deux cercles dans la 2ème dimension ou le plan place l’un des diamètres en prolongement de l’autre, avec un chevauchement d’autant plus important que l’inscription sera plus prononcée.
Les précédents calculs de Platon ont donné les nombres : 900, 354 et 1 254 ou, en arrondissant aux nombres fractionnellement divisibles : 900, 360 et 1 260.
Pour un diamètre de 1 260, la partie inscrite du diamètre est 360 (CB) :
Si AD + 2 160, ou 12 X 180,
AB et CD égalent 1 260 ou 7 X 180,
AC et BD égalent 900 ou 5 X 180,
CB = 360 ou 2 X 180.
CB n’égale plus 2/7 de l’Unité 1 260, mais 2/12 de l’ensemble 2 160.
Ce n’est cependant qu’une des positions réciproques possibles des deux cercles.
Si le cercle circonscrit CD est toujours égal à lui-même (de diamètre 1 260), les deux parties du cercle inscrit AB croîtront ou décroîtront inversement l’une de l’autre. C’est-à-dire que, si AC décroît, CB décroît, et à l’inverse.
b) le jeu numérique. Dans le même Timée, Platon s’efforce de déterminer certains de ces emplacements privilégiés de C.
Il établit que, si A est en 1 (l’origine) et D à l’infini (Q/0), B se trouve nécessairement en 2 et C en 12/7 de la totalité ou 5/7 depuis A.
Il suit que, de B à D, les nombres clés seront toujours des nombres entiers, que Platon définit comme des puissances de 2 : 4, 8, 16, 32 ou des puissances de 3 : 9, 27, 81, etc.
Et que, de A à B, les nombres clés seront des racines de 2 et de 3, carrées, cubiques, etc.
Mais, naturellement, Platon ignore les puissances et les racines. S’il retrouve, comme par intuition, les nombres : 2, 3, 4, 8, 9, 16, 27, il ne peut qu’approcher les racines, par les fractions qu’il invente :
12/7 ou 1,714 pour racine de 3 : 1,732,
7/5 ou 1,4 pour racine de 2 : 1,414,
etc[3].
Si bien qu’un 3ème schème vient s’adjoindre aux deux précédents :
Que l’appareil fût apparu pendant vingt siècles comme le plus ridicule des Précis, cela n’a rien de surprenant. Mais, dans ce cas, sont ridicules de même les logarithmes de Neper, le nombre e-1, ou 1,718 comme terme de la série des factorielles inverses (comprise entre 1,5 ou 12/8 et 12/7) ou le nombre 2n2 = 8 pour n = 2 dans la double série des corps chimiques et des électrons orbitaux.
Pour le savant contemporain comme pour Platon, la limite différentiel/intégral est le nombre 2, et le spin 2 différencie l’électron localisable (fermion) de celui qui ne l’est pas (boson).
Quant au nombre 7/5, localisé aux 6/10 de la durée d’un électron (sur 12/7), il est encore sensiblement le point où apparaît la première résonance de l’électron entré en précession, c’est-à-dire le point de sa première néguentropie ou retour à la cohérence dans le cours normal de son entropie ou processus de destruction.
Il faut cependant reconnaître que de telles recherches ne sont pas le propos de Platon que, dans le Timée, anime l’esprit de jeu et non de science.
On le constate par l’étrange série de nombres qui conclut sa quête et que personne n’a su expliciter :
1 9/8 81/64 4/3 27/16 243/128 2 3 4 8 9 16 27 32 64 81
Il est remarquable, ici, que, si la série des nombres entiers se compose de puissances de 2 et de 3 (ainsi, naturellement, que des puissances de 4), les fractions comprises entre 1 et 2 établissent une série de rapports entre puissances, mais cette série n’apparaît pas comme régulière, si bien qu’elle a pu ne pas être remarquée.
