LE GRAAL – IV – Les mises au point de l’objectif

IV

Les mises au point de l’objectif

 

L’Evénement est une Grande Image. L’un et l’autre disent à l’observateur comme les choses apparaissent ou disparaissent. Car JE n’en est pas le maître : il ne peut dire par quoi cela se fait.

J’ai rêvé, cette nuit, un songe qui revient souvent. Celui d’un Livre dont l’élaboration a nourri des centaines de rêves; je l’ai songé comme désir, puis comme besoin, à travers ses fragments, hétéroclites (poèmes, nouvelles, études); je me suis vu l’offrant à divers éditeurs, en vain, car il était impubliable. Je l’ai caché, ici ou là, pour le dérober aux convoitises de mes ennemis.

Mais, cette nuit, après cinquante années de songes, je l’ai vu entier, publié, j’en ai perçu la récompense : une joie extraordinaire. Je l’ai feuilleté, relu, fragmentairement, car c’est un livre énorme : j’en ai admiré les figures nombreuses, combien diverses! Certaines semblent extraites d’un catalogue de mode, d’autres d’une manufacture. Ce poème est un catalogue, cet inventaire est un roman. Cependant, l’énigme en est autre.

En aucun rêve, je n’ai lu tout le Livre; le composant ou le feuilletant, je n’en ai distingué que des mots ou des figures, des phrases au plus, ou des images complexes. Mais il ne fait pas de doute pour moi que le Livre existe, quelque part : la plus infime partie témoigne d’une totalité. Quelque chose s’y conserve intacte d’un bout à l’autre : le JE qui l’a écrit — et ce n’est pas moi. Ce mystère, je ne peux mieux le comparer qu’à ces autres. Je regarde un arbre, en mon jardin, je ne vois que lui, mais je sais la place qu’il occupe dans l’univers, bien que je ne puisse dire, parfois, où est le nord, où est le sud en mon jardin. Tel croyant sait l’Hégire, le Coran et le temps que les Califes mirent pour l’ordonner, mais il ignore que le temps des Califes fut celui du « roi fait néant ». Tel autre historien sait tout des Dagobert et de Sigebert, mais il ne croit pas au Temps de Tous les Saints, la Toussaint. Un autre, théologien, sait et croit tout de la Vie des Saints ou des Légendes sacrées du 7ème siècle, des derniers conciles, des premiers papes-saints, mais il ne croit pas en la mort du Roi, il ne sait rien — ou presque — des commencements de l’Islam.

Cependant, l’univers existe, autour de l’arbre de mon jardin. Le 7ème siècle en soi fut ce temps incomparable, où le Souverain mourut (se faisant le Suprême, le dernier), où l’Islam se fonda, où l’Hostie sanctifia et guérit tous les êtres. Aussi sûrement que, dans la puberté, l’enfant se fait un adulte, en même temps que le crépuscule l’aube, ou l’agonie d’un dieu le point 0 d’un autre.

Le Livre — l’univers ou le temps — n’est jamais lu en son entier : il ne peur l’être, car il appartient à l’Autre Monde, au Rêve; il n’en existe pas moins, existant à ce point que nulle partie, nul fragment n’en peut être perçu (ou conçu) sans témoigner de sa Totalité réelle.

Or, le Livre est aussi l’objectif — et le seul — que se donnent tous les quêteurs, rationnels ou mystiques, scientistes ou religieux, bien qu’il ne soit jamais qu’enfoui au cœur d’un rêve : le songe éternel de l’humanité. Puisqu’il existe, ce Livre, et qu’il est l’Objectif, point n’est besoin, ni même souhaitable, d’en faire l’effet d’une cause, le produit d’un acte, et de chercher à sa quête des personnages, des acteurs (différents d’une quête à l’autre, nécessairement). Mieux vaut en chercher les moyens, les instruments : non pas d’une création, d’une connaissance, d’une semblance suspectes, mais de la mise au point de l’objectif.

 

La contradiction — La principale obscurité des quêtes provient d’une double antinomie.

L’acte de Gauvain est toujours un PAT, un passage à tabac, un acte de violence, qu’il s’agisse d’un combat ou d’une possession. L’acte de Galaad est toujours un choix, au carrefour, au passage à niveau ou PAN. Le premier prend, le second mise ou se mise. Mais aussi, 2 objets étant donnés, Je et l’Autre, Gauvain se doit toujours de les ramener à l’unique, par la victoire de l’un sur l’autre ou par la « prise d’amour ». Il semble que ce PAT doit être une pression, la plus forte qu’il se peut.

Les 2 objets, tout au contraire, (la droite, la gauche) naissent pour Galaad du carrefour, du PAN. Une pulsion parait les contenir : quand c’est à l’un de passer, ce n’est pas à l’autre. Le refus du combat, et de toute violence, fait que l’Orphelin, effectivement, attend ou passe : il n’interdit jamais aux autres de suivre leur propre destin.

a) Mais le monde de Gauvain est celui du récit, de la fable, où les évènements se produisent au hasard et dans la contingence; c’est aussi le monde des simultanés, où chaque objet, en somme, n’a qu’une position, une localisation particulière, sans rapport de causalité de l’un à l’autre. Mieux : le récit est ré-citation, répétition à l’infini des actes. S’il n’est plus de succession, tout acte ne peut plus que se reproduire sans fin. Comme, d’ailleurs, Gauvain reproduit l’Ancien Arbre, de l’Eden; ou bien la Table Ronde l’ancienne Table d’Emeraude, la Table de la Loi. Dire qu’il connait son héritage, comme noble et fils de Roi, c’est dire que son père, son grand-père, son plus lointain aïeul revivent en lui. Et les monstres mêmes qu’il affronte : le Dragon, la Sorcière, furent connus de Caïn et de Salomon. Car il ne vit que les archétypes du Conte; les 12 signes zodiacaux en bref : la Vierge, les Gémeaux, l’Archer (ou Sagittaire), etc., différemment localisés. Mieux : les PAT qu’il affronte lui demeurent des hasards; il peut y vaincre ou y être vaincu : dans une tradition très ancienne, antérieure aux Quêtes de Galaad, il est mort au cours d’un combat. Celui qui ne fait que prendre sait qu’il peut être pris : ni le guerrier ni l’amant ne sont toujours « en forme ». Une même pulsion fait la défaite de l’un ou de l’autre, après avoir fait leur triomphe.

b) A l’inverse, le monde de Galaad est celui du principe, de l’édification. Il parvient au carrefour mais n’hésite jamais. L’intuition est sans faille qui lui donne pour règle de passer ou de ne pas franchir la ligne pour l’instant interdite. Puis, quand il passe, il a choisi la bonne route, vers la gauche ou la droite, vers l’ouest ou l’est, sans cesser d’aller droit, et vers l’Orient, son But. Une pression singulière, intense, ne lui permet pas longtemps de dévier de sa route, jamais de son principe. Une disposition profonde (sa volonté?) lui permet, lui impose, de se jouer des positions, des localisations. Il n’est pas une figure que le mouvement contraint de changer d’emplacement ou de forme; mais il est un mouvement, qu’aucune figure ne peut contraindre à changer de sens, de direction.

Si un système de symbole physique — sa pulsion — arrête, et peut tuer, le Vieil Arbre, cette G.I., aucune image ou Grande Image ne suspend la marche du Nouvel Arbre, cette succession de symboles, ce système de symbole physique qu’est Galaad, en sa constante pression.

Comment donc s’y retrouver?

Les instruments — Les plus sages commentateurs du Graal, les Jung, Carl et sa femme, Madame Von Franz, répondent : par l’instrumentation des Quêtes, puisque, d’une part, elle apparait diverse d’une quête à l’autre, mais d’autre part, se rassemble en la Quête qui unit les instruments les plus divers. Ils nomment ces instruments ou ces outils : la Table Ronde, l’Arme : la Lance, l’Epée ou les Couteaux, la Coupe enfin, dont un jeu de mots fait tantôt le vase, le verre où l’on boit, tantôt le partage, la partition, le « tailloir ».

D’un bout à l’autre des Lectures, pourtant, ces outils ne sont pas les mêmes. Ceux de la Promesse : la Cène, la Lance qui pénètre le flanc du Christ, le premier Graal, qui recueille le sang, composent un outillage bien défini. Ceux de la Réponse, au Moyen Age, composent un outillage tout autre : le second Graal, vide, grée à chacun; la Table Ronde de Charlemagne (les 12 Preux) n’a que peu à voir avec la Cène, sinon les 12. Quant à la Lance, elle disparait des contes; les Couteaux (ou ciseaux) ont pris sa place.

D’un bout à l’autre des Actes, de Gauvain à Galaad, les instruments se modifient non moins. Dans le Château de l’Ouest, Gauvain encore distingue la Lance, mais le Sang s’égoutte dans les 2 coupes, et le chevalier ne comprend pas pourquoi, comme il ne sait le pourquoi de la grande épée brisée (annonce de la mort du Roi) ou de l’étrange Tailloir que présentent les anges : un plat que la Croix partage en quatre.

Pour Galaad, le tailloir est devenu l’Ecu, vierge de tout blason — puisque le bon chevalier n’est pas un noble — que partage une croix de sang.

Il ignore la Lance mais il a rassemblé les morceaux de l’Epée, ou une autre Epée — celle de l’Epopée ou de la Rhapsodie — lui a été remise, en un étrange fourreau, fait de guenilles vulgaires, que la Dame remplace par la plus belle des gaines, aux cent couleurs (et ce n’est pas sans user de l’aiguille et des ciseaux). Le Graal, ici, n’est qu’un : le trésor de Sarraz, en Orient, mais n’est-il pas une autre coupe : une Partition pareille aux 4 fleuves de l’Eden, ou aux 4 patriarches ou aux 4 évangiles?

Puisque chacun — chaque élément, chaque cardinal d’abord — y voit ce qui lui convient?

Un 3ème s’impose bien ici, mais ce n’est que le 3ème personnage, le noble orphelin, l’homme de la Promesse encore et de la Réponse déjà : Perceval. Car, par lui seul, l’énigme du Château est éclaircie, celle de Sarraz projetée. Entre la 1ère Table Ronde : la Cène, et la dernière, celle des Preux, il ne connait que celle d’Arthur, le vrai fondement de toutes les quêtes (clairement consacrée au Zodiaque). En son temps même, l’ordonnancement du Coran ne fonde-t-il pas l’Islam sur la Table Gardée : l’ordonnancement des Signes et des Constellations, des Serments et des Lettres?

Mais, surtout, avec lui s’introduit dans la Quête le 4ème instrument, ignoré de Gauvain — et d’ailleurs méconnu de Madame Von Franz — l’ancienne Arche de Noé, devenue la Nef.

Ce moyen de transport, brusquement apparu, modifie tout l’ensemble. Il impose le contingentement à ce qui parut une contingence, il autorise le schème :

Gauvain : la Lance, l’ambiguïté des coupes,

Au cœur : la lance, mais les ciseaux, la nef et le tailloir,

Galaad : la nef et l’autre coupe (la partition).

Quelque chose demeure d’un terme à l’autre : la Table Ronde; quelque chose s’est transformée au point d’en être méconnaissable : la Coupe; quelque chose modifie et se modifie, comme la Lance en Ciseaux, par l’Epée brisée, puis par les Couteaux; quelque chose sauvegarde, conserve intact, d’un lieu à l’autre : la Nef.

La Nef triomphe du PAT et de sa pulsion. Elle impose au dernier voyage une pression irrésistible, vers l’Est, comme l’Amour, le Poisson, le fait à tout carrefour.

A l’inverse, les 2 coupes, l’épée brisée ou le tailloir ont dit les diverses pulsions du PAT, moins assuré qu’il ne le prétend, car il est le bien (la correction) et le mal (la violence, la cruauté), ou la victoire ou la défaite, au hasard des rencontres et des conflits.

L’Arme fait du PAT un carrefour, un PAN : quand c’est à l’un de passer, le bien ou le mal, le victorieux ou le défait, ce n’est pas à l’autre. Le passage à niveau n’a pas un autre objet que de rappeler cette loi.

La Nef fait du PAN, du carrefour, un PAT; la pression, du vent, de la marée, qui la meut (et le principe, qui la dirige) ne lui permet que cet objet : Sarraz.

Il y eut donc un objet cohérent ou impénétrable, que la Table illustre — et que l’Arme pénétra (la lance) avant de la partager (par les couteaux). Il y aura donc un objet vide, le cercle final, que les ciseaux ont divisé avant que JE puisse y boire : le Coupe.

La Table, l’Arme, la Nef, la Coupe ne figurent pas seulement la quadrature du Graal. Elles en figurent le Signe, le Seuil et l’Appareil double : les deux voies, du noble et du roturier, de l’homme de la fable et de l’homme du principe, de l’homme du PAT (esclave de ses pulsions) et de l’homme du PAN, que son existence ou son besoin (une pression toujours) dirige dans le bon chemin.

Les instruments imposent un recensement spatial : vers l’ouest, vers l’est, ou bien une « retombée », de la Promesse à la Chute, une « édification », comme du Défi à la Réponse. Mais le jeu n’est pas moins d’un ordre temporel.

La voie de Gauvain procède du plus lointain Passé, par les générations de rois et de princes qui l’animent, mais c’est vers un « devenir », qu’il est — le devenant — bien plutôt qu’il ne le veut, car il est sans principe.

La voie de Galaad le porte vers l’Avenir (l’avenir même de l’homme-je), mais il n’a pas de Passé, seulement ce « devenu » qu’il est en cet instant et ce lieu, hic et nunc.

Si le premier se meut du Passé vers le devenir, le second se meut du devenu vers l’Avenir, par la fable celui-là, le principe celui-ci, justifiant tous les deux l’affirmation scientiste, mais aussi rationnelle : nul ne chemine jamais que d’hier à demain, ou de la cause vers l’effet.

Il reste que Perceval établit le chevauchement (au cœur même de la Table) : il est ce devenir que porte un long passé, puisqu’il est noble, mais aussi ce devenu, où commence, à l’inverse, l’action de Galaad. Il n’est que du devenir ou devenu, comme l’Acte même, car : je bois ce verre, je l’ai bu, je ne l’ai pas bu avant de pouvoir — ou devoir — le boire. Le principe seul prétend qu’il se meut dans le sens inverse, de la cause devenue à l’effet en devenir.

Mais il est ce principiel, ce rationnel aussi. Et ce sont les deux voies (d’enchâssement et d’édification alors) qui le tourmentent en son ermitage, puisqu’il ne peut décider entre les deux chemins. Celui qu’en fait, le roi fait néant implique, et celui auquel incite l’espérance du Verseau.

JE dit que ce drame ne fut point particulier à Perceval : Adam, puis le Peuple l’ont connu.

Les quatre mises au point — Considérons l’objet comme un simple objectif : un arbre dans le jardin, une table dans le salon.

Pour le voir tout entier et bien, il faut nécessairement que JE en soit assez proche pour le considérer en tous ses éléments, et assez loin pour le considérer dans son ensemble : le jardin ou le salon.

Si JE en est trop loin, il lui faut agrandir l’objet avant d’en découvrir les composants. Si JE en est trop proche, il lui faut réduire l’objet pour le considérer en son domaine, son contenant. Les deux actes s’obtiennent par une mise au point de l’objectif, en tournant, simplement, vers la droite ou la gauche, l’appareil en question : longue-vue ou microscope.

Mais si l’objet se meut ou mue, il ne sera pas suffisant de le réduire ou de le grandir pour le bien voir. Il me faudra le reconnaître (le même) en des places différentes, ou bien, tout au contraire le discerner différent (comme la particule ou le bacille changent dans un milieu donné).

Il n’est de lecture de l’objet, ainsi, qu’au travers de ces 4 facteurs : sa cohérence, son partage, sa maintenance, sa transformation. Et c’est pourquoi les 4 définis comme approches privilégiées du Graal : la Tale, la Partition, la Nef et les Couteaux, ne sont pas seulement les instruments de la Quête, mais — à peine modifiés — ceux de toutes les Grandes Images.

1) Sans doute, la Table n’est pas toujours la Table Ronde. Elle put être la Table de pierre ou le Joût (le Jacût, fait de diverses couleurs, qui deviendra la livrée du roturier, du Jaque, ou le costume bigarré de l’arlequin). Mais il y eut un temps — très lointain, dans la Grande Image de l’ancienne Egypte — où la couleur fut le Vert, de l’espérance ou de l’herbe des champs. Cette Table d’Emeraude fut un Livre, le Livre de Toth, qui contenait toutes les vérités (comme l’Arbre du Bien et du Mal), parce qu’il contenait tous les Mots. Le Pentateuque se fonde sur la Table des lois, qui contient toutes les prescriptions requises, tous les principes — pour maintenir le Peuple en son élection. Parallèlement aux Tables Rondes des chevaliers, l’Islam possède sa Table Gardée, qui non seulement contient « tous les signes du ciel », les 12 du Zodiaque, mais également les tient et les maintient contre les œuvres du Découvreur ou du Démon.

Toutes ces tables existent de par leur cohérence et leur totalité. Leur fonction est de maintenir, de conserver, ou les formes des mots (les hiéroglyphes primaires) ou les couleurs, les lois ou les tribus, les apôtres, les imâms, les preux.

2) Tous les transferts que symbolise l’Arche, passages ou voyages, ne se font point par l’eau, le fleuve ou la mer, comme ceux des Noé sumériens ou bibliques, ceux de Jason ou d’Ulysse, de Sindbad ou de Galaad. L’arche n’est pas nécessairement une nef. Mais elle est toujours l’outil, le moyen qui transporte l’objet, sinon le personnage, le JE, d’un point à l’autre. En ce cas, il s’agit d’une Arche d’Alliance, dont la première fut, de l’Elohim à Noé, l’Arc même dans le ciel (symbole d’Air, alors) et dont l’ultime sera le cintre ou l’ogive des cathédrales, au 13ème siècle. La ligne courbe figure l’arc ainsi que l’ogive. Elle fait survivre, fût-ce dans le Ciel ou sur Terre, la courbure de l’Eau, de la Musique ou du Risque.

Le plus audacieux défi de Moïse, ou du dieu qui lui prescrivait les choses, Iahvé, le dieu de Feu, fut sans doute de faire un signe de Feu de l’Arche : le réceptacle de toutes les foudres, et dont le simple toucher frappe à mort l’ignorant. Mais, par ce défi, l’Arche d’Alliance relie la Nef de Noé à celle de Galaad, ou celle de Gilgamesh à celle de Sindbad, par les barques de Jason, d’Amon, d’Ulysse.

Quand la Nef entre en jeu dans les quêtes cisterciennes (Gauvain l’a ignorée), elle est donnée pour l’œuvre de Salomon, provenant tout droit de l’Arche d’Alliance : elle est faite du bois de l’Arbre édénique; en son cœur trône la Table de pierre, qui garde l’Epée emprise. Car l’Arche n’est rien d’autre que la préservatrice de la Table immortelle, elle-même protectrice de l’Epée invincible.

Mais, à cet enchâssement, de l’Arme dans la Table, et de la Table dans l’Arche (de la table des Lois dans l’arche d’Alliance) correspond le changement inverse, non plus resserrement mais la dispensation, non plus l’enchâssement mais l’édification.

3) Car l’arme ne pénètre pas toujours, comme la Lance, la Vis, le Tire-bouchon : il arrache d’abord, le couteau (la lame); elles fendent et coupent, les lames doubles : les deux couteaux, les deux moitiés de l’Epée brisée ou les Ciseaux.

Les ciseaux sont propres au Graal : les âges précédents ne les utilisent pas. Mais aucun n’ignora l’Arme : le couteau fut dans la main de Caïn avant d’être en celle d’Abraham. A l’arc, l’Assyrien du 3ème millénaire associait déjà le flèche (et le Livre d’Egypte, à la même époque, le Livre des deux chemins, associait la voie courbe, de Toth, à la voie droite de Râ).

Quand il pense « promesse » ou « conservation », JE évoque la table, sa cohérence, ou l’arche, qui conserve intact dans le parcours.

Mais il ne pense point « réponse » ou « change » sans évoquer la lancer, l’épée ou les couteaux. Si JE fait du délit l’acte du JE, il emprunte toujours ce symbole. Adam a tranché quand il a choisi l’Arbre de connaissance; ou les fils  de Jacob lorsqu’ils vendirent Joseph; ou Judas. Mais Caïn, ou le Peuple adorant le Veau d’Or, ou Lyonel, quand il essaie de tuer Bohort, ils ne choisissent, ils ne tranchent pas moins. Le « Tu ne tueras point! » d’Elohim, de Iahvé, de Jésus, brille au cœur de l’Histoire d’un éclat absolu, car tous ces dieux ne sont que le Dieu de Vie. Il n’en reste pas moins qu’en un cœur de l’Histoire, JE tue. Il commet le délit et ne peut pas ne pas le commettre : le Souffle, la Vierge, le Roi sont morts, tués par Celui même qui proscrivait le meurtre.

Tous les prophètes le disent : que serait ce dieu-là sans l’orage, la foudre, l’Arkhon qui fut son père (« Celui qui m’envoie », dit Jésus). L’Ange au glaive flamboyant de l’Eden interdit, le Buisson de Feu, le nouvel archer/Eros ornent ou défendent le dieu, quel qu’il soit. La justice partage non moins que la Création, et l’Amour comme la Justice (par la préférence). Un dieu désarmé, que serait-il?

4) L’Arche conserve la Table, mais l’Arme la pénètre ou la partage, la détruit. Le dernier instrument est donc cette coupe même, cette partition en quoi l’Arme partage la Table. C’est toujours une croix dans le cercle. Le blason de Gauvain, l’écu partagé de Galaad, mais aussi le partage de l’Eden entre les 4 fleuves, du Vent/souffle par les 4 Vents, du Peuple entre les Cardinaux, des Chevaliers par l’Est et l’Ouest, la retombée et l’édification.

Les 4 se retrouvent toujours quelque part, qui ne sont, plus clairement, que les 4 instruments : la Table, de terre, l’Arche, d’eau, l’Arme, de feu, la Coupe, d’air.

Elle n’est pas toujours, cette coupe, l’urne, le vase, le Graal plein ou vide. Elle peut n’être que le Partage même, la partition (du blason, de l’écu, de la table, du morceau de musique). Mais ce blason, cet écu, cette table partagée, cette fugue, ils sont ce qui permet de poursuivre l’œuvre, et d’abord la lecture du Livre, fragment par fragment, quantum par quantum, cadran par cadran — et cela, même quand JE ne peut plus saisir l’Ensemble, comme par les sciences de la Raison. Il s’agit toujours d’une croix.

Le délit ou les 3 — Dès la Promesse/Défi, dès le début, l’étonnement! Les fleuves sont 4, les patriarches, les évangiles ou les califes qui ordonnèrent le Coran. En fin de compte, les instruments ou les moyens ne sont que ces 4 aussi : la Table, l’Arche, l’Arme et la Coupe.

L’étonnement naît de là : que penser de ces 4 (Cardinaux, Eléments ou Jeux) alors que les personnages s’offrent comme innombrables, péniblement réduits aux 12, aux 6, aux 3? Plus étrange : les personnages sont différents, d’une G.I. à l’autre, JE ne peut reconduire cette écriture (hiéroglyphique) à une autre (la phénicienne, la grecque) sans une série d’équivalences, plus ou moins approximatives, telle que celle que constitue le double lexique, un dictionnaire de traduction. Peut-être que « love » dit la même chose que « amour », mais ce peut être « like ». Peut-être que l’aleph juif est l’alpha grec, bien qu’il s’agisse de tout autre chose.

Or, les moyens, outils ou instruments, révèlent bien cette concomitance entre les G.I. différentes, successives, comme de la Création à la Justice, de la Justice à l’Amour, etc. Mais il se trouve que JE les reconduit difficilement aux 4. L’Arche peut être de Feu, bien que la Nef soit d’Eau et l’Arc-en-ciel de l’Air.

La table est pierreuse, terrestre, mais Toth en fait « le trésor au fond des mers », car la Connaissance est rythmique, comme l’Eau. La Coupe porte un breuvage, une nourriture dionysiaque, bien qu’elle soit aussi — et d’abord, peut-être  — une partition. Que penser d’une arme qui tantôt pénètre et puis libère, comme la lance pénètre la chair et dispense le sang, tantôt coupe et partage, comme les deux couteaux, les ciseaux?

D’une autre manière — la bonne? — les instruments ne sont que ces 3 : un signe, immuable, que porte le vocable; un seuil non moins certain : maintenance ou changement; un appareil, de A vers B ou de B vers A : la conservation, la redite, l’éternel retour, ou l’autrement, le change, à l’infini. La fable et la sentence, le conte et le principe, l’enchâssement et l’édification.

De la Table à la Croix, ou bien du Cercle aux deux perpendiculaires fut le chemin de Galaad (mais la Table n’était alors que d’Emeraude, le Jakût) et Galaad lui-même un roturier, un Jaque. D’où, l’écu, partagé mais sans blason particulier, de l’adulte et de l’arlequin. Comme du défi à la réponse. DE la partition (et de la Croix du Christ) aux diverses tables rondes, ou de l’est à l’ouest furent les péripéties du voyage de Gauvain (et des Apôtres, avant lui), comme de la promesse au défi.

Au mot Délit, le vieux français et de nombreuses techniques maçonnes encore prêtent ces deux sens :

a) toute face d’une pierre autre celle sur laquelle elle reposait dans la carrière, c’est-à-dire toute face découverte;

b) le joint, recouvert alors, entre des feuillets, d’ardoise par exemple.

En ces sens, étrangement, le « découvert » comptable n’est pas moins un délit que le « recouvrement ». Mais que peut être une lecture, sinon ce dévêtement : une épellation, le commencement d’une compréhension, ou ce revêtement : une révélation de la chose cachée, à la fin?

Quel plus grand défi peut-il y avoir que de faire des deux lectures contraires des délits?

Mais peut-être, plutôt, le délit, ici et là, n’est-il rien qu’une erreur. Dans une lecture A, l’erreur est le recours aux seules faces distinctes, apparentes, de la pierre, ou bien aux 3 côtés découverts du carré. Cette épellation ignore la 6ème face ou le 4ème côté : le Fondement de l’unique : pierre ou carré.

Dans une lecture B, le joint qui unit les 2 feuillets ou les 2 plaques, 3ème facteur, fait de l’ensemble : le bloc d’ardoise, une unité factice ou illusoire; il interdit de distinguer clairement les composants du bloc.

Le 1er délit est celui de Gauvain ou de la Fable : la contingence d’évènements prodigieux ou magiques, apparemment déliés (car leur fondement, caché, fut la promesse, la race ou l’élection — une distinction encore — enracinées dans un lointain passé).

Le 2ème délit est celui de Galaad, son Principe, qui rassemble au départ des éléments épars, de tailles et de couleurs, quelquefois, différentes.

A la 1ère erreur, la seule réponse possible est l’arrachement qui, séparant la pierre de la carrière, en révèle le 4ème côté, ou la 6ème face, et recouvre en effet l’impair (3 côtés ou 5 faces) par le pair : 4 ou 6. Cet arrachement est le PAT, l’action violente ou le combat, auquel le chevalier noble doit enfin recourir.

A la 2ème erreur, le seul remède est le détachement, d’une feuille après l’autre : le 3ème facteur, le joint, s’élimine dans l’acte, il ne reste dans la main que les 2 feuilles détachées. Comme au carrefour, dans le PAN, se découvrent les 2 voies, sinon les 4.

Néanmoins, les deux remèdes ou réponses, l’arrachement, le détachement, ne sont jamais que des déliements : l’autre délit. Par la violence Gauvain, par le partage Galaad n’ont fait que se distancer de la Promesse première : le Graal chrétien. D’où, les 2 Coupes de Gauvain, le noble, et d’où le second Graal : la coupe/partition du roturier.

Par cet arrachement, l’enfant quitte l’enfance, le féerique, la fable. Par ce détachement, l’adulte ne cesse de fuir, de carrefour en carrefour, jusqu’à cette entropie, cette dissolution auxquelles doit mener l’analyse scientifique, puis la complexification scientiste du Rationnel.

Or, le vocable : délit porte le double sens : le défi de l’erreur, le déliement de la réponse. Il se présente comme homonyme, porteur des sens contradictoires.

Mais aussi les deux vocables : les apparences d’une part, le joint de l’autre, contiennent un seul sens : le délit. Et, de même, l’arrachement et le détachement portent ce sens unique : le déliement. Les lectures de l’objet (A et B) d’une part, les actes de Gauvain et de Galaad de l’autre peuvent être des synonymes, comme délits les premières, déliements les seconds.

Puis, la lecture, sa faute, et l’acte, son déliement, se retrouvent liés, comme l’image et le symbole physique, en la G.I. et le S.S.P., au cœur des lectures et des actes, en Perceval, sinon au cœur de Perceval : son ermitage. Car, hic et nunc, précisément, le Perceval ermite ne sait plus où est le bien, le mal, le bon, le mauvais. A la limite : où est la faute, où le châtiment; où le défi, où la réponse. Fuyant à la fois l’arrachement et le détachement, l’Ermite rejette à la fois le Poisson de l’Evangile et le Gré sarrasin, pour faire du Graal « l’Obscure connaissance de soi-même ».

Livré au choix, l’adolescent ne peut plus choisir, ni entre les lectures, car il sait que l’une et l’autre sont des erreurs : l’irrationnelle, la rationnelle, le conte et la sentence, ni entre les deux actes, tous deux des déliements, par la violence ou le partage, l’arme ou la partition.

Il est pourtant cette Monture : montage/coursier, cet enchâssement d’une part, cette édification de l’autre, que reconstituent sans cesse les 4, outils ou instruments, moyens.

Les acteurs et les moyens — JE le voit nettement : les personnages sont synonymes. Dans un espace/temps donné, comme dans le millénium chrétien et islamique : les Apôtres d’une part, les Chevaliers de l’autre : ces vocables sont différents, discontinus. Pour les joindre, il convient de les traduire les uns en les autres, par un lexique commun, le 3ème facteur (toujours les 12 signes du Zodiaque).

Mais aussi d’un ensemble à l’autre, comme les 12 Fils ou Tribus, dans l’ère de Justice, aux 12 Apôtres ou Chevaliers dans l’ère d’Amour, le 3ème facteur, le joint, est nécessaire.

C’est encore le Zodiaque, puisque Apôtres, Chevaliers, Preux de Charlemagne (Imâms aussi) sont 12.

Au contraire, les moyens, outils ou instruments, sont homonymes. Les mêmes vocables, aux sens multiples, se retrouvent ici et là : de la Promesse à la Réponse dans l’ère, ensemble, de l’ère de Justice à l’ère d’Amour, différemment.

Ce sont toujours : la Table — les tables rondes du Graal (de la Cène à Charlemagne); ou la Table d’Emeraude ou la Table des Lois; l’Arme, qui pénètre ou arrache, la Lance, ou partage, les Ciseaux, dans le Graal; ou le couteau et les Couteaux depuis six mille ans au moins, depuis Caïn jusqu’à Galaad, par les couteaux du Sacrifice biblique.

Et ce sont toujours l’Arche — depuis l’Arc de Lancelot jusqu’à la Nef de Galaad; mais aussi le 1er signe d’alliance, l’Arc-en-ciel de Noé, au sortir de son arche, et le dernier : l’arche de Moïse, qu’on dit d’alliance.

Et la Coupe, toujours présente : celle où l’on boit (le Fruit de l’arbre, la coupe de Bacchus, de Dionysos, de Ganymède, de Josèphe d’Arimathie) et celle qui présente partagé le plat, le tailloir, l’écu, la partition toujours, depuis les 4 Eléments ou les 4 cardinaux.

Si la Coupe est délit (la faute, la coulpe, qui avoue le coupable), l’Arme est la cause de cette coulpe-là : les ciseaux de la coupe. Mais, si la Table garde et préserve, se donne pour la loi, c’est l’arche/nef qui la déplace sans la changer, immuable en tous les parcours.

L’homonymat des instruments est comme une mer que ne peut briser aucun îlot, comme une campagne que n’interrompt aucun village. La synonymie des acteurs fait de plusieurs villages les séjours des mêmes hommes, que distinguent pourtant leurs religions, leurs races ou leurs ethnies. Les tribus habitent cet îlot du temps; les chevaliers celui-ci, que seul un principe (des Droits de l’homme, par exemple) peut équivaloir — ou traduire, d’un langage, d’une religion, d’une race dans l’autre. Mais tous, ici ou là, utilisent la table, l’arme, l’arche et la coupe; car, tous, ils ont besoin d’un fondement, du PAT, du PAN et du partage (qui leur permet de se nourrir).

Parmi d’autres G.I., cet îlot, ce village, le Graal met l’accent sur les personnages (comme d’autres îlots avant lui); il ne peut, néanmoins, ignorer les outils, les instruments que ces acteurs utilisent. Ils le reconduisent à l’éternel, à l’universel qu’est l’Etre Même, dont l’un fera l’Océan, l’autre la Terre — et d’autres, peut-être l’Espace ou le Temps, l’Air ou le Feu.

Reste à savoir, ou distinguer ce qui se passe, ce qu’il advient hors de l’îlot ou du village, hors du foyer ou de la forme céleste (que l’un dira planète, un autre étoile, celui-ci un trou noir, celui-là un nuage).

En-deçà ou au-delà que deviennent les personnages et les outils, les acteurs et les moyens?

Le goût de la symétrie dans la contradiction porte à croire que les moyens y seront apparents, dans une diversité donnée pour telle, mais que la symétrie des personnages y sera plus secrète, cachée. C’est ce qu’il convient de démontrer, par l’étude des fables et des principes qui ordonnent ou désorganisent la grande terre ou l’océan de l’Alchimie. Entourant l’île ou le village du Graal, JE doit admettre, d’avance, que l’Alchimie précède le Graal (comme l’enfant précède le père, ou la seconde génération la première) d’un grand nombre de siècles : les douze siècles (0/1260) n’y suffiront plus.

Il se peut même que le Graal ne soit que li milieu, le centre, le cœur, de l’alchimie. Contenu en elle, après être apparu, de tant de lectures et de faits, promesses ou réponses, évènements ou actes, l’obscur contenant.

Quant au scandale divin : le transfert ou le change de Promesse en Défi, il n’est rien que l’évolution du dieu A au dieu B, si je joue de plusieurs cycles divins, de plusieurs îlots ou villages dans la mer ou le pays du Temps :

— du Créateur taurique (de l’Eden) au Justicier bélique : « Tu ne toucheras pas à l’Arbre ». Réponses : le crime de Caïn, le prodige de Cadmos, les créations de Nemrod — qui prolongent la Création bien au-delà de la Justice;

— du dieu de l’Alliance, bélique, à Celui qui impose le pardon à Jacob, à Joseph, aux tribus. Réponses : le châtiment des Benjamites par les Danites, puis par Juda (David), puis par les Lois, de Salomon, de Lycurgue, de Solon, qui prolongent la Justice bien au-delà de l’Amour;

— du Graal/nourriture au Graal/partition, de l’Ichtus au Paraclet, à l’Esprit Libre, au Verseau. Réponses : le retour au dieu du Pentateuque, l’Inquisition, la scolastique kabbalistique, les Croisades, etc.

La Réponse est essentiellement, principiellement, abstraitement, un retour, une maintenance à force du dieu antérieur, démontré, confirmé — et rationalisé — par vingt siècles d’Histoire.

Illustration Pierre-Jean Debenat

 

Jean-Charles Pichon

Publié dans Les Quêtes du graal | Laisser un commentaire

LES ALCHIMIES I – L’objectif des inversions

Deuxième partie

LES ALCHIMIES

 

Illustration Pierre-Jean Debenat

 

I

L’objectif des inversions

 

L’Or — L’objet de l’alchimie n’est pas le Graal, c’est l’Or.

Entre les deux objets, la contradiction éclate à tous les regards. Le Graal est un creux, fait pour être rempli, un orifice fait pour le déversement; ou bien une forme vide, inscrite, par la coupe, dans un plan et qu’il convient encore de couper, de partager pour en découvrir les secteurs, les parties, la partition.

L’Or est une excroissance, une pierre, un bloc, un monticule.

Le Graal, pourtant, nous a révélé ces délits : ce qui se voit, pareils aux parures, aux gréements, à la matière dont la coupe est faite — et ce qui se cache, la jointure des feuilles ou des niveaux, pareil à une défense (un parage), à un gré : ce qui convient à chacun. La Parade ou l’Agrégation, tout aussi bien. Pierre ou ensemble de paillettes, l’Or est cette parade ET cette agrégation. Un chevauchement d’aspects et de jointure géniale, en même temps que le fondement du bloc : la face cachée ou enterrée, ET les feuillets ou plaques inutilisables, une fois détachées. L’Or n’est pas les délits sans être leur remède.

