Biographie


Peu de générations d’écrivains ont été autant sacrifiées que celle des années 1950, prise entre les deux grands engouements de l’époque: l’existentialisme et le Nouveau Roman. Certains, après leur mort souvent, depuis quelques années connaissent une réhabilitation tardive: Vialatte, Calet, Guérin, Dhôtel, mais un grand nombre d’entre eux demeurent ignorés, au nombre desquels il faut compter Jean-Charles Pichon, l’un des trois ou quatre romanciers les plus brillants, les plus insolites de l’Après-guerre.

Né en 1920, engagé en 39 dans la Marine Nationale, ce novateur en tous domaines, créateur de deux journaux à la Libération, relanceur du Théâtre de Poche, metteur en pages, reporter, rédacteur en chef du « Citoyen du Monde », sera en 1958, le scénariste et le dialoguiste des premiers films de Franju, de Mocky, de Gérard Oury, mais aussi et surtout l’auteur de ces romans inoubliables: « Il faut que je tue M.Rumann »(1950), « Sérum et Cie » (1952), « Les clés et la prison »(1954).

Puis c’est le rejet, l’exclusion, « l’exil », comme il l’écrit lui-même.

C’est que cet homme polyforme est également prophète: il a prédit, dès le lendemain de la guerre, la condamnation de Staline et le futur triomphe de De Gaulle, la guerre d’Algérie, le réveil de l’Islam; dans les vingt ans qui suivent, toujours « un peu trop tôt », il prédira des conflits au sein de l’Islam, l’après maoïsme, la révolte de la jeunesse, la mort de De Gaulle, à sa date, le court règne de Pompidou, l’avènement des deux Puissances qui se partagèrent alors le monde, etc.

Si bien qu’il suffit de lire ses premiers écrits, des éditoriaux du « Patriote de l’Ouest » au « Citoyen du Monde », de « La liberté de décembre » (1946) à « Joseph Maldonna » (1961), pour connaître notre histoire, toujours de cinq à dix ans à l’avance.

Cette constante prémonition s’ajoute aux conditions précédentes: existentialisme et Nouveau Roman, pour expliquer « l’exil » qui le frappe à partir de 1968. Personne – les décideurs moins que tout autre – ne tolère d’être constamment « dénoncé ».

L’exil est long, un quart de siècle, que Pichon vit dans les pires conditions, la plus extrême misère parfois, en des campements toujours provisoires, dans la Nièvre, dans les Cévennes, l’étranger. Mais il continue d’écrire et chaque livre qu’il parvient à publier aggrave son cas – car il ne cesse d’avoir « raison », contre le rationalisme le plus étroit qui soit. I l ne compose plus de romans ou de scénarios, mais un ouvrage immense, bien plus redoutable.

Illustration Pierre-Jean Debenat

L’une des plus importantes du siècle, son œuvre ésotérique ne semble pas avoir connu un destin moins étrange que le sien. Il s’agit de plusieurs dizaines d’ouvrages, pour la plupart épuisés, que leurs éditeurs n’ont pas réédités depuis une trentaine d’années, bien que leurs tirages aient atteint, sinon dépassé, les cinquante mille exemplaires.

Les éditions « e-dite » reprennent le flambeau depuis quelques années, rééditent certaines œuvres et publient des manuscrits jusqu’à présent inédits. Certains de ces livres content l’histoire – jusqu’alors jamais écrite – de l’humanité et de ses dieux, à travers les études précises des religions, des sectes, des sociétés secrètes et des prophètes.

D’autres traitent des cycles ou de l’algèbre des mythes, à travers les grandes œuvres et les grandes traditions des peuples.

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