Mon hypothèse, fondée sur l’obsession platonicienne de découvrir un rapport constant entre 3 et 4, est que :
a) dans un premier temps, Platon a tenté d’établir une succession régulière entre les puissances de 3 et les puissances de 4, telle que :
et il a découvert qu’elle était décroissante.
b) dans un deuxième temps, Platon a tenté d’établir une succession régulière entre les puissances de 2 et les puissances de 3, telle que :
3/2² = ¾ = 0,75, 3²/2³ = 9/8 = 1,125, 3³/2⁴ = 27/16 = 1,687
et il a été surpris de la découvrir croissante,
bien que deux nombres au moins fussent communs aux deux séries :
3³/4² = 3³/2⁴ = 1,687,
3⁴/4³ = 3⁴/2⁶ = 1,265.
En établissant son étrange série autour de 4/3 = 1,333 :
1 9/8, 81/64, 4/3, 27/16, 243/128, 2,
il établit de fait une série telle qu’elle est progressive en valeur, de 1 à 2, mais progressive, inversée, puis de nouveau en termes de puissances :
Si la bande de Moebius supprime l’antinomie de l’association et de la dissociation (puisque le partage du cercle en 2 redonne un seul cercle), le rapport des puissances de 3 et de 2 abolit l’antinomie de la croissance et de la décroissance : il rend évidente, au plan mathématique, la possibilité d’une inversion de sens entre 1,265 et 1,687 dans le cadre d’un sens unique, celui de la progression.
Celui qui a permis ce double prodige n’est ni le dieu du Même ou du Rythme, ni le dieu de l’Autre ou des Figures; c’est une troisième entité, le dieu de la Création, de l’Imagination, du Jeu, que Platon nomme le démiurge, puisque, en -360, l’ancien Créateur taurique n’est plus que ce démon.
Les 3 et les 4
Nombrer le prodige est une chose, le définir philosophiquement une chose toute différente. D’une certaine manière, toute l’œuvre de Platon se résume en cette prétention.
a) Le Politique et les Lois traitent du Cercle du Même et montrent comment les civilisations, puis les humanités se détruisent et se recréent, comme la nuit détruit et recrée le jour.
b) La République, Le Banquet, le Phèdre décrivent comment les Figures se succèdent, s’associent et se dissocient, d’une Idée-dieu à l’autre, dans le Cercle de l’Autre. Ces œuvres également annoncent le futur : l’Amour de Diotime et de Socrate, en même temps qu’elles attestent que le Renouveau a commencé de retentir, aux 5/7 de la durée du Justicier (Iové ou Iavé, Amon, Brahma en d’autres lieux).
c) Le Timée est par excellence l’étude de la voie troisième, celle du Créateur déchu et qui n’est plus qu’un Joueur, car partout s’annonce la « mort » du vieux Taureau, Mardouk, Apis ou Bêl, dont seuls les chaldéens gardent la nostalgie.
Quant aux œuvres mineures : Gorgias, Menon, Phédon, Parménide, Sophiste, etc., elles tentent le plus souvent l’impossible synoptée des 3 et 4.
S’amusant à recenser les grands thèmes de Platon, Diogène Laërce remarquera que :
1) 3 sont :
les conseils, les biens, les contraires, les mauvaises administrations, les bonnes administrations, les arts, les civilités, les bonnes rhétoriques, les mauvaises rhétoriques, les âmes (intelligence, instincts, volontés), les beautés (esthétique, pratique, conforme), les musiques, les justices, les savoirs, etc.
2) 4 sont :
les voix, animées (articulée ou inarticulée) et inanimées (le son musical, l’écho),
les choses divisibles (homogènes ou hétérogènes) et indivisibles (l’en-soi et la relation),
le Bien (ce qui possède la vertu, ce qui est la vertu, les possessions ou utilités, les arts publics),
les discours : ce qu’il faut dire, comment, à qui et quand,
les bonheurs : la santé, le bon sens, la réussite, l’approbation, etc.