Il suit que, comme le Graal de Perceval fut au centre de toutes les quêtes — en même temps que leur ensemble, depuis la Promesse de l’an 0 ou 30 jusqu’aux Réponses du 13ème siècle, l’Or/substance est au cœur de toutes les alchimies — en même temps que leur seul objet, depuis Démocrite à ce qu’on dit, vers -360, jusqu’à leur terme, vers 1800. Le milieu entre ces deux dates, leur moyenne, donnerait : -360 + 1080 = 1800 – 1080 = 720.

Mais nous noterons que les débuts de l’alchimie furent rationnels, bien antérieurs à la Promesse, et que ses fins furent rationnelles aussi, très longtemps après la formulation de la Réponse. Les alchimistes englobent le Graal : elles le débordent de tous côtés. Un moment, donc, elles ne font qu’un avec les quêtes, de 450 à 882 plus ou moins, d’Arthur à l’Occultation des Islamiques ou du début de la Grande Byzance à la fin réelle des Carolingiens, car Byzance se chercha d’abord, et les descendants de Charlemagne se survécurent, depuis 330 jusqu’à 930.

Le centre/milieu, le moyeu de l’Œuf, se situerait alors en : 882 – 216 = 450 + 216 = 666.

Plus précisément nous savons que ni l’après-Charlemagne (814) ni le temps de Justinien (mort en 565) ne furent le Royaume de Dieu, du dieu d’Amour. Ils ne pouvaient être le temps du Graal de Perceval ou de l’Or/substance. Sur ces quelque 244 ans (568/812), le moyeu-moyenne serait : 568 + 112, 812 – 112 = 650.

L’œuvre qui glorifie l’Or/substance fut celle d’Etienne, professeur de 610 à 641. Elle se situe probablement entre l’Hégire (622) et l’apparition de Sigebert (638), c’est-à-dire vers 630. Car, avant 622, l’Esprit n’a pas atteint son point 0 (d’origine), et, après 638, le Roi/Lion n’a atteint que le sien (son terme). 630 est, de nouveau, le moyeu/moyenne entre 0 et 1260.

Comme je ne peux parler du Graal sans traiter de l’ermitage de Perceval, je ne peux dire l’Or sans traiter de l’œuvre d’Etienne. Même si, dans le processus des alchimies, le moyeu/moyenne peut être toujours localisé plus loin, en 640, 666, 720, etc.

On notera qu’avant Perceval ou Etienne (l’ermitage du premier, l’œuvre du second), le Royaume de Dieu, la Toussaint (Tous des Saints) fut toujours située trop tôt : en 590 par le pape-saint Grégoire, au début du 6ème siècle par Augustin, en la mort d’Arthur ou par l’abolition des rites et des dieux païens (524), par les traditions celtiques et les conciles chrétiens, etc. Mais ni l’espoir, puis le désespoir des Attendants, ni l’étonnement, puis la nostalgie des survivants ne peuvent rien changer aux dates : 622/638. S’ils n’ont pas compris que le Royaume était le roi fait néant ou l’apogée du Christ le point 0 de l’Esprit, c’est évidemment que ces inversions sont proprement inconcevables pour JE. Le Verseau naît de la mort du Lion, qui est la seule victoire absolue du Poisson : une telle formule/code était inacceptable, et même pour ceux qui avaient su que l’Ichtus naît de la mort de la Vierge, la seule victoire, tragique mais proclamé de IAV.

Des hommes, pourtant, avaient admis et proclamé ce message-ci : Orphée, Akhenaton (après la mort de la Vierge aimée). Des hommes énoncent ce message-là : Mahomet, Cankara dans l’Inde, devant la mort certaine du Souverain.

Or, l’acceptation de l’Arrêt inévitable n’abolit pas seulement les deux délits de l’Etre : elle en énonce les solutions, les remèdes. Elle remplace la Promesse par la Réponse, en décrivant l’Objet en soi.

 

Etienne — Etienne est un autre Perceval. Ce n’est certainement pas un serf, car un serf enseigne rarement l’Ontologie; rien ne prouve qu’il fût un noble, puisqu’un prénom le nomme. Un prénom et une ville : Alexandrie, où il donna la plupart de ses conférences.

Homme de l’Ouest, sans doute de Rome, il a pu être l’un de ces moines que, vers 600, Saint Grégoire le Grand envoyait à travers le monde dans les 12 directions. Mais africain, il a, plus tôt qu’un autre, pu connaitre les débuts de l’Islam : l’existence du prophète de la Mecque et de Médine, que le reste du monde ignorait. Promené de gauche et de droite comme l’ermite chevalier, son langage est celui d’un Mage, d’un Apollonius de Tyane, en même temps que celui de Grégoire lui-même : exaltant mais sage, presque rationnel. Car son objet, l’Or/substance est l’objet/moyeu de l’alchimie, son Graal; mais, pas plus que la Coupe première, il ne peut être pénétré.

Impénétrable, il ne peut être que conté, comme une fable, ou décrit comme un cercle qu’on circonscrit. Comme toutes les œuvres de l’époque : le Coran, les premiers hymnes grégoriens, les Conférences d’Etienne, sur la nature de l’Or, n’ont que ce projet-là. Ce leur est assez que chanter, glorifier, adorer l’Indicible.

La 1ère conférence, fondamentale, se présente comme un chant de louange, de félicité qui serait également un traité de grammaire ou de géométrie. La nature de la substance, faite des 3 personnes, y est donnée pour « Une et Identique en toutes ses parties », engendrant et satisfaisant le Tout, immatérielle et tenant solide la matière, etc. Cette pierre ou ce bloc, pourtant, n’est pas au cœur du monde sans être l’univers, pareil à cette Maison dont Grégoire disait que les 12 fenêtres éclairent tout à la fois la maison par le monde (la lune et le soleil) et le monde par la maison : la lumière de la lampe ou du flambeau portés.

Quant aux autres conférences, il n’est pas si aisé de les traduire ou de les résumer, car elles traitent alchimiquement des corps constitutifs de l’Or, mais elles en traitent comme de formulations (ésotériques, géométriques) qui se trouveraient être des matières (impénétrables). Pire : elles ne disent pas la Forme et la Matière, que nous pourrions comprendre : elles parlent du genre et de l’espèce, deux notions que nul commentateur des Conférences ne se charge plus d’expliquer.

Autour du Nombre, magique, ou dans le Nombre, inexprimé mais que l’on peut tenir pour l’unité minima de l’Etre, les 4 ordonnent la Terta somia, où les 4 ne sont guère que les points cardinaux.

La branche verticale de la Croix se constitue d’étapes ou de marches, depuis celles de l’Empire (byzantin encore) jusqu’à celles de l’escalier. Ces niveaux, cependant, Etienne ne les donne pas pour des ères successives, car ils ne sont qu’en Dieu — hors du Temps — comme les Sephiroth de la Kabbale, les Fenêtres de Grégoire ou ces Manifestations de l’Un que les chiites de l’Islam, bientôt, vont découvrir dans le Coran. Etienne les nomme : epipédés, car ce ne sont que des pas circonvolutifs, chacun transporte l’ensemble qui embrasse les parties. Mais, généralités, comme ces ensembles, ils n’en sont pas moins des « gènes », constitutifs de l’Etre qu’ils ne peuvent que décrire, par quelque « génie » propre.

La conjugaison de ces divers vocables : généralité, gène, génie, donne le vocable : GENRE : ce qui contient l’espèce, selon les 3 Natures éclaircies depuis Boèce et, par-delà, depuis Bolos (vers 200 avant le Christ). Un peu comme l’ARN de nos biologies.

Différemment, la branche horizontale de la Croix s’institue et se destitue d’idées ou de concepts, qui furent d’abord des perceptions, des aspects (les faces visibles de la Pierre), et se révèlent à la fin comme des spécialités ou des spécificités, par opposition aux généralités : l’évidence, puis la notion d’Arbre, en regard de la forêt contenante.

Par ces vocables : aspect, spécialité, spécificité se formule le vocable : eidos, qu’Etienne définit tantôt comme un aspect, tantôt comme une idée, c’est-à-dire une ESPECE.

Le mot gardera ce triple sens depuis le 7ème siècle jusqu’à nous. Les espèces diront les aspects du Corps et du Sang, dans le Pain et le Vin; elles diront les parties d’un genre : le parallélogramme est une espèce du genre quadrilatère, le crocodile une espèce du genre des reptiles; elles diront une approche, un peu à peu ou à peu près du genre : ce conférencier est une espèce de professeur, ou ce beatnik est une espèce de clochard, etc.

Or, comme aspect, spécialisation ou mélange, l’espèce se fonde sur la ressemblance, l’équivalence, la même chose. Le pain est le corps, solide, le vin est comme le sang, liquide, c’est pourquoi je les identifie les uns avec les autres. Le crocodile a quelque chose de commun avec la couleuvre (vertébré, ovipare, etc.), c’est pourquoi j’en fais des parties de l’ensemble « reptiles ». Le conférencier vit des paroles comme le professeur, le beatnik vit de rien comme le clochard, l’un est donc une espèce de l’autre.

Au contraire, le genre, le génie, la généralité se fondent sur le nonpareil, la chose différente de toute espèce, que le genre la contienne, ou qu’il l’instaure ou que, simplement, il déplace, mue ou nomme autrement. Cette chose autrement n’est pas la partie mais l’ensemble, la généralité. Elle n’est pas l’effet (ce qui se produit après, naît du mélange), mais elle en est la cause, gène. Elle est incomparable, n’étant en rien semblable à ce qu’elle n’est pas.

Puisque l’Espèce se présente comme simultanée, ou dans l’ensemble, ou en même temps que le comparable, ou comme approche d’un genre, il suit que les Genres ne peuvent être que successifs : un système après l’autre — en ce temps, ce cycle, cette ère. Ce sont ici le successif qui se fait vertical : le genre, l’épipédés, et le simultané qui se fait horizontal : l’espèce, l’eidos.

Mais cette distinction va tout à l’inverse de celle de nos épistémologues (Hallyn), pour lesquels les simultanés seraient verticaux, les successifs horizontaux. D’où, notre difficulté — notre impuissance — à comprendre Etienne.

D’où, sans doute aussi, son refus d’expliquer : c’est ainsi, dit-il. Cela est la Pierre, cela est le Bloc — ou le Graal, le Temple, l’Eden n’est qu’ainsi, à l’inverse de toute analyse ou de toute pénétration.

Mais une autre conséquence de l’hymne-conférence, du « nombre étrange », de la Croix trinitaire, est cette énigme : du genre ou de l’espèce, lequel contient l’autre?

Comme aspect formel, l’espèce contient le genre (une généralité conceptuelle); mais, en tant que généralité, le genre contient l’espèce (le genre des reptiles l’espèce des crocodiles, ou les quadrilatères les parallélogrammes).

Etienne ne se soucie pas de ce contenant et de contenu, car le plus petit, le milieu-centre, est aussi le milieu-ambiance, le plus grand. Si la Table n’est plus ronde (elle peut être carrée), elle est toujours la Table d’Emeraude pour laquelle le plus petit est le plus grand.

Les 3 faces ou côtés visibles de la Pierre obtenus dans les 4 côtés ou les 6 faces de la Pierre Arrachée. Ou les 4 de la Croix (les feuilles détachées) contenus dans les 3 Personnes : l’Avant, l’Après, le « Hic et Nunc« …

Cinquante ans plus tôt, le problème a fini de se poser : il se posera de nouveau cent ans plus tard. Qu’en fut-il vers 570, avant l’avènement de Grégoire? Qu’en sera-t-il vers 720 ou 730, après l’avènement et le triomphe de Pépin le Bref, le premier des Carolingiens?

Nous le savons par l’œuvre du Chrétien, vers la fin du 6ème siècle, et par celle de l’Anonyme, au début du 8ème siècle. La Substance trône ici et là (déjà/encore), mais on la quête encore, on la regrette déjà : on l’entrevoit, comme une fable réalisable, on la connait et s’en souvient, comme d’un principe nécessaire. Du lieu ineffable le Chrétien s’approche; de l’Inexprimable, l’Anonyme a commencé de s’éloigner.

Il leur faut savoir lequel contient l’autre, du genre ou de l’espèce.

 

Le Chrétien et l’Anonyme — Ils ne sont pas mieux définis que par ces noms. La tradition ignore tout de l’un et de l’autre. Les meilleurs commentateurs (un Jack Lindsay) font du Chrétien un précurseur d’Etienne, de l’Anonyme un de ses disciples. Car le genre et l’espèce les hantent tous les deux.

Ils ont — mieux que tout autre — parlé du Dehors et du Dedans, mais surtout, de la Membrane, qui sépare l’un de l’autre. De l’entrée et de la sortie. On peut parier que saint Grégoire a lu le Chrétien, et que l’Anonyme connut le Coran.

Tous les deux tiennent à l’œuvre d’Etienne, par prémonition ou par exégèse : il leur suffit de vivre pleinement leur temps.

Dès le départ, il faut l’admettre, si déconcertant que cela soit : bien qu’il précède Etienne, le Chrétien ne l’annonce pas; bien qu’il suive le Conférencier, l’Anonyme n’est pas son disciple.

Le Chrétien est un disciple du dernier philosophe païen : Boèce (mort en 524). S’il traite du genre et de l’espèce, c’est d’une généralité (et de la spécificité, qui s’y oppose), ou bien d’un ensemble de parties (une totalité) et de la partialité, qui s’y oppose. Il parle souvent de l’Arbre et de la Forêt, mais à titre d’images et sans tirer de ces symboles l’évidence qu’ils imposent. Totalité, une forêt contient ses arbres, leurs espèces (bouleaux, chênes, etc.). Mais, en tant que spécialité, cet Arbre peut être pris dans la forêt ou s’élever seul, en dehors d’elle : il contient donc l’ensemble « général », duquel il peut sortir.

La grande révélation de Le Chrétien, ainsi, est que cela — l’objet — ne peut atteindre la totalité sans se faire l’unité, sa spécificité, la chose même. En tant que telle, la chose embrasse le genre, l’englobe — en même temps qu’autre chose (la non-forêt, la solitude), bien que la généralité (de la forêt) englobe toutes ses parties ou espèces.

Si le philosophe anonyme annonce, ce ne peut être Etienne, qu’il suit, au 8ème siècle, mais ce peut être Scot Erigène, qui œuvrera au 9ème siècle. Pour lui, le genre (Genos) et l’espèce (Eidos) détiennent des facultés distinctes, c’est-à-dire magiques. Au point que le genre est ce qui conserve une réalité (une physis) propre, ainsi que l’or, le cuivre et, donc, tous les métaux; l’espèce est ce qui imite, reproduit, ressemble et rassemble, comme la terre en ses aspects (rouge, ocre, jaune) ou, si l’on veut, les minéraux (l’or en est un).

Il n’hésite point, par suite, à dire le genre quadripartite : il comporte en soi les 4 éléments : la terre d’où il sort, l’eau que contient le métal, le feu qui l’évapore, l’air où s’ébat le phénix ressuscité. Quant aux espèces, elles obéissent aux 3 Natures : celle qui unit, celle qui divise, celle qui associe ou dissocie (coagule ou dissout).

En ce monde magique, le Serpent ou l’Hermès peuvent bien symboliser le Serpent qu’est la courbe, ou l’Hermès ambigu que protège le caducée : l’indissoluble union. Ce qui divise, partage — ce n’est pas sans disjoindre, déchirer, morceler — sera symbolisé par le Lion de la fable. Ils seront également, non moins clairement, l’Eau celui-là, le Feu celui-ci. Toute cette magie se retrouvera dans Erigène.

Boèce, Erigène — Le Chrétien a vécu l’effondrement des Justiniens, de la Byzance romaine; peut-être a-t-il connu Grégoire. L’Anonyme a vécu le début des Carolingiens, ou le triomphe du nouveau Moïse : Pépin le Bref, c’est-à-dire le 1er schisme de l’Islam et les 1ères défaites des Conquérants (Omeyyades).

Tous deux convertis, chrétiens, ils ont vécu dans le Royaume, la Toussaint, où le Graal a triomphé de tous ses adversaires : le dieu de Justice et le dieu de Création. Car, en ce Temps d’Amour, la force est abaissée, le code ridiculisé, les hindouistes et les brahmanes se font bouddhistes, les juifs se convertissent au Christ (les caraïtes), les Prêtres Jean dominent, même sur les déserts, de Mongolie ou d’Ethiopie. En Amérique du Sud, les Chimus, les Minimoltèques (Métèques) honorent le Poisson.

Mais Boèce ne vit pas encore dans le Royaume. Si l’Eglise l’emprisonne et le tue (en 524), c’est qu’il défend une croyance païenne, inacceptable. L’agent de l’Eglise, l’Empereur fait fermer tous les temples grecs et interdire tous les « mystères » anciens. Mais c’est à tort que, dans le Consolateur des Philosophes, l’église et l’empereur veulent voir un vestige des anciennes croyances.

Boèce est l’initiateur d’un système que tous les scolastiques utiliseront, que les Renaissants honoreront et que Kant reproduira, en la fin du 18ème siècle.

Car le système est rationnel. Mieux : il est le fondement de notre Raison. Lorsque JE cherche, dit Boèce, il se spécialise : ces espèces de savoir se nomment les Sciences, soit de l’Air : l’astronomie, soit de la Terre : la géométrie (qui deviendra la Topologie); soit de l’Eau : l’arithmétique rythmique, que la musique exprime au 6ème siècle; soit du Feu, que le nombre quantique formule exactement, car le Feu, comme le nombre en soi, est là ou n’y est pas : rien ne le prépare et rien ne le suit, à la différence du rythme, qui perdure ou s’atténue, de la surface que suscite la ligne, de la ligne que suscite le point, et bien sûr de la course des astres, existant ailleurs quand ils ne sont pas ici.

Mais, dit Boèce, ces spécialisations, ces espèces de recherches, de quêtes, ne seraient rien que des fantasmes sans les lois générales qui leur permettent d’être. Ces généralités, il les nomme les Arts, au nombre de 3. JE parle un certain langage pour soi : le Signe, dont la Grammaire opère le cens, le recensement : je parle latin ou franc. Je parle de quelque chose, rhétoriquement, d’une manière plus ou moins belle, ou tolérable ou non à la limite, au Seuil. Par ce Signe je parle en ce Seuil, et je parle pour Toi, qui m’entends ou ne m’entends pas, réponds ou ne peux pas répondre (si je parle latin à un Franc). Cette Grammaire, cette Rhétorique et ces Dialectiques sont des arts.

Il existe une grammaire de l’astrologie : son langage, le zodiaque, une rhétorique, liée à ce seuil : le cosmos que je crois être, cent dialectiques, savantes, innées, etc. Il existe une grammaire de la musique : le solfège ou l’harmonie des notes; un seuil à la musique, une limité, une clé; et une dialectique, car toute musique est faite de sa contradiction (les notes et la clé), mais aussi entendue ou non, etc.

La généralité des arts, contenue en toute spécialisation des sciences, prétend à contenir cette dernière, pourtant. Le savant n’aime point parler des arts qui le dirigent : il en fait des parties, négligeables, de cette science, la sienne. Il ne veut pas savoir que toute partie d’une totalité (l’arbre dans la forêt) est aussi la loi en soi, la plus générale, des Arts, dont est tissée toute science, toute spécialité.

Emmanuel Kant nommera les 4 : la Quantité, la Qualité, la Relation et le Mode, mais il se référera toujours aux 3 (Jugements) : l’associatif, le dissociatif, l’hypothétique, pour dire le Signe grammatical, le Seuil rhétorique, et le dialectique ambiguë : douze siècle siècles d’Histoire ou un peu plus (1 260 ans, de 520 à 1780) sont contenus dans cette équivalence.

Le choix de Scot Erigène est autre. La tradition plutôt que l’Histoire dit qu’il aurait pu vivre de la fin de Charlemagne à la fin des Carolingiens. On date son œuvre de 850 (plus ou moins 36 ans).

Mais, de toutes les façons et par tous les calculs, c’est hors de la Toussaint, du Temps de tous des saints : l’Islam a vécu ses schismes, l’Eglise a vécu les siens (la Papesse Jeanne, vers 848), Rome, envahie par les Barbares (Islamiques ou Vikings) a survécu et triomphé, par Dieu. Il ne reste plus rien de la Rome antique et de Byzance, qui devront se faire autres.

Que dit Erigène? Quelque chose qui, d’une certaine manière, ne cesse d’être dit depuis douze siècles, depuis Platon. Les 4, ici, ne sont pas les Sciences (spécialisées) mais comme des Jeux ou des genres (selon l’Anonyme) : des changes, de déplacement et de vertige, ou de mutation, de transformation, de mimecry; mais aussi de contradiction, de combat, de PAT, par l’agôn, ou de risque, au carrefour, dans le PAN, par l’aléa.

Plus clairement que les sciences, les jeux se rattachent aux Eléments, aux dieux élémentaux, que Platon disait : Ghéa, la Terre Première, les dieux de l’Air, dont Dionysos, le dieu de Feu, le Souverain (mais Hélios comme lumière, ou le dieu des Armées), le dieu de l’Eau ou du Rythme, Hermès, le Vieux Serpent, ainsi que Jésus — en tant que Sophia, Sagesse.

La complexité d’une science tient aux 3 Arts qui l’autorisent et par quoi se retrouve, en chacune, la trinité de la Quête : le Signe, le Seuil et l’Appareil dialectique. La complexité de l’élément ludique, ce « genre », tient à la trinité qui recouvre toutes les Quêtes où JE soi-même s’implique : les 3 vertus. Mais ces Vertus ne sont plus celles de Platon, païennes : le Vrai, le Beau, le Bien. L’Eglise les a nommées la Foi, l’Espérance, la Charité, selon les 3 Vies d’Augustin : du corps, de l’Esprit et de l’âme.

Car, objective, la science ne peut être qu’un leurre, si elle ne fonde sur les arts, ces principes subjectifs : des relations de JE à la réalité. Aux feuillets que sont la Musique, l’Arithmétique, la Géométrie ou l’Astronomie, il faut ce joint : le principe (le Jugement, dira Kant) qui les rattache toutes à la science, ce système, ce bloc.

Mais, subjectif, le Jeu/élément demeure un aspect, parmi les autres, du Réel, une contingence hasardeuse, si elle ne respecte l’Unité de l’Ensemble, dans l’objectivité absolue des Vertus (par la projection ou la coupe, entre autres).

D’où, la plus étrange et la moins comprise des affirmations d’Erigène : les Espèces montrent Dieu en sa diversité, ses changes, comme les 3 Rayonnants des Patriarches se sont faits les 3 Composants de l’Arche : l’or, l’acacia, la toison du bélier, ou comme les 3 du Trismégiste se font les 3 Vertus chrétiennes; mais aussi comme la Terre et le Feu s’incarnent dans le Buisson de Feu, ou le corps et le sang dans l’Eucharistie.

Mais le dieu, quel qu’il soit, en ses 4 Genres ou Génies, est autre chose que ces aspects. Ce que Scot Erigène nomme le Spirituel (contre l’aspect/espèce) et qui deviendra l’Essence des scolastiques (contre les apparences). Les éléments de cette essence, les espèces, ne sont que des jeux, trompeurs si JE ne considère pas les 4 ensemble, comme le quêteur, d’abord, ne voit que les faces apparentes de la Pierre enterrée.

Quel lecteur de 524, devant La Consolation des Philosophes, pouvait imaginer l’œuvre d’Etienne, concevoir l’Or en sa splendeur?

Et quel lecteur de 864, devant l’œuvre d’Erigène (sur La Nature de l’Etre) pouvait revivre cette splendeur?

Même la distinction d’Etienne (le genre au vertical, l’espèce à l’horizontal) n’a pas encore de sens, ou n’en a plus. Car c’est Scot Erigène qui commente la Croix (des éléments), ne faisant guère de la triangulation des Personnes qu’une espèce/aspect parmi d’autres. Mais l’important pour Boèce est cette triangulation des Arts, le principe général des sciences. Boèce honore le triangle et, dans cette figure, le délit du Joint (le sommet). Erigène joue de la Croix, mais ce n’est plus que le jeu des Eléments, dans le mépris — ou, du moins, la relativisation — des Vertus. Ce qui le fascine dans le Jeu unitaire, ce ne sont plus que les faces apparentes de la Pierre, l’autre délit. Il se soumet à cette fascination au point de ne plus considérer les 3 (de la Trinité ou de la Vertu globale) que comme 3 côtés du carré, 3 jeux sur 4. Car, si l’Essence, le Spirituel, le Genre comportent les 4 Jeux ou Eléments, n’est-ce pas le réduire en soi que le réduire aux 3 aspects ou aux 3 vies : le corps solide, le sang liquide et l’âme de l’Eucharistie, la Transsubstantiation elle-même?

Mais pour Etienne, un court instant, et même dans le siècle, le 7ème, qui sépare Le Chrétien de l’Anonyme, ce mystère n’en est plus un. Ni le genre ne rabaisse l’espèce, ni à l’inverse. Ce qui comble le Tout (la partie) est ce qui suscite le Tout (la spécificité), car la plus petite partie, le Un parmi les nombres, est une totalité en soi : l’ensemble des fractions qui conduisent à l’Un.

On dira ces calculs, ces jeux de figures et ces jeux de mots abstraits, des simplifications abusives du problème. Ou bien trop matériels, faits de chevauchements, englués de cohérence, par suite impénétrables. Mais il s’agit du noyau de l’Etre, du moyeu de l’Œuf, de l’enchâssement suprême en même temps que souverain.

De sa réalité, les historiens prétendent qu’on ne peut rien dire : le royaume de l’Ichtus (ou le roi fait néant) ne se démontrerait que par son attente, jusqu’au Pontificat de Grégoire, ou par sa nostalgie (l’Occultation des Islamiques, vers 900), qui ira jusqu’ aux craintes de l’An Mil (la fin du Temps) et au désespoir des Grandes Pestes.

Mais la légende dit que le Graal était le seul salut, et l’Or/substance l’unique valeur. De fait, en ce temps, tous furent des saints, ou ils tendirent à l’être (des hommes de Jésus, du Bouddha de Charité, de Tonapa ou de Kukultan en Amérique); Ariens et Nestoriens, Bouddhistes, Caraïtes, islamiques chiites, Soufis ou Doctrinaires du Cœur, etc. Les rois ne furent plus que des saints (Sigebert, Dagobert II), les Papes le furent, après Grégoire, les érudits (des moines) et les guerriers même, convertis. « Le temps du Bon Dieu », dit Michelet. Qu’est-ce que cela veut dire? Un temps sans médecin, car l’hostie seule guérit. Un temps sans banque et sans monnaie, car le troc seul régit les échanges nécessaires, comme un objet d’art contre cet objet naturel : de la nourriture, du bois, de l’eau.

On objectera que Sindbad, l’islamique, en ses voyages/quêtes, peu après l’an 800, recherche l’or, la soie, l’ivoire et s’en remplit les poches. Mais justement il ne cherche que des objets précieux, et rares, qui offriront le troc le meilleur. Il rejoint dans le temps celui des Mérovingiens, deux siècles plus tôt, ou les Marchés d’Echange qui unissaient, au 6ème siècle, l’Orient et l’Occident. L’objet a une valeur « d’échange » en soi — et l’Or, plus que tout autre objet.

Nul ne parle des trésors de Dagobert II : il est à croire qu’il les abandonna, devenant un saint. On parle des trésors, des possessions de Grégoire le Grand, mais c’est pour dire qu’il ne possédait rien qu’aussitôt, il ne distribuât. Le pape qui se voulait l’esclave du serf ne pouvait conserver aucun bien. Quel « paiement », dû ou non, un moine comme Etienne aurait-il accepté de recevoir? Le dernier des grands moines bouddhistes, qu’on donne pour le fondateur du Tantrisme, Milarepa, deux siècles plus tard encore (et fort loin de la Toussaint) ne chantera, en ses Mille et Un chants, que l’ivresse de ne rien posséder. Au 11ème siècle, bien sûr, il sera difficilement compris.

Le paradoxe spatial — Graal ou Or/substance, il ne s’agit jamais que d’un Objet divin, que les hommes ne peuvent pas percevoir avant qu’il ne soit en leur présence, et qu’ils ne peuvent reconstituer une fois qu’il a disparu.

Pire : ils ne le perçoivent pas dans sa totalité avant de l’avoir, pierre, arraché à sa gaine terrestre, car ses aspects, ses apparences ne sont que des parties de l’En-soi; nominativement : les délits de la pierre.

Ils n’en distinguent pas les composants réels, les feuilles ou les paillettes, avant de les avoir effeuillées, détachées du joint qui les lie au bloc, car ce joint, comme factice, est aussi un délit — du bloc.

Il se pourrait que le paradoxe tînt à ce compte : le Joint est le délit du bloc, mais toute jointure n’est pas un délit : la face cachée de la pierre unit toutes ses faces : elle porte une totalité. Si ce 2ème Joint, non délictueux, n’est pas le « principe » des scientistes, il peut être la race, la distinction ou la lignée du noble chevalier. Des alchimistes antiques, et de leur art, ce 2ème Joint a fait la cohérence, en dépit de l’autre distinction — délictueuse — des faces et des aspects (de la fable, du conte).

La disjonction des faces visibles est le délit de la pierre, mais toute disjonction n’est pas délit : celle des feuillets découvre une autre réalité, qui permet l’acte et la réponse, des nouveaux alchimistes, chrétiens ou islamiques entre autres. Ici, d’autres merveilles, ou d’autres symboliques s’expriment par les systèmes de l’honnête chercheur, le véritable savant.

Le continu (le Yang chinois) n’est pas un mal en soi, car il peut être contenu dans la diversité, et assurer cette dernière d’une cohérence certaine. Le discontinu (le Yin) n’est pas plus mauvais, en tous cas. Car la raison peut le découvrir dans le bloc, considérer les feuilles et les utiliser.

C’est au point qu’en certaines périodes, le Yin peut se faire une continuité, et le Yang une discontinuité (comme pour Lie tseu, au 2ème siècle avant J.-C.).

Les formes discontinues recouvrent une unité (par la Figure); la matière la plus secrète, impénétrable, découvre sa diversité, ou ses quantités de mouvements. L’onde de lumière impose la perfection de sa figure : elle ne peut être que localisée, positionnée. Les fréquences des corpuscules découvrent leurs différences de masse; non seulement plus ou moins grandes mais positives ou négatives, axées dans un sens ou dans l’autre, elles permettent de distinguer le proton de l’électron, le spin 2 du spin 1/2, le fermion du boson, etc.

Le continu et le discontinu, le contenant et le contenu, alors, peuvent être dits des Sciences, des Eléments, des Jeux : les cardinaux de la Croix. Mais ce n’est qu’aux passages de la membrane, d’un Centre, que les quêtes désignent par Perceval et que l’histoire de l’alchimie désigne en l’alchimiste Etienne.

De part et d’autre de ce moyeu, douze siècles, ou treize, ne seront pas un trop long temps pour révéler tous les motifs magiques et tous les effets rationnels de la prodigieuse machine vivante.

Jean-Charles Pichon

Publié dans Les Alchimies | Laisser un commentaire

LES ALCHIMIES II – L’inversion des symétries

II

L’inversion des symétries


Le premier objet de ce livre fut de tenter de montrer :

a) la coexistence des Quêtes et de l’alchimie, comme Grandes Images celles-là, par Système de symbole physique celle-ci;

b) la coïncidence dans le temps (le 7ème siècle) et dans l’espace (à l’ouest) du Graal et de l’Or/substance, comme et par la réalité de l’objet en soi, de l’Objet Divin.

Mais, en ce qui concerne le premier point, tous les commentateurs de l’alchimie savent que sa durée fut beaucoup plus longue que celle des Quêtes. De Gauvain à Galaad, les Quêtes n’ont pu commencer avant le temps d’Arthur (le 5ème siècle) et tous les livres qui en traitent étaient écrits en 1230/1260, même si d’innombrables poèmes, opéras ou études en répètent les thèmes et les exploits jusqu’à notre époque. Une alchimie (des Teintures) existait trois siècles avant le Christ; une autre (de pure fabrication) nourrit l’espérance de certains hommes jusqu’au 18ème siècle.

Il fut un temps où les deux recherches coexistèrent, par l’acte ou la lecture. Il y eut des temps, de -360 à + 450, ou de 1300 à 1800, où elles ne coexistèrent pas, les Quêtes du Graal inexistantes.

En ce qui concerne le second point, les chapitres qui précèdent, déjà, ont découvert plus de différences entre la Coupe et l’Or qu’ils n’y ont révélé de ressemblances ou d’analogies.

S’il est vrai que 2 notions apparaissent communes à l’Or et au Graal, 2 autres notions propres à l’Or se différencient absolument des 2 autres notions  propres au Graal.

Les 2 notions communes sont le Continu (la cohérence) et le Discontinu (par le partage ou l’effeuillement). L’alchimie parlera de coagulation, dans l’Un, de dissolution dans le divers, là où les Quêtes parlent du Sang et de la Partition, de la première Coupe ou de la dernière.

Les 2 notions propres au Graal jouent de la maintenance (par l’arche, la nef) et du changement, par l’arme : pénétrante la lance, sécants les ciseaux. Elles ne peuvent être étudiées que dans la succession : le Vase qui contient précède le Vase vide, Gauvain Galaad, le noble le roturier, la fable le principe, etc.

Les 2 notions propres à l’Or jouent du contenant et du contenu, de l’espèce et du genre, par les Sciences et les Arts, ou les Jeux et les Vertus. Mais ce sont toujours les Cardinaux d’une part (ou les 4 Eléments), les Natures ou physis de l’autre (les Personnes de la Trinité). Leur complexité provient de leur simultanéité : il n’y a pas d’espèces sans genre, ni, à l’inverse, de généralité sans spécialisation.

Si le lecteur veut reconduire ces 3 : une communauté, 2 divergences, aux 4 qu’il ne distingue plus, il devra dire le continu et le discontinu d’une part (dans la liaison), le successif et le simultané de l’autre (dans l’opposition). Mais ce sera par le partage de la simultanéité en espèces et genres dans le dehors ou le dedans, et par le partage de la succession en association, vers la maintenance, de la dissociation vers le changement, dans l’avant ou dans l’après.

La tentation sera vive — et nécessaire peut-être — de ramener ces 6 aux 2 (quels qu’ils puissent être). Je pourrai que les quêtes du Graal se fondent sur des matérialités : les personnages, les instruments, et que les alchimies se fondent sur des formulations : le carré ou le cube de la pierre, la triangulation des feuilles, le cercle ou la sphère (l’Ouroboros), la croix de la partition, etc.

Il semblerait que la Croix dût triompher ici et là, comme le fait d’ailleurs, pour Perceval (son ermitage) et pour Galaad (son écu), pour Etienne (l’horizontal, le vertical) et pour Scot Erigène encore (les Eléments). C’est qu’elle partage le Cercle et révèle les triangles. Mais le problème demeure : comment concrétiser les Cardinaux?

Ce ne peut être par le continu et le discontinu, le successif et le simultané, bien que mille quêteurs ou chercheurs l’aient tenté depuis l’an Mil. De ces 4, lequel serait au nord, au sud, à l’est, à l’ouest?

Pour apprécier — dans la durée — la complexité du problème, rien de mieux que d’étudier, sans plus, les formulations/réalisations des deux voies, verticales/horizontales, de Platon à Erigène ou de Boèce à Kant. Ce seront toujours celles du genre et de l’espèce, mais à travers de très nombreuses nominations : la forme et la matière, la figure et le mouvement, l’espace et le temps, le mâle et la femelle, l’effigie et l’alliage, etc. Partis de l’Or/substance au centre, il nous faudra traiter de divers Ors/symboles d’abord, de l’Or/valeur pour finir. Sur les douze ou treize siècles encore, dont les trois de chevauchement (Boèce/Erigène) :

Le chevauchement? Au cœur, au moyeu, le Graal n’est pas moins formel que matériel : on l’assemble ou le partage : la croix est dans le cercle, elle formule les triangles, les carrefours, les voies contraires. L’Or n’est pas moins matériel que formel : une pierre ou un bloc. La fable seule est sans principe, le principe sans affabulation, mais l’Objet divin des conteurs, ou l’algorithme universel de nos scientistes tiennent autant de l’un que l’autre.

Or, de fait, l’alchimie antique n’a tenu compte, pendant 2 siècles (de 300 à 500), que de cette matière et de cette forme. Pendant 400 ans (de 900 à 1300), l’alchimie médiévale n’a tenu compte de rien d’autre. Même si, pour la première, la Forme fut espoir et, pour la seconde, nostalgie. Ou à l’inverse, sous les noms autres de Figure et de Mouvement.

En ce chapitre, seule nous importera cette inversion des symétries.

L’Ouroboros — A l’arrivée (après Boèce) et au départ (avant Scot Erigène), le Cercle seul commande : le Serpent qui se mord la queue.

L’Agathodémon de Synésius, et peut-être du Harran, avant Etienne, l’Hermès cosmique des islamiques, puis des Byzantins, après lui. Les premiers le définissent comme le « bon daïmon » (de Socrate), les seconds comme l’Unus Mundus ou le Tout de l’Univers. Génie ou Généralité, il est le Coagulant ou l’Unificateur, de l’élément d’Eau toujours.

Mais, ici et là, le Feu le combat, comme le Lion le Serpent. Les adversaires de l’Agathodémon se nommeront Zosime, Olympiodor, Aeineias; ceux de l’Hermès se nommeront Michel Scot, Arnault de Villeneuve, Lulle (en Occident). Ces 6 noms éclairent les neuf siècles, du 4ème au 13ème. Ils nous donnent, à eux six, une définition parfaite de ce que furent la Forme et le Matière alors, mais par la double action de ce deux éléments seuls : le Feu et l’Eau.

Que l’Ouroboros soit une figure d’Eau et le demeure d’un bout à l’autre du processus, voilà qui n’est pas douteux. Tous ses adeptes honorent la voie humide de l’alchimie et rejettent ou nient la voie sèche. A tout le moins, la chaleur doit être constamment réduite ou contrôlée, car, par exemple, « à trop chauffer le cuivre, on le dissout ».

Le rêve de l’adepte est de réaliser une cohérence parfaite de la matière, une imprégnante continuité; or c’est l’Eau — ou du moins l’Humide — qui associe les éléments (les grains de sable), quand le Feu, ou la chaleur, ne peut que les dissocier, les séparer les uns des autres.

Le corps le plus chargé d’humidité domine ici : le Mercure, qui est un nom d’Hermès. Mais il s’agit du Trismégiste, le 3 fois maître, qui recouvre, zodiacalement, la trinité de l’Eau : Scorpion, Cancer, Poisson, ou le Pistis, le Toth et l’Ichtus : la compréhension/création, le savoir/cohérence, l’amour/charité.

 

L’Ouroboros — A l’arrivée (après Boèce) et au départ (avant Scot Erigène), le Cercle seul commande : le Serpent qui se mord la queue.

L’Agathodémon de Synésius, et peut-être du Harran, avant Etienne, l’Hermès cosmique des islamiques, puis des Byzantins, après lui. Les premiers le définissent comme le « bon daïmon » (de Socrate), les seconds comme l’Unus Mundus ou le Tout de l’Univers. Génie ou Généralité, il est le Coagulant ou l’Unificateur, de l’élément d’Eau toujours.

Mais, ici et là, le Feu le combat, comme le Lion le Serpent. Les adversaires de l’Agathodémon se nommeront Zosime, Olympiodor, Aeineias; ceux de l’Hermès se nommeront Michel Scot, Arnault de Villeneuve, Lulle (en Occident). Ces 6 noms éclairent les neuf siècles, du 4ème au 13ème. Ils nous donnent, à eux six, une définition parfaite de ce que furent la Forme et le Matière alors, mais par la double action de ce deux éléments seuls : le Feu et l’Eau.

Que l’Ouroboros soit une figure d’Eau et le demeure d’un bout à l’autre du processus, voilà qui n’est pas douteux. Tous ses adeptes honorent la voie humide de l’alchimie et rejettent ou nient la voie sèche. A tout le moins, la chaleur doit être constamment réduite ou contrôlée, car, par exemple, « à trop chauffer le cuivre, on le dissout ».

Le rêve de l’adepte est de réaliser une cohérence parfaite de la matière, une imprégnante continuité; or c’est l’Eau — ou du moins l’Humide — qui associe les éléments (les grains de sable), quand le Feu, ou la chaleur, ne peut que les dissocier, les séparer les uns des autres.

Le corps le plus chargé d’humidité domine ici : le Mercure, qui est un nom d’Hermès. Mais il s’agit du Trismégiste, le 3 fois maître, qui recouvre, zodiacalement, la trinité de l’Eau : Scorpion, Cancer, Poisson, ou le Pistis, le Toth et l’Ichtus : la compréhension/création, le savoir/cohérence, l’amour/charité.

Des 3, le plus important, sinon le plus durable (qu’il est aussi), se réfère au pistis, au basis des gnostiques, que l’ancienne Egypte nommait Khnoum, et la plus récente Chnoumis. Car le Scorpion est ce B ou ce P d’une part, en tant que d’Eau, ce K d’autre part, en tant que dieu du Beau ou démiurge.

S’il révèle sa nature d’Eau dans le christianisme (le Verbe), par le pistis, le basis, le dieu de la basilique, il fut, aux temps anciens, le générateur du Kamoutef ou d’Apis, les Taureaux (Mardouk en Mésopotamie) : le père, ou plutôt, la mère du créateur, dont la création l’engendre, comme l’œuvre d’art engendre la beauté.

Il suit que le triomphe du christianisme fait de l’Ouroboros, de l’Agathodémon, le « bon génie », un esprit du Bien. Sa loi est le secret de la table d’Emeraude, de la table d’Hermès : le Tout est Un, puisque l’Okéanos, le Grand Océan entoure le monde, comme la basilique contient tous les mystères de Dieu.

Par l’action de l’humide, le plomb devient le cuivre, le cuivre l’or. Toutes les diversités, tous les discontinus se fondront dans l’Unique, quand le Royaume sera là. Plutôt que le temps du Roi, ce Royaume est lui-même conçu comme une autre Terre Promise, un retour à l’Eden depuis longtemps disparu.

Cette nostalgie de l’Eden rénove le démiurge, le Créateur de Sumer ou de l’Ancienne Egypte, où Khnoum (Enki) ne fut pas un dieu bon mais un dieu conjugué aux déesses de Terre : la Grand-mère Damkina, et la Vierge Innina (plus tard : Ishtar).

Mais le Taureau ne fut pas de Terre sans être le dieu de l’Harmonie, du Beau, et comme tel lié aux autres constituants du Beau : l’Arbre, le Scorpion, le Soleil (Souverain). D’où, ces affirmations qui étonnent l’exégète incompétent : sur la pierre, « grave un serpent annelé dont la tête est une tête de lion, ornée de rayons. Porte-le pour prévenir les maux d’estomac, par excès de nourriture ». (Des pierres, de Denys).

Khnoum ou Chnoumis, démiurges, sont également des Ka, des pouvoirs d’harmonie, associés aux symboles souverains : le Soleil, le Lion.

Sur certaines figures, les rayons sont 7 et, sur d’autres 12. Les 7 planètes ou les 12 signes. C’est tout le choix du Triangle (le joint au sommet) ou du Cercle (le zodiaque). Car les deux serpents d’Hermès (le caducée) s’embrassent et s’enlacent pour atteindre l’Unique : l’embrassement suprême : Tous dans l’Un. Mais l’Ouroboros fait le cercle ou l’Okéanos : en l’Un est Tout.

En ce point précis : le milieu/centre et le milieu/entour, d’autres alchimistes prennent la relève.

 

L’Arkhé — Les alchimistes du Harran remontent à l’ancienne Mésopotamie (c’est là que le père d’Abraham s’est réfugié, venant d’Our).

Pendant deux mille ans ou plus, forgerons, ils ont honoré le Démiurge par le travail des métaux. La mort de Pan, du Minotaure (exclu des enseignes de Rome), de Kématef et d’Apis (changé en Sérapis) les a fait mépriser par Rome et par Byzance, plus qu’à demi disparaitre. Mais le renouveau de la Création, par le Coran, les a ressuscités : en Bagdad, les Abbassides succèdent aux Omeyyades, au 8ème siècle : là s’élève la première mosquée, construite sur l’exemple des ziggourats babyloniennes. La Vache Rousse de Mahomet recrée les composants tauriques, parmi lesquels le Ka ancien : le Croissant n’est pas le signe lunaire sans être les cornes de l’ancien dieu. Et, du Harran, renaît l’antique Ouroboros.

Mais, dans l’attente de ce renouveau (au 3ème, au 4ème siècle) et, de nouveau, contre l’Islam, à partir du 11ème siècle, d’autres alchimistes ont rejeté à la fois le Serpent et le Démiurge, l’Eau et la Terre. Ils se fondent sur l’Air et le Feu. Ils se nomment Aeineias (Enée) vers 450, Olympiodore, un peu plus tôt, Zosime, plus tôt encore. Ou bien, Michel Scot, Arnault de Villeneuve et Lulle, au 13ème siècle. Tous convertis, tous chrétiens.

Aeineias ne nous est connu que par quelques fragments, mais combien révélateurs! Une affirmation survit au désastre de son œuvre : la matière mue, elle se transforme et change, une statue d’Apollon peut être en cuivre, puis en or, par le processus de l’alchimie; mais c’est toujours Apollon. La forme, la figure, survit aux changes de la matière. Autrement dit : les disciples de l’Ouroboros, de la Terre-Eau, ont tort de croire en la permanence, la continuité de la matière : c’est la Forme qui se maintient et préserve l’acquis. La Forme est Une, quand les matières ne sont que diverses : le cuivre, l’argent, l’or.

Dès le début du 5ème siècle, Olympiodore l’a déjà dit, hors du raisonnement, par la fable. Il était vieux, déjà, en 415, quand, envoyé vers Attila, vers l’ouest, il enchantait le barbare.

Olympiodore n’invente guère (il est bien éloigné de croire en un démiurge). Pour l’essentiel, son œuvre recense — les croyances des anciens Grecs, les Eléates. Sa croix est celle des Eléments, et son propos de distinguer entre les croyances des uns ou des autres. L’un, montre-t-il, croyait dans la prééminence de l’Eau, un autre en celle de l’Air, mais la Terre — et son démiurge — fut peu honorée par les Philosophes (le Taureau déjà décadent, la Vierge morte). Olympiodore ne cite, avec mépris, qu’un Xénophon.

Il n’invente qu’un archétype, mais éloquent : l’Arkhé. Dieu de Feu, il fut l’Arès, puis le Centaure, celui qui tirait l’arc et ne ratait jamais la cible; en tant que tel, le Souverain, de Sumer et de la Bible, l’a honoré, car le Souverain ne peut se dispenser de viser juste. Cependant, l’Arkhé fut également, et depuis, l’allié du Christ (« Celui qui m’envoie ») et du dieu du Bien : l’Eros ou l’Arkhon des gnostiques. Dieu de Bien, en l’ère du Poisson, il doit s’associer aux entités de l’Eau, par l’Arche (la Nef), car la Forme conserve, protège et préserve, au-delà des matérialités.

Il n’est pas vrai, disent les alchimistes, que le Feu dévore seulement. C’est, au contraire, par la destruction du cuivre, sous l’effet de la chaleur, que l’oxyde de cuivre devient un élément de la forme éternelle : l’Or. Car, du vide naît une récurrence, un retour, qui ressuscite la Forme.

S’emparant de l’Ouroboros des islamiques, un Michel Scot, puis un Villeneuve, surtout, iront plus loin dans la démonstration. Arnault traitera toutes les figures matérielles (les Images) comme des expressions de symboles cachés (systématiques) : sous le visage humain, la cathédrale, le coq, le lion, il montrera les formes géométriques qui les constituent : le triangle, le carré, le pentagone.

Les images matérielles se modifient sans fin, mais leurs constituants, formels, demeurent immuables (comme les Arts en chaque Science de Boèce).

Dès le 11ème siècle, un évêque, Bérenger de Tours, qui peut-être ne songeait pas à l’alchimie, l’avait affirmé, renouvelant Erigène.

Les Espèces se modifient sans cesse de l’une à l’autre : la vigne dans le raisin, le raisin dans le vin, ou le blé en froment, le froment dans le pain, et pourquoi pas le sang dans le vin, le corps dans le pain, ou à l’inverse, quand le vin devient le Sang, le pain dans le Corps? Mais, hors de ces matières, une Forme subsiste, l’Essence, la Forme même, hors des figures.

La figure géométrique (la croix dans le cercle, essentiellement) redevient le support  de tous les changes de la matière. Ce qui était dehors : l’aspect, devient le dedans : la spécificité (de ce dieu-là). Et, bien sûr, à cette inversion de l’Espèce s’oppose une inversion du Genre, comme du gène intérieur à la généralité externe.

Les figures internes de Villeneuve ouvrent la porte à toutes les abstractions, à toutes les sciences : de la géométrie au rythme musical (de la longueur d’onde à la fréquence), du rythme au nombre arithmétique, du nombre aux figures du cosmos, que feront triompher Copernic et Kepler, au 16ème siècle. Tout peut être mesurable, puisque tout peut être figuré. Il y suffisait de faire de l’aspect matériel une spécialisation scientifique.

Il reste que les analogies d’Aeineias, d’Olympiodore, demeuraient des fables privées de leur contenu magique, bien qu’un homme, déjà, leur ait donné ce contenu : Zosime. Et que les démonstrations de Bérenger et de Villeneuve s’offraient comme des principes géométriques encore privés de leur scientisme, de leur systématique.

Un homme leur donnera le Système : Lulle.

Zosime n’a pas écrit avant le 4ème siècle (d’autres exégètes disent : avant le 3ème). De Zosime à Boèce, trois siècles s’écoulent, ou plus ou moins : ils sont emplis de cent abrégés que, hors de l’alchimie, nomment les Conciles chrétiens et les pseudo-Virgile, d’Arles ou de Toulouse. Lulle a écrit autour de 1300 (1296/1316), quatre siècles après Erigène, et d’autres abrégés y ont proliféré.

Il convient d’en dire quelques mots, rapidement.

Les machines mythologiques et septénaires — Du 4ème au 6ème siècle, les hommes écrivent peu. En ce qui concerne l’Occident (les royaumes barbares, des Goths, des Wisigoths, puis des Mérovingiens) seules survivent les œuvres des Virgile, de Flandre ou d’Occitanie. L’une des plus complètes est de Virgile de Toulouse : le démembrement des 12 en 144, 12 symboles en 12 symboles chacun.

Les Vierges sont 12, les symboles de l’Arkhé 12, les Souverains 12, les Serpents 12, etc. On dira que cela ne mène pas très loin. Mais comment traiter de la Vierge ou de l’Arkhé sans en avoir épelé tous les possibles? Ou des Sciences sans les avoir multipliées par 3, des Vertus sans les avoir multipliées par 4? Comment dire les changes de l’Arme, de la lance aux ciseaux sans dire les changes de la Table, ceux de la Coupe, ceux de l’Arche? Dérisoires, les abrégés de ces Virgile furent indispensables au passage de Zosime au Chrétien, par l’Arkhé. Car il est vrai que les changes de la matière, comme du plomb à l’or, ne cessent de remettre en cause l’Objet divin, dont seule demeure intacte la forme projective. Au contraire, de l’Anonyme à Lulle, nous ne trouvons plus de tels abrégés, car l’Arkhé ne cesse de s’y partager en arché-types, qu’aucun ensemble n’associe plus. En Orient comme en Occident — et sans doute plus qu’en Bretagne — les archétypes se présentent séparés : l’Hindouiste et le Templier honorent avant tout les Gémeaux, les Açvins ou Oiseaux jumeaux dans l’Inde, les Frères sur un seul cheval dans l’Ordre des moines chevaliers. Le Juif (Juda Halévy) a proclamé d’abord la prééminence de l’Archer, du Sagittaire, maître dans la Kabbale ainsi que dans l’Evangile, et que l’Arabe et l’Omeyyade ne rejettent pas. L’ouroboros subsiste, par l’Alchimie arabe et par la scolastique chrétienne, que fonde la Table d’Hermès. La Vierge anime d’abord les saintes et les mystiques : Hildegarde, Brigitte, Angèle de Foligno, la Grande Catherine, mais celle-ci hait le « Scorpion d’Or » quand Angèle adore le dieu des Ténèbres. Hildegarde craint par-dessus tout le Bélier juif et sa justice (dont elle sait que, dans neuf siècles, ils auront institué le nouveau matérialisme, le nouvel Age sans dieu); mais les dominicaines, fidèles à Dominique, et les sorcières dans leur lande ne pourront concevoir une Sagesse dénuée de justification, leur Vierge sera lunaire, leur compréhension connaissance.

Le Roi mort, même, cent princes vont tenter de le restaurer, les Angevins au premier chef, jusqu’à Londres ou à Palerme, puis les Germaniques, les Slaves, les Bohémiens.

Cet éparpillement eut pour but de préserver la puissance des Gémeaux, sous leur forme — spartiate ou indienne — de svastika : l’inimitable Imitation dialecticienne de Boèce. La Croix aussi — de sang — qui orne les écussons des Chevaliers, teutoniques, templiers, tout au long des croisades…

Mais cette Croix n’est plus celle de Galaad; symbole du combat, du PAT, non plus du PAN, du carrefour. Les archétypes ne sont plus positionnés (dans le zodiaque d’un Boèce, d’un Erigène), car le Joint n’existe plus entre les feuilles, et le Principe exact — de la Science — ne s’est pas formulé encore.

En ce double vertige, des Virgile ou des scolastiques, l’Ouroboros ne peut disparaitre, mais la Croix s’y volatilise. En place des 12, ridiculisés, ou bien impuissants, le nombre impair domine — ou déjà, ou encore : les 3 du triangle, le 5 du pentacle, le 7 en poursuivant.

Chaque nombre porte sa tradition. Le 3 celle de la Trinité, des Arts ou des Vertus. Le pentacle renouvelle — éternise — celui de Salomon, 2 160 ans plus tôt. Le 7 recompose en des synthèses sans faille :

a) les 7 métaux, planètes, couleurs et notes des Antiques,

b) les 7 Vallées du musulman Attar (dans Le Colloque des Oiseaux) ou les 7 Paraboles de l’Aurora consurgens, deux œuvres du 13ème siècle.

Une magie scientifique ou une Science magique est derrière les deux tentatives : celle d’Aristote, qui démontra que le plus petit est comme le plus grand : la base d’un triangle de 7 coudées est égale à celle de 5, de 3 coudées. Car, si, du sommet du triangle, j’abaisse une infinité d’obliques (bissectrices ou diagonales), elles coupent toutes les bases en autant de points : il y a donc autant de points dans la plus petite base que dans la plus grande.

Aristote fut le maître du Savoir, l’homme-serpent; mais il donnait l’Arkhé, l’architecte, pour son maître à lui : Apollon Lycéen, et son Ecole portait ce nom : le Lycée. Il faudra Valéry (au 20ème siècle), pour rêver d’une pareille synthèse, entre l’Architecte et le Musicien, un hermétique Arkhé.

Comment les Septénaires y sont-ils parvenus?

En faisant de l’Un ou de l’Objet divin un être double et central : une unité totalisante et motivante, à laquelle tendent toutes les parties de l’ensemble : Um; une unité causale, un joint, articulaire de tous les principes et de toutes les sciences, comme 1 se retrouve en toutes les séries de nombres, naturels ou imaginaires, l’Ua.

Centrale, les Septénaires donnent à l’unité double les phases 3 et 4 (paraboles ou vallées). Ici, celui qui croit qu’il monte, qu’il édifie, descend ou tombe (de la perception à la conception); celui qui croit tomber et succomber s’élève, par la Foi.

Tel est le Temps de Dieu, le monde Un, ou bien l’Objet de Perceval, d’Etienne : l’univers même du chevauchement.

Par suite, le chemin de l’est vers l’ouest, la fable, se présente comme une question d’abord : où vais-je? Puis, comme un Quiproquo, qu’impose le désir (d’aller ici ou là, au hasard des couleurs et de leurs tentations). Ce sont la 1ère et la 2ème, vallée ou parabole.

A l’inverse, le chemin de l’ouest vers l’est, le principe, se présente comme une série de jonctions, plus ou moins illusoires, dans l’assurance de l’Idole, en 5, puis dans l’extinction, le partage absolu, la dissolution en 6 (la Stupeur d’Attar, l’anéantissement de l’Aurora).

La 7ème vallée ou 7ème parabole est, au contraire de l’Un et de son chevauchement, une Forme Pure et Vide : le cycle lui-même, en son recommencement.

Si l’Unité Même est le dieu lui-même : de Terre et du Beau, le Créateur, de Feu et du Vrai, le Justicier, d’Eau et du Bien, l’Ichtus ou le Bouddha de Charité, les 5 autres seront :

la mort d’une entité en 7, le Souffle à Sumer, la Vierge pour les Hébreux, le Souverain au 7ème siècle;

le passage d’un mythe à l’autre en 1 et 2, comme de la Terre Première à l’Arche, dans le Bélier, ou comme de l’Arkhon à l’Hermès-Sophia dans le Poisson;

le passage inverse en 5 et 6, comme de l’Eden taurique à la fin du Taureau (le Bélier), ou comme de l’apogée bélique (l’Arche) à la fin du Bélier : le Poisson. Mais aussi le passage du Souverain léonin à l’Ouroboros hermétique, puis d’Hermès aux Gémeaux. Car l’enfance du Bélier fut l’agonie de la Vierge, son âge Kali, l’enfance du Poisson fut l’agonie du Lion souverain. L’enfance du Verseau, de l’Esprit, du Paraclet sera l’agonie, dans le millénaire, de l’antique Hermès ou Toth.

Par les métaux ou les couleurs, les 7 planètes, les Antiques entendirent le démontrer. C’est par les 7 planètes aussi, mais les 7 notes de l’Harmonie, les 7 vallées/paraboles que les Médiévaux entendent le démontrer.

Cette démonstration ne se fait plus dans le Cercle et par la Croix, mais par l’analemme des deux ellipses, ou les deux serpents qui s’enlacent, sinon les deux triangles qui se succèdent. L’analemme apparait dès le 8ème siècle, dans les églises romanes, certains disent au 9ème siècle seulement (le temps d’Erigène); les triangles premiers sont l’œuvre de Villeneuve, au 13ème siècle. Dans ces quatre siècles (8ème – 12ème), il ne sera question que du Cercle et de la Croix.

La Figure et le Mouvement — Notre étude est trop courte (de la Forme et de la Matière). C’est qu’elle se limite à l’Espace, au continu et au discontinu dans le contenu et le contenant. Si le contenant est le Cercle (l’Ouroboros), le contenu est une Croix, sa partition : les Cardinaux, les Eléments, les Sciences ou les Jeux.

Hermès contient Arkhé.

Si le contenu est triangulaire, son contenant est un ensemble mouvant, un analemme, un caducée, car les droites du triangle ne sont que des simplifications des courbes elliptiques, qu’il s’agisse des Arts ou des Vertus, des Personnes ou des Jugements.

Mais, ni de la forme ni de la matière, je ne peux faire à coup sûr un contenant discontinu (l’aspect) ou une contenu continu (la spécificité), ni un contenu discontinu (les parties de la totalité) ou un contenant continu (la généralité principielle).

Deux autres notions s’imposent : la Figure, en sa localisation (qui peut être une matière, en sa masse), le Mouvement, en sa charge (qui peut être de l’énergie, de la spiritualité pure).

La figure est rarement une matière : il y faut l’infinie fragmentation des archétypes ou des quanta. Le mouvement est rarement formel : il y faut l’astuce d’Aeineias, ou celle des 4 Cordes de la physique moderne. Mais, à la limite, au seuil, cela peut être ou se faire. Il n’est pas possible, sans délit (le délit des mythomanes) de ramener une figure à la Forme, ni de reconduire le mouvement à la Substance (le délit des scientistes).

Mais le temps de Dieu s’achève totalement, vers 1300, ou bien il n’a pas commencé (vers 400) assez nettement pour seulement le construire.

Dans l’univers entier, notre univers, il n’est plus que des mythomanes ou des scientistes. De la pierre, les mythomanes (gréco-romains) ne voient que les faces apparentes, leur délit; du bloc d’ardoises ou de paillettes, les scientistes ne considèrent que le joint inévitable, l’autre délit, principiel.

Les mythomanes sont les générations qui précédèrent Gauvain; les scientistes sont les descendants, les utilisateurs, les vestiges de Galaad; à la limite de la Promesse (en deçà) les uns, à la limite de la Réponse (au-delà) les autres. Ils ont donc précédé les Quêtes : Zosime, ou suivi leurs ultimes lectures : Lulle. Qu’en était-il avant 432 ou après 1296? D’autres symboles de l’Or, en deçà ou au-delà du Graal.

Jean-Charles Pichon

Publié dans Les Alchimies | Laisser un commentaire

LES ALCHIMIES III – La symétrie des abrégés

III

La symétrie des abrégés

 

La confusion, la distinction — La confusion ressemble à la fusion, au chevauchement de la « monture », mais elle n’en est que la ressemblance, car elle ne mène plus à rien, à aucun déplacement ou change. Elle n’est plus qu’une matière dépourvue de tout sens et de tout cens : l’amalgame des parages, l’hétéroclite des banlieues.

La distinction elle-même s’y fait ambivalente, car ce peut être l’élection, la lignée de Gauvain, ou le discernement – cruel mais sain – du roturier : tantôt la face cachée de la pierre, tantôt la casse des feuillets d’ardoises, qui, l’une et l’autre, sauvent du délit.

L’extrême confusion des scolastiques, mais aussi des conciles chrétiens, à partir du 11ème siècle, répond à celle des « teinturiers » et des Virgile, avant Boèce, mais aussi à celle des premiers conciles (avant le 6ème siècle).

Elles pourraient tenir, toutes deux, à l’imposition de la nouvelle dialectique : de la Figure et du Mouvement.

Depuis le 5ème siècle (Aeineias ou le temps d’Arthur) jusqu’au 13ème (Villeneuve ou les premières lectures du Graal), les figures apparaissent localisées : elles sont à l’ouest ou à l’est dans l’espace, si je traite des voies horizontales. Mais aussi, dans le temps, Je a pu dire celles de l’enfance, affabulées, celles de l’adulte, principielle. Ou bien, joignant l’espace cosmique et le temps cyclique, il a pu dire le midi et le minuit dans le Jour, les deux Saint-Jean dans l’année (la plus longue nuit, le plus long jour) – en jouant ensemble, alors, d’Ouranos et de Kronos, de la Croix d’Ixion et du cercle d’Hermès.

Cette localisation qualifiait les figures. Ni le quêteur ni l’alchimiste ne pouvait confondre l’est avec l’ouest, la fable avec le principe, le midi avec le minuit. Ils ne pouvaient pas amalgamer les différentes coupes ou tables, ni l’arc d’Arès avec la nef d’Eros, bien qu’ils fussent tous les deux l’Archer (le Sagittaire), ni la lance avec les couteaux, bien qu’ils soient tous les deux des instruments de change, de pénétration ou de partage.

Non seulement, situées, les figures s’opposent, mais les passages de l’une à l’autre, eux-mêmes situés dans le temps ou l’espace, comme des « régions » (phases ou niveaux) ne peuvent être non plus confondus. Ce chemin-ci est orienté, celui de Galaad ou de Boèce (et celui des Modernes, depuis). Ce chemin-là ignore le choix volontaire et le principe, de joint scientiste, il se présente comme fabuleux, mythologique, soit pour Lancelot et Gauvain, soit pour le « teinturier » antique. Dans le temps, une voie est celle de l’enfance, l’autre est de l’adulte ou du raisonnable; ou bien du déclin de la lumière l’une, de son renouveau l’autre. Leurs oppositions les nomment et définissent.

Le mouvement change tout. Parce qu’il interdit le positionnement, ou parce qu’il n’en fait qu’une probabilité, une contingence. Le mouvement ne peut être quantifié, et cela qu’il s’agisse d’un mouvement spatial ou d’un temporel. Dans l’espace, le passage sera + ou – peuplé (un désert, une forêt); dans le temps, il sera + ou – rapide : le cavalier va plus vite que le piéton. Ici et là, le passage se dira + ou – moins passager, qu’il s’agisse d’une ruelle ou d’un vol de canards. Cette homonymie : le passage passager dit toute la confusion de la quantification. La charge énergétique, liée à la vitesse, peut-elle équivaloir le peuplement d’une rue?

Comme la vitesse se lie à la charge du passant (sa fréquence à son énergie), le peuplement de la rue est fonction de sa longueur (supposé que le passage y soit mesurable en termes de quanta) en fonction de l’heure ou du jour : le peuplement y est plus grand à l’ouverture, à la fermeture des bureaux, et presque nul le dimanche, tout à fait nul en août.

A vouloir qu’un quantum commun unisse la probabilité de position (dans l’espace) et la quantité de mouvements dans le temps, Planck ne créera, au 20ème siècle, qu’un « facteur d’indétermination », c’est-à-dire une source d’erreur. Il ne traitera que de la matière la plus secrète : l’indiscernable particule/onde, mais le principe d’indétermination ne joue pas seulement dans le monde invisible, subatomique. Il ne s’impose que mieux dans le monde visible des « passages passagers », des rues et des vols.

Les alchimistes des 13ème et 14ème siècles ne jouaient que du triangle et de la croix, ou bien de l’analemme (les deux serpents) et de l’Ouroboros (le serpent qui se mord la queue). Un disciple de Planck se rira de ces distinctions naïves. Et pourtant!

Si le mouvement — le change — est un déplacement, le voyageur passe d’une région, phase ou saison, à l’autre, comme de Rome au pays de Galles, ou à l’inverse. Dans les deux cas, ce ne sera pas sans traverser la Gaule.

Les deux triangles — ou les deux serpents de l’ellipse — formulent des voies contraires qui passent par les mêmes régions :

  

En cette figure, Aeineias (B’) et Villeneuve (B ») disent la même chose : ils traversent une même région B. En A’ Le Chrétien et en A » L’anonyme ont dit la même chose, en A. Du solstice d’hiver au solstice d’été, ou de celui-ci à celui-là, la lumière franchit un même passage : l’équinoxe (de printemps à l’aller, de l’automne au retour).

En cette figure, Aeineias (B’) et Villeneuve (B ») disent la même chose : ils traversent une même région B. En A’ Le Chrétien et en A » L’anonyme ont dit la même chose, en A. Du solstice d’hiver au solstice d’été, ou de celui-ci à celui-là, la lumière franchit un même passage : l’équinoxe (de printemps à l’aller, de l’automne au retour).

Les passagers alors (dans le sens de passants) semblent décrire un cercle, zodiacal, du jour ou de l’année. Mais, dans le cercle, la loi ne joue plus : le voyageur y passe par des phases différentes, incomparables les unes aux autres, comme du nord-ouest au sud-ouest, du sud-est au nord-est, ou comme d’un Elément, d’un Jeu, d’une science à l’autre. Ou à l’inverse. Seul, le point de départ est le point d’arrivée. Tout au long des parcours, Scot Erigène inverse Boèce, le principe la fable ou Galaad Gauvain. L’Or est substance encore en A’ et A »; il est symbole en B’ et B ». Il peut s’identifier aux Quêtes vécues en A, aux lectures des Quêtes en B. Mais, l’or quêté (par les Antiques) n’est pas l’or regretté, qu’il convient de rénover (pour les Modernes).

Comment donc traiter, comme d’une seule figure, du triangle et de la croix, de l’analemme et de la circonférence? De l’homonymat (de gré, d’amalgame, d’agrégation, de parade) et de la synonymie de rôle et d’emploi, dans la fonction de l’acteur, de la station et de l’état, dans les dispositions de l’acteur? Ce ne peut être qu’en disant, tout ensemble, les fonctions et les dispositions de l’acteur. En la fin des lectures du Graal, ou au commencement des Quêtes, c’est ce qu’ont fait Lulle et Zosime.

Zosime — L’ambiguïté du nom est telle que certains datent l’œuvre de l’alchimiste de la première moitié du 3ème siècle, d’autres de la seconde moitié du 4ème. De fait, le nom et l’œuvre remplissent les deux siècles, le 3ème et le 4ème, tandis que les références au nom et les commentaires de l’œuvre se retrouvent chez Olympiodore, au 5ème siècle, et même chez Le Chrétien.

Ce commentateur y voit un historien, lui-même compilateur de toutes les œuvres précédentes; cet autre, un théoricien, sinon le fondateur de l’alchimie symbolique. Lindsay admet l’hypothèse — très vraisemblable — de deux auteurs : l’un, qui put vivre sous le premier empereur néo-chrétien, Sévère-Alexandre, et le second sous le règne de Constantin, cent ans plus tard. La tradition, qui parle d’un seul auteur, lui accorde la paternité de 28 ouvrages, dont 4 seulement nous restent : un traité des Teintures, des lettres à sa sœur, des Visions et des fragments de ce qui aurait pu être un ouvrage historique.

Si Zosime ou les Zosime ont écrit 28 ouvrages, ces quatre textes en donnent à peine le septième. Pour le reste, compilations et théories, il nous faut nous en remettre aux commentaires ou références qui ont suivi. Tout essai de synthèse, par voie de conséquence, n’en peut être qu’aléatoire.

L’ouvrage sur les Teintures est, des quatre, le plus complet. Il traite moins des « figures » que des « mouvements », mais il s’agit de mouvements formels, ou symboliques, que Zosime symbolise par des acteurs : les Anges (Aïons) et les Démons ou Génies.

 

Zosime — L’ambiguïté du nom est telle que certains datent l’œuvre de l’alchimiste de la première moitié du 3ème siècle, d’autres de la seconde moitié du 4ème. De fait, le nom et l’œuvre remplissent les deux siècles, le 3ème et le 4ème, tandis que les références au nom et les commentaires de l’œuvre se retrouvent chez Olympiodore, au 5ème siècle, et même chez Le Chrétien.

Ce commentateur y voit un historien, lui-même compilateur de toutes les œuvres précédentes; cet autre, un théoricien, sinon le fondateur de l’alchimie symbolique. Lindsay admet l’hypothèse — très vraisemblable — de deux auteurs : l’un, qui put vivre sous le premier empereur néo-chrétien, Sévère-Alexandre, et le second sous le règne de Constantin, cent ans plus tard. La tradition, qui parle d’un seul auteur, lui accorde la paternité de 28 ouvrages, dont 4 seulement nous restent : un traité des Teintures, des lettres à sa sœur, des Visions et des fragments de ce qui aurait pu être un ouvrage historique.

Si Zosime ou les Zosime ont écrit 28 ouvrages, ces quatre textes en donnent à peine le septième. Pour le reste, compilations et théories, il nous faut nous en remettre aux commentaires ou références qui ont suivi. Tout essai de synthèse, par voie de conséquence, n’en peut être qu’aléatoire.

L’ouvrage sur les Teintures est, des quatre, le plus complet. Il traite moins des « figures » que des « mouvements », mais il s’agit de mouvements formels, ou symboliques, que Zosime symbolise par des acteurs : les Anges (Aïons) et les Démons ou Génies.

Les Teintures sont dites naturelles (œuvres des anges) ou opportunes (œuvres des démons). Mais, dans les « Lettres à la sœur », l’alchimiste traite d’une troisième espèce d’acteurs : l’homme et ses fourneaux, qui procèdent également par la voie naturelle ou la voie opportune. Pour accéder à la première, il suit que la soumission, la croyance, la prière suffisent : on la dirait, tout aussi bien, une voie mystique. Pour cheminer en la seconde, l’effort, le soin, la technique apparaissent nécessaires, mais non pas suffisants, puisque, à tout moment, le démon intervient; le recours à l’opportunité (par la connaissance du zodiaque) y serait un remède, semble-t-il, plutôt qu’un délit, par la révélation de la face cachée — et de l’ensemble cosmique.

Les 3 acteurs pourtant : anges, démons, fourneaux ne recouvrent ici que la dialectique cruciale : nature, opportunité, rationnelles d’une part, irrationnelles de l’autre.

Une symbolique tout autre, éparse dans les fragments, les lettres et le traité, oppose deux acteurs bien différents : l’homme de cuivre et le barbier/médecin à la chevelure d’argent. Il n’est pas trop aventuré de voir en l’homme de cuivre une symbolique du Métal (humidifié) et dans le barbier d’argent une symbolique du Minéral (en sa voie sèche). Ou, dans le chemin du cuivre une voie horizontale, de l’ouest vers l’est et, dans le chemin de l’argent, une voie verticale, du haut en bas, une « retombée » métaphysique. En effet, le barbier se présente comme un Témoin, qui voit les choses de haut : il assiste à la corruption de l’homme de cuivre, puis à son étrange renouveau ou retour. Pour lui, visiblement, tout être fait le tour, décrit le cercle. Au contraire, l’homme de cuivre ne peut qu’œuvrer et mourir de son ouvrage, s’il refuse le miracle de la renaissance (du cycle). Essayons de comprendre ce que cela signifie.

Les Quêtes du Graal (leurs lectures, maintenant connues par les aventures celtiques seulement, puisque Arthur ne règnera qu’au 5ème siècle) traiteront d’un Temps/durée, compris entre la Promesse du Sang et la Réponse de la partition. Les Quêtes, vues de la sorte, ne sont que des transports : du Sang, depuis le Golgotha jusqu’au pays de Galles, ou de la partition, par Galaad, dans le sens inverse par l’homonymat de la Coupe.

Les alchimies, depuis Olympiodore jusqu’à Villeneuve, ne traitent que d’un objet de l’espace : l’Or. Mais leurs études montrent que l’esprit des alchimies, ange ou démon, et l’alchimiste lui-même, par la voie humide (qui rassemble) et la voie sèche (qui désassemble) opèrent dans le Temps, comme une étoile ou une planète (le soleil, la lune) se manifeste ou disparait.

Dans l’espace, cependant, les zones ou champs se répètent, comme la Gaule entre les deux extrêmes (l’Orient et l’Angleterre).