Mais Laërce ne tirera rien de cette confusion, et d’autant moins qu’il réduit certaines quadrilogies à des dialectiques doubles ou associe certaines de ces dialectiques à des trilogies toutes différentes pour en tirer le nombre 5.
Il ne saura pas voir que :
s’il y a 3 sortes d’âmes : intelligence, instinct, volonté, il y a quatre sortes d’intelligences, quatre sortes d’instincts, quatre sortes de volontés;
s’il existe 3 Idées : le Bien, le Beau, le Vrai, chacune se subdivise en 4 termes.
Si, au contraires, les Voix sont 4 : animée articulée, animée inarticulée, le son musical et le bruit, il y a 3 musiques : vocale, instrumentale, mitigée, etc.
Les vertus sont 4 : sagesse, justice, courage, tempérance, mais les sagesses sont 3, et de même les trois autres vertus.
Platon ne perd pas de vue les 12, qu’il ne nomme jamais.
Comment les nommerait-il?
Nous l’avons vu définir les 3 par les 3 dimensions humaines ou par les 3 temps : devenu, devenir, instant, mais aussi par le Même ou la loi, l’Autre ou la figure et « l’intervalle confus, originel, où rien n’est approché que par l’imagination, le rêve ou le jeu ». En même temps que dimensions ou lieux, les 3 ne cessent jamais d’être les 3 Idées que Platon nomme le Vrai, le Bien et le Beau.
De même, chacune de ses approches lui a révélé une quadrature différente : a) nuptiale ou d’accouplement : l’association/la dissociation, la croissance/la décroissance, b) cosmologique, dans le cercle – le Même – des révolutions planétaires : le 1/2, le 1, le 2, le Zéro/infini, ou 6/12, 12/12, 12/7 – 12/6, 12/0 – 0/12 : les termes; c) ludique et telle que les termes se concrétisent en jeux (Mania) : le Vertige qu’il attribue à l’antique Héra taurique, l’agon ou le Combat, domaine du dieu de Feu, léonin ou solaire, l’aiea ou l’Aléa, domaine du dieu d’Eau, Héphaïstos ou Toth, et le mimecry, à la fois le Travesti et le Mime, domaine de Dionysos.
Ces quatre dieux ont constitué l’antique panthéon de Sumer : la Vache ou Dame de la Montagne, le dieu solaire ou souverain Bêl, le dieu de l’Eau profonde Enki-Apsu et l’Arbre Kish-kanu, première figure de Bacchus-Dionysos. Ils sont les composants élémentaux – à l’Origine ou dans le Devenu – du Créateur taurique Mardouk, le démiurge du Timée.
Or, il est clair que les 4 Jeux constituent une quadrilogie équivalente aux 4 Termes, mais ceux-là appréciés dans l’univers du Beau ou dans le passé mythologique, ceux-ci conçus dans l’univers du Vrai ou de l’éternelle mathématique, assimilables aux Nombres du Pentateuque, tels que les 4 Cardinaux. Enfin, les 4 de la République : association/dissociation, croissance/décroissance reconstituent une semblable quadrilogie, mais vécue dans le devenir : la future République où s’épanouira le Couple (les deux moitiés du fruit).
Il peut se montrer de même que les 3 dimensions du temps, les 3 univers ou domaines et les 3 Idées ou Vertus ne recomposent, éternellement, qu’une identique trinité.
Mais il s’en déduit que, pour atteindre à l’ensemble de tous ces ésotérismes, les 12 ne suffisent plus. Car les 12 dieux du panthéon ne distribuent les 4 dans les 3 que sous l’angle mythologique, ludique ou de l’imagination; les 12 nombres, de 1 à 12, ne distribuent les 4 dans les 3 que sous l’angle mathématique ou scientifique, dans le Vrai; les 12 dialectiques déductibles des 2 dialectiques nuptiales (les 24 combinaisons issues de 4 composants) n’établissent la répartition des 4 que sous l’angle dialectique, à venir ou du Bien.