A un certain moment de la coagulation ou de la dissolution, la même opération s’impose, sur le cuivre ou sur l’argent.

Par le ou les triangles.

Dans le temps, les zones ou champs ne s’équivalent plus : les actes des démons ne sont jamais ceux des anges, ni la voie opportune une voie naturelle, ni le principe une magie, ni l’adulte un enfant.

Dans le cercle.

Le temps quitte la triangulation ancienne (Passé, Présent, Avenir) pour épouser le cercle, et la Croix dans le cercle : le spirituel irrationnel, le rationnel humain, mais aussi la flèche naturelle des anges, la flèche opportune des démons.

Et, par suite, l’espace quitte la quadrature spatiale (les Cardinaux) pour épouser la forme du triangle : l’invisible devient visible (ce qui n’était pas là y prend racine), le visible ou perceptuel devient invisible ou conceptuel, comme la fable le principe, ou l’image le symbole. Le 3ème facteur, au cœur, est alors l’Un, le chevauchement de l’Instant : hic et nunc, au sommet.

Les quadratures, presque indiscernables, de Zosime ne jouent que du mouvement, des changes, mais ce sont des changes temporels, des mutations, comme du barbier d’argent à l’homme de cuivre ou à l’inverse, non pas des changes spatiaux, des déplacements.

On chercherait en vain dans son œuvre mention de l’occident et de l’orient, du nord et du midi. Tous ses ouvrages (connus) ne traitent que du temporel, et de même l’idée qu’il se fait — confuse — de la triangulation : anges, démons, fourneaux. Simplement — et ce n’est pas rien — il dédouble les « fourneaux » humains, en naturels et opportuns, de même que les Esprits en anges et démons.

A l’autre bout des chaînes, mais innomé, est l’Or/substance, le chevauchement du barbier d’argent et de l’homme de cuivre, dont Zosime ne dit rien (dans les fragments connus) : le barbier est toujours témoin, dans la Noosphère de Chardin, l’homme de cuivre seul espère et se corrompt, exige ou désespère, jusqu’aux flammes du Néant qui, enfin, le détruisent, dans la Biosphère de Chardin.

L’étrange est que la voie des démons, opportune, zodiacale, recompose ici le cercle (noosphérique selon Chardin), et que la voie des anges, naturelle comme triangulaire (le passé, le présent, l’avenir) recompose ici le triangle ou l’ellipse, biosphérique selon Chardin. C’est que la première figure (l’Ouroboros) se donne pour mythologique, par les 12 signes ou les 12 dieux, et que la seconde (analemmique) se donne pour mystique, de soumission, de Foi.

 

Raymond Lulle — Lorsqu’il(s) écrive (nt), le ou les Zosime, les Quêtes n’ont pas commencé, la Table Ronde n’existe pas, Arthur même n’est pas né : le seul fondement des Teintures est la Promesse, qu’un jour, l’Etre en Soi, l’Or/substance dominera sur le monde entier.

Mais étrangement, par les philosophes antiques, Zosime sait qu’au chemin de l’espoir ou de la Croyance (des anges ou du barbier d’argent), correspond et s’oppose le chemin de la destruction, de la rationalité (des démons, de l’homme de cuivre); et que l’un n’est pas sans l’autre.

Quand Lulle écrit, aux frontières de l’an 1300, non seulement les Quêtes sont achevées, depuis longtemps, mais les Lectures de la Quête ont eu leur terme. Il ne reste plus à découvrir que les conséquences de la Réponse : l’éparpillement de la matière et ce que les savants de la Belle Epoque nommeront l’infaillible « entropie ». Déjà, cent chemins ont été rouverts, qui tous ramènent vers l’Orient : les pèlerinages des 10ème et 11ème siècles, puis les Croisades, des pauvres, des enfants, des jaques, mais des seigneurs aussi, des évêques et des rois, sans autre résultat que de brèves royautés de Jérusalem, non moins éphémères que celle de Galaad sur Sarraz.

Ces grands mouvements de foule ont eu leur terme, par la captivité et la mort de Saint Louis, en même temps qu’éclataient tous les empires d’Amour, de la Croix ou du Poisson : des Abbassides ou des Zaguès (en Ethiopie), des prêtres Jean, des Song en Chine, des « Métèques » ou Chimus en Amérique, des Caraïtes juifs ou de la Doctrine du Cœur des Islamiques, de la Grande Chrétienté partout ailleurs. Non seulement Lulle est seul, comme Galaad, mais il n’a pas une arme, ni la lance ni l’épée : tout au plus les ciseaux d’une logique maîtresse, d’un principe assuré.

A son premier voyage vers l’est, esclave des Maures, il a été en proie à de tels maux que son corps ne sera plus jamais le même. Torturé de nouveau, à son dernier voyage, il mourra sur le navire qui le ramène en France. Il ne voulait pas combattre le Musulman, mais seulement le convaincre — ou le séduire. Entre les deux voyages il n’aura fait qu’écrire sur les 12 entités : L’arbre de la science, qui porte les 12 fruits, selon l’Apocalypse, ou les 4 qui multiplient 3, selon Boèce ou Erigène, puis Les douze principes (vers 1310), qui affinent le premier propos.

Mais, alors que l’œuvre de Zosime (ou des Zosime) demeurait mythologique ou fantastique, magique, avec ses personnages de rêve, ses anges et ses démons, en l’ignorance du jeu de la forme et de la matière, les ouvrages de Lulle se fondent sur la dialectique hautement rationnelle, dans le refus outragé de tous les panthéismes et de toutes les magies. C’en est au point que certains commentateurs nieront que Lulle ait été un alchimiste : il ne croit pas que, désormais, on puisse « faire » de l’or.

Que dit-il donc? Qu’il y a un temps où la matière peut être substance, divine, l’En Soi; et un temps autre, où les apparences, les aspects, les espèces de l’objet, donnent lieu à la Forme/essence.

Mais de l’une à l’autre, ou à l’inverse, la matière et la forme ne sont que des chemins, exactement antinomiques.

La Matière stagne ou se corrompt, mais elle parle à l’imagination et à l’intelligence. Lorsqu’on la croit dissoute, elle parle à la mémoire (du cycle, entre autres).

La Forme se régénère, elle se compose; ordonnancée, localisée, elle parle au sens (sensoriel); ses stations figurent le mouvement véritable, qui débouche en une volonté.

La matière, ou stagnante ou corrompue, sous-tend la figure ou l’aspect, qui sont hors d’elle, en leur mouvement, par les sens, comme la « durée » de l’objet sous-tend ses apparences successives.

Mais la régénération de la forme (par sa composition) sous-tend l’intelligence et l’imagination des sages et des poètes, qui les suscitent.

Au cœur de la matière/substance, dans l’Un, la forme n’est plus qu’une volonté d’être autre, par l’institution de la monture.

Aux frontières de la forme (vide, alors), toute la matière s’est faite mémoire (informatique, à ce qu’on prétend aujourd’hui).

Par cette mémoire, une forme se crée, cyclique, au-delà de la destitution ou de la mouture (le relief).

Les 12 s’ordonnent ou se succèdent dans l’alternance du continu : régénération, mouvement, matière, corruption, intelligence, mémoire, et du discontinu : volontés, stagnations, imaginations, formes, compositions, aspects sensoriels.

Ni l’ange ne suit la voie de Gauvain, ni le démon celle de Galaad. Mais l’un succède à l’autre sans cesse, car il est des cycles de toutes grandeurs, et le jeu se joue dans la seconde comme dans les vingt-six mille ans. A tout instant, dans l’Instant même, le discontinu cède au continu, la perception à la conception, l’imagination à l’intelligence, la régénération à la composition, etc.

A la limite, les Figures seules se localisent : par l’Un ou dans la Forme Vide. Mais celle-là ne peut être que contournée, impénétrable (la substance), celle-ci, pénétrée, ne révèle rien que le vide. Le seul problème de l’homme/je est celui du Mouvement, en ses formes ou matières diverses, concrètes encore (la stagnation, la corruption) ou bien abstraites déjà, par l’intelligence, l’imagination; statiques ou dynamiques. Tels sont en somme les actes de l’homme de cuivre, tournés vers l’est ou vers la mort, et les regards du barbier d’argent, tournés vers l’ouest ou vers la vie.

On se rappellera que Lulle écrit une soixante d’années après Attar et l’auteur inconnu de l’Aurora consurgens (Thomas d’Aquin, après le reniement de sa Somme?). Instruit de l’Islam, il connait sûrement Le colloque des oiseaux; chrétien et alchimiste, il ne peut ignorer l’Aurora.

Aussi voit-on ses 12 Principes coïncider avec les 7 Vallées ou Paraboles :

la régénération/composition en 1,

le mouvement et les sens en 2,

la matière et la volonté en 3 et 4,

la stagnation ou corruption en 5,

l’intelligence/imagination en 6,

la forme vide (mémoire informatique) en 7.

Mais, dans l’arbre de la science, le zodiaque d’une part, le délit d’Adam de l’autre, les 12 avaient reconstitué le cercle : ils jouaient encore de la Pierre en sa carrière, non pas de l’analemme des feuillets et de leur joint. Ou, si l’on veut, l’Arbre fondait la croix, dans le cercle; les Douze Principes inventent — réinventent — les triangles, inscrits dans les ellipses.

Comme au temps de Zosime, il semble que tout soit dit. Nous allons voir qu’il n’en est rien.

 

Les abrégés — Les alchimies n’étudient plus — ou pas encore — le cycle de l’Icthus, du Poisson, car cette étude ne leur donnerait aucun moyen de créer ou de recréer l’Etre en Soi : l’Or/substance. Elles doivent étudier l’ensemble des cycles (cinq selon Hildegarde, six selon Glaber, mais trois seulement pour Joachim de Flore), c’est-à-dire le Grand Cycle, contenant des 12, auquel aucun prophète n’atteint. Les Saintes Ecritures ne disent que ces 3 : l’Eden, l’Alliance, l’Eucharistie.

L’Apocalypse, ou les Voyages de Gilgamesh, ceux d’Ulysse, en disaient beaucoup plus, par les 12 Signes ou les 12 Iles. Mais qui les lit ou sait les lire? Ils sont proscrits — ou incompris. Les angoisses du temps : les invasions barbares des 3ème et 4ème siècles, ou les invasions du 13ème et les fléaux du 14ème contraignent le docte même en son époque, difficilement et douloureusement. En ce qui concerne le 14ème siècle, les Pestes Noires ont détruit le quart ou le tiers de l’humanité en moins de trente ans (1320/1350). Cent ans plus tard, autour de 1450, d’autres épidémies ravageront les grandes villes, dont Paris. En ces mêmes années, où la Byzance chrétienne s’effondre (comme Israël en -712), une puissance nouvelle naît : celle de l’adolescence, comparable à celle des esclaves jadis; les étudiants se révoltent et, de cette révolte, répétée sur vingt ans, surgit une autre valeur : le génie de Villon. Elle se fonde sur la Création, comme la neuve valeur du 7ème siècle avant le Christ s’était fondée sur le Dialogue, la Semblance théâtrale et les Gémeaux.

Ces temps où tout s’écroule sont donc aussi des temps où tout se renouvelle. Certains regardent vers l’Ouest, déjà : les créateurs de Rome (Romulus et Rémus) ou les premiers découvreurs de l’Amérique qu’en 1492, Christophe Colomb symbolisera. Le chemin orienté, de Galaad ou de Lulle, se fait de nouveau le chemin de l’aventure et du miracle, dépourvu de toute orientation. Cette inversion peut se figurer par la montée ou la descente d’un alpiniste, mais l’imagination impose d’autres inversions.

Près du sommet, les voyageurs ne voient que lui. Mais, plus bas sur la pente qu’ils montent ou qu’ils descendent, ils ne distinguent plus — ou pas encore — le mont, perdu dans les brouillards.

Au contraire, la vallée leur apparait — encore ou déjà — perceptible.

Quelque part, à mi-pente, le voyageur distingue le sommet, ses glaces et ses fissures, surtout, ET la vallée, non loin, ses pâturages et ses villages. Mais, pour les voir clairement ensemble, il lui faudrait s’élever, en un hélicoptère ou un aéroplane. D’assez haut, il ne verra pas ensemble seulement le sommet et la vallée, mais d’autres monts, d’autres vallées, et le « pays » tout entier.

Le « pays », ici, s’impose comme le Grand Cycle dans le temps. Mais c’est un pays plat, aux reliefs abolis, où la forêt mange les arbres et le village les maisons, où les promeneurs ne sont que des points et les cortèges des lignes à peine suggérées. Une réalité géométrique, une coupe ou un tailloir, bien différente de la réalité concrète.

Il n’étonne pas que les peuples — et le jeune, l’apprenti qui les incarne — refusent cette plate abstraction. En leurs révoltes, les étudiants de Paris, mais aussi d’Angers ou de Montpellier, ne prennent plus au sérieux les Topiques de Boèce : le quadrivium des sciences et le trivium des arts, dominants jusqu’alors. Ils en font un jeu de cartes, le Criq (ou des Quatre et des Trois). Ils décrochent les enseignes des boutiques, des tavernes, pour marier autrement la Truie et l’Ours, la Pierre et le Grès. Ils se donnent une langue, le Jargon, l’argot, bien éloignée de la langue universitaire; ils se donnent des fonctions, des rôles : crocheteurs, truands ou Coquillards, bien différents des beaux emplois : juges, avocats, médecins ou professeurs auxquels les Facultés les destinent. Par les Jaqueries les peuples aussi ont commencé de se révolter, sinon ces Peuples nouveaux qui conquièrent la Terre : Aztèques, Incas, Mongols ou Turcs.

Mais cette fébrilité, ce vouloir passionné d’une rapidité, d’une vitesse plus grande, ils ne se fondent pas sur le peuplement, comme il se devrait. Au contraire, le Monde se dépeuple sans cesse : toute la population du globe ne comptera plus qu’à peine cinq cent millions d’humains vers 1600. Les « passages passagers » ont cessé de se confondre : la charge ne fait plus la vitesse, mais l’espace nargue le temps.

Il est fatal qu’un alchimiste au moins en prenne conscience : ils furent cent, de première grandeur, aux 14ème et 15ème siècles. Mais le plus précis d’entre eux les résume tous : Georges Ripley.

 

Georges Ripley — Il est mort en 1490, au moment même où l’Amérique va être découverte, où peintres et médecins, architectes, musiciens renouvellent toutes les sciences et tous les arts, porteurs aussi de sens nouveaux, et où deux empires neufs vont se partager la Terre, l’Espagne et le Portugal, de par la volonté du pape monstrueux et génial : Borgia.

Son œuvre porte le titre : Les Douze Portes, car le temps des « principes » semble révolu. Il s’agit maintenant de seuils à franchir ou non, de « passages » et non de voyages, fussent-ils de Galaad.

Ce n’est pas que Ripley néglige les positionnements, de l’est ou de l’ouest, mais il ne fait pas de l’un le départ et de l’autre le terme :

« L’Occident est le commencement de la pratique (par l’exercice de la volonté), l’Orient est le commencement de la théorie (par la mémoire, éventuellement informatique). Le principe de la destruction (le temps qu’il vit) est entre les deux ».

Mais, pour atteindre à cette synthèse topologique, il aura joué de facteurs tout autres : concrètement, les sexes, abstraitement le cercle, le zodiaque, et la croix — des saisons.

« De l’Occident avance-toi vers la ténèbre.

Altère et dissous le mari et la femme entre l’hiver et le printemps (à l’équinoxe). Change l’eau en une terre noire et élève-toi, à travers les couleurs variées, vers l’Orient, où se montre la pleine lune.

Après le purgatoire (ou la terminaison, la forme vide) apparait le soleil blanc et radieux. C’est l’été après l’hiver, le jour après la nuit. La terre et l’eau se sont transformées en air (le domaine du Phénix, ou du Roi des Oiseaux selon Attar). »

D’où : « Il faut commencer au soleil couchant » si l’on veut voir venir l’heure du Grand Midi.

La révolution n’est pas mince, que Ripley ose formuler. Car, jusqu’alors, les alchimistes ont tenu l’Un (l’En Soi ou la Substance) pour le moment et le lieu souverains : l’Objet des quêtes. Mais, pour Ripley, ce n’est rien que l’union de l’épouse et de l’époux.

Le véritable objet, au terme opposé, est le purgatoire de la forme vide : le Grand Midi, vers lequel toute l’humanité se dirige. Nourri de Dante, sans doute, ou des voyages de Sindbad (pour qui le Grand Océan, de l’est, sous-tend un ciel nouveau), il fait du purgatoire le lieu/moment où le soleil d’un nouveau jour se lève, où s’imposera le 8ème Ciel, la 8ème sphère du Paradis. Intuition inconcevable, que rien ne semble justifier, quand tout s’effondre, quand l’humanité se meurt, par dépeuplement, quand tous les principes s’abolissent! Mais Dante a dit que 1515 porterait le grand renversement, et Ripley le croit. Vingt autres prophètes le croient aussi (d’Ailly, de Cues) ou le croiront (Ulrich de Mayence, le Révolutionnaire du Rhin, Paracelse, Nostredame, Montaigne ou Rabelais), comme nous allons le voir.

Dès le 13ème siècle, un disciple de Joachim de Flore, le frère Gérard a fragmenté les temps à venir en 5 règnes (et 5 révolutions), sur l’exemple des Assyriens/Mèdes, puis des nouveaux Perses (un « empire du sud » : l’Espagne), puis des nouveaux Grecs, athéniens ou spartiates (persans ou turcs, islamiques), puis d’une nouvelle Macédoine et d’un autre Alexandre, et d’un nouvel empire romain, au terme. Il les a définis comme une victoire croissante des laïques contre le Clergé, des orientaux sur les occidentaux (puis à l’inverse), des peuples contre les rois et de l’Ordre Nouveau, enfin, sur toutes les confusions.

Le renversement, ainsi, de la victoire de l’Orient à celle de l’Occident, au cœur du 3ème règne, constitue le nouveau centre d’un processus en forme de boucle, qui renverse le cheminement vers l’est en un nouveau voyage vers l’ouest. Car les 4 saisons de Ripley se répètent tous les ans, comme la partition du jour tous les jours, ou celle des ères toutes les grandes années, etc.

C’est bien le temps qui est cyclique, circulaire, zodiacal, en ses 12 portes. En l’Espace (l’autre « espèces ») ne se formulent que les deux côtés du triangle, séparés en la base, mais joints en leur sommet, par la copulation des mariés.

On dira que cette distinction n’avait rien que de logique, de rationnel, en la fin du 15ème siècle, après l’Apocalypse, le Coran et Dante, Joachim de Flore, Frère Gérard, Hildegarde, Catherine de Sienne, d’Ailly et de Cues. Mais que dira-t-on, en retrouvant une dialectique semblable au 1er siècle après J.-C.?

 

Thessalos — Sa seule œuvre — connue — est datée du règne de Néron, mais elle peut l’être plus précisément, car il s’agit d’une lettre, d’une épitre à cet empereur, qui ne s’ouvrit aux doctrines des mages et des prophètes d’Orient qu’après 58 et se suicida dix ans plus tard. Quelque 1 440 ans séparent l’œuvre de Thessalos de celle de Ripley.

Aucun mystère ici, et aucun hermétisme, bien que l’épitre comportât un recours au divin!

Venu de l’orient (la Lydie), l’alchimiste a fait voile vers Alexandrie (à l’ouest) pour apprendre la science des Teintures. De nombreux ouvrages, dont celui du Roi Nechepsou, lui ont enseigné les antipathies (les époux disjoints) et les sympathies (leur union) des minéraux et végétaux entre eux. Ces accords ou désaccords (les Opportunités de Zosime) se fondaient uniquement sur le zodiaque, sur les cycles du temps; car le remède du printemps n’est pas celui de l’automne, ni la bonne drogue du matin celle du soir. Mais, après de nombreux échecs, Thessalos a dû reconnaitre l’insuffisance de sa méthode.

Dans un second voyage, vers l’occident toujours (de sa Lydie vers Thèbes), l’alchimiste a compris que l’Œuvre ne se fondait pas seulement sur les cycles du temps, et que l’effort du plus savant n’y peut suffire.

Au fond de la grotte la plus obscure, en la Ténèbre, il a fait usage d’une poudre inconnue (du phosphore?) pour évoquer le dieu sauveur : Asklépios. Dans la fulgurance, l’ancien dieu médecin lui est apparu et lui a parlé. Il lui a révélé le secret topologique qui, de l’Orient à l’Occident, mais aussi de la montagne à la vallée, situe les emplacements, les dispositions favorables à la cueillette des ingrédients alchimiques. Car, s’ils ne doivent pas être cueillis n’importe quand, ils ne peuvent être trouvés n’importe où. Ce secret, que le dieu lui a interdit de divulguer, Thessalos se propose de le confier à l’empereur, si Néron daigne le recevoir. Car il s’agit d’un secret d’une telle complexité que même un roi comme Nechepsou n’en a connu qu’une partie : les affinités des pierres et des plantes avec le Cosmos (en même temps qu’entre elles). Mais « l’esprit divin qui, dans son extrême subtilité, traverse chaque substance, s’est répandu, plutôt qu’ailleurs, en ces endroits que l’influx astral atteignit successivement, au cours de la révolution cosmique ».

Une symétrie parfaite n’est pas niable entre le schème de Ripley et la lettre de Thessalos : ils conjuguent tous deux une figure cyclique, zodiacale et l’analemme ou les ellipses que dessinent les 2 voies (de la forme et de la matière, des anges et des démons, de l’opportunité et de la nature, de la fable et du principe encore). Ils font tous deux du Cercle une figure temporelle, que partage la croix (des saisons) et des triangles, des pyramides, des cônes, des figures de l’espace. Si la première est générale, liée au Genre — à ce point qu’elle se répète d’un jour, d’un mois, d’une ère à l’autre, la seconde se fonde sur les espèces, comme le dit d’ailleurs le mot : Espace, et c’est pourquoi les chemins de l’alchimie exigent d’autres guides que les chemins de la métallurgie, deux mille ans plus tôt. Le secret de l’Amour et de ses quêteurs n’est pas (ne sera pas pour le Lydien, ne fut pas pour le Chrétien) celui de l’Alliance et de ses tribus, ni celui de l’Eden et de ses générations.

Mais, surtout peut-être, la symétrie s’impose entre les deux époques, de Thessalos et de Ripley. Car, ici et là, les deux voies se croisent. Quand Ripley meurt, tandis que tous semblent vivre le chemin du principe, vers l’est, un autre occident se projette : l’Amérique découverte. Lorsque le Lydien écrit, Rome — à l’ouest — est le but par excellence (et c’est à l’empereur que lui-même écrit), mais bien des nostalgiques regardent encore vers l’est, et, finalement, c’est vers la Grèce que Néron accomplira son grand voyage.

Enfin, il se trouve que, dans les deux époques, l’Or n’est pas un symbole pour tous. De Thessalos à Zosime datent les persécutions les plus violentes contre les faiseurs de fausse monnaie : elles atteindront leur apogée en la fin du 3ème siècle, alors que Zosime oppose les démons et les anges. Une telle violence ne renaît qu’aux siècles qui séparent Lulle de Ripley.

En 1450, on ébouillante, dans une chaudière, avant de pendre son corps, le faux-monnayeur, « traître à son Roy et à Dieu ». En dépit de sa mauvaise vie, même un Villon ne pourra que s’en remettre aux anges et dire son horreur des démons, car là réside encore le partage, comme le proclament toutes les inquisitions.

Il est à craindre que, vus de l’avion ou du deltaplane, le sommet et la vallée n’offriraient que ces figures contradictoires : soit le domaine des anges : l’Or/substance, en sa pleine valeur, et la fausse monnaie, le domaine des démons (en toutes les valeurs frauduleuses). Mais les cycles du temps et les lieux de l’espace disent tout autre chose.

 

L’Espace et le Temps — Pour les quêtes du Graal et l’alchimie de la substance, les 4 cardinaux contenaient l’Espace, mais les unes et l’autre ne parlaient que d’étendue : de la pierre ou du bloc, de la table ou de la coupe. Leurs délits même n’étaient que des étendues : des faces apparentes ou du joint.

Au contraire, quand ils traitaient du Temps, ils ne disaient que des durées : du matin ou de l’enfance, de l’après-midi ou de l’âge adulte. Inverses, les deux durées, magique l’une, morale l’autre, se joignaient ou, plutôt, se chevauchaient en un moyeu/milieu, qu’on pouvait dire la puberté ou l’ermitage, le Graal En Soi ou l’Or/substance. Dans l’Instant, hic et nunc (mais aussi le Sic et le Non d’Abélard) s’alliaient la Fable, son espérance naïve, et le principe, en sa permanente nostalgie. Ou bien : la flèche de la perception et celle, contraire, de la conception, du Passé au devenir l’une, du devenu à l’Avenir l’autre.

Hors des Quêtes et de leurs lectures, on dirait que l’Espace et le Temps se présentent autrement, à l’inverse.

Pour Thessalos et Ripley, c’est le Temps qui se fait quadrilogique. La Croix dans le cercle, la « partition » le définit, elle seule permet de le répartir en 4 zones, qui sont également 4 triangles, isocèles et rectangles.

L’ingrédient se cueille en mars ou en juillet, il est du printemps ou de l’été; mais les chemins aussi, du jour, du mois, de l’année, se situent en ce quadrant-ci ou en celui-là, et le Couple, séparé en plein midi, se retrouve uni au minuit. Le Passé, l’Avenir, le devenir et le devenu se font une quadrature : inconciliables, les premiers, quand les seconds se concilient et se chevauchent.

Différemment, l’Espace n’est plus — ou pas encore — l’étendue, de ce corps ou de cet instrument. Il peut être ce qui sépare les discontinus, comme on dit encore un « espace » pour dire l’intervalle qui les sépare. Il déborde les corps qui s’y meuvent ou les objets qu’on y transporte. Cet Espace est trilogique : Je ne lui reconnait que les 3 dimensions. Si les lignes, courbes ou droites, dessinent la première, l’unique, en la seconde, par le joint de l’horizontal et du vertical, les triangles, les carrés se reconstituent.

Dans les 3 dimensions s’imposent les volumes : le cône, la pyramide, la sphère ou le cube, projetant seulement le rêve d’une 4ème, qui jouerait du contenu et du contenant. Car Je lui-même n’a que ces trois dimensions, s’il ne traite que de l’Espace.

Mais le centre du temps quadrilogique, où le situer? Au centre du cercle, à l’embranchement des voies horizontale et verticale? Ou bien en des foyers divers, en cette ellipse-là (de l’étendue et de la durée) ou en celle-ci, du Temps et de l’Espace? Ni Zosime, Lulle, ni Thessalos, Ripley n’ont considéré ce problème géométrique, trop préoccupés — déjà ou encore — par la matière de l’UN.

Jean-Charles Pichon

Publié dans Les Alchimies | Laisser un commentaire

LES ALCHIMIES IV – L’abrégé des formulations

IV

L’abrégé des formulations

 

Les deux dialectiques — En ce temps, celui de Thessalos ou celui de Ripley, les dialectiques majeures sont de la Figure et du Mouvement d’une part, l’Espace et le Temps de l’autre. Mais qu’y deviennent les dialectiques (postérieures ou antérieures) de la Substance et de l’Essence, de la forme et de la matière, des différentes espèces (aspects, spécialités) et des différents genres (le génie, la généralité)?

Pour le dire nous serions contraints d’en revenir aux deux lectures : Promesse/réponse, ou aux deux actes/Evénements des Quêtes, si, précisément, ce recours nous était encore possible. Mais le temps de la Promesse commence à peine : sous la dictée de Paul, le poète Lucanus écrit son évangile (que, peut-être?, ont précédé les « logos » de Matthieu) : Marc et surtout le prêtre Jean ne composeront leurs évangiles que plus tard. Ou bien, le temps de la Réponse est révolu, depuis deux siècles déjà.

Quant aux Quêtes du Graal, les actes du chevalier et du roturier, elles ne commenceront que quatre siècles après Thessalos, en la fin du 5ème siècle. Elles sont achevées depuis 900, plus ou moins par la fin des Carolingiens, ou les Occultations des Islamiques : les peuples en pleurent le terme (la fin du Temps) depuis l’an Mil.

Non seulement le Graal ou l’Or/substance ne sont plus des projections, à l’avenir pour les Teinturiers, au passé pour les scolastiques, mais ils sont maintenant inimaginables, sinon comme un chevauchement, un joint impénétrable, de l’unité motivante et de l’unité articulaire : terme de la fable l’Um, cause du principe l’Ua.

Il faut donc concevoir les lectures et les actes hors de leur existence réelle, en des temps qui ne les connaissent pas.

Que reste-t-il? Ces deux dialectiques :

a) humaine, celle du Je, qui ne distingue guère que le Yin et le Yang, le continu et le discontinu, mais en des changes multiples, sans cesse répétés, comme Lulle l’a montré : de l’autre à l’un, ou de l’un à l’autre, dans le mouvement, ou plutôt les mouvements (direct, précessionnel), comme par les 4 « facteurs » de la particule élémentaire de nos physiciens.

b) extrahumaine, celle des dieux, telle que Je ne peut que la rendre numérique (la quantifiant), la figurer ou la nommer (en jouant de l’homonymat et de la synonymie). Car l’un des termes de la dialectique est le cercle (la forme vide) qui fait que les cycles se répètent, mais que dans le cercle, les états ne se répètent pas, comme on le voit par l’enfance (ou la civelle) et par la maturité (ou l’anguille). Le terme de l’analemme, de l’ellipse, ou du triangle, du cône, de la pyramide, est le sommet de la figure, l’Etre EN SOI.

Je ne dispose que des systèmes, même si le système comprend plusieurs « ensembles » : de l’Un ou de la forme vide (1 et 0). Les dieux — ou dieu — disposent de l’Ensemble Même, de tous les systèmes imaginables, et cet Ensemble est l’UN, l’unité de l’univers, dans le chevauchement de l’Um et de l’Ua, du chevalier et du roturier, de la fable et du principe toujours.

Une dialectique demeure-t-elle possible, qui jouerait du contenu et du contenant d’une part (le Système ou l’Ensemble contenant), du continu et du discontinu de l’autre, dans une alternance incessante? Ce devrait être entre le Simultané, du contenu et du contenant, et le Successif, du yin et du yang.

Or, le divin exclu, au-delà des Lectures, la Coupe n’existe pas encore (où l’on boit le Sang), ou bien elle n’existe plus (la Partition royale). Mais une attente s’impose, dont Je ne sait pas encore à quoi elle tend; ou bien une détente/déliement — Je ne sait plus après quelle tension.

Cent prophète ont porté l’attente : Socrate, Platon, Bolos ou Carnéade : elle est mûre autour de l’an 0, même si le prophète juif n’attend pas le même dieu que le grec, l’hellénistique, l’indien. Et, sans doute, parmi ces prophètes, un certain nombre — le plus grand nombre — regardent encore vers l’Est : la Grèce, l’Egypte, l’Asie Mineure, l’Inde au-delà : les grands combats, Philippes, Actium, et ceux d’Alexandre d’abord, en Perse, dans l’Inde, auront eu lieu à l’est de Rome. Mais c’est vers l’Ouest qu’ont regardé les plus grands : l’Egyptien ou le Juif (Daniel); Pythagore fut italique et les Gréco-indiens ont reproduit les sciences des hellénistiques.

Cent érudits, médecins, astronomes, « physiciens » continuent seulement la voie de Galaad vers l’Est, au 16ème siècle : ils n’en finissent pas de couper, de partager, en une diversité de figures impressionnantes : l’homme-zodiaque, les orbites de Copernic, les volumes parfaits de Kepler, les « abrégés » mythologiques de Scève, de Nuysement, des Rose-Croix, les séries convergentes et divergentes des nombres (que, dès le départ, Mercator figure sur la sphère ou le globe terrestre, etc.

Mais des prophètes, déjà, regardent vers l’Ouest, de Thomas More à Nostredame, de Nostradamus à Montaigne. Vers 1620, ce sera vers l’Occident que les derniers nostalgiques (les juifs) et les libertaires protestants se précipiteront, par le May Flower. Ceux-là ne veulent plus rien « couper », depuis longtemps soumis à la circoncision ou las des analyses scientistes. Une autre lance les dirige, une autre flèche : la pression même de la magie, de l’aventureuse contingence. Ils vont à la recherche d’autres légendes, d’autres mythes.

Ce n’est pas le cercle qui nie le triangle, mais c’est la simultanéité des triangles qui nie la triangulation de l’Unique :

L’ère de l’Ichtus, le Christ/poisson, n’est plus qu’une ligne (2 courbes, au mieux) entre le Passé et l’Avenir. Ce qu’on nomma sa formulation ne fut que le déclin de IAV (aujourd’hui, Jéhovah); ce qui apparait son déclin est aussi la formulation d’un dieu tout autre : l’Esprit, saint ou libre, le Kalkin des hindouistes, le Maitreya des bouddhistes, le Messie triomphant des juifs et des chrétiens.

Il ne s’agit plus d’un cycle mais de 3 : un Ouroboros triple. Il ne s’agit plus d’un triangle ou d’un cône, mais d’une multitude de figures, certaines reconnues comme telles (les Volumes Parfaits), d’autres indiscernables encore, dans une dimension « n » ou quelque dimension irrationnelle (fractalisée).

C’est ce que vont tenter de dire deux alchimistes, tous les deux à demi légendaires, avec près de dix-sept siècles d’écart : du 1er siècle avant J.-C. au 16ème siècle après le Christ.

Cléopâtre, reine d’Egypte, et Basile Valentin.

 

Les deux Cléopâtre, les deux Valentin — Pour comprendre l’étrange figure (la protéger dans une 4ème dimension?), il faut supposer que les deux droites : 3/5 et 5/4 sont les diamètres de deux cercles, le premier plus petit que le second, tangents en 5. Ou bien, si je prends quelque 1′ ou quelque 7′ pour centres, il s’agit de deux courbes, inverses, en deux cercles, sécants.

Or, les œuvres de « Cléopâtre » et de Valentin montrent clairement qu’ils ont conçu, tout à la fois, ces cercles tangents et sécants, en même temps que les 3 triangles, car Cléopâtre vivait encore dans le triangle (archaïque) de l’Amon-bélier, et Valentin vivait déjà dans le triangle (éventuel) de l’Esprit Libre. Vivant aussi — déjà/encore — dans le temps de l’Amour, il leur fallait porter les deux figurations. D’où, la duplicité de leur œuvre.

Dès le premier regard, pourtant, une distinction de taille : la duplicité du Renaissant est volontaire; rien ne permet d’affirmer que celle de l’égyptienne le fut.

Le nom même : Basile Valentin témoigne de cette volonté, puisqu’il s’agit des deux vocables qui dénommèrent les deux grandes voies gnostiques des premiers siècles chrétiens.

Parmi les composants de l’Ichtus, les disciples de Valentin avaient choisi la « voie d’eau », conçue comme une voie de vérité : la trinité de l’Hermès, que les bouddhistes de Gautama, à même époque, nommaient la Voie Etroite — le Soter cancérique, le Sator/sauveur, et le Kronos/Saturne, le Basis scorpionnaire, différemment.

Les disciples de Basile avaient choisi la Croix des dieux du Bien, le Christus certes, mais aussi la Vierge, sa mère, les Gémeaux de sa dualité, et le Grand Arkhon, le Grand Eon, qui avait envoyé la flèche ou le Messie. Le jeu des « éons » était ici des plus complexes, ces anges répartis en des groupes distincts, qu’on pouvait croire successifs, les « plérômes », bien qu’ils fussent simultanés, en l’UN, comme les bases étagées du Triangle d’Aristote, ou comme des cercles concentriques. Le Basis ou Pistis se tenait hors des cercles, exclu depuis Sumer (l’Apsu) et tout le travail des Basilidiens tendait à la réintégration du Verbe dans l’ensemble des plérômes divins — comme du Scorpion au Sagittaire.

On ne sait en quel temps le Basile Valentin de la Renaissance a réellement vécu, mais son œuvre : Les douze clés, n’a été publiée qu’en 1617, c’est-à-dire en même temps que toutes les œuvres des Rose-Croix (1596/1624). D’une certaine manière, même, on peut dire que la Rose-Croix et Les douze clés portent une pareille tradition — ou légende. Comme du fondateur — supposé — de la première (Christian Rosenkreutz), on dira de Valentin qu’il a vécu au 15ème siècle, c’est-à-dire au temps de Ripley. D’autres en feront le contemporain de Paracelse (1538), comme la Rose et la Croix font le sceau de Luther, dans les débuts du 16ème siècle, etc.

D’une manière ou de l’autre, ces traditions et ces coïncidences remplissent tout le seizième siècle : ni les 12 ni la Rose-Croix ne seront absents des œuvres de Luther, de Paracelse, de Rabelais ou de Fludd, de 1520 à 1600. Mieux : les deux figures mêmes, de la Rose (ses courbes) et de la Croix (ses droites) suffisent à formuler les deux parties de l’œuvre de Basile Valentin : les 6 premières clés d’une part, les 6 dernières de l’autre.

Tout au contraire, les deux fragments de l’œuvre de « Cléopâtre », Le Dialogue avec les philosophes, et l’Ouroboros de l’alchimie (un seul feuillet) ne peuvent être tenus pour une duplicité volontaire : il se trouve seulement que, seuls, ces deux fragments nous restent. Mais, de fait, l’un : l’Ouroboros annonce les Valentiens, l’autre, le Dialogue, les Basilidiens.

Puis, il est sûr qu’une autre tradition ou légende recouvre l’écriture de ces ouvrages, sur tout un siècle aussi. La Reine d’Egypte vécut au 1er siècle avant le Christ : épouse adolescente de Jules César, maîtresse aguerrie de Marc-Antoine, victime d’Octave-Auguste : origine, préambule d’amour à tout l’Empire.

Mais on ne parle pas de ses œuvres — prétendues — avant la fin du 1er siècle après le Christ, c’est-à-dire au moment de la lettre de Thessalos. L’auteur du Dialogue est-il bien celui de l’Ouroboros?

Mais il reste que le basilidisme du Dialogue répond aux 6 premières figures des Clés, et que le valentinisme de l’Ouroboros répond aux 6 dernières figures. Car il s’agit, ici et là, de figurations de l’alchimie toutes différentes, pour ne pas dire : contradictoires.

Les genres ou les sexes — Traitant de l’ère d’Amour, qui commence pour Cléopâtre, qui s’achève pour Basile Valentin, les deux auteurs ne peuvent mieux caractériser les deux voies que par les Sexes, qui se séparent ou qui s’unissent. Ces sexes sont, substantiellement, des « genres » : le genre masculin, qu’ils nomment l’Epoux ou le Marié, et le genre féminin, la Mariée ou l’Epouse.

a) dans le Dialogue, la séparation des sexes, l’Epoux d’une part, l’Epouse de l’autre, ou bien de la forme et de la matière, se constate à l’est, en Egypte géographiquement et, plus précisément, dans l’antique Maison des Morts, que tous les textes des Pyramides, puis les textes des Sarcophages ( Le livre des morts) ont longuement décrite ou explicitée.

A l’Ouest ou l’Occident attend le dieu futur, le Grand Poisson Osiris, en un « sommeil », dont la Vierge Isis (ou l’adolescente Cléopâtre?) le tirera. Car l’Union se fera là-bas (à Rome?) et pour cette Union seule il est convenable d’œuvrer — de l’est vers l’ouest.

Cette voie, cependant, ne serait qu’horizontale. Elle ne suffit pas à l’accomplissement de l’œuvre; Cléopâtre le démontre par la symbolique des végétaux : « Certains poussent sur la montagne et en descendent, à mesure qu’ils poussent plus nombreux hors de la terre. D’autres ne poussent que dans les vallées, les plaines ». Il est vrai qu’on les cueille, celles-ci, en certaines saisons, selon la croyance zodiacale. Mais, sur le mont et dans la plaine, l’air et la chaleur les mûrissent, la terre et l’eau les font pousser. La Croix est reconstituée, horizontalement de l’est vers l’ouest, verticalement de la montagne à la plaine (de haut en bas) mais aussi de bas en haut ou de la terre à l’air, par la pousse des plantes. Les philosophes ne se laissent pas prendre à la figure cruciale, qu’ils tiennent pour mythologique. Ils répondent : « l’eau baignait le cercueil en la Maison des Morts, elle succédait à la lumière, au feu de la vie. Tu nous dis que l’eau pénètre la terre, au début de la germination, et qu’elle remonte jusqu’au ciel par le nuage. L’eau contient-elle, comme l’inondation les terres, est-elle contenue et pénétrante? » Autrement dit : lequel places-tu au nord, au sud, du feu ou de l’air? Et de quoi servent tes paroles, si elles ne permettent aucune figuration?

La reine répond : »Vous ne comprenez pas, faute d’un Centre. Vous croyez que la maturation des choses (éléments, végétaux ou pierres) correspond à leur cueillette, ou à leur extraction du milieu d’origine. Mais il n’en est pas ainsi : la manifestation est d’une époque, la maturation d’une autre. Entre les deux moments (l’Eveil et le Royaume des mystiques) se déroule l’arc-en-ciel sublime des couleurs, sous l’action du Feu, comme du vert de l’aube ou du printemps, au pourpre de l’automne ou du coucher de soleil. Ce qui est vrai du Feu l’est de l’Eau : les vagues ou lames (de l’Eau) blessent le corps en Hadès, elles détruisent le corps, dans le tombeau où il repose. Mais, à l’ouverture du tombeau, les morts sortent d’Hadès, comme l’enfant de la matrice ou l’enfant de la mère, et c’est alors l’eau (ou le lait) qui nourrit le ressuscité ».

b) Où Zosime placera la mort de l’homme de cuivre, dans les flammes de l’enfer, et le regard impuissant — quoique lucide — du barbier d’argent, et Thessalos l’autre impuissance de l’homme du zodiaque et l’inspiration du topologue, Cléopâtre annonce la résurrection et le change des Eléments (Feu, Eau) du maléfique au bénéfique, bien que cette résurrection doive passer par la Maison des Morts.

Basile Valentin, en ses premières figures, raisonne tout de même.

A la « destruction centrale » de Ripley, il oppose un changement de jeu, qui doit conduire à l’Unité nouvelle.

Les 6 mènent ici des Epoux séparés (en 1) aux Epoux unis, par l’Evêque (en 6). La Mort est bien entre les deux figures (en 4), mais les combats l’ont précédée, en 2, sous l’action/observation de Mercure, et en 3, où le Dragon supporte le Coq viril et le Renard féminin. Une autre trinité suit en 5 : le Lion, le Soleil, Eros archer. Le Feu est le 3ème acteur, l’Evêque du Christ ou de l’Amour, le Dragon de la Passion, qui unira le Roi et la Reine.

S’il n’existait que le Dialogue, nous ne saurions quel fut le 3ème acteur de Cléopâtre. Nous savons que, pour Valentin Basile, ce fut le Sel (dont certains donnent la paternité à Paracelse) entre le Mercure/hermès, humidifié, et le Soufre  — sec — des anciens alchimistes. Car, jusqu’au 16ème siècle, l’alchimie ne jouait que du Mercure et du Soufre, de la voie humide et de la voie sèche, nommant le 3ème facteur : le Mixte (ou la dialectique de Boèce). L’Evêque n’est-il pas dans le monde des humains le représentant du Christ ou de l’Amour, le Sel de la Terre?

Mais il est sûr que, pour les deux auteurs, les Sexes ne figurent que l’Amour, maître en l’ère du Poisson, où pénètre la Reine d’Egypte et d’où le Renaissant se tire. Ils ne disent, les gendres, que l’ère de l’Ichtus, qui triomphe de l’un à l’autre auteur. Tout autres seront l’Ouroboros de Cléopâtre et les 6 dernières figures des Douze Clés.

 

Les espèces, monétaires ou de valeur — Qu’est-ce qui survit au cycle, utilisable dans la Promesse de l’Eden, celle de l’Alliance, celle de l’Eucharistie? Dans le Taureau, le Bélier, le Poisson, le Verseau un jour? Si les matières doivent périr, les genres se dissoudre (par l’union et hors de l’union), quelles formes, quelles espèces doivent survivre, immortelles?

Pour le Renaissant et pour la Reine d’Egypte, il faut répondre : les formes géométriques, qui sous-tendent les images et leur survivent.

Mais, bien sûr, Cléopâtre et Basile Valentin n’expriment pas cette réalité par de mêmes termes.

a) Une Cléopâtre II régnait sur l’Egypte cent vingt ans avant que César ne devînt dictateur. Des Cléopâtre V, VI et VII se succèderont avant et après que l’Egypte fût conquise par Rome. Pourquoi donc prêter à la concubine de César et de Marc-Antoine l’unique feuillet de la « Fabrication de l’or »? C’est que, bien évidemment la figure qu’il porte résume la conclusion — hermétique — du Dialogue.

Cette conclusion rend grâce aux maîtres de la Reine de lui avoir révélé le grand mystère : de mystérieux « frères » (des Esséniens ou les auteurs de quelque évangile apocryphe?), et le grand-prêtre égyptien Comarius, entre autres. Mais le Secret gisait dans l’ombre depuis longtemps « enseveli avec de nombreux sages et prophètes ».

Irremplaçables, les Eléments ne peuvent rien accomplir par soi-même : tout est dans le change « qui soumet le Feu à l’Eau, la Terre à l’Air, comme l’Air l’a été au Feu, la Terre à l’Eau, ou le Feu et l’Eau à la Terre, ou l’Eau et l’Air, afin de réaliser leur unité ». Ces changes — ou ces échanges, plutôt — épousent une forme trinitaire, lorsque les Eléments sont quatre. La Reine ne dit pas comment, mais l’algèbre zodiacale précise sa pensée : l’Hermès trismégiste est triple (le Poisson, le Cancer, le Scorpion) comme les Rayonnants de la Synarchie le furent (par le Souverain Ra, l’Archer Horus et le Bélier d’Amon), comme les 3 de Terre (la Mère Première, Ghéa, la Vierge Isis, la vache Hathor) ou les 3 d’Air, un jour. En cette trinité perpétuelle réside l’Un qui est Tout.

Dix figures des premiers siècles disent la Trinité de l’Eau ou d’Hermès. Il s’agit toujours de 3 cercles concentriques : l’Ouroboros lové triplement sur soi-même. Mais l’Ouroboros de Cléopâtre est le seul qui se présente explicité.

Le cercle extérieur porte la mention : « Le Tout est Un », c’est la mention de la Table d’Emeraude, selon laquelle le Tout de l’univers fait unité : un Ensemble au-delà de tous les systèmes. Le cercle intermédiaire joue des 2 et des 3, avec cette légende : « Le Serpent est un, lui qui possède le Venin et les deux compositions (l’une bénéfique, l’autre maléfique) ». A l’intérieur du cercle se reconnaissent les symboles de l’or, de l’argent et du mercure, en précisant le caractère trilogique. La troisième figure, légèrement à gauche, représente le Serpent lui-même, qui se mord la queue. La mention est : « Un est Tout », c’est-à-dire qu’en toute unité réside une totalité, ne serait-ce que celle d’un « système de symbole ». Mais une figure de droite ne figure que l’alambic, avec deux points ou deux becs. Sur le fourneau est inscrit le mot : Flamme (phota). Car le Bès ou Basilic — le serpent légendaire — n’est pas un symbole d’eau sans être le germe — le Verbe — de toute création, la fille/mère du Taureau.

Ainsi le zodiaque est-il l’Unique, la Science même, trinitaire en chacun de ses 4 Eléments ou Cardinaux, dualiste en tant que yin ou yang, continu ou discontinu, mâle ou femelle.

Mais, surtout, système de symbole d’une part, grande image de l’autre, en tant que genre ou espèce (aspect/singularité). Selon que je le considère comme une création de l’homme, signe de « ma » liberté, ou comme la reproduction, la ressemblance d’un ensemble qui échappe à tout homme…

Dans un autre manuscrit, qu’aucun commentateur n’attribue à la Reine (Ms de Paris, 2327 f 196), le cercle intérieur porte les 4 pieds, base de toute chose, il est coloré en vert; le cercle intermédiaire est jaune; le cercle extérieur, rouge, porte 3 oreilles au-dessus de la tête du Serpent. La figure évoque à la fois trois des Empereurs mythiques chinois, du Rouge au Vert par le Jaune, et l’énigme du Sphinx, de vingt siècles antérieure : l’Etre est quadripartite en sa naissance, tripartite au soir de sa vie, duel au midi.

On pourra même y voir comme un écho de la millénaire acupuncture chinoise (ses chakras) ou un pressentiment de l’homme zodiacal, dont le 17ème siècle sera féru : le Poisson correspond aux pieds, le Bélier à la tête. Entre les deux s’échelonnent les autres signes, du Verseau au Taureau (de bas en haut), par le sexe géant de Bès (Basis) ou l’obscène scarabée.

Cependant, trop ambigu, l’étrange Ouroboros ne transmet plus le rigoureux message de Cléopâtre : tout au plus rend-il plus compréhensible les 6 dernières Clés de Basile Valentin.

Jean-Charles Pichon

Publié dans Les Alchimies | Laisser un commentaire

LES ALCHIMIES V – La formulation des ambivalences

V

La formulation des ambivalences


La flèche du temps — Le fondement de toute science rationnelle est la croyance en une flèche unique du temps. Cette flèche est axée de l’Avant vers l’Après : soit du Passé vers le devenir, soit du devenu vers l’Avenir. Mais les deux sens eux-mêmes ne peuvent se succéder que de l’Avant vers l’Après : dans le cycle cosmologique, le matin précède le soir ou le printemps l’automne; dans le processus de vie, l’enfance précède l’âge adulte, ou (très probablement) le minéral la plante, qui précède l’animal.

Cette croyance est donc suffisamment prouvée, à cela près du moins que, quelque part, dans l’Instant, hic et nunc, le devenir précède le devenu (mais c’est alors le devenir qui est avant, le devenu qui est après).

La croyance du scientiste est autre : c’est que la cause précède nécessairement l’effet, ou que cet avant-là impose cet après-ci, le déterminant. Elle soumet l’Avenir au devenu, ou le devenir au Passé — et elle prétend, par suite, soumettre tout Avenir à quelque Passé. Or, cela n’est que la voie du principe, de la sentence ou de l’édification : le chemin de Galaad, ou bien celui de l’alchimie depuis Boèce, par le Chrétien, Scot, Villeneuve, Lulle, Ripley, Basile Valentin.

Une croyance ou un ensemble de croyances toutes différentes assurent que l’Après commande l’Avant, ou le 2ème terme le 1er. Elle remplace la cause articulaire par un motif totalisant, ou les Arts de Boèce (les Jugements de Kant aussi) par les Vertus de Scot Erigène (synonymes des Vertus de Platon). C’est la voie de Gauvain, de l’enfance, de la fable, du récit. Le chemin de la mythologie ou le monde du polythéisme.

Mais si, de sa voie propre, le mythologue remonte à l’ensemble des voies et prétend refuser l’unicité du chemin de l’Avant vers l’Après, il retombe de fait à la mythomanie; il n’est plus qu’un malade.

C’est donc le renversement de la détermination de l’avant par l’après (le motif) à la détermination de l’après par l’avant (la cause) qui fait tout le passage d’un discontinu magique, hasardeux, à un continu prétendu nécessaire, scientifique. Mais quiconque refuse cette plaque tournante, pour imposer sa « façon de voir » à l’adversaire ne peut être qu’un scientiste ou un mythomane. Et cela, bien que, réellement, la flèche du Temps ne soit qu’une : de l’Avant vers l’Après.

Si bien que, paradoxalement, on pourrait dire que les deux maladies de l’esprit, le scientisme et la mythomanie, donnent de l’ensemble de la Machine une conception ou une perception plus exacte que la fable du mythologue et le principe du savant. Non seulement Perceval mais Etienne furent sans doute ce double malade, que sa duplicité sauvait, en quelque, de la partialité de la fable et de celle du principe.

N’est-ce pas en quoi l’Or/substance ou le Graal se présentent aussi comme des erreurs ou des délits : le dernier aspect du cube (la face cachée de la pierre) ou le premier joint des feuilles ou des couches d’ardoise? Au cœur des Quêtes, la mort du Roi ou, plus exactement, sa maladie est le premier Mal : la peur de la disparition de l’Image. Au cœur des alchimies, l’impuissance d’Etienne à définir le « genre » et « l’espèce » est le second Mal : l’ouverture à tous les délires scientistes, par le mauvais emploi des symboles.

Les lectures et les faits — Dans l’Histoire, les Quêtes se présentent comme un ensemble de délits et de déliements (actuels) contenus dans les deux lectures de la Promesse et de la Réponse.

Ce n’est que la reconnaissance d’une ou de plusieurs discontinuités dans le cadre d’une continuité mythique (la Promesse) ou savante (la Réponse).

En tant que lectures, les Quêtes se peuvent dire des Descriptions des Actes (ou des Evènements); en tant que délits ou déliements, elles se peuvent dire des Actes de descriptions, soit du Tout soit des parties.

Le jeu de l’alchimie est plus complexe, car il ne joue pas de l’Objet et de ses descriptions, ou pas seulement de cela.

Dans un 1er temps, l’alchimiste ne quitte pas vraiment l’orbe de l’objet. De part et d’autre d’Etienne, on a cité le Chrétien et l’Anonyme, Erigène et Boèce, Aeineias, Olympiodore, Zosime encore d’une part, Michel Scot, Villeneuve, Lulle de l’autre, seulement préoccupés de décrire : le genre et l’espèce, la forme et la matière, la figure et le mouvement.

Dans un 2ème temps, le mouvement ou le change prennent le pas sur la description de l’objet. C’est, très précisément, vers 1300, en la fin des réponses, et après la dernière, ou vers 200, au début de la Promesse, et en son achèvement, au-delà de l’œuvre du « prêtre Jean » ou à la veille de la première Messe (sous Sévère-Alexandre).

En ces temps, de 60 à 200, ou de 1300 à 1500, les symboles débordent l’Image, l’or/symbole prend la place de l’or/substance. Les fables sont encore incohérentes et le principe se fait illusoire. Car les faits sont évènementiels (fléaux des invasions, des lèpres ou des pestes) et ni la fable ne peut tous les dire, malgré les Vies dorées des Saints, ou malgré les œuvres germaniques, celtiques, orientales, ni le principe ne peut s’en rendre maître, malgré les logiques scolastiques ou l’algèbre islamique, entre autres.

Plutôt qu’elles ne donnent des méthodes, les alchimies recensent des personnages : humains, comme les philosophes grecs ou les grands maîtres (Avicenne ou Averroès, Boèce, saint Thomas, Albert le Grand, Roscelin ou Abélard) ou à demi-divins, agents de la divinité : anges ou démons, Intelligences de l’Islam.

Elles disent le rôle — ou bien les rôles, contradictoires — des seconds, l’emploi ou les emplois que JE peut faire des premiers. Ou bien elles disent les « dispositions » des uns et des autres, leurs tendances (vers l’ouest ou vers l’est) et leurs emplacements, positionnements, comme états de l’Etre en cette Station, ou cette station en un Etat choisi comme exemplaire : l’Islam, la Chrétienté.

Ce temps se prolonge de Thessalos à Zosime, de 60 à 260 ou 300 (le temps des Martyrs) ou, de nouveau, depuis Lulle jusqu’à Ripley, englobant les 14ème et 15ème siècles. Il commence ou s’achève par l’étude des « moyens » de l’alchimie, dans l’espace et dans le temps. L’un des moyens est temporel, lié au zodiaque ou aux saisons, et la Croix y devient celle des Saisons;  l’autre moyen, dans l’espace, peut jouer aussi des Cardinaux, mais c’est de la montagne et de la vallée, de l’occident à l’orient : ils ne sont alors que des passages de l’Unique à la pluralité, de la coagulation à la dissolution, ou à l’inverse. Les Sexes s’imposent ici (chez Ripley), leur union, leur séparation, tandis que les Valeurs s’affirment chez Thessalos : le bénéfique (par alliance et sympathie) et le maléfique (par opposition, antipathie).

Ces moyens, cependant, sont à peine esquissés, plutôt comme des « moyennes ».

Le 3ème temps est celui que nous venons d’étudier. Il se prend de l’Ouroboros triplé de Cléopâtre à son Dialogue (le 1er siècle).

Ici et là, le moyen est tenu pour une Instance : une sollicitation vers l’est, une sollicitude vers l’ouest, ou bien une sollicitude vers l’ouest considéré comme le lieu de vie, par l’alliance des sexes, de l’Epoux et de l’Epouse, de la Reine et du Roi; une sollicitation vers l’est considéré comme le lieu de mort, d’opposition, de dévoration, d’entropie. L’instance de la fable, du récit, du conte — ou celle de l’institution, du principe, toujours.

Mais aussi le moyen est un nombrement de distances, depuis le point d’arrivée (le motif) ou depuis le point de départ (la cause), par ces étapes que sont les nombres entiers ou les fractions, puis les nombres irrationnels (le nombre d’Or, Pi), sinon les signes zodiacaux, jadis principes ou portes, maintenant clés.

De toute manière, l’Objet/substance, le Graal a disparu. Seuls importent les personnages, les Acteurs qui le transportent, s’il n’est qu’Un (s’en nourrissant parfois, comme le voyageur qui mange sa marchandise, lorsqu’il est affamé), ou qui vont de l’un à l’autre, si les ensembles d’objets sont deux (1 et 0).

Ou seuls importent les Moyens, milieux/moyennes, par lesquels l’objet se transporte ou par lesquels le voyageur va de cet objet-ci à celui-là.

Si le fait dont on traite est un Evènement (une Promesse ou un Défi en sa lecture), il est vrai que l’étude du Personnage suffit, objet de la Promesse mais sujet de la Réponse : Gauvain ou Galaad, à la limite, par les fables des Anciens, les principes des Modernes, ou dans l’enfance et dans l’état adulte de ce personnage-là.

Mais, si le fait dont on traite est un acte, le personnage compte moins que le moyen employé (par l’acte comme libre) ou imposé (par l’acte comme conditionné).

Le personnage pouvait être yin ou yang, mâle ou femelle, un désordre ou un ordre, pénétrant/contenu ou pénétré/contenant. Il n’avait que ce genre-là : féminin, masculin (éventuellement homo).

Le moyen est bien évidemment, soit contenu en un Ensemble, sous le nom de « système », soit contenant de plusieurs ensembles, comme Système. Si le moyen nombre des distances, par la moyenne, il les maîtrise, les ordonne, comme tout système contenant. Mais, soumis à l’une des deux instances, il est conditionné par celle qu’il a choisie (la fable ou le principe), dans l’Ensemble qui le possède alors : la gravitation et la force faible de nos physiciens ne le mènent pas dans le même sens que la force électromagnétique, issue du gluon.

Si la question le conduit au quiproquo (de la contingence) dans ce sens-là, du Passé au devenir, l’Etiquette (principielle) le conduit à quelque fin (extinction, entropie) dans ce sens-ci, du devenu à l’Avenir.

Malheureusement, il n’est qu’une flèche du temps, de l’avant vers l’après, autour du hic et nunc (devenir/devenu). Plus JE s’éloigne, donc, de l’Or/substance ou du Graal, qu’il y tende ou qu’il en revienne, plus il sera éloigné de l’Etre, par les passages inévitables de l’Unique à la Pluralité, de la Description au Fait ou Change, des Personnages aux Moyens, etc. A la limite, l’union du genre et de l’espèce est devenue les genres sexuels d’abord, puis les espèces monétaires, avant le Christ ou depuis l’époque de la Rose-Croix.

Je ne peux traiter de la période (-360/-60) ou de la période (1620/1800) sans dire un 4ème temps, où l’Or/symbole a disparu, laissant la place à l’Or/valeur.

L’or/valeur : la Monnaie — A première vue, ces temps s’offrent comme des inversions, plus surprenantes que les autres (des 1er, 2ème, 3ème temps). Où l’on attendait une continuation du rythme lent, qui nous donnerait : 1620/1980, par exemple, pour l’achèvement des alchimies, nous découvrons une précipitation du rythme : dès 1800, on ne peut plus parler de cette science, faute d’ouvrages-maîtres.

Où l’on attendait une précipitation du rythme le plus rapide, comme de -180 à 0, on trouve un rythme beaucoup plus lent, comme de -360 à 0.

Le rythme court (sur 6 siècles) :     0             360 ans          -360

Le rythme long  (sur 10 siècles) :    1620       180 ans         1800

Si bien qu’une nouvelle croix s’impose :

Elle s’impose d’autant plus que, vers l’ouest, l’alchimie des Modernes (moyenâgeux et renaissants) apparait contenue en celle des Antiques : Aristote et Platon la déterminent, elle est d’abord une « mémoire », mais que, vers l’est, avant 0 ou depuis 1260, l’alchimie des Modernes échappe à celle des Antiques; de plus en plus volontaire, principielle et scientiste, elle mène vers tout autre chose, qu’on nommera les sciences de la chimie, de la biochimie, de la biologie, de la chronobiologie, etc.

Nous étudierons tout cela en détail.

A) De Démocrite à Cléopâtre :

Depuis deux mille ans, tous les commentateurs donnent Démocrite pour le fondateur de l’alchimie. Scientifique et rationaliste, il ne trait aucunement de l’or/symbole. Vers 217 encore, ce sera un autre savant, Archimède, qui publiera un traité sur la manière de distinguer une « teinture » de l’or ou de la pourpre naturellement organiques.

Sur ce siècle et demi (-360/-210), il semble donc qu’une alchimie scientiste ne s’est préoccupée que de l’or/valeur et, plus précisément, de la Monnaie. Si elle ne joue pas encore des « espèces », elle oppose l’aspect de l’objet (sa couleur, entre autres) à sa structure profonde, sa réalité matérielle, son « genre ». Un Démocrite déjà, un Archimède encore, combattent l’imposture de leur temps, au nom de l’hermétique vérité.

Or, dans les deux siècles qui suivent, jusqu’au Christ, il ne sera question de rien d’autre que de cet aspect d’une part, ce générant de l’autre (par l’alliage).

Un Bolos de Mende domine tout le 2ème siècle, alors que l’étude mythologique, négligée depuis Platon, se développe par Ennius, Carnéade, Varron, tous inspirés par Bolos. Or, le fondement de l’œuvre de l’alchimiste : la dialectique de la sympathie et de l’antipathie est aussi le fondement de l’œuvre mythologique : la tradition des Sibylles (immémoriale), qui traite uniquement de l’accord et du désaccord entre les divinités. Si l’accord fait la vie, le désaccord fait la mort. Et, de même, des matières inconciliables, ne pourra jamais être obtenue la Pierre Ultime, que le bon alliage seul permet. Comme toutes les grandes légendes — les plus durables — celle des Sibylles témoigne tout à la fois :

a) de la croyance d’une époque,

b) de la volonté de l’universaliser, de l’intemporaliser et d’en faire le contenant de tous les cycles concevables.

Dans l’acception la plus commune, 9 Sibylles se sont succédées, qu’il convient de rattacher aux 9 Muses d’une part, aux 7 sommeils de tous les dieux et, notamment, de la Vierge (Isis ou Ishtar) qu’ont précédés les Deux de l’Unité. Chaque phase couvre les 7 siècles (exactement : 777,6 ans). Au temps du Christ, la 6ème a parlé à Cumes, la 7ème parlera au 7ème siècle : ce sera Fatima, l’initiatrice de l’Islam chiite.

D’autres ont vécu au temps des Perses, au 7ème siècle avant le Christ, au temps d’Orphée, au 15ème siècle, etc.

Mais, dans une autre optique, le symbolisme des Sibylles, au temps du Christ, révèle l’importance croissante de la Femme dans le prophétisme du Poisson et la constitution de l’alchimie. Car une femme est derrière Pythagore (Sapho) ou derrière Socrate et son disciple Platon (Diotime). Au 1er siècle avant J.-C., Marthe, prophétesse de Marius, puis l’alchimiste Marie la juive, et Cléopâtre enfin établissent à elles seules les grandes étapes de l’Œuvre, vers -105, -60, -30. Elles arrachent, à elles trois, l’alchimie des Teintures de son domaine rationnel, qu’elles connaissent mieux que tout autre, pour en faire une quête mythologique, magique et symbolique enfin.

Marthe initie Marius au panthéisme : sous son influence le tyran projette le nouveau Panthéon, qu’Auguste instituera dans sa totalité; il admet la « mort » du Taureau et il exclut le Minotaure des emblèmes (enseignes) romains. Par la prophétesse, la Vierge abandonne l’élément de Terre pour s’intégrer à la 2ème Personne, celle du Bien, où elle devra être la mère du Poisson (Eumolpe ou Sémios).

De Cléopâtre nous connaissons les œuvres, apocryphes ou non.

Entre les deux, l’œuvre de Marie la juive (que les juifs nomment « sœur de Moïse ») est peut-être la plus surprenante, par l’invention des deux alambics : celui qui distille le produit, par l’action de l’eau, le Pélican, et celui qu’on dispose sur le foyer pour que, sous l’action du feu, le produit se transforme, ainsi que la Salamandre ou le Caméléon, en diverses couleurs.

De ces 2 alambics, le premier mot de la technique, surgiront quelque jour les 2 Coupes de Gauvain. Mais aussi, dans le siècle, le double jeu de l’Hermès et de l’Arkhon/aïon, sinon de la matière et de la forme, du genre et de l’espèce, etc., que portent déjà les deux fragments de Cléopâtre.

De Démocrite à Marie la juive, sur plus de trois siècles, sans quitter le plan de la Valeur, les Monnaies ont ouvert aux Sexes, la rationalité à une nouvelle magie.

 

B) Il est plus difficile de dater précisément le terme de l’alchimie. Certains disent qu’elle n’est pas morte, puisque le rêve de « faire de l’or » hante toujours les mythomanes et que des commentateurs — quelquefois de valeur : Julius Evola ou Fulcanelli — en commentent les ouvrages encore. Mais ni la mythomanie ni l’analyse — nécessairement rétrospective — ne peuvent être tenues pour des survivances. Le dernier opérateur, Cyliani, a œuvré autour de 1800 : il était fort âgé (plus de quatre-vingts ans, dit-il) et sa misère, le mépris où l’on tenait son livre, l’échec de ses supplications, tout atteste qu’alors le temps de l’alchimie est à jamais passé.

Il s’est achevé, comme c’est souvent le cas, par l’imposture : d’un Comte de Saint-Germain ou d’un Cagliostro, dans la seconde moitié du 18ème siècle : des dizaines d’œuvriers  disent qu’ils ont fait l’Or, sans le prouver d’aucune manière.

Quant à la théorie, ils répètent celle qui a guidé les alchimistes du 17ème siècle, depuis la publication des Douze Clés jusqu’aux éditions de 1690/1710. Mais, si les œuvres de Marthe, de Marie, de Cléopâtre encore, devaient tout aux Teintures de Démocrite et d’Archimède, elles-mêmes issues de l’antique Métallurgie, celles du 17ème siècle (depuis Philalète) doivent tout — ou presque tout — à la nouvelle Astronomie.

De Kepler à Newton les théories sont telles :

a) Les planètes suivent dans le ciel des parcours réguliers, circulaires pour un Copernic, elliptiques pour un Kepler, autour d’un Centre : le soleil, depuis l’orbite de Mercure jusqu’à celle de Saturne, de la plus petite à la plus grande.

b) Un cercle autre, inconnu, contenant de tous les autres, maintient en cohésion tous les corps qui s’y meuvent et toutes leurs orbites, par la Force que Newton nomme la Gravitation. Ce cercle, des étoiles fixes (ou des constellations) peut être divisé en 12 régions distinctes, de 30 degrés chacune, que les premiers astronomes, de Copernic à Kepler, ne distinguent pas du Zodiaque.

Si dans l’espace cosmique les 7 orbites apparaissent simultanées — comme les reploiements de l’Ouroboros, les stations zodiacales : les 12 heures doubles du Jour, les 12 mois de l’Année, les 12 ères déduites de la 3ème loi de Kepler, se présentent comme successives, dans le Temps. Comme il en fut pour les positionnements des sexes.

Or, si je traite des Sexes, les 4 sont les deux personnages : la Mariée et le Marié et les 2 instances qui les déterminent : la sympathie vers l’union, l’antipathie vers la séparation, comme vers le coucher du soleil, à l’Occident, ou vers son lever, à l’Orient; ou bien de la naissance à la fin de la jeunesse (l’Unité de l’Etre JE) et de cette unité à la vieillesse, etc.

Mais, si je traite de la Monnaie, les 3 sont l’effigie, externe, l’alliage, interne, et les valeurs au centre (bénéfique, maléfique).

Un autre Centre, la « moyenne » s’impose entre le Plein de l’alliage (son unité matérielle) et le Vide de la forme ou de l’effigie (la Forme vide N). Cette moyenne est la moitié de l’ensemble (N+1), n = (N+1)/2 et 2n = N+1.

La double composition du Venin du Serpent, pour Cléopâtre.

D’où les questions :

1) Lequel est l’effigie, du mâle ou de la femelle? Lequel, l’alliage? Pour les disciples du Sexe, le mâle (yang) est interne : il pénètre, et le femelle est externe, pénétrée. Pour les disciples de la Monnaie, l’effigie (yang) est externe, l’alliage (femelle ou yin) est interne.

2) Laquelle est bénéfique, laquelle maléfique, de la sympathie ou de l’antipathie? Pour celui qui se dirige vers l’Ouest, de Bolos à Cléopâtre, de Cléopâtre à Zosime, bénéfique est la sympathie, dont le terme sera l’union des Sexes ou le chevauchement des Unités.

Mais, pour celui qui se dirige vers l’Est, de Ripley aux derniers alchimistes (depuis le Couchant), la sympathie est de moins en moins bénéfique : on la dira magique, affabulée ou rétrograde, occulte, le maléfique de la folie enfin (à partir de 1668). La voie salutaire est, tout à l’inverse, celle de la rationalité, que fondent les principes de la causalité, depuis l’Ua, et de l’identité (le tiers exclu), vers le monde sans dieu, sans unité, de la Forme Vide.

Comment se pourrait-il répondre, tout à la fois, aux deux types de questions? JE le peut-il? Dans le monde de la Raison, qui domine à présent, ce ne sera que par la distinction entre les 2 Raisons, les deux logiques.

Les deux raisons — Nous admettons de nouveau, en ce siècle, ce que le 19ème ignorait — ou commençait à peine de percevoir, par les grands romantiques et les nouveaux symboles (de Baudelaire ou de Nietzsche, de Rimbaud ou de Mallarmé) : il est deux sortes de raisons.

La première, qu’on dira logique, se fonde sur le principe d’identité : A = A’, et sur le principe du « tiers exclu » : si A n’égale pas A’, il l’exclut, je peux l’identifier à non-A’. Strasbourg est en France ou bien en Allemagne, cette heure fut hier lundi ou elle est aujourd’hui mardi. Mais l’objet ne peut être en deux lieux différents, non plus qu’en des temps divers.

Néanmoins, je peux concevoir un univers où la France et l’Allemagne n’existaient pas encore ou n’existeront plus, sans détruire pour autant Strasbourg. Ce pourra être une ville de la Chrétienté, ou d’un pays : l’Alsace, ou de la future Europe. Elle ne sera plus A, en France, sans être pour autant un non-A, en Allemagne : elle sera autre chose.

Nous nommerons cette raison extralogique, supralogique ou autrement, puisqu’elle admettra quelque « tiers inclus ».

Dans le temps, le problème peut apparaitre plus complexe, alors qu’il est du plus simple — ou, du moins, plus évident. Soit une succession de jours, datés du minuit :

Si je date le jour de midi, ainsi que des Sumériens, des Grecs et les Romains l’ont fait, la succession deviendra :

Nous n’aurons que 3 jours complets en ce décompte, là où le premier décompte englobait 4 jours (lundi, mardi, mercredi, jeudi) du 1er minuit au 5ème.

Mais aussi une même heure peut être dans le mardi là, le lundi ici (l’heure de l’aube). Elle n’est plus A, ou pas encore, sans être pour autant non-A.

Or, c’est un système donné (celui des Etats ou celui des jours datés) qui impose la raison logique. Mais si je resitue divers systèmes dans un Ensemble contenant, cette raison ne suffit plus : elle conduit à l’erreur. Une logique supralogique (on dit aussi : métalogique) impose une vision tout autre, qui inclut le tiers.

Mais, c’est précisément cette supralogique qui, de la France et de l’Allemagne, ne fait plus que des 1/2 dans le nouvel Ensemble : le pays ou l’Europe, ou qui exige que le jeu s’exerce sur 2 jours pour appliquer les deux calculs.

Ce partage de l’un (le territoire) ou le doublement de l’un (le jour) justifient le chevauchement de l’Unité/substance : énigme du Graal ou secret de l’alchimie. Ils imposent de tout autres numérations, et c’est ainsi que les Mathématiques modernes, approchant le problème des deux Raisons, qu’elles considèrent comme des cercles tangents/sécants, affirment que le cercle P doit entrecouper moins de la moitié de non-P et englober plus de la moitié de non-P, mais aussi que l’un ne peut être tangent à l’autre en moins de 7 points.

Ce jeu des séquences sur la moyenne (ou sur la moitié plus ou moins) impose le choix des nombres pairs (2, 4, 8, 12) et, finalement celui de toutes les dialectiques et de toutes les séries duodécimales : principes, portes, clés, signes zodiacaux : les sexes de Ripley ou ceux de Cléopâtre, à travers les 12 mois ou par les Eléments (4) que multiplient les trinités.

Ce jeu des tangences, à partir des 7, commande de tout autres ésotérismes, de l’Apocalypse  ou des machines septénaires, mais aussi les schèmes sibyllins ou la machine de Philalète, dont nous devons traiter d’une manière plus précise.