Comme dans Ezéchiel, les 12 (4 X 3) sont devenus 36 (12 X 3), en attendant de s’affiner en 144 (36 X 4).
On cite parfois la plainte de Platon, dans le Timée, qui semble témoigner d’une démence sénile, touchant « le 4ème rebelle, qui ne se laisse annexer au mélange des 3 que par force ». Mais on cite moins volontiers son admirable aveu, dans la Septième Lettre :
« Il n’y a de moi aucun écrit sur les choses principales et il n’y en aura point. Car, sur ces choses-là, on ne doit pas s’exprimer en termes d’école, définis, comme en d’autres enseignements ».
Ces choses-là, dit-il, on ne s’en approche point par le raisonnement, mais on y est porté à de certains moments par la Flamme qui éclaire tout. Cette flamme, naturellement, est celle de l’antique dieu-lumière Arès ou Wra, devenu Eros, l’Envoyeur du Messie. Saint-Augustin et les augustiniens entre autres s’en souviendront pendant huit siècles, faisant de Platon leur second maître (immédiatement après les Evangiles).
Le philosophe, pendant quatorze siècles, honorera en Platon le maître incontesté de la logique mathématique; et l’ésotériste, pendant vingt siècles, le maître des jeux.
Les successeurs : Aristote
Mais d’abord – et longtemps – le Jongleur des Idées restera incompris; ses disciples, les platoniciens, seront chargés de tous les péchés (d’Amour) : pédérastie, amour lesbien. On les décrira comme des paresseux, malpropres et ignorants, quand ce ne sera pas comme des insensés. Son école, l’Académie, sera plusieurs fois sans maître et, finalement, dissoute, submergée par la gloire grandissante du Lycée, l’école d’Aristote.
Quand Platon meurt, en -347, sont élève a déjà commencé de poursuivre dans un tout autre sens la quête du socratique. Aux jeux naïfs du Maître, il oppose la saisie concrète de la science. Aux timides conseils de Platon aux tyrans, il oppose l’enseignement méthodique d’Alexandre, le nouveau maître du monde. Aux jonglages des figures et des nombres, il oppose la connaissance des lois.
Ce n’est pas que lui-même et ses élèves, les Lycéens, rejettent les découvertes de Platon : ils les exploitent et les inversent.
Par exemple, ils admettent les 4 sens de l’Etre : association, dissociation, croissance et décroissance mais ils refusent d’en faire des termes figurés. Ce sont les volumes et non les apparences qui s’associent et se dissocient, croissent et décroissent.
L’humide associe les volumes et les confond; le sec les dissocie et les oppose; la chaleur augmente les volumes, le froid les réduit : ce sont là des réalités.
Les 4 Qualités : sec, humide, chaud et froid, remplacent les anciennes figures ésotériques, mythologiques, élémentales.
Puis, il est vrai que tout ce qui existe comporte dans un certain rapport le sec (le minéral, la poudre sulfureuse) et l’humide (le liquide, mais aussi le métal dans la mesure où celui-ci est ductile et fusible, par la partie d’humidité qu’il contient). Si je considère un corps quelconque, comme un tel composé de sec ou d’humide, il est vrai que la part humide constitue les 5/7 de l’ensemble (0,71) mais c’est une coïncidence si ce rapport inverse les ± 12,54/9 de Platon et l’on ne saurait en déduire que l’unité du corps humain ou du globe terrestre est 1 + 0,71 ou 12/7.
Il est vrai que l’intervention soudaine du froid ou du chaud interrompt brusquement la croissance ou la décroissance des volumes, mais cela n’a rien à voir avec les deux sens du temps. D’ailleurs, le temps n’a pas deux sens mais un seul : de la cause à l’effet, du passé à l’avenir, et la mort est au bout.