Les sept régimes — L’objet des machines septénaires est toujours un accord, une concordance réelle (ou matérielle) entre les 7 métaux, les 7 planètes, les 7 couleurs ou 7 notes de l’harmonie, etc.

Mais, selon l’époque, ce fut, notablement, entre telle et telle série de 7 :

— les jours de la semaine, entre ces jours et les planètes (lune/lundi, mars/mardi, mercure/mercredi, jupiter/jeudi, vénus/vendredi, saturne/samedi, le Dominus solaire/dimanche),

— les 7 portes des villes antiques, perses ou mèdes, entre les métaux, les couleurs, les astres,

— les 7 volumes parfaits et les planètes, dans l’œuvre de Kepler, etc.

La machine septénaire de Marie la juive n’est pas connue, mais qu’elle jouât des 7, cela n’est pas douteux, puisqu’elle jouait des 2 cercles tangents (les alambics). Au reste, les commentateurs de l’alchimie, aux premiers siècles, tel Pline, suggèrent, s’ils ne l’affirment, les 7 « régimes » : entre les 2 unitaires et le 7ème (la Forme Vide ou la Maison des Morts), il s’agit toujours des 4 œuvres, que symbolisent les 4 animaux ou vivants : le Grain, le Pélican, le Caméléon, le Phénix,  pour la Terre, l’Eau, le Feu et l’Air.

L’alambic distillateur déverse l’eau, comme le Pélican nourrit ses petits de son corps même; l’alambic au foyer fait paraitre les couleurs successives de l’animal changeant, maître du feu. Le grain fut mis en terre, afin de renaître; le Phénix est, en soi, l’ultime révélation, le dernier envol, après le passage au feu, puisque le Phénix renaît de ses cendres (ou des cendres de son prédécesseur). C’est toujours la Machine étudiée chez Attar et chez l’auteur de l’Aurora consurgens :

Les 7 Régimes de Philalète, ainsi, se fondent sur les 4 de Paracelse et de Nuysement (de tous les Rose-Croix), que symbolisent à nouveau le Grain ou l’Œuvre au Noir, le Pélican ou l’Œuvre au Blanc, l’Arc-en-ciel des Couleurs, que porte la Salamandre, et le Phénix à la fin. Mais son livre : L’entrée ouverte au palais fermé du Roi, incorpore les 4 dans les 7, qui assemblent à la fois les travaux et les temps, les planètes, les métaux. La succession en est telle :

Le régime de Mercure : 50 jours de travail sur la « terre première »,

le régime de Saturne : 40 jours de travail sur le plomb,

le régime de Jupiter : 21 jours sur l’étain,

le régime de la Lune : le travail sur l’argent philosophique,

le régime de Vénus : de 10 à 20 jours sur le cuivre,

le régime de Mars : de 40 + 14 = 54 jours sur le fer,

le régime du Soleil : de 14 + 26 + 3 = 43 jours, sur l’Or philosophique.

La figure n’est plus faite des 3 Cercles de l’Ouroboros triple, mais de 3 spirales concentriques :

la 1ère conduit de la plus grande orbite (Saturne) à la plus petite (Mercure), mais elle se remonte à l’inverse, sur 90 jours ou 3 mois : elle n’englobe que le travail sur le minéral brut ou sur le résidu (le relief) de toute l’opération : le plomb; la spirale intermédiaire traverse — en quelque sorte — les orbites moyennes : de la lune, rattachée à l’orbite terrestre, et de Vénus, entre le Soleil et la Terre, dans les orbites (plus grandes que l’orbite terrestre) de Jupiter et de Mars :

Esotériquement, la lune se rattache à l’Eau, Mars au Feu. Vénus est une déesse de Terre, Jupiter est tenu, à l’époque, pour la planète du Verseau (comme l’indiquent, entre autres, les Jovialistes de Nostredame, du génitif : Jovis, jupitérien).

La spirale 3ème, interne, au centre du système, ne peut être que l’orbite solaire, à travers la galaxie.

L’Or/substance, de même, est au cœur d’un système que les 4 Eléments (ou les 4 symboles vivants) projettent jusqu’à l’orbite la plus petite (Mercure) et la plus grande (Saturne), en une autre Unité — de la Forme Vide, alors, puisque le Tout est Un.

En même temps, le travail a porté sur les minéraux d’abord, de la Terre Première à l’Or, par l’étain et l’argent, puis sur les métaux, de l’Or au plomb, par le fer et le cuivre. Les métaux/minéraux tiennent ici la place que Kepler donnait, vers 1600, aux volumes parfaits : les 5 géométriques et les 2 « très étranges » : l’huître et le hérisson : tout dedans ou tout dehors.

Comme les volumes (formels), les 7 matières de Philalète sont les supports d’une harmonie céleste, non distincte de celles des 7 couleurs ou des 7 notes. Car, si les couleurs portent les aspects des 7 minéraux, les notes portent les alliages des 7 métaux forgés par l’homme. Mais, de ces 14, deux sont unis dans l’Or (minéral et métal), deux à jamais distincts (et d’ailleurs inconnus en ce 17ème siècle), et les dix autres, liés aux passages d’une couleur fondamentale à l’autre (bleu, jaune, rouge) ou aux sons, qui se perçoivent et ne sont pas harmoniques.

Depuis toujours (trois mille ans, au moins), ces 14 qui sont 7 étaient déjà connus des hindouistes, dont le Para ou le Temps Suprême est constitué des 7 dans un sens et des 7 dans l’autre.

Quant aux kabbalistes juifs, ils ne traitaient que des 10 centraux, Sephiroth ou nombres, hors des deux indicibles : l’Etre en Soi et le Néant. Ou bien, s’ils figuraient l’En-Soi par les 3 Sephiroth : la Table dans l’Arche dans le Lieu Saint, ils répartissaient les 7 en 3 internes et 4 externes, comme les branches de l’Arbre se distinguent de son tronc.

Or, nul ne doute que l’hindouisme récent et la Kabbale sont aussi — ou peuvent être — des fondements de l’alchimie.

 

Les douze — Il reste qu’au 17ème siècle encore, et peut-être surtout, la majeure partie des alchimistes chrétiens ou islamiques ne jouaient pas des 7 Régimes, ni de l’Ouroboros qu’ils soutendent.

La plus classique des méthodologies œuvrières se référait aux 12 (principes, portes ou clés), nommés dorénavant « opérations ». Dans sa remarquable étude sur les alchimies du passé, Evola rassemble les 12 dans les Quatre Œuvres :

De la Forme Vide à l’Or/substance :

1) L’Œuvre au Noir :

a) la séparation,

b) la putréfaction (nigredo),

c) l’épreuve du vide;

2) l’Œuvre au Blanc :

d) le vol du dragon : Jupiter détrône Saturne,

e) la voie sèche (du Soufre) et la voie humide (du Mercure) : le Lion et le Serpent au carrefour,

f) l’ascèse au blanc ou l’ermitage;

3) l’arc-en-ciel :

g) la voie du souffle et la voie du sang : le Lion est rouge, terme des couleurs,

h) le Cœur ou Re-bis,

i) les dépouillements et les éclipses, comme d’un métal ou d’une note à l’autre,

4) l’œuvre final :

j) les eaux corrosives,

k) l’argent au feu,

l) l’Or/phénix.

Qu’il s’agisse des Régimes (7) ou des Opérations (12), on voit que les deux processus partent de la Forme Vide (la mort) et y reviennent, par la Résurrection. Le chevauchement/renversement se tient au centre : notre planète dans un système, quelque infrarouge dans l’autre. Jouant des notes, Newton situait le Do en cœur (la note la plus grave), mais, d’une manière très différente, il opposait la gamme des couleurs (diurne) à celle des de l’harmonie musicale (nocturne) : c’était, déjà, quêter une correspondance constante entre les deux chemins, par l’étude des longueurs d’onde, vers l’infrarouge depuis l’ultraviolet, et par l’étude des fréquences, depuis le grave jusqu’à l’aigu. Au début du 20ème siècle, cette correspondance, les physiciens la recherchaient encore, par un numéro d’ordre fondé sur la longueur de l’onde et le nombre Pi, d’une part, et, de l’autre, par une constante (h) dans le rapport entre la fréquence et la charge énergétique (le passage passager).

C’est que, depuis le 17ème siècle jusqu’au milieu du 20ème, le dilemme demeure insoluble entre les 7 (4+3) et les 12 (3X4).

Il faudra une science autre, l’Informatique, et une mathématique nouvelle pour traiter du + (ET) et du X (OU) dans un Ensemble globalisant ou recherché comme tel : un algorithme universel, purement formel et monnayable.

L’économiste et le faussaire — Aussi bien Philalète, au 17ème siècle, que Julius Evola, trois siècles plus tard, résument parfaitement, l’un les Régimes, l’autre les Opérations, mais ni Philalète ne fait l’Or, ni Evola ne tente de le faire.

Car, dans les trois siècles qui les séparent, l’Or lui-même a disparu (l’Un ou l’En-soi), au profit de la seule Valeur. Les maîtres du monde ne sont plus les Saints, ni les alchimistes de la Substance, ni les grands symbolistes (scolastiques ou islamiques), ni même les philosophes de la forme et de la matière, de la figure et du mouvement. Ce ne sont plus que des faussaires d’une part (Saint-Germain, Cagliostro), des économistes de l’autre, innombrables de Law à Herbert Simon.

Les faussaires ne manquèrent pas aux premiers siècles, comme en témoignent le traité d’Archimède (-216) et les édits, de la plus grande rigueur, promulgués en la fin du 3ème siècle après J.-C.

Mais ils se fondaient, en quelque sorte, dans la catégorie plus vaste des Teinturiers et Teinturières, dont la teinture en pourpre, en or, était le métier.

De même trouverait-on de nombreuses ressemblances entre l’économiste contemporain et le sophiste ou le technite des premiers siècles.

Mais, sinon chez un Aristote et ses disciples, les Lycéens, on ne trouve l’équivalent de nos théories et de nos principes économistes, dont l’Economie est le métier.

Aux deux métiers : la Teinture, l’Economie, et aux dévoiements parallèles : le Sophisme, la Fausse Monnaie, je ne peux découvrir que cette communauté : la notion de valeur.

Une telle notion ne joue plus de la forme et de la matière, ni même de l’effigie et de l’alliage, en quoi consiste la monnaie. Car elle n’est qu’une forme vide, de toute manière : une semblance ou une théorie. Mais elle ne joue pas davantage du contenant et du contenu, que le mâle pénètre la femelle, le yang le yin, ou que le yang formel recouvre, par l’aspect, le yin purement matériel, du gène ou du génie.

Ce qui contient, maintenant, est le plus grand, le supérieur, le Plus, dont la valeur fait un « profit »; le contenu est le moins grand, ou l’inférieur, dont la valeur fait le Moins ou la « perte ».

Le Plus implique un chevauchement, une « surjection » dans le langage des Mathématiques Modernes; le Moins révèle un manque, une marge, — une « injection » dans le même langage mathématique. Pour le teinturier et pour l’économiste, le choix ne peut porter que sur le +; l’apparence pour l’un, la valeur proposée ou acceptée (d’échange) pour l’autre, mais toujours sur le Profit (une valeur ajoutée, une plus-value).

Le sophiste ou le faux-monnayeur seulement font de cette notion : le profit tout leur système, au point d’éliminer l’autre valeur, de « production ». Il arrivera aussi, chez le sophiste Gorgias ou Marx, que la valeur de production soit considérée comme supérieure ou comme la projection souhaitée. Car toute dialectique — la Valeur en est une — tolère l’inversion : il faudra y revenir.

Mais dans tous les cas, il demeure, pour seule équivalence entre les deux époques, cette Forme Vide, la valeur, dont les dialectiques réelles sont encore à découvrir, hors du contenant et du contenu, hors du discontinu et du continu, hors de l’espèce et du genre enfin — et c’est-à-dire en dehors de toute alchimie.

Quoi d’autre? — Il n’est pas d’autre équivalence entre les temps hellénistiques et ceux que nous achevons de vivre. Où la trouverait-on, en effet?

Ce ne pourrait être que dans la fable, le mythe, ou dans le raisonnement, la science principielle, puisqu’il n’est que ces deux voies pour JE.

Il y a bien longtemps — depuis la scolastique agonisante du 15ème siècle — qu’Aristote n’est plus pris pour modèle de la nouvelle science. Nul ne peut sérieusement comparer le plus naïf de nos économistes au plus complexe des sophistes. Car le 15ème siècle a vu l’invention de la « comptabilité en partie double », bien différente de l’invention de la monnaie, au 7ème siècle avant J.-C., en Lydie.

Car le + ou le – peuvent n’être que le gain ou la perte (au plus court : ce que je ne possédais pas et possède, ou ce que je possédais et ne possède plus). Difficilement, dans les premiers siècles de notre ère, cette notion première, qui fonde la Monnaie, évoluera en celle du Crédit/Débit, dont traitent cinquante écrits gallo-romains. Peu à peu, le Crédit est tenu pour un +, bien que je ne le possède pas, et le Débit pour un -, même si je possède l’objet. Le -, la perte, est absolu, car « ma » tunique s’use, se détériore ou passe de mode, alors que je continue de la devoir. Le +, le profit, ne l’est pas moins, si je sais défendre ma créance, par les armes ou par la loi. Mais l’évolution ne va pas plus loin.

Au contraire, la comptabilité en partie double franchit le pas, le seuil. Le Bilan n’a plus rien à faire de l’antique inventaire, car il se fonde sur une « métalogique », que la logique de l’inventaire ignore. Pour celui-ci, A égale A, il n’égale pas non-A : une chemise présente n’est pas un caleçon absent (si l’inventaire est d’une chemiserie). Mais, dans le bilan, l’absence peut être un profit, dans la colonne de l’Avoir, sous forme d’un crédit, et la présence est une perte, dans la colonne du Dû, sous forme d’un Débit. A la limite, pour Marx, plus le possédant possède (le Capitaliste ou l’Etat souverain), plus il est menacé, en danger de tout perdre; moins le prolétaire, le pauvre travailleur possède de biens, plus il est acculé à la révolte, à la lutte ouvrière, qui lui donnera au-delà de ses espérances.

Les principes qu’impose une comptabilité en partie double ne doivent plus grand-chose à ceux qu’impose l’élémentaire monnaie.

Considérés les mythes, la contradiction entre les deux époques serait plus nette encore.

L’Hermès trois fois maître dominait jadis, et, par lui, une trilogie d’Eau. La trilogie d’Air domine aujourd’hui (la Balance, les Frères, l’Esprit de liberté), dont la formulation date du 18ème siècle et, plus précisément, de la victoire de la Franc-Maçonnerie spéculative sur l’ancienne, opérative (vers 1728), même s’il a fallu 1789 pour imposer la trilogie : Egalité, Fraternité, Liberté.

De 1728 à 1789, les étapes de sa constitution ont d’abord porté des noms d’hommes : Bayle, Fontenelle, Rousseau, Voltaire, Diderot, puis des dates de Convent maçonniques ou celle de la Constitution américaine, sinon celles des inventions d’Uranus ou des frères Montgolfier, Robert, etc.

Le mythe hermétique portait la marque des antiques serviteurs du Taureau moribond : Bérose, puis les oracles, chaldéiques, mithraïques, et finalement celle des Apocalypses, d’Enoch ou d4elie. Mais, dès la mort de Pan, ou le rejet du Minotaure, il sera, hors de toute croyance taurique, l’annonce du 3ème Cabire : le Poisson sauveur.

Les Sibylles et les Teinturières recouvreront leur fonction première : prophétiser — ou faire l’Or.

Le mythe républicain porte la marque des antiques serviteurs du Bélier (des brahmanes ou d’Abraham : Agni, Iahvé) : au 18ème siècle, Baal Schem avait imposé aux juifs ce recours aux Gémeaux, car le Souffle/Balance était leur dieu depuis Abraham : mais le renouveau du Brahmo-Samaj sera plus tardif, de peu. Les interprétations nouvelles de la Kabbale (par la Cabale blanche) seront concomitantes, et, bien sûr, celle des Puritains (tel Anderson, le créateur de la F.-M. spéculative) ou celles de Diderot, de Voltaire, de Saint-Just, de Robespierre, etc.

Nous n’en sommes pas encore au temps de Marius et de Marthe, mais la mort de Jéhovah est déjà proclamée, par les athées de l’Occident ou par le gouvernement laïque d’Israël, comme la mort du Taureau au sang empoisonné l’avait été par les rénovateurs laïques des villes sumériennes : Our, Ourouk et Lagash, en Mésopotamie (-220/-160). Tout le monde sait qu’un jour, la trilogie républicaine, débarrassée de la Justice, ou des lois imposteuses, sera l’un des facteurs, déterminants, du dieu nouveau.

Or, ce dernier renversement — mythique — est tout entier contenu dans le « sommeil » d’un dieu, l’avant-dernier, et dans l’avilissement de son successeur : la Justice (devenue la loi) jadis, l’Amour (devenu la sensiblerie) aujourd’hui. Il s’opère donc au cœur de la Forme Vide, très difficile à définir ou circonscrire si je la date de -710 (l’invention de la Monnaie) ou de 1452 (l’invention de la comptabilité en partie double), c’est-à-dire de la fin d’Israël ou de la fin de Byzance.

Ce même écart, de 2 160 ans (-710/1450) se retrouve entre les débuts de l’alchimie (-360) et sa fin (1800), mais aussi entre 1728 (Law et Anderson) et -432, où un mythologue, Empédocle, formula pour la première fois les notions maîtresses de l’alchimie à venir : la sympathie/l’antipathie.

Qu’est-ce que cet écart immuable — 2 160 ans — au terme d’une évolution/involution qui n’a cessé d’accroître les écarts depuis Etienne : du point de chevauchement (630) aux 2 160 années, précisément?

Ce cycle — immodifiable — ne devra plus rien aux Quêtes du Graal ni aux processus de l’alchimie. Il n’en est pas moins important — essentiel est le mot exact — puisque, de la Machine, il révèle l’Essence, au contraire de la Substance, objet premier des Quêtes et de l’alchimie.

 

L’opposition — Il reste que la notion de Valeur, considérée comme seule équivalence possible entre le temps de Bolos et le nôtre ou celui de Platon et celui de Kant, sur 2 160 ans, ne se laisse plus démontrer par des « objets » communs : nos bilans n’ont que peu à voir avec l’inventaire antique (le Dû inverse de l’Avoir) ou nos 3 d’Air, républicains, avec les 3 d’Eau, hermétiques. Or, lequel a le plus de « valeur », de l’inventaire ou du Bilan? Lequel, du mythe d’Eau ou du mythe d’Air?

Ni le + ni le – ne permettent d’en décider. Tout au plus pourrait-on choisir entre le concret et l’abstrait, en donnant le premier pour le plus valorisant. Mais quel est le plus concret, de l’Air ou de l’Eau? Lequel, de l’Avoir (contre le non-avoir) ou du débit (contre le crédit)? Les valeurs s’opposent, plutôt qu’elles ne lient.

Ni la Substance, l’Essence, ne sont plus éclairantes, que sépare le millénium, ni le genre (sexuel) et l’espèce (monétaire) ne le sont, qui traitent, l’un ou l’autre, de visions différentes — de l’Univers et de JE.

Heidegger a peut-être trouvé les mots (dans son Introduction à la métaphysique) : la Liaison et l’Opposition. Car, si, en son milieu (moyeu de l’œuf), la Liaison s’imposa, le chevauchement, la monture, en l’ouvrage d’Etienne, c’est l’Opposition qu’impose la Forme Vide, entre les Teinturiers faussaires des premiers siècles et les Economistes de notre époque, entre le mythe d’Eau et le mythe d’Air, etc. Un cycle d’activité solaire (12 ans), circonscrivait l’œuvre d’Etienne (la Toussaint, l’achèvement du Coran et le roi fait néant), mais l’ère précessionnelle (2 160 ans) sépare -432 (Empédocle) de 1728 (Rousseau), ou -360 (Platon) de 1800 (Kant) ou Aristote de Hegel, Alexandre de Napoléon, les Stoïciens de -312 des prophètes de 1848, les guerres hellénistiques des guerres contemporaines, la libération de la Grèce, jadis, de celle de l’Islam, aujourd’hui. Etc.

JE dira que la conjugaison de ces évènements témoigne d’autant d’équivalences : au point que tous attendent une Troisième guerre mondiale, définitive, à l’exemple des guerres de -150/-146, qui « liquidèrent » tous les problèmes rationalistes du Deuxième siècle avant J.-C., par la destruction de Carthage (l’U.R.S.S. d’alors), de la confédération des Grecs (les Islamiques d’alors), de toutes les alliances hellénistiques (les petits Etats européens d’alors), etc.

Mais il est plus probable que notre rationalisme — notre Forme Vide — ne se conclura pas sur une Troisième guerre : la pollution, le stress, les nouvelles maladies de notre époque, les tremblements de terre et les incendies — notre Science toujours — en auront raison. Car ce fut la Révolution française qui remplaça le créateur de la Grande Macédoine : Philippe; ou le mythe d’Air le mythe d’Eau; ou le mythe de la Science (hermétique) celui du Roi (léonin). Les mêmes temps, seuls, se renouvellent : ils sont porteurs de croyances autres, contradictoires, opposées.

Je ne peux y voir un peu clair sans traiter de la Forme Vide, du cycle précessionnel, du manège, des mythes, qui s’y déplacent, et de la pendule, au sens inverse, direct, qui s’y retrouve.

Si le lecteur ne veut pas jouer des nombres, qu’il ignore, ni se perdre en des figures trop complexes, mille jeux de mots, en toutes les langues, lui imposeront l’évidence dont il s’agit. Nous en avons cités beaucoup déjà, en langue française : parade, agrégation, gré, relief, monture/mouture, disposition, instance, moyen/moyenne, passages, etc.

La triple évidence de l’Unité (1), de la Forme Vide (N) et de la dialectique des « A » apparaît toute entière en un seul calembour, que tout Français emploie communément : la synonymie « se tirer, se tailler », qui signifie : partir, aller ailleurs, s’évader, s’arracher à.

En cette synonymie, l’objet est le sujet soi-même, l’acteur, qui s’arrache ou se coupe de l’Ensemble précédent : un couple, une famille, une nation, une race. On le nommera le divorcé, le fugueur, l’exilé, le renégat. Mais ce peut être l’amant (d’une autre femme), l’aventurier, le poète, le citoyen du monde, le prophète d’une autre religion, etc.

Si je traite de l’objet en soi, je dirai que je le tire ou que je le taille. Ces mots sont homonymiques. S’ils signifient tous deux l’arrachement, la coupe, l’un (la taille) signifie plus spécialement la coupe; l’autre, l’arrachement. Je tire l’objet hors d’un contenant, comme la pierre hors de sa cache, son enracinement dans sa carrière — pour en révéler toutes les faces ou phases.

Ce re-tirement (ou ce tirage, car il s’agit aussi d’un risque, d’une loterie) reconduit l’objet à son Unité/totalité, son Um.

Je taille l’objet quand je le partage (par la Croix ou le Tailloir) et c’est pour découvrir tous les feuillets du Bloc, que le joint camouflait. Mais je le taille aussi quand je le réduis à la monture de l’orfèvre, dans l’Un, Ua dès lors.

Le retirement, dans l’Un, n’est pas le tirage, des profits ou des pertes, dans le manège de la F.V. La taille du Tailloir, dans la F.V., n’est pas toujours le tire-bouchon qui fait le retirement (le débouchage) et la vis qui fait le tirage : dans le sens de Gauvain, des Teinturiers antiques, de l’orient au couchant. Et ce sont les Ciseaux qui font la taille, la partition, dans le sens de Galaad ou du principe, de l’ouest à l’est.

Mais il se trouve qu’en leur histoire (la succession de leurs homonymies), les deux vocables disent l’inverse.

Ces homonymats approchent la douzaine.

A) La taille s’oppose à l’estoc, comme le tranchant de l’épée à sa pointe.

C’est une coupe ou une réduction, un affinement (la taille d’un crayon).

C’est donc un partage, une distribution (des cartes, en qualité de banquier).

Cette PARTITION dut en être deux, d’abord (par la diagonale, dans l’écu).

Le mot devint donc, très vite, synonyme d’ouverture : on taille dans une forêt pour s’y faire un chemin. Il garde encore ce sens en chirurgie : l’ouverture de la vessie.

Mais, très vite, il exprime l’idée de forme, ou plutôt de Figure : la taille de l’habit est cette apparence. Ce fut même l’estampe, en taille douce, et c’est toujours la dimension, la longueur d’un animal, d’un homme…

Et, donc, la conservation (l’ensemble souche/échantillon qu’on partageait entre l’acheteur et le vendeur, des marques y indiquant ce qui restait dû).

Plus que la maintenance, le renouveau, la repousse du bois coupé : une taille de deux ans.

En l’Un, ce qui demeure devient une charge : l’impôt dont on grève le roturier, le jaque. Ou la note la plus proche du Do : la plus grave (une basse-taille).

De la F.V. à l’Un, de l’essence à la substance, en diverses pulsions. La voie de Gauvain.

B) On tire de et par l’estoc, la pointe (qui fut, d’abord, une souche d’arbre).

Contre l’idée de partition, je trouve ici, d’abord, l’idée de PARTURITION. On tire pour extraire du sol, pour faire sortir (le vin), ou l’avenir du passé (les sorts, une loterie).

A l’idée de réduction, aussi, s’oppose l’idée d’allongement (on tend un fil quand on le tire, ou l’on tire le rideau). Le mot peut dire : tracer, alors : on tire une ligne.

Le tirage laisse une trace, un relief, un vestige, depuis le passé. Il imprime (par la presse), quand la taille exprimait. En cela, il rassemble, enfonce dans les flots (le tirant d’un navire). Il ferme (tirer la porte, ou le verrou), alors que la taille ouvrait.

D’une manière plus générale, le mot porte l’idée de Mouvement contre la figure de la Taille. Tirer, toujours, est « faire mouvoir », vers soi — exercer une traction. D’où, l’autre sens de tirage : une difficulté, à laquelle doit répondre un certain effort. Parturition, fermeture, mouvement, le Tirage devrait porter le sens de l’ouest vers l’est. Il ne le porte pas, mais il joue aussi de l’ascensionnel, vers la combustion (le tirage dans la cheminée) qui est le sens de la Quête de Galaad d’une part, et du principe de l’autre.

De l’extraction du sol ou de la bouteille, c’est bien de l’Un vers la Forme Vide (la combustion, l’extinction des feux) que porte le tirage, de la loterie, en la cheminée — le simple tir du canon, du fusil, au fleuret. Au terme, quoi?

Etrangement, les sens modernes du mot : sa couleur tire vers le roux, tirer le portrait jouent de la ressemblance, de la même chose dans l’autre, par réflexion, contre le projet de la taille : la chose même autrement (par réfraction).

Qu’est donc cette Forme Vide, le point de départ de la Taille, le point d’arrivée du Tirage, contre toute logique?

 

Jean-Charles Pichon

 

L’opposition — Il reste que la notion de Valeur, considérée comme seule équivalence possible entre le temps de Bolos et le nôtre ou celui de Platon et celui de Kant, sur 2 160 ans, ne se laisse plus démontrer par des « objets » communs : nos bilans n’ont que peu à voir avec l’inventaire antique (le Dû inverse de l’Avoir) ou nos 3 d’Air, républicains, avec les 3 d’Eau, hermétiques. Or, lequel a le plus de « valeur », de l’inventaire ou du Bilan? Lequel, du mythe d’Eau ou du mythe d’Air?

Ni le + ni le – ne permettent d’en décider. Tout au plus pourrait-on choisir entre le concret et l’abstrait, en donnant le premier pour le plus valorisant. Mais quel est le plus concret, de l’Air ou de l’Eau? Lequel, de l’Avoir (contre le non-avoir) ou du débit (contre le crédit)? Les valeurs s’opposent, plutôt qu’elles ne lient.

Ni la Substance, l’Essence, ne sont plus éclairantes, que sépare le millénium, ni le genre (sexuel) et l’espèce (monétaire) ne le sont, qui traitent, l’un ou l’autre, de visions différentes — de l’Univers et de JE.

Heidegger a peut-être trouvé les mots (dans son Introduction à la métaphysique) : la Liaison et l’Opposition. Car, si, en son milieu (moyeu de l’œuf), la Liaison s’imposa, le chevauchement, la monture, en l’ouvrage d’Etienne, c’est l’Opposition qu’impose la Forme Vide, entre les Teinturiers faussaires des premiers siècles et les Economistes de notre époque, entre le mythe d’Eau et le mythe d’Air, etc. Un cycle d’activité solaire (12 ans), circonscrivait l’œuvre d’Etienne (la Toussaint, l’achèvement du Coran et le roi fait néant), mais l’ère précessionnelle (2 160 ans) sépare -432 (Empédocle) de 1728 (Rousseau), ou -360 (Platon) de 1800 (Kant) ou Aristote de Hegel, Alexandre de Napoléon, les Stoïciens de -312 des prophètes de 1848, les guerres hellénistiques des guerres contemporaines, la libération de la Grèce, jadis, de celle de l’Islam, aujourd’hui. Etc.

JE dira que la conjugaison de ces évènements témoigne d’autant d’équivalences : au point que tous attendent une Troisième guerre mondiale, définitive, à l’exemple des guerres de -150/-146, qui « liquidèrent » tous les problèmes rationalistes du Deuxième siècle avant J.-C., par la destruction de Carthage (l’U.R.S.S. d’alors), de la confédération des Grecs (les Islamiques d’alors), de toutes les alliances hellénistiques (les petits Etats européens d’alors), etc.

Mais il est plus probable que notre rationalisme — notre Forme Vide — ne se conclura pas sur une Troisième guerre : la pollution, le stress, les nouvelles maladies de notre époque, les tremblements de terre et les incendies — notre Science toujours — en auront raison. Car ce fut la Révolution française qui remplaça le créateur de la Grande Macédoine : Philippe; ou le mythe d’Air le mythe d’Eau; ou le mythe de la Science (hermétique) celui du Roi (léonin). Les mêmes temps, seuls, se renouvellent : ils sont porteurs de croyances autres, contradictoires, opposées.

Je ne peux y voir un peu clair sans traiter de la Forme Vide, du cycle précessionnel, du manège, des mythes, qui s’y déplacent, et de la pendule, au sens inverse, direct, qui s’y retrouve.

Si le lecteur ne veut pas jouer des nombres, qu’il ignore, ni se perdre en des figures trop complexes, mille jeux de mots, en toutes les langues, lui imposeront l’évidence dont il s’agit. Nous en avons cités beaucoup déjà, en langue française : parade, agrégation, gré, relief, monture/mouture, disposition, instance, moyen/moyenne, passages, etc.

La triple évidence de l’Unité (1), de la Forme Vide (N) et de la dialectique des « A » apparaît toute entière en un seul calembour, que tout Français emploie communément : la synonymie « se tirer, se tailler », qui signifie : partir, aller ailleurs, s’évader, s’arracher à.

En cette synonymie, l’objet est le sujet soi-même, l’acteur, qui s’arrache ou se coupe de l’Ensemble précédent : un couple, une famille, une nation, une race. On le nommera le divorcé, le fugueur, l’exilé, le renégat. Mais ce peut être l’amant (d’une autre femme), l’aventurier, le poète, le citoyen du monde, le prophète d’une autre religion, etc.

Si je traite de l’objet en soi, je dirai que je le tire ou que je le taille. Ces mots sont homonymiques. S’ils signifient tous deux l’arrachement, la coupe, l’un (la taille) signifie plus spécialement la coupe; l’autre, l’arrachement. Je tire l’objet hors d’un contenant, comme la pierre hors de sa cache, son enracinement dans sa carrière — pour en révéler toutes les faces ou phases.

Ce re-tirement (ou ce tirage, car il s’agit aussi d’un risque, d’une loterie) reconduit l’objet à son Unité/totalité, son Um.

Je taille l’objet quand je le partage (par la Croix ou le Tailloir) et c’est pour découvrir tous les feuillets du Bloc, que le joint camouflait. Mais je le taille aussi quand je le réduis à la monture de l’orfèvre, dans l’Un, Ua dès lors.

Le retirement, dans l’Un, n’est pas le tirage, des profits ou des pertes, dans le manège de la F.V. La taille du Tailloir, dans la F.V., n’est pas toujours le tire-bouchon qui fait le retirement (le débouchage) et la vis qui fait le tirage : dans le sens de Gauvain, des Teinturiers antiques, de l’orient au couchant. Et ce sont les Ciseaux qui font la taille, la partition, dans le sens de Galaad ou du principe, de l’ouest à l’est.

Mais il se trouve qu’en leur histoire (la succession de leurs homonymies), les deux vocables disent l’inverse.

Ces homonymats approchent la douzaine.

A) La taille s’oppose à l’estoc, comme le tranchant de l’épée à sa pointe.

C’est une coupe ou une réduction, un affinement (la taille d’un crayon).

C’est donc un partage, une distribution (des cartes, en qualité de banquier).

Cette PARTITION dut en être deux, d’abord (par la diagonale, dans l’écu).

Le mot devint donc, très vite, synonyme d’ouverture : on taille dans une forêt pour s’y faire un chemin. Il garde encore ce sens en chirurgie : l’ouverture de la vessie.

Mais, très vite, il exprime l’idée de forme, ou plutôt de Figure : la taille de l’habit est cette apparence. Ce fut même l’estampe, en taille douce, et c’est toujours la dimension, la longueur d’un animal, d’un homme…

Et, donc, la conservation (l’ensemble souche/échantillon qu’on partageait entre l’acheteur et le vendeur, des marques y indiquant ce qui restait dû).

Plus que la maintenance, le renouveau, la repousse du bois coupé : une taille de deux ans.

En l’Un, ce qui demeure devient une charge : l’impôt dont on grève le roturier, le jaque. Ou la note la plus proche du Do : la plus grave (une basse-taille).

De la F.V. à l’Un, de l’essence à la substance, en diverses pulsions. La voie de Gauvain.

B) On tire de et par l’estoc, la pointe (qui fut, d’abord, une souche d’arbre).

Contre l’idée de partition, je trouve ici, d’abord, l’idée de PARTURITION. On tire pour extraire du sol, pour faire sortir (le vin), ou l’avenir du passé (les sorts, une loterie).

A l’idée de réduction, aussi, s’oppose l’idée d’allongement (on tend un fil quand on le tire, ou l’on tire le rideau). Le mot peut dire : tracer, alors : on tire une ligne.

Le tirage laisse une trace, un relief, un vestige, depuis le passé. Il imprime (par la presse), quand la taille exprimait. En cela, il rassemble, enfonce dans les flots (le tirant d’un navire). Il ferme (tirer la porte, ou le verrou), alors que la taille ouvrait.

D’une manière plus générale, le mot porte l’idée de Mouvement contre la figure de la Taille. Tirer, toujours, est « faire mouvoir », vers soi — exercer une traction. D’où, l’autre sens de tirage : une difficulté, à laquelle doit répondre un certain effort. Parturition, fermeture, mouvement, le Tirage devrait porter le sens de l’ouest vers l’est. Il ne le porte pas, mais il joue aussi de l’ascensionnel, vers la combustion (le tirage dans la cheminée) qui est le sens de la Quête de Galaad d’une part, et du principe de l’autre.

De l’extraction du sol ou de la bouteille, c’est bien de l’Un vers la Forme Vide (la combustion, l’extinction des feux) que porte le tirage, de la loterie, en la cheminée — le simple tir du canon, du fusil, au fleuret. Au terme, quoi?

Etrangement, les sens modernes du mot : sa couleur tire vers le roux, tirer le portrait jouent de la ressemblance, de la même chose dans l’autre, par réflexion, contre le projet de la taille : la chose même autrement (par réfraction).

Qu’est donc cette Forme Vide, le point de départ de la Taille, le point d’arrivée du Tirage, contre toute logique?

Jean-Charles Pichon

Illustration Pierre-Jean Debenat

Publié dans Les Alchimies | Laisser un commentaire

LA FORME VIDE I – L’ambivalence des applications

Troisième partie

LA FORME VIDE

 

Illustration Pierre-Jean Debenat

 

I

L’ambivalence des applications

 

Quelle communauté découvrir entre un cercle fermé (ou plusieurs, concentriques) et une progression double (involution/évolution) : deux voies qui vont se séparant, vers l’Est, ou se chevauchant, vers l’Ouest, par un écart croissant ou décroissant?

Entre l’Ouroboros, simple ou triple, d’une part, toutes les dialectiques de l’autre (des genres ou des espèces, de la matière et de la forme, du genre et de l’espèce en soi)?

Le problème s’est posé entre les Quêtes du Graal (le fait dans la lecture) et les deux alchimies, autour du 7ème siècle. Mais l’Histoire donnait cette communauté, ce centre : l’Ermitage ou Etienne, selon que je traitais de la double Coupe ou de l’Or/substance, dans le chevauchement des deux Unités. Non seulement les personnages nous l’imposaient : Gauvain et Galaad, Le Chrétien et L’Anonyme, mais l’Evènement nous y portait : la mort du Roi entre le Coran et la Toussaint.

Ils nous conduisaient tous deux — les personnages et les faits — à enclore les Lectures du Graal, elles-mêmes contenantes des délits de l’Objet, dans les voies, plus complexes et longues, des alchimies.

Il n’était pas absurde, par suite, d’identifier la voie de Gauvain par celle des Teinturiers antiques, en même temps que comme celle de l’enfance de l’humanité chrétienne ou du JE même (chrétien). Ou, à l’inverse, d’identifier la voie de Galaad par celle des alchimistes médiévaux et renaissants, en même temps que comme celle de la chrétienté adulte ou du JE vieillissant.

Les replis de l’alchimie doublaient en somme les cercles de la Coupe — sur une partie de leur processus, du moins.

Car les replis ou l’analemme de l’alchimie constituent une figure plus vaste que les cycles du Graal. Comme 2 160 ans recouvrent plus d’années que 1 260 ans. Mais il suffisait de dire que l’analemme de l’alchimie déborde de 900 ans le plus grand cercle du Graal, ou que le rapport de l’un à l’autre est 2 160/1 260 = 12/7 = e-1.

Posé dans les mêmes termes, le problème de la Forme Vide ne se peut résoudre si aisément. Faute d’un centre.

On pourrait dire qu’ici aussi, la Forme Vide et l’analemme de l’alchimie comportent une part commune, une communauté : depuis les figures géométriques de Valentin (et de Kepler), l’alchimie est déjà une forme vide : toute substance a disparu; ou, dans les Teintures qu’étudient Démocrite, et Archimède encore, il ne s’agit que de formes vides, la matière n’apparait que chez les prophétesses Marthe et Marie.

Mais la matière (le minéral, le végétal) n’est « prononcée » que par Cléopâtre, prépondérante chez Thessalos seulement : il faut attendre Zosime pour que s’affrontent en fait la matière et la forme, par le démon et l’ange : 720 ans, ou à peu près, se succèdent de Démocrite à Zosime (-360/+360).

Dans le sens inverse, l’affrontement forme/matière se réalise — ou est prononcé — dès Raymond Lulle, en la fin des Lectures du Graal; les formes (du temps, saisonnières) ou celles des Genres (les sexes) sont les seuls moteurs des Portes de Ripley, des Clés de Valentin. Dès l’invention de la comptabilité en partie double, au 15ème siècle, la Valeur prime, et la F.V., par suite.

Si je donne au cycle vide, calendérique, le nombre : 2 160, les 2 160 ans se calculent aussi bien de 0 à 2 160, pour l’Avènement du dieu ou la Promesse, que de -540 à 1620, pour la fin des prophètes, Daniel ou les Rose-Croix, ou que de -252 à 1908, pour le renversement des voies; mais aussi, du 8ème siècle avant J.-C. (de la naissance de Rome à la fin d’Israël) au 15ème siècle (de la fin de Byzance à la « découverte » de l’Amérique) :

-753/-713 d’une part, 1453/1492 de l’autre, ou 2 160 ans, de -720 à 1440 (la fin des Gémeaux, le début de la Création renaissante), le refus de la dialectique gémellique par Numa, ou les combats de Byzance, sans fin, sur le sexe des anges;

et, encore, de -680 à 1480, l’institution d’une Porte des Poissons en Juda (Manassé) et le triomphe de l’Esprit Nouveau, par la nouvelle peinture, les poètes baroques, la longue quête de Christophe Colomb ou de Vinci.

Où donc situer le Renversement? Joachim de Flore le situait dès 1260 (ou 4 Pi), entre le déclin du Fils et le point 0 de l’Esprit.

Les Renaissants le rêvaient pour le 16ème siècle (une date qui comportera le 15, pour Dante).

Les Révolutionnaires français le dateront de 1789/1792, comme les Hellénistiques de -312.

Auguste Comte l’attend de 1860 (pour l’éveil de la Religion de l’Humanité) et le créateur des Témoins de Jéhovah, Russel, le date de 1914 (la première guerre universelle).

A ces points d’origine — combien divers! — sur la circonférence du cycle correspondent — étrangement au plan géométrique, mais logiquement au plan du numérique — des « centres » différents :

de 0 à 2160, la date : 1080, le Centre pour Yeats, à peu près le début des Lectures du Graal,

de -300 (les petits Etats hellénistiques) à 1860 (les petits Etats européens), ou le dernier triomphe des chaldéens à Rome, le premier triomphe des juifs et puritains (Lincoln) en Amérique, l’interdiction de la nomaderie là, de l’esclavage ici, le « centre » se situerait vers 780 : la Toussaint impériale d’Al Rachid et de Charlemagne. De -252 (la fin de la Thora, des Tchéou en Chine, et de toute divinité) à 1908 (notre mort des dieux), le « centre » se situerait autour de 828 : l’apogée, la première fissure chez tous les peuples de l’Amour, à Byzance, à Rome, dans l’Inde, les Abbassides islamiques, les Chimus…

Dans le cycle rêvé par Rabelais (-160/2000), le « centre » se situe vers 920, fin des Carolingiens, « occultation des islamiques ».

Etc.

Simplement, il n’est pas de point originel antérieur à 1260, ni postérieur à 2160. Et pas de « centre », par suite, postérieur à 1080. Il n’est pas de centre, dans les estimations inverses, qui se date antérieurement à l’Hégire : 622, le cycle jouant alors de -360 à 1800 (à deux ans près).

Or, 622 (ou 648, autour de 630) nous a été donné pour le Centre des Quêtes et celui de l’alchimie, cette dernière embrassant le cycle : -360/1800. Ce sont donc ces dernières dates d’où il convient de partir, bien que vingt autres leur puissent être préférées.

Deux personnages majeurs s’y dressent : Platon et Kant.

Le début et la fin — A première vue, et pour de nombreux commentateurs, rien ne permet de les comparer : tout les oppose.

En -360, Démocrite ouvre les cycles de l’alchimie, en 1800 un Cyliani les ferme. Or, Platon a connu la science de Démocrite : il met ses lecteurs en garde contre l’application, qui peut être nocive, d’une excessive technicité. Kant a dû lire les derniers ouvrages des alchimistes, sinon les vies de Saint-Germain, Cagliostro, Cyliani.

Platon est tout magique, irrationnel à notre estime. Qu’il traite des Jeux ou des Vertus, il se réfère sans cesse aux dieux. Ses exemples (l’Atlantide) sont mythiques, légendaires. Kant est essentiellement rationnel; il rejette tout ce qui n’appartient pas à l’Entendement, à la nécessité logique, tout ce qu’il nomme la « contingence », c’est-à-dire le hasard de la Sensibilité. Si l’un est comme l’annonce des futurs Gauvain, le second est bien le terme des Galaad anciens.

Cette seconde distinction, pourtant, infirme déjà la première. Platon n’ouvre pas seulement : il vit dans le souvenir des dieux grecs, babyloniens, égyptiens, ou dans le souvenir des Cités disparues; il se repait des délices du Passé, et en connait le terme. Il n’espère pas l’Amour, le Daïmon de Diotime et de Socrate, sans le référer sans cesse aux dieux de Terre, d’Eau, de Feu et d’Air : Ghéa, Hermès, Hélios ou Dionysos. Il fait sien le mot de Socrate : « Si je doutais des mythes, comme les sages, je m’efforcerais d’être aussi subtil qu’eux… », raillerie adressée à tous les sophistes, Eléates naguère, technites aujourd’hui.

A l’inverse, Kant ne ferme pas seulement un temps révolu, celui de l’alchimie : il ouvre sur l’avenir et n’œuvre pour rien d’autre. Si l’Utopie de Platon se nomme la République, la sienne se nomme « la société civile ». Si les Idées de Platon se nourrissent des dieux passés, les Catégories de Kant ne sont que des raisonnements logiques.

En conséquence, le disciple de Platon, Aristote, se détache de son maître, il l’inverse; le disciple de Kant, Hegel, agit de même, en toute ingratitude. Aristote, Hegel sont tous deux des sages — et des scientifiques.

C’est que, par delà leurs différences, en lesquelles on peut voir de pures oppositions : le début et la fin, Platon et Kant ne ferment pas une voie sans en ouvrir une autre. Ce qui les sépare n’est rien qu’une Forme Vide : le cycle des 2160 ans. Dans le Vide ils s’abattent tous deux, au point que des Idées de l’un, les Catégories de l’autre ne sont elles-mêmes que des contenants formels, vidés de toute matière, que l’alchimie ne soit pas encore ou qu’elle ne soit plus.

Les trois et les quatre — En bref, je pourrais dire que Platon et Kant se ressemblent en ce qu’ils s’opposent aux autres machinistes que furent Boèce, avant 524, et Scot Erigène, vers 864. Car les premiers se situent aux bords de la Forme Vide aussi sûrement que les seconds au bord de l’Unité.

Aux sciences de la matière (élémentales) de Boèce et aux Eléments d’Erigène s’opposent le Combat, le Risque, le Vertige, le Mimecry de Platon, ou le Mode et la Relation, la Quantité, la Qualité de Kant : des quadrilogies formelles.

Et ce sont des trilogies formelles, les Vertus de l’un, les Jugements de l’autre, qui s’opposent aux structures de Boèce et d’Erigène, les Trois Personnes.

Leurs langages s’attachent à le dire. Erigène et Boèce ne traitent que de la substance, parce qu’ils vivent en un temps où le pouvoir dominant, de l’Eglise, ne parle de rien d’autre. Même quand Erigène évoque les Espèces, ce sont les Espèces eucharistiques (par lesquelles se formule l’autre substance, « spirituelle »).

Même quand Boèce évoque les sciences, leurs singularités ou leurs spécialités, il les rattache toujours aux Généralités, aux Genres, que sont les Arts, liés aux Trois Personnes : au Père la grammaire, au Fils la dialectique, la rhétorique à l’Esprit.

Platon et Kant ne traitent que de l’Essence, parce qu’ils vivent au temps de la F.V. L’un et l’autre, cette Essence, ils l’attendent de l’Entendement, ou d’une Harmonie, d’une Nécessité que seules les formes géométriques ou bien les Nombres imposent.

Dans le langage aussi, l’Etre est dit le Souverain pour Erigène et Boèce : Celui qui est au-dessus et contient Tout. L’Etre est dit le Suprême, le dernier, par les Sophistes du 4ème siècle avant J.-C. (le Terme du Savoir, selon Aristote), et par les cardinaux d’une part, ou Robespierre de l’autre, au temps même de Kant.

Ce passage — lent — du Souverain au Suprême n’est autre chose que le passage de l’ouest à l’est, de l’Or/substance, du Graal, à la Valeur ou à la Fin : une forme vide en tous les cas.

Telle pourrait être, du moins, la logique la plus simple : c’est ceci ou cela, le Souverain ou le Suprême, la Substance ou l’Essence, l’Un ou la F.V.

Mais on ne peut nier que les 4 systèmes, si opposés qu’ils puissent sembler, se fondent sur un même calcul. Ils ne sont, chacun des 4, que le produit de 4 et de 3.

Ce n’est pas dire que le Mode de l’un est le Vertige de l’autre, mais sont liés tous deux à la structure (terrestre).

Toute Relation n’est pas de Combat, mais ils ont quelque chose du Feu, qui éclaire ou détruit.

Toute Qualité n’est pas Risque, bien qu’elle le soit « essentiellement » : l’Innocence ne se retrouve pas, mais il s’agit bien de quelque chose qui a un rapport avec l’Eau, la durée même de l’Un, son rythme.

Toute Quantité n’est pas de travesti, de mime, de métamorphose, de Mimecry. Mais JE ne touche pas à la quantité, des corps célestes entre autres, ou des signes zodiacaux, sans que tout son système se transforme en effet, ainsi que le nuage de cette forme en une autre.

Il est plus clair que le Jugement Catégorique (ET) se présente comme un Signe, ainsi que la Vérité; le Jugement Disjonctif (OU) comme un Seuil, ainsi que le Beau; le Jugement Hypothétique (l’inversion informatique), comme un Appareil dialectique, ainsi que le Bien.

De ces Jugements découlent naturellement les Arts de Boèce; de ces Vertus les Personnes d’Erigène. De ces 4 Catégories kantiennes, découlent les Sciences de Boèce; des Jeux de Platon les Eléments de Scot Erigène :

Le jeu quadrilogique est plus ambigu, ou plus hasardeux, car JE n’a que ces 3 dimensions : le Je-moi, le Je-toi et le Je-lui (au seuil), la 4ème dimension lui demeure inconnue. Mais la Géométrie (ou la topologie) concerne le territoire, la terre, à laquelle Platon rattache le Vertige. L’Arithmétique est comme un feu, présent ou non, ainsi que le Nombre, que Platon rattache au Combat.

La Musique, le rythme qu’elle porte, ressemble à de l’eau que Platon rattache au Risque. L’Astronomie (astrologie, jadis, astrophysique de nos jours) concerne l’Air et tous les corps — planètes, astres, galaxies, trous noirs ou quasars, selon le système, qui s’y meuvent ou non, en une perpétuelle métamorphose — ou mimecry.

Ainsi, les 4 ésotérismes, du plus concret, de Scot Erigène, au plus abstrait, de Kant, disent en fait la même chose : le jeu des 4 et des 3, que reflète le Zodiaque, de la Terre Première ou Capricorne au dieu d’Air attendu, le Verseau, de 1 à 12, dans les dispositions choisies :

Capricorne – Sagittaire – Scorpion – Balance – Vierge – Lion – Cancer – Gémeaux – Taureau – Bélier – Poisson – Verseau,

bien que l’ordonnancement, tout arbitraire, puisse être inverse, comme l’ordonnancement des 12 mois dans l’année.

Une fois encore, la métalogique transcende la logique : les inconciliables, ceux de la Substance et ceux de l’Essence, se trouvent avoir dit la même chose.

Que ce change soit toujours possible, cela se démontre encore par Strasbourg ou cette aube.

Cette ville ou cette aurore — Dans la logique (le tiers exclu), la ville de Strasbourg est allemande ou française. Une métalogique dit qu’elle peut être l’une et l’autre : européenne. Mais si l’Europe est dialectique (occidentale ou orientale, marxiste) et si l’Etat de l’est s’étend jusqu’en Alsace? La Ville sera-t-elle occidentale ou orientale? Cela dépendra du nouveau partage. Il n’y a pas si longtemps que Prague, la ville occidentale par excellence (de Kafka, de Capra, du Golem juif), est entrée dans le Bloc de l’Est. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi, demain, de Strasbourg?

Cette autre logique, pourtant, tolère une autre métalogique. Strasbourg serait encore du monde terrestre, certains de ses habitants de l’Ouest, les autres de l’Est, libéraux ceux-ci, marxistes ceux-là.

Cette aurore est de lundi ou de mardi, dit la logique. Mais il suffit de changer le point d’origine du Jour, de midi à minuit, pour que cette aurore soit à la fois de lundi et de mardi. En ce mois.

Si, pourtant, la fin de lundi achève janvier, à minuit, ou si l’origine de février se situe au midi suivant, faudra-t-il dire cette aurore de janvier ou de février? Le mois n’est plus une supralogique, mais, de nouveau, dialectique, en une autre dialectique logique, que fonde le mois. Cette autre disjonction (ceci ou cela) ne se résoudra que dans l’année : cette aurore est de 1989… à moins que le changement d’année se situe entre ce lundi et ce mardi, etc.

C’est ainsi que Platon et Kant s’opposent, comme début l’un, fin l’autre, puis qu’ils s’équivalent contre les philosophes de la Substance (Erigène/Boèce), car Kant et Platon ne jouent que de l’Essence ou de sa Forme Vide.

Puis, c’est ainsi que l’opposition entre les philosophes de la Substance et ceux de l’Essence s’abolit dans les 12 (3X4), sur lesquels se fondent les 4 systèmes. Mais alors, le nouvel ensemble (de la Forme Vide et de l’Unité) s’oppose à ceux qui n’ont pas joué du Cercle et de sa partition (sa coupe), c’est-à-dire à tout alchimiste pour lequel les 4 et les 3 n’avaient pas livré leur secret : Thessalos, Zosime, Olympiodore, Aeineias, ou Lulle, Ripley, Basile Valentin, Philalète, les hommes du Mouvement, non de la Figure, les attentifs d’une part, les regrettants de l’autre, qui ne pouvaient remonter de l’analemme au cercle.

En un autre ensemble, par une autre métalogique, nous savons que cette opposition aussi s’abolirait. Car, tous, les métaphysiciens d’une part (de la Substance ou de l’Essence), les alchimistes de l’autre, ils ont joué du Courbe ou de la Courbe, du Cercle ou de l’Analemme, du pli ou de la fronce, quand d’autres, depuis Aristote ou Hegel, jouent de la ligne droite, du triangle, de l’hypoténuse, de la diagonale, de la 3ème force, de l’intégrale, etc. Le réaliste irrationnel s’oppose par cela même au rationnel irréaliste, comme le courbe s’oppose au droit. L’Ensemble, aussi bien, au système, ou le Métalogique, toujours, à la logique disjonctive (le tiers exclu)…

Est-ce donc sans fin?

Nous en sommes du moins à cette quadrature : le Signe, l’Un unitaire (le Chevauchement) à l’Ouest, la Forme Vide (la Marge) à l’Est, et les deux directions, de l’est vers l’ouest, vers le Chevauchement, ou à l’inverse, vers la Marge, dans l’appareil, la dialectique, l’hypothétique, le bien et le mal, le + et le – des deux voies.

Cette quadrature est trinitaire : le Signe, le Seuil et l’Appareil.

D’où l’énigme. Qu’elle soit d’un signe : le Graal, de quelque appareil : l’alchimie, ou, finalement, du seuil : la Forme Vide…

La Forme Vide — Si JE admet ces distinctions, il peut prétendre que les philosophes du 3 et du 4 ne font rien d’autre que cela : passer d’une logique systématique précise à une métalogique que formulent toutes les Tables, du Tabernacle ou de la Cène, d’Emeraude ou Ronde.

En la Toussaint, ce passage avait été (ou bien avait eu lieu) de la Promesse au délit, ou du défi à la Réponse, comme description de l’Acte, ou acte de Description. Mais aussi, pour les philosophes de la Substance, le passage avait été, ou bien avait eu lieu, de la spécificité à la généralité d’une part, du génie à l’aspect de l’autre : des sciences aux arts chez Boèce, du genre à l’espèce autrement. Par le PAT et le PAN, ces changes ont contribué à décrire l’Un, l’Objet divin, comme un Ensemble métalogique, au-delà de la dialectique des actes.

Le Grand Eté venant — ou le Grand Midi — que nous décrivent Platon et Kant?

Une forme vidée de toute substance, de toute matière.

Cette forme, qu’est-elle, à l’opposé de l’Œuf?

Elle est, essentiellement, une fin, une mort. Mais aussi un relief, un vestige (en la mémoire) des opérations alchimiques pour Kant, ou d’opérations antérieures, de la forge ou de la métallurgie pour le philosophe grec. Pour les deux, ce relief n’est pas seulement un vestige, un déchet, mais le remblai qui borde une voie, une route, et annonce de loin le virage. Puis, ce virage fait de la mort une naissance, par le miracle de l’Echappement.

Inventé par les horlogers, au Moyen Age, le mot dit le retour d’un mouvement, une fois quelque rouage sauté. La menuiserie et la musique ont repris le vocable, pour dire le même retour — au-delà d’une marge. L’automobiliste l’emploie, et le cardiologue, pour dire le retour inversé des battements du cœur, dans le feed-back.

En architecture même, où il n’est pas de mouvement, « échappement » dit l’écart qui sépare la voûte d’un escalier de ses marches, permettant également de monter et de descendre.

Quand le calendrier cesse de mesurer le jour depuis midi pour le mesurer depuis minuit, ou l’année depuis la Toussaint pour en dater le début de la Noël, il procède par une telle marge, ou un tel vide, pour passer d’une logique à l’autre, rajeunissant la première en un nouvel ensemble, une autre métalogique.

Le dialogue de Cléopâtre, ou la survie de l’homme de cuivre, chez Zosime, ou le triomphe de la forme sur la matière (Aeineias) nous ont précisé le phénomène; mais non moins le transfert de la matière à la forme chez Lulle, l’éveil d’un autre Soleil à l’est, selon Ripley, le renversement des Sexes à la Monnaie, ou à l’inverse, chez tous.

Les traditions, ici, nous en disent davantage, qui font remonter la Maison des Morts de Cléopâtre au 3ème millénaire avant J.-C.

De la même époque, le temps d’Abraham, des Maisons des Morts hittites révélaient le même échappement, ou la mort-renaissance, sous l’égide des Douze dieux. Une fois la Forme Vide atteinte, et la première « stupeur » passée, l’humanité se prend à rêver d’un retour, d’un échappement inexorable, ou, plutôt, simplement, elle constate la chose : elle n’a pas pris fin, mais, tout au contraire, le néant se présente comme un rouage sauté, une simple marge, et cette syncope permet le feed-back, le ré-cit, la ré-pétition. Or, de longtemps déjà — l’Histoire nous le montre — la nouvelle marche vers l’ouest a commencé.

Mais il suit que le Vide n’est pas seulement une mort et une naissance. Le Moyen Age chrétien y plaçait le Purgatoire, d’où le « suffrage » tirait l’âme, afin de l’introduire en son éternité.

Le vocable disait alors tout ce qui peut aider le mort : les prières des vivants, des messes, des indulgences. Aujourd’hui, « suffrage » ne dit plus que le choix, l’élection; mais c’est toujours la « distinction » de Gauvain, en regard de la trivialité de Galaad, le Jakût, le Jaque. Le chevalier répète son lignage, il le ré-cite, l’affabulant. Ainsi firent les Teinturiers antiques, répétant, récitant sans trêve les œuvres des Eléates, puis de Démocrite, puis d’Aristote, ou celles de Platon et des Pères de l’Eglise.

Ce n’est pas dire qu’au contraire, le Jaque ignore le Vide, car il court à la coupe, au partage crucial, à la dissolution, et il ne l’ignore pas. Au terme, dès le 14ème siècle encore, le Jaque est devenu le Jaquemart, le petit personnage qui sort du clocher afin de frapper l’heure avec son marteau, sa masse. En cette invention, la F.V. est comme un manège intérieur qui s’extériorise en horloge.

Or, du 16ème siècle au 20ème, le Marteau, la Masse n’ont cessé de prendre une importance croissante, au point de condamner l’autre aspect de la matière : son mouvement, son énergie. Newton en a fait (avec les distances) le seul moteur de la gravitation.

La Franc-maçonnerie spéculative a mis la Masse au rang des instruments déterminants, avec l’Equerre et le Compas. Marx y a vu la masse prolétarienne, le Peuple toujours, et Lénine plus encore, attestant l’un et l’autre que, de la Forme et de son éclatement (le Grand Bang) renaît une Masse, une matière, indestructible, ou à coup sûr recommencée.

L’Energie revenue à la mode, dans le Tournant, et la vitesse (formelle) de la Lumière, en la constante C, Einstein encore a fait de la Masse le rapport même entre l’une et l’autre : M = E/C².

Le lecteur demandera ce que cette Masse peut avoir à faire avec la Monnaie, figure extrême de la F.V. A la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, deux juifs, Samuel Butler et Irène Hillel Erlanger, auront tenté de répondre à la question.

Au centre de son système (Erewhon), Butler a situé les Banques musicales. L’origine de la machine n’est pas en la naissance, ni même en la conception, quelques mois plus tôt : elle se situe dans les limbes où Maeterlinck situe les anges (archétypaux) desquels naîtront les « petits anges » ou les enfants. Butler précise l’occupation de ces anges de l’avant-naissance : ils ont le choix de naître ou de ne pas naître, avertis — par le Savoir Universel — de tous les risques qu’ils courront, de toutes les épreuves qui les attendent, s’ils acceptent.

A l’inverse, dans le monde de Butler, ce ne sont pas le bien qui est récompensé, le mal puni. Le châtiment est pour le malade; les hôpitaux sont des prisons, et les soins des médecins sont d’horribles supplices. Quant au fraudeur et au voleur, s’il gagne vraiment beaucoup d’argent, les tribunaux lui seront d’une extrême indulgence : il n’est pas impossible que les scélérats deviennent ministres ou financiers.

On voit que Butler ne joue ni des 3 ni des 4. Son nombre est le 5 : la naissance ou son refus, le gain ou la perte, les Banques musicales au centre.

Dans ses Voyages en kaléidoscope, Irène formule différemment les 5, mais la Monnaie demeure au centre (l’alliage et l’effigie).

L’Unité se nomme l’Huître ou l’escargot, en sa coquille : une nourriture indigeste, dont l’effet peut être désastreux. La F.V. est la casse de l’imprimeur, avec ses caractères de différentes grandeurs (du 7, du 8, du 9) et de formes diverses (le romain, l’italique).

De l’Unité à la F.V. sont les appels, parfois brouillés ou sans réponse, du téléphone. De la F.V. à l’Unité sont les températures, du froid au chaud, de l’ultraviolet à l’infrarouge, que dénombre et situe le thermomètre.

Les Voyages sont donc 5, que définissent la Monnaie, la Coquille, l’Alphabet, le Thermomètre et le Téléphone. Matériels, dira-t-on.

Mais qu’en est-il soixante-dix ans plus tard, la monnaie dévorée par le crédit, l’alphabet de l’imprimeur par les linos, les « flancs », les messages de l’informatiques, le fil du téléphone supplanté par le vide absolu où se transmettent les messages de la radio, les images de la télévision, et le thermomètre relégué aux oubliettes par le laser et le scanner, etc.?

Les Cinq de Samuel Butler, du moins, survivent — en utopie et en réalité.

 

Les machines célibataires — Entre Erewhon et les Voyages d’Irène (1919) se situent toutes les plus accomplies des Machines, que Carrouges a nommées « célibataires », c’est-à-dire privées de la Mariée, de la Substance, de l’Un, et de toute possibilité d’union, par suite. Elles ont pu, ébauchées, paraître un peu plus tôt, dans Le scarabée d’or, de Poe, ou L’Eve future, de L’Isle Adam.

Elles pourront, avant de disparaitre, produire ces reliefs scientifiques : L’Eve éternelle de Solié, en psychanalyse, ou La nouvelle grille de Laborit, dont l’élément fondamental est la F.V. finale, à partir (ou jusqu’à) 1976/1984.

Mais les Célibataires, en leur pleine perfection, se nomment le Faustroll de Jarry, le Locus Solus de Raymond Roussel, La colonie pénitentiaire de Kafka ou, en peinture, Le Grand Verre de Duchamp, entre 1905 et 1914. Elles tiennent dans la figure, maintenant célèbre :

C’est la machine des ultimes alchimistes, à cela près qu’y manque la remontée du Feu à la couleur; mais l’ensemble n’est fait que de couleurs, celles du Faustroll ou celles des figurines de Roussel.

Une autre machine célibataire, de la même époque, est celle de l’anglo-saxon Hodgson : La Maison au bord du monde, que Carrouges ne connaissait pas. Au Nord-ouest sont les figurines : les images sculptées des dieux dans les montagnes de l’étendue; au Sud-ouest sont les monstres ou les démons porcins, sous les caves de la Maison, et toute la durée, la vie du narrateur. Au Nord-est sont les changes des planètes et des astres, dans l’Espace; au Sud-est, le retour au Cosmos connu, en même temps que le retour des évènements premiers, dans le Temps.

Dans ce récit, il y a remontée du Sud-ouest au Nord-ouest, mais ce n’est que l’horrible invasion de la Maison par les démons porcins.

Clairement, l’auteur a craint d’évoquer le Poisson, ce qu’il ne redoutera pas en ses autres livres (le démon de la mer), non plus que Lovecraft, son successeur. Mais, dans le zodiaque chinois, le Porc remplace le Poisson, car les cochons, comme les poissons, se mangent entre eux, non moins que les époux dans le Couple et non moins que les sectes ou hérésies chrétiennes (et musulmanes) entre elles. On tue ce qu’on aime, disent Oscar Wilde et Thomas Mann : plutôt, on le dévore.

Le dernier stade — L’époque 1900/1920 ne peut se réduire à cinq ou six machines. C’est, avant tout, le temps où la science se retourne, de la Mécanique cartésienne au nucléaire, de l’espace vide des astronomes au ciel trop plein de l’astrophysique, de la chimie à la biochimie, de la linguistique à l’informatique, etc. Aux inventions de Marx, de Freud, d’Einstein, les trois rationalistes géniaux (et juifs) succèdent d’autres économistes (Simon), psychanalystes (Jung), physiciens (Dirac, Pauli). Mais ce change apparent, ce tournant n’en est pas un : il ne fait que circonscrire une forme nue, vidée de toute substance.

L’espace se remplirait, dit-on. Non : il s’agrandit seulement, à l’infini. Les masses qui le parcourent ne sont que des poussières, sur des kilomètres, ou des millions de kilomètres, lorsque la vision s’éloigne. Dans l’objet le plus compact, une table ou une coupe, un même vide s’étend, infini au regard des particules qui s’y meuvent.

Tout est vide : le ciel et la terre, non plus seulement de dieux mais de matière. Même le téléphone, la monnaie, l’alphabet ne sont plus que des songes, que l’Informatique réduit à leur nature : des formes pures et vides.

Les dernières machines ne formulent rien d’autre. C’est dans les Nouvelles impressions d’Afrique (1927) que Raymond Roussel exprime, de cercle en cercle (de parenthèses en parenthèses) les 4 reliefs de l’Un : la question (le 1er poème), le quiproquo (le 2ème), l’étiquette (le 3ème), l’extinction — des feux (le 4ème). A la même époque, le colonel Lawrence s’est fait le soldat Smith, Gilbert-Lecomte et Daumal instituent le Grand Jeu (la révélation par la révolution), Artaud entreprend la quête qui le mènera, en 1936, à l’internement et à cet inventaire — infini — de la F.V. que seront les lettres, les dessins et les cahiers de Rodez.

Ils n’ont pas choisi simplement la mort, car tout le monde meurt et cela ne prouve rien. Ils ont choisi la mort au-delà de la mort, l’Irrémédiable, que cinquante ans plus tôt, Rimbaud tentait déjà dans les déserts de l’Abyssinie. Jusqu’au bout, Smith refusera les prestiges, les suffrages de Lawrence : libéré de la Matrice (son dernier livre), il se tuera sur sa moto. Jusqu’au bout, Gilbert-Lecomte restera seul, drogué, malade à en mourir cent fois, dans une misère inimaginable.

Jusqu’au bout, Artaud refera ses dessins, ou recopiera les listes de ses Filles, dans le caca, le sperme et l’urine, chez les fous. Comme ils l’avaient voulu, ils seront allés jusqu’où personne ne va, pour découvrir si, même de ce chaos, on peut revivre et s’éterniser. Eternels, ils le sont, prouvant la chose.

Après leur mort, pendant ou peu après la seconde guerre mondiale, l’autre chaos, la Science a commencé de s’en émouvoir. Pour elle aussi, le grand éclatement, le Big Bang, n’est plus une fin : c’est l’origine de tout.

Le Jaque et le Chevalier — Platon n’a pas ouvert l’ère de l’Amour sans fermer celle de la Justice, du Bélier et réduire le Taureau créateur à un démiurge, ses œuvres à des jeux. Kant n’a pas fermé l’ère du Poisson, par les Personnes réduites à des jugements, sans ouvrir l’ère de la Liberté, du Verseau. Le premier n’est pas le maître d’Aristote sans être le disciple de Socrate. Le second n’est pas le disciple de Jean-Jacques, ce qu’il avoue, et de Jean-Paul, ce qu’il n’avoue pas, sans être le maître de Hegel.

Ils ne sont donc pas, l’un l’origine et l’autre le terme d’un triangle, dont le sommet se situerait au 7ème siècle, mais comme les centres de deux cercles, ou les sommets d’autres triangles (en croix).

Or, dans l’Espace, le Triangle est tel qu’abaissées en son sommet, une infinité de bissectrices coupent toutes ses bases en autant de points, c’est-à-dire que la base la plus longue, en étendue, égale la base la plus courte (Aristote).

Dans le Temps, la plus longue oscillation d’un pendule est parcourue dans la même durée que la plus courte (rapidement la première, lentement la seconde), selon Galilée.

En métalogique, ainsi, toutes les bases du triangle et toutes les oscillations ou arcs de cercle s’équivalent. La plus longue,  2160 ans ici — vaudra entre -360 et 1800, comme entre -540 et 1620. L’hypoténuse ou le 3ème côté du triangle est, de fait, le diamètre du cercle, dont le rapport à la circonférence sera toujours Pi.

Par définition, ce cercle est vide; et de même s’il s’agit d’une sphère ou d’une dimension supérieure. JE ne peut parler de son contenu, mais seulement de son pourtour : circonférence, surface, volume. Une interface toujours, que le Jaquemart traverse de l’interne (recouvert) à l’externe (découvert) pour frapper le battant, et que, peut-être, son opposé, le Noble, l’Affabulé, traverse inversement, de la face découverte à la face recouverte, ou de l’incohérence au cycle, par l’Echappement.

Mais comment est-ce possible? Ne serait-ce pas comme, dans la Monnaie, l’effigie contient l’alliage, la forme la matière, et comme, par les Sexes, le mâle pénètre la femelle, la forme la matière? On sait que le Jaquemart est une matière, une masse, et Galaad nous a montré qu’il était le mâle, n’accédant à la forme que par la partition, la coupe. On sait que le Noble n’est qu’effigie, figure, et Gauvain nous a dit sa passion pour la femme, la matière, qui le perd à tout coup, comme elle perd Lancelot, Hector, tous les chevaliers du Lac, élevés par la Dame. D’où, la luxure des Chevaliers (vers l’Amour) et la virginité du Jaque, qui s’en tire.

Ici et là, toute fable est féminine, ou anima, bien que formelle, comme de Zosime à Aeineias; mais tout principe est masculin, ou animus, bien que situé uniquement dans le sens de la matière — de la matérialité, puis du matérialisme — comme de Lulle aux alchimistes de la Renaissance, puis du 17ème siècle.

Au terme/finitude de cette voie-ci, l’erreur (le trope), la partition et sa séparation, la mort, la fin d’un cycle? Dans le terme/motif de cette voie-là, l’émargement, le suffrage, le topique, la vie nouvelle, le renouveau du cycle? Bien sûr. Mais, plus simplement, dans la Forme Vide, une perte (le découvert comptable) ici, un gain (le recouvrement comptable) là, selon que, de recouvert, le Jaque se montre à découvert, en état de découverte, de sollicitation, ou que, découvert, le Noble se recouvre — et se révèle dans le cycle nouveau, semblable, par son rythme, au précédent.

Du temps à l’espace le premier, de l’espace au temps le second.

JE a nommé manège le lieu de cet Espace, où tournent les silhouettes, les figurines, les fanfreluches des mythomanes et des scientistes; et pendule l’ensemble des heures, des mois, des ères qui partagent également le cycle du Temps. Quant à la voie du Jaque, elle peut être dite de sollicitation, vers la découverte ou le change, la chose autre. Quant à la voie du Noble, elle peut être dite d’une sollicitude, vers le recouvrement, la révélation, la maintenance, la même chose. Mais aucune des deux Instances (sollicitation ou sollicitude) n’assure du gain ou de la perte; et le recouvert se fait recouvrement, la perte un gain. La perte de la découverte est toujours une casse; la perte de la recouverture une cache. Mais la casse a répondu au délit du bloc d’ardoises, la cache révèlera le délit de la pierre en sa terre.

Abstraction pure! dira-t-on. Sans doute, en la Forme Vide. Mais, dans l’analemme ou le double serpent, les deux voies furent tout autrement la chose même, bien que la même chose dans l’autre.

Si, revenant de deux siècles en arrière, de -360 à -540, ou de 1800 à 1620, JE considère les œuvres des derniers prophètes, judaïques ou grecs, chrétiens ou islamiques, il constatera que l’écart (hypoténuse/diamètre) s’y retrouve, en fait. Puis, que tous ces prophètes ont su dire l’Avenir avec une même justesse, une même exactitude, qu’ils annoncent le 2ème siècle avant J.-C. (Jérémie, Ezéchiel, Daniel — ou Sapho, Pythagore, Gautama, Confucius) ou qu’ils annoncent le 20ème siècle après J.-C. (Ulrich ou More, Paracelse ou Rabelais, Nostredame ou Montaigne). Les uns/les autres nous ont prédit, tout à la fois, le triomphe du Jaque et de ses principes (puis, leur disparition en la F.V.), et le point Zéro du Noble chevalier ou de sa fable, en l’émargement contingent limité au contingentement, plus rigoureux que la nécessité.

C’est donc bien réellement que le manège et la pendule s’opposent et se complètent, en l’interface de la F.V.

Découvert, le Manège est au terme de la nécessité kantienne : l’éclatement de la Chose Même, faite autrement, en toute logique, selon les principes d’identité et de causalité.