Il est donc vrai que tout se recommence sans cesse, selon la Loi. Mais cette même Loi permet d’améliorer le bien-être de l’homme, d’accroître ses richesses, ses biens (le mot ne s’emploie plus qu’en ce pluriel) et de guérir ses maux.
Platon avait prophétisé le temps d’orgueil, le temps où le Cercle du Même domine sur le Cercle de l’Autre, mais avait-il prévu la part que prendraient dans ce retournement l’ancien démiurge et ses prêtres : les chaldéens?
Ils sont partout.
Alexandre lui-même a voulu être intronisé Grand-Prêtre de Mardouk ou de Baal, à Carthage, à Louxor, à Babylone même. Puisque Aristote fut son maître, on peut croire que cette obsession lui venait du disciple de Platon, en révolte contre l’Idéaliste.
Avec une habileté extrême, les chaldéens ont commencé par affirmer que le dieu futur – le Poisson – ne saurait naître que du dieu de Sumer. Bérose rappelle que le premier Poisson, Oannès, ancêtre de l’Ounis-Osiris égyptien, a été l’un des hommes-dieux de Sumer (qui connaissait, de fait, les 12). A Rome ne sont-ce pas les chaldéens qui imposèrent la Vache d’Empire, au temps de Servius, en même temps qu’ils y révélaient le dieu d’Eau : Hermès?
Mais, puisque les hommes s’éloignent des dieux (ou les dieux des hommes), ne parlons plus de panthéons! C’est la matière, de nouveau, qu’il convient d’honorer, une matière régie par la loi. Le chaldéen s’est fait technite : urbaniste, hygiéniste, médecin, physicien, constructeur de navires, architecte.
Quand il reconstruit ses villes, Ourouk et Our, détruites depuis dix-neuf siècles, vers -220, il est bien assuré de les reconstruire, cette fois, pour l’éternité.
Mais c’est alors que s’achèvent les 390 ans de dégénérescence prédits par Ezéchiel (depuis -598) ou les 360 ans de Platon (depuis l’apogée des 7 sages : -568) et qu’une fois encore, le temps se retourne, de la voie de la caducité à la voie de la renaissance.
Jean-Charles Pichon 1982
[3] On peut négliger 4 dans cette double suite : les puissances de 4 sont contenues dans la puissance de 2, et racine de 4 = 2.
[1] Si l’invention des nombres 900 et 2,154 demeure inexplicable, il est de fait que le nombre 12,54 n’a rien de mystérieux. C’est la circonférence ou la surface d’un cercle dont le rayon est 2. Après correction de π, seulement approché au temps de Platon : 3,1416 X 2R = 3,1416 X R² = 12,56. D’où le degré de liberté d’1 degré, au 1/360 du cercle.
[2] Bien que cette remarque soit tout à fait hors de propos, je ne peux me retenir de signaler qu’un homme au moins, l’abbé Trithème, a pris très au sérieux le calcul de Platon. Affinant le nombre 354 à 354,33, puis le transposant en 354,33 jours (l’année lunaire), il a prétendu en faire la base d’une succession du type : 1 X 2 X 3 X 4, etc., telle qu’elle embrasserait toutes les révolutions planétaires du système solaire. En effet : 88,58 (la révolution de Mercure) X 2 = 177,166 jours.
177,166 X 2 = 354,33. 177,166 X 2 X 3 = 1 063 jours, embrassant les révolutions de Mercure, Vénus, la Terre et Mars, 177,166 X 2 X3 X4 = 4 252 jours, embrassant au surplus la révolution de Jupiter; 177,166 X 2 X 3 X 4 X 5 = 21 260 jours ou 58,24 ans, embrassant toutes les révolutions connues au temps de Trithème. Ce que l’ésotériste médiéval ignorait, c’est que, en poursuivant le calcul : 177,166 X 2 X 3 X 4 X 5 X 6 donnent quelque 350 ans, une durée qui contient toutes les révolutions connues au 20ème siècle, y compris Pluton.