Recouvrée, la Pendule est le terme contingenté, en la contingence kantienne, de la même chose dans l’Autre. C’est le jeu métalogique de l’émargement, de l’échappement, du suffrage, du récit, de la fable.

Jean-Charles Pichon

Publié dans La Forme Vide | Laisser un commentaire

LA FORME VIDE II – Les applications de la table

II

Les applications de la table

 

Le renversement — Pour les prophètes du 13ème siècle, qui répètent les prophètes du 9ème siècle avant J.-C., les 2 160 ans se prennent de -900 ou de 1260. Ils embrassent l’ère du Bélier, depuis Abraham jusqu’au Christ, ou l’ère de l’Ichtus, depuis 0 jusqu’en 2160. Il y a donc un temps d’incubation, de 9 siècles, depuis Salomon jusqu’au Christ, ou depuis eux-mêmes jusqu’au 22ème siècle :

Mais, historiquement, le déclin ne commence qu’en -432, selon Thucydide, ou depuis 1728, par l’imposture de la Valeur prépondérante, le langage détourné de son sens, la Polis de Platon, la Société Civile de Kant.

Ce déclin dure, selon Ezéchiel, 390/430 ans, depuis -590, et, selon Platon 360 ans, depuis -400 (la mort de Socrate). Il s’achève donc, pour l’un, vers -160, pour l’autre vers -40.

La première date est retenue par Rabelais (comme prématurée, toutefois), la seconde par Montaigne. Mais l’Utopie de Thomas More avait choisi une 3ème date : -252. Pourquoi?

La formulation de l’alchimie, vers l’Ouest — et l’Or/substance — avait exigé neuf siècles, de -360 à 540 environ, ou de Platon à Boèce. Mais ce n’avait pas été un temps de formulation, de regain, sans être un temps de déclin (des sociétés antiques, grecques, puis hellénistiques, puis romaines); de déclin, surtout, pour le dieu de Justice et pour ses disciples : les juifs, les brahmanes. Car le Nouveau Temple n’avait ni la splendeur ni la solidité du Temple de Moïse : depuis sa recréation, par Esdras et par Néhémie, vers -450/-430, il ne s’était ouvert qu’à l’imposture, à la compromission, grecque ou hellénistique, puis romaine, à la destruction enfin. Au 6ème siècle, les caraïtes renonçaient à la substance de leur croyance; au 7ème siècle, au 8ème, ils reconnaissaient le triomphe de l’Amour, comme tous les peuples à la même époque, y compris le brahmane et ses Veda, vaincus par le bouddhisme.

A l’inverse, il est démontré que, depuis Perceval ou Etienne, les Quêtes et l’alchimie ne sont plus que des « réponses », plus ou moins malhabiles, au terrifiant déclin, que marqueront les schismes, les hérésies, les invasions des peuples « païens », les pestes, les fléaux de toute nature et, pour finir, les guerres universelles, l’usage du nucléaire.

Mais ces neuf siècles de déclin, depuis 1260 jusqu’au futur 2160, ou depuis l’Occultation (900) à 1800, ou depuis 620 à 1620 (la fin des prophètes), en d’autres calculs, ne sont pas de dégénérescence seulement. Car un dieu ne s’éloigne pas sans qu’un autre ne se rapproche. Parallèlement à l’épuisement de l’alchimie, d’autres quêtes se sont organisées, un autre espoir s’est affirmé, celui du Verseau, de l’Esprit Saint, puis de l’Esprit Libre. Des prophètes ont ouvert sa route, ils en ont marqué les étapes.

Nous ne sommes plus en présence d’un analemme, d’un serpent double ou de deux serpents, qui se seraient embrassés au 7ème siècle, mais en présence de deux triangles, le primaire et l’antithétique de Yeats, ou des 4 centraux de toutes les machines, septénaires ou célibataires, etc.

Pourtant, si le chevauchement de l’Un nous est connu, le renversement, l’Echappement au sein de la Forme Vide ne l’est pas.

Où s’est-il réellement situé, de -432 à 0? Où peut-on le situer dans les Temps Modernes, entre 1728 et 2160?

Fut-ce au temps de l’Imposture naissante?

Au temps de formulation du mythe rationaliste et de son Etat porteur : la Macédoine de Philippe et Alexandre, ou la France de la Révolution et de Bonaparte Napoléon?

En l’apogée de ce rationalisme : -252 ou 1908?

Par les premières révoltes, des esclaves jadis, de la jeunesse aujourd’hui, vers -200 ou vers 1960?

Plus tard encore?

Examinons.

 

Les derniers prophètes — Les prophètes sont rares, qui datent leurs prophéties. Quand ils le font, ils sont suspects de charlatanisme, et c’est sans doute justifié, même s’il s’agit des astrologues chaldéens de jadis, ou des kabbalistes, plus près de nous. Ces professionnels prêtent toujours à sourire, s’agirait-il d’un cardinal comme Cues, ou d’un Nostradamus, et même si leurs pronostics s’avèrent, se révèlent exacts : les célèbres 1789 ou 1792 de Cues et de Nostredame.

Les amateurs touchent davantage, ou plus profond : des poètes (Arion, Pindare, Eschyle), un mathématicien (Pythagore), un législateur (Lycurgue, Solon). Le 6ème siècle avant J.-C. est tout rempli de ces inspirés, dont les plus grands se nomment le bouddha Gautama, Lao Tseu ou Confucius, Héraclite/Parménide en Grèce.

Le 16ème siècle l’est aussi, où le temps des prophètes accouche de Thomas More, Paracelse, Rabelais, Montaigne — sans oublier Shakespeare et Cervantès.

L’Utopie de More prend pour prétexte le retour d’un galion depuis les Amériques. Ce pays au-delà de l’Océan ne serait-il pas ce que fut Rome pour les colonisateurs de l’Antiquité, au 7ème siècle avant J.-C.?

Or, si 1530 correspond à -630, une autre date, dans l’avenir, doit correspondre au -252, qui fut la fin de toutes les croyances, des princes-moines Tcheou en Chine, la fin de la Thora juive, et le début des guerres dévastatrices entre tous les Etats hellénistiques, Carthage et Rome. La concordance se situera donc en 1908.

Ce sont donc ces 360 ans : 1540/1900 que décrit l’Utopie de More. Elle tient en un mot : la corruption croissante de la Justice (le Bélier), parallèle à la corruption de la Création ou du Taureau, après le bref triomphe de Babylone et du Taureau Mardouk (-610-/-540); ou, à l’avenir, celui des nouveaux servants de la Justice-Dieu, les Puritains, vers 1550/1620.

Si l’agonie de la Justice doit être horrible, par l’imposture, la répression, la tyrannie, de l’Eglise puis du communisme, etc., elle ne le sera pas plus que la décomposition de la création taurique, par Babylone, Philippe puis Alexandre, puis le sophisme triomphant de la Macédoine, de Séleucos, de Pergame et de Carthage.

Au Moloch de cette dernière cité, à sa fournaise où l’on jetait les petits enfants, au cri : « Ce ne sont pas des enfants, c’est du cochon », correspondront un jour d’autres fournaises, des Camps et des Goulags, où l’on jettera des corps vivants, au cri : « Ce ne sont pas des hommes, mais des vipères lubriques ».

« Nulle part », dit le titre de More. Car cela ne se situe pas dans l’Espace, mais dans le Temps. Le Toujours et l’Encore seuls commandent ici.

La prophétie de More a empli un roman, celle de Rabelais, trente plus tard, n’exige qu’un poème : Les fanfreluches antidotées (antidatées?); elle est aussi moins claire, le temps de la liberté s’achève, celui de la persécution ecclésiastique revient.

Mais elle n’est pas moins importante et judicieuse.

Quand le dieu d’Air s’annoncera, dit le poète, ce sera, comme l’Ichtus, 160 ans trop tôt, en un temps renouvelé du grand espoir des Maccabées et de Scipion (166/160 avant notre ère). Dans la dernière décennie du 20ème siècle, par suite. A quoi tiendra l’échec? A diverses causes : on voudra le canon, et le beurre; l’évêque perdra son bonnet; d’autres mythes s’agiteront dans l’ombre, tels que Léda et ses Gémeaux. Mais, surtout, le dieu aura pris froid, car l’année ne sera pas assez avancée. Résultat : beaucoup de bruit pour rien — ou pas grand-chose!

Plus courte encore, et mieux cachée — l’Inquisition règne à nouveau — la prophétie de Montaigne tient quelques lignes, dans le chapitre V, du 3ème Livre des Essais (1586/88). Le philosophe médite sur 5 vers de Lucrèce (dans le De natura rerum) où, ayant dit sa certitude de vivre la fin d’une civilisation, le poète romain affirme sa foi en un nouveau printemps, dont la croissance de certains arts, navals entre autres, lui donne la certitude inverse.

Puis, revenant à sa propre époque, Montaigne évoque les peuples récemment « découverts », de l’autre côté de l’Atlantique. Si nus, si dépouillés qu’ils soient, ne porteraient-ils pas le germe attendu?

Il en atteste le Sibylles et les démons eux-mêmes : « cet autre monde ne fera qu’entrer en lumière quand le nôtre en sortira. L’univers tombera en paralysie; l’un membre sera perclus, l’autre en vigueur »… Et, dans une autre Rome, un autre poète dira le printemps nouveau!

2160 ans après -50, ce sera au début du 22ème siècle, à la veille d’un Etat universel, panthéiste comme l’Empire romain le fut.

Ainsi, en moins d’un siècle, de 1530 à 1590, trois esprits de première grandeur, mais non pas des prophètes professionnels, ont-ils annoncé :

– l’apogée de l’Imposture en une autre Carthage et une autre Macédoine, un cycle après -250,

– les révoltes et délires d’un messianisme prématuré, un cycle après -160,

– une Rome à venir et ses poètes du renouveau, un cycle après -50.

Les procès de Moscou et ceux qui ont suivi, qui suivent, le réveil des peuples épouvantés, du sectarisme et des religions, la croissance même de l’Amérique sont des évènements trop proches ou trop présents pour qu’il soit nécessaire d’y insister.

 

Une confirmation numérique — En dépit des croyances scientistes, les nombres ne prouvent rien, ils n’expliquent rien non plus. Mais, d’une certaine manière, ils démontrent et confirment.

Cherchant à mieux comprendre les rythmes étranges du temps, telle concordance même entre Platon et Kant, aux sources et à la fin des alchimies, il arrive que JE tombe un jour, par hasard, sur une formule simple : l’équation de la moyenne : n = (N+1)/2, et qu’il trouve une « solution » à son problème.

Le lecteur que les jeux de nombres séduisent trouvera en annexe quelques uns de ceux que permet l’équation : JE ne les a pas tous recensés. Ils n’ont de valeur en cette étude qu’autant que les faits les confirment.

Or, l’une des applications les plus utilisables de la formule est certainement, pour N et n plus grands que 1, la double équation : N-1 = 2(n-1), d’où : n-1 = N-n.

Un état quelconque de la Forme Vide N est lu en n avec un écart tel qu’il égale le temps écoulé de l’1 à n, et que le temps qui s’écoulera du 1 à N devra le doubler.

Or, nous voyons que :

 dès 1430, pierre d’Ailly (et de Cues, le suivant) prophétisent la Grande Révolution pour 1789 ou 1792. N-n = 360 ans, de 1070 à 1430;

 dès 1520, Thomas More projette l’apogée du rationalisme pour la période 1900. N-n = 380.

 n-1 = 380 ans, de 1140 à 1520.

Vers 1540, Rabelais imagine un autre -160, pour l’an 2000 à peu près, dans le cycle de 2160 ans (mais Kepler donne : 2150). N-n = 470 ans, de 1540 à 1990; ou 480 ans, de 1540 à 2000.

n-1 = 470/480 ans, de 1070/1080 à 1540.

Pour confirmation, la Prognostication de Paracelse donne la date : 1992 pour la fin de la période rationaliste, le point de renversement. Le texte est daté de 1536. N-n = 1992-1536 = 456; n-1 = 456 ans (de 1080 à 1536).

En 1588, Montaigne projette pour 2100 (depuis -50) le futur « printemps » américain. N-n = 2100 – 1588 = 512 ans.

n-1 = 1588 – 1076 = 512 ans.

On voit que, dans tous ces exemples, l’achèvement de l’Unité graalique ou la fin du Temps de Dieu sont datés de 1070/1140, de Bérenger de Tours, le dernier disciple d’Erigène. Historiquement, ce fut, tout à la fois, l’éclatement de la Chrétienté, par les Querelles entre l’Eglise et l’Etat (le Pape et l’Empereur), le remplacement des pèlerinages de paix par les premières Croisades, et les premiers balbutiements des scolastiques, chrétiennes, musulmanes ou bouddhistes, par Roscelin et Abélard, Averroès, Ramanuja. Dès 1160, les premières sectes « diaboliques » appellent les premières persécutions de l’Eglise. Mais aussi, les premières quêtes du Graal, encore gallo-romaines, les premiers Keningars d’Islande et les premières Sagas d’Irlande seront datées de 1120/1135.

Si l’Unité recouvre 2160 ans, comme l’ont dit Platon, l’Apocalypse et les prophètes du Moyen Age, cette Unité-là, du Christ ou de son Graal, est donc à prendre de -190 (Bolos) à 1070, ou de -120 (l’Ecole d’Elie, Auguste ne « codifiant » l’éveil que cent ans plus tard) à 1140.

2160 ans plus tard, l’Unité de l’Esprit, du Verseau, devra se prendre de 1990 à 2040, ce qu’aucun prophète médiéval ou renaissant, n’ignore. Le Coran, déjà, ne l’ignorait pas : de 1990 à 2028 s’ordonnent les deux sourates (73 et 74) qui content les destins du nouvel Ermite, « revêtu de son manteau, comme d’une ombre ». Selon Nostradamus, le retour des « hommes seuls, des Seuls », contre les Etats, les tyrans, les « asniers »…

Cet écart, cette incertitude plutôt, de 38 à 50 ans, dans la prophétie du point d’Echappement, de renversement, décevra de nombreux lecteurs, qui rêvent de mettre en l’Histoire une précision que leur vie ne comporte pas. Mais ce n’est, à très peu près, que l’écart d’un demi-degré précessionnel : 36 ans sur 72.

Une deuxième vérification en devrait-elle être apportée, on la trouverait dans l’étude des prophètes juifs et grecs, de ceux — du moins — qui ont daté leurs « prognostications ».

Vers -590, Ezéchiel date le renversement de -200 (390 ans plus tard) en précisant qu’il sera suivi de 40 années d’incertitude et de conflits, où il vaudra mieux faire retraite, se reposer et attendre.

N-n = 390 ans, de -590 à -200, ou 430 ans, de -590 à -160, et, par suite, n-1 = les mêmes temps, de -1020 à -590, ou de -980 au même temps : -1020/-980 fut le règne de David.

Vers -540, Daniel prédit le renversement de -160, avec une précision telle que les rationalistes refusent d’y croire et font du Livre de Daniel l’œuvre d’un pseudo-Daniel, vers -160.

N-n = -540/-160 ou 380 ans;

n-1 = 380 ans, de -920 à -540, situant l’achèvement de l’Un au temps de Salomon.

Du déclin de la Grèce (-432/-400), Platon date le début des 360 ans où les dieux se désintéressent de l’homme :

n-1 = 360 ans, comme de -792 à -432, situant la fin de l’Unité au temps des fléaux (l’invasion, la rouille, la nielle, les grandes hérésies). Mais Platon n’est pas prophète plus que ne le sera Kant. Il prétend « simplifier » d’abord. 2160 ans avant la fin du Temps d’Amour, vers 1100, nous trouvons l’autre tournant : -1060, qui ouvrit le temps des Rois : Samuel, David, Salomon. Et, 2160 avant 1140, nous trouvons -1020, le règne de David.

Peut-être aussi, les prophètes juifs et grecs, qui ne connaissaient guère que le Pi (22/7) et le nombre d’or (1,618), ne pouvaient-ils atteindre aux précisions de prophètes pour lesquels Pi se nombre 3,1416 (au lieu de 3,142) et que Neper, vers 1600, allait initier au nombre « e » : 2,718, le fondement des logarithmes népériennes.

Pour Platon, l’Unité : 4 Pi (un cercle de rayon 2) valent 88:7 ou 12,568 et non 12,5636, comme pour nous.

La sommation de sa série, jusqu’au 1/5040, est 12/7 ou 1,714, et non (e-1) = 1,718 comme pour nous, etc.

Nos scientistes devraient se moquer de ces écarts (ne pas s’en soucier), mais ils s’en moquent différemment : ils les ridiculisent, eux qui ne jouent pas à moins d’une approximation au 1/10 dans leurs laboratoires! L’une des bases, et non la moindre!, de l’imposture où ils se complaisent…

Sur les 22/7 au lieu de Pi toutes les pyramides s’étaient édifiées.

Sur le nombre d’or s’édifieront les cathédrales. Ce ne sont pas des exactitudes à dédaigner.

 

Les séries convergentes — C’est dans le même siècle, le 16ème, que Basile Valentin compose ses Douze clés, dans le sens de la dégénérescence de l’Or/Substance, et que, dans le sens inverse, Ulrich, More, Nostradamus, Rabelais, Montaigne précisent les siècles à venir, vers l’Occident Nouveau, le rêve de Colomb. Il arrive même que l’alchimiste et le prophète soient un seul homme : Paracelse, Nuysement. Les serpents de l’alchimie renvoient B. Valentin à Cléopâtre, et les 4 symboles de Nuysement aux 4 de Pline : le Grain, la Salamandre, le Pélican, le Phénix, avec un écart de dix-sept siècles au plus. Mais les prophètes du 16ème siècle renvoient à ceux du 6ème siècle avant J.-C., dont ils renouvellent les calculs, avec 2160 ans d’écart. Tel est le problème, qu’aide à résoudre, une fois encore, l’étonnante fonction de la Moyenne.

Il est clair qu’à la fois, le prophète vit une durée dont il ne peut s’échapper, celle de l’anticipation, de la cause vers l’effet, et que, pourtant, il a conscience d’un autre Temps, cyclique, où l’heure du Messie renouvellera l’heure d’Abraham (pour Ezéchiel, Daniel), où l’heure de l’Esprit répètera celle du Christ (pour Rabelais, Montaigne).

Dans la durée, ils suivent la loi commune : le drame de Daniel, captif à Babylone, n’est pas celui d’Ezéchiel, en la fin de Juda, cinquante années plus tôt. De même, le drame de Montaigne, l’Inquisition revenue, n’est pas celui de Paracelse ou de Rabelais, avant le concile de Trente. Le renouveau de Mardouk, d’Apis, les Taureaux, ou des Vaches dans l’Inde, à Rome, dans le premier cas, ou, dans le second, le renouveau de Jéhovah, des Lois, de la juridiction ecclésiastique, de la Bible surtout, par les Puritains, n’ont pas peu contribué à la dégénérescence du dieu de Justice, là, du dieu d’Amour ici. Il n’est pas d’autre durée à l’anticipation, religieuse ou scientiste, que cette entropie même.

Mais la Forme Vide ignore le déclin de la matière, puisqu’elle n’en contient aucune. -540 ou +1620 ne sont que des dates, comme -590 ou +1560. Et l’écart de 2150 ou 2160 ans fait que, de l’une, peut être déduite l’autre.

Dans cette acception nouvelle de « n », non plus « moyenne », mais « lecture », « n » peut être pris :

– tantôt comme une lecture de la durée et de ses états successifs, si l’Unité est prise comme une cause : l’Ua : n, et donc N comme supérieurs à l’Unité, dans le sens de l’édification ou de la Nécessité kantienne;

– tantôt comme une lecture d’un Temps cyclique quelconque : le jour, le mois, l’année, l’ère, où « n » ne nombre plus qu’une station dans le cycle, que renouvelle sans fin le contingent des heures (dans le jour), des jours dans le mois, des mois dans l’année.

La première lecture, La ou lecture anticipée, ne traite que des actions, toujours actuelles, entre le devenu et l’avenir. Plus grand que l’1, n y est plus petit que N : N -1 = (N-1)/2.

La deuxième lecture, Lr ou lecture retardée, affabulée, ne traite que des évènements — ou des phénomènes constatés, du passé au devenir. Plus grand que N, n y est plus petit que l’1, il est lu après N, qu’il mythifie toujours, comme les Teinturiers ont mythifié Hermès ou Asclépios, et Démocrite lui-même.

Car Asclépios ou Zoroastre, Salomon ou Platon ne furent que des heures dans le Temps d’un jour — et le Sagittaire, le Scorpion de même, dans l’Apocalypse de Jean.

En La, Galaad déjà ne se préoccupait que de son avenir : un autre monde, où il serait le roi, quand le vrai Roi sera mort. Il anticipe toujours sur l’acte, et par son choix d’abord, entre les routes. Ce choix, Lulle, Ripley, Valentin et Philalète s’y contraignent de même : d’où, leurs dialectiques.

En Lr, Gauvain encore ne songe jamais à son avenir : il possède tout, étant noble, distingué d’avance et fils de roi. Il regarde : la Dame, la Licorne, le Lion, le château et le cortège du Graal. Il ne dit même pas : « Je comprends mal », car il ne soucie pas de comprendre. Il dit :  » Est-ce que je vois bien ce que je vois? »

Or, les deux lectures sont au cœur de toutes les recherches mathématiques de JE, depuis 6000 ans à coup sûr — et, sans doute, depuis les nombrements néolithiques, par les Nœuds, ou depuis les dénombrements paléolithiques, la Préhistoire, par les peintures rupestres, etc.

I) à Sumer, dès -4000, les deux lectures se formulaient par l’Inversion, qui permettait, à tout moment, de calculer « n » par une fraction, si n était plus petit que 1, par son inverse, si n était plus grand que 1.

L’Unité étant un nombre défini : 60, qui joue de tous les diviseurs connus à l’époque de Sumer : 2, 4, 5, 6, les fractions étaient : le 1/6 : 10, le 1/5 : 12, le quart (Ishtar) : 15, le tiers : 20, le demi : 30.

Plus tard, on joua de 1/2 + 1/4  : les 3/4; ou de 1/3 + 1/3 : 2/3, etc.

Mais, aux fractions, s’opposaient leurs inverses, si « n » était plus grand que 1, dans la lecture La.

Deux unités égalent 120, dix jours constitués d’heures doubles; six unités égalent 360 jours : l’année; et, peut-être, 360 ans, si je joue de l’année, etc.

Il nous en reste les cycles les plus abstraits : 60 minutes égalent 60 X 60 secondes : notre heure. Comme il arrivait que les Sumériens dégénérés, les chaldéens, prétendissent en des cycles de 3600 ans. Autre chose nous reste de Sumer : la Tetraktys des Grecs, dans le sens de la Lecture retardée : 1/4 +1/3 + 1/2 + 1, ou dans le sens des Yugas de l’Inde : 4 + 3 + 2 + 1, dans le sens de la Lecture anticipée.

Notre Bible, œuvre des lecteurs de l’anticipation, s’achève sur la proposition de Daniel : l’Or retombe à l’Argent, l’Argent au Cuivre, le Cuivre au Plomb. Ce n’est pas autre chose que la lecture d’Hésiode, le Grec : les 4 âges, en ordre décroissant, auxquels s’ajoutait parfois l’âge de Fer, en 5ème position.

Car les Grecs, de Sumer, rejetaient l’Inversion, y substituant d’autres calculs.

II) Thalès, les Eléates puis Pythagore d’abord, puis cent calculateurs, d’Euclide à Apollonius (ses badernes) créent une tout autre arithmétique, dont l’objet demeure les deux lectures.

Mais ils fondent la lecture Lr sur les Couleurs, qui deviendront la clé des Teintures (vers l’Or) et la lecture La sur la Musique, ses notes harmoniques : Ré, Mi, Fa, Sol, La (le Si, avant le Do, d’invention ultérieure).

Des nombres de Sumer, l’Un ou 60 a disparu. Ils n’en ont plus besoin quand leurs nombres sont 9 (la Table de Pythagore), puis quand le Dix ou le X joue déjà, à Rome. Ces X nombres, les kabbalistes de la Thora les ajouteront aux 22 lettres, pour des calculs qui n’en seront pas simplifiés. Car le 10, qu’est-ce, sans le Zéro, qui, en Grèce, n’existe pas encore?

Ils conservent un nombre de la rationalisation de Sumer (Akkad), le nombre Pi ou 22/7. Du 7 ils font leur clé : les 7 couleurs ou les 7 notes, les 7 planètes, les 7 jours.

Les mathématiciens de l’Inde inventent le 14 : 7 X 2. Les Yugas jouent des 7 dans un sens, et des 7 dans l’autre.

On ne peut démontrer que la même inversion existe en Grèce, puisque les Grecs n’utilisent pas l’Inversion. Mais les calculateurs du 2ème siècle avant J.-C. utiliseront la partition du cercle, par la Croix (Apollonius). Pi/4 = V (q-1), et q est connu : il vaut, à notre estime, 1,618. Puis, 12 q² = 10 Pi, selon l’équation qui résout le problème de la quadrature du cercle.

III) Le Moyen Age — Une invention des Grecs va leur survivre : les deux nombres « humains » de la République platonicienne :

– 4 fois le nombre irrationnel Pi (22:7) : 88/7 = 12,57,

ou le carré dont la diagonale est 5. Selon le théorème de Pythagore : 12,5, puisque le carré = C² et que D² = 2 C² ou 25 = 12,5 + 12,5,

ou cent fois ce nombre : 1250 ou 1257;

– un triplé de 3 (souvent traduit, faussement, par « cube ») : 9 et — ou — cent fois ce nombre : 900.

L’Apocalypse a joué de ce calcul et nombré l’Unité de Temps : 1260. Les prophètes du Moyen Age en jouent aussi : 900 ans recouvrent la formulation, l’incubation de la Personne divine : le Père, le Fils ou l’Esprit, et 1260 recouvrent sa durée;

U   ←    900 ans

2160

→   1260 ans

Mais le 13ème siècle invente deux autres séries (Fibonacci) :

1 1/2 2/3 3/5 5/8 8/13 13/21……., approchant Q-1 = 1/Q ou 0,618,

2 = 2/1 3/2 5/3 8/5 13/8 21/13…., approchant Q ou 1,618.

0,618 se prend entre 1/2 et 2/3; 1,618 entre 3/2 et 2 :

← 2/3    Q-1    1/2

1

→ 3/2      Q       2

Ce sont ces deux dernières séries qu’affinent les séries convergentes, de sommation : Pi/4 (la série récurrente) et de sommation (e-1), la série des factorielles inverses. De 1620 (Neper) à Euler, cent ans plus tard.

< 1    ←    Pi/4    (1) -1/11    +   1/9    -1/7    +1/5    -1/3                                  0

>1     →     (1)    +1/2   + 1/6   + 1/24    + 1/120    + 1/720   + ….(e-1)

Qu’il s’agisse des inversions de Sumer, de la Tetraktys, des Ages d’Hésiode, des Métaux de Daniel ou des Yugas indiens, des couleurs (leurs longueurs d’onde) et des sons (leurs fréquences), des nombres de Platon et de Fibonacci, de Neper et d’Euler, le schéma est toujours tel :

<1     n    >     N

>1     n    <     N     et, concrètement :

Vers 648 : ← Aeineias  Olympiodore   Zosime   Thessalos   Cléopâtre   -252

Etienne ou     600 ans        800 ans         1000          1400          1600

le Graal

→ Bérenger  Villeneuve      Lulle           Ripley       Valentin…  1908

Mais, bien sûr, dans le cycle ou la F.V. de 2160 ans, c’est 1908 qui répond à -252 (l’apogée du rationalisme), 1800 à -360 (Kant/Platon), 1620 à -540 (les derniers prophètes), 1200 à -960 (la cathédrale gothique ou le temple de Salomon), 1260 à -900 (la fin du Temps divin, selon Joachim de Flore).

Cette Forme Vide, ce cycle, rien n’empêche JE de le nommer un palindrome. Mais sera-ce bien la même figure, selon que JE la prendra depuis l’infrarouge ou le jaune, depuis Pi/4 ou Q-1? Et depuis la note Ré ou la note Fa? Depuis V (e-1) ou Q?

 

Le palindrome — Si le lecteur ou l’alchimiste ne peuvent rien changer au sens dans lequel ils se déplacent, pas plus que l’enfant ou l’adulte, ils ne peuvent transformer la fable en un principe ni, à l’inverse, un non sens en une couleur : Thessalos ou Olympiodore ne prophétisent pas, sinon qu’ils se dirigent vers l’ouest. Ils constatent simplement le point où ils se trouvent : sa « station » dans l’Ensemble, ses « distances » depuis le départ de la courbe — et non depuis l’arrivée, que l’attente du Royaume rapproche presque toujours, à cent ans de la Promesse comme les apôtres, à deux cents ans comme les martyrs, à cinq siècles, comme Saint Augustin.

Au contraire, les alchimistes, puis les scientistes, de l’an 1000 (Glaber, Gerbert) au 17ème siècle (Rabelais ou Paracelse, Kepler ou Mercator), ne cessent de prophétiser : les 5 royaumes, le triomphe rationaliste des juifs, la Révolution, l’apogée du rationalisme ou son déclin. De même que, d’ailleurs, les prophètes grecs et juifs, les auteurs des Upanishads dans l’Inde, 2160 ans plus tôt. Ces prophéties, le plus souvent exactes, ne leur permettent pas de se situer précisément dans l’analemme, de triompher des Pouvoirs, des Eglises, des Etats, de ne pas être emprisonnés, esclaves, torturés et assassinés.

Ils ne peuvent donc pas, non plus, ni les uns ni les autres, transformer un jaune en orange, un (e-2) : 0,718, en un Pi/4 (0,7865), dans le sens de la fable, ni un Ré en Mi, un Mi en Fa, ou la 1ère factorielle : 1 + 1/2, en la 2ème : 1 + 1/2 + 1/6, dans le sens du principe. Les changes horizontaux ne leur sont pas plus possibles que les changes verticaux (récit/institution).

Cependant, à toute époque, ils évoquent le Palindrome comme un remède à l’analemme, l’Ouroboros comme l’arrachement aux deux serpents entrelacés, le Zodiaque, le cercle des saisons (et la croix dans le cercle) comme une libération certaine des deux voies, des deux sexes, du genre et de l’espèce, de la matière et de la forme. Quand Démocrite invente l’atome, il avoue ne reproduire qu’une invention phénicienne, deux mille ans plus tôt, et un Avogadro, au siècle dernier, reprend la thèse de Démocrite.

Platon a dit, dans le Timée, comment d’une bande tordue en son milieu (un analemme) je peux reconstituer un cercle unique, en partageant la bande en deux parties égales; et Moebius, 2160 ans plus tard (à l’approximation près) décrira le même procédé.

Peu de temps avant Moïse, les « labyrinthes » égyptiens ont dit comment un Fil, judicieusement choisi, transforme les replis du labyrinthe en ce grand océan, l’Okéanos, qui encercle la Terre; puis un même fil, d’Ariane, permet à Thésée, le héros, de tuer le Taureau et de sortir indemne du dédale.

Quelque 2200 ans plus tard, au 8ème siècle de notre ère, le Kojiki japonais raconte qu’un autre héros, l’Impétueux, a vaincu le Serpent à huit têtes, en le faisant boire à huit coupes disposées aux huit portes de la Cité circulaire (le Yi King). Ses têtes coupées par le Sabre magique, le monstre n’a plus été que la Ville — ou le double palimpseste, un palindrome encore.

Mais, vers -2000 ou peu avant, Enlil-Tabi-Outoul avait décrit tous ses voyages, depuis sa Ville (de Paix et de Plénitude) jusqu’aux lointaines cités de l’est (la fin des Malédictions, la fin des Plaintes), et depuis les dernières villes tragiques jusqu’à sa propre Cité, transformant les deux voies annalemmiques en un parcours unique, comme autour d’une circonférence.

Vingt et un siècles plus tard, le jour de sa destruction, Pompéi possédait le Carré magique :

SATOR

AREPO

TENET

OPERA

ROTAS

le palindrome parfait, dont le sens est : « le serpent, en rampant (a repto pour arepo), tient par œuvre les roues).

Le Labyrinthe ou Thésée et le Kojiki,

Platon ou Démocrite et Moebius, Avogadro,

ou, dans le cycle antérieur :

Tabi Outoul et le Carré magique,

révèlent, tous les six, un même secret, ace, précisément, l’Etre pour écart.

Mais il est des cycles ou des Formes Vides de toutes grandeurs : nous en connaissons quatre-vingts. L’atome est ce cercle, tout comme l’Okéanos, ou la Noosphère de Chardin. Les 4, du moins, demeurent incomparables les uns aux autres : dans le Cosmos, dans l’atome, dans une vie, dans l’année (ou dans le mois, le jour, etc.).

Des palindromes sont très courts : ICI, EVE; d’autres, plus longs :

ESOPE RESTE ICI ET SE REPOSE.

Il peut même arriver que le palindrome, très long, se modifie d’une lettre et formule des objets tout autres, comme les deux phrases qui ouvre, l’une, et ferme, l’autre, une « histoire » de Raymond Roussel :

Les lettres du blanc sur la bande du vieux pillard (ce qui signifie : les missives de l’homme blanc, relatives à la compagnie du vieux forban), et

Les lettre du blanc sur la bande du vieux billard (ce qui signifie : les caractères écrits par une fraie sur la partie externe du vieux billard).

Car on ne sort pas nécessairement du labyrinthe le même qu’on y est entré, ou le vainqueur du Serpent n’est pas toujours exactement le même que celui qui n’avait point vaincu (l’effet modifie la cause).

Allons plus loin : le palindrome n’est pas nécessairement bénéfique. Il semble que le vocable même ait ses racines en :

palinodie : une expression réduite, en retrait, toujours un peu ridicule, et :

palinod, un chant en l’honneur d’une divinité, de la Vierge Marie au Moyen Age.

Car ce palindrome-là est toujours bienfaiteur, libérateur, miraculeux, qu’il soit de Platon ou de Tabi-Outoul, du Sator ou du Kojiki; mais la notion de palindrome est ridicule, inacceptable ou bien utilisable seulement par le joueur éhonté, comme celui qui change toujours de politique.

Je retrouve ici, mais à l’inverse, homonymique, les jeux synonymiques, que permettent le grec : Para et le latin : Parare (ce qui est à côté ou ce qui reproduit) dans le vocable Parade : un ensemble de parures, ou une défense (un parage) qui peut être une défense de la ville, en sa banlieue.

Les vocables guident, à défaut des nombres.

L’ouverture et la fermeture — Ils ne guident pas sans situer et, par suite, définir.

PARADE est la meilleure définition de l’Un/TOUT : comme simple objet, dehors, comme ensemble de parures, dedans, pour sa défense; mais, en tant que sujet, le mâle en sa parade, la danse d’amour, la ville en sa banlieue, en ses parages.

Car l’Un, le Sang-dieu, est toujours présenté comme contenu dans le Vase, contenu dans le château du Graal, contenu dans une « terre désertée ou gaste, en friche », à l’Ouest. Si l’Un est tout, rien n’est hors, que le désert, l’absence (de toute civilisation, d’abord).

En ces 1260 ans, l’objet/sujet est bien un palindrome aussi, ou plusieurs palindromes, contenus l’un en l’autre, comme les actes (délits/défi) dans les Lectures de la Promesse et de la Réponse.

Simplement, cet objet/sujet est tantôt hors de la matrice, la terre dont il sort, ainsi que le bébé du ventre maternel — ou la pierre brute de la carrière; tantôt encore dedans, comme la face cachée de la pierre.

Ou bien il entrera, du dehors vers le dedans : le mâle dans la femelle; ce ne sera pas sans s’effeuiller, comme de la cause à l’effet, sans se partager, (le sexe d’un côté, le sperme de l’autre), sans se répandre.

Le contenant ou la matrice, alors, aura dû s’ouvrir, pour laisser son fruit sortir — ou pour se laisser pénétrer.

La parturition et le coït exigent tous deux l’ouverture.

Au contraire, la Forme Vide n’est rien que forme. Ne contenant rien, elle est contenue dans tout : en tant que forme picturale, la pomme de Cézanne est inscrite quand tout le reste du tableau est peint.

C’est ici le vide, le désert, qui se trouve au cœur des palindromes ou des trois cercles de l’Ouroboros de Cléopâtre, par exemple.

Si le cercle interne est une pendule (la ronde des heures), l’externe est comme un manège : la danse apparente des Jaquemarts.

Entre les deux sera la membrane ou l’interface, où JE tournera vers la droite ou vers la gauche, comme je desserre ou serre une vis sans fin, le tire-bouchon. Mais, ainsi, je découvre ou recouvre, arrache ou cache, selon que je joue de la palinodie des figurines, des fanfreluches, ou du palinod rythmique, liturgique, où l’horloge se reconstitue : la ronde des dieux, en ce dieu-là.

Comme d’une paire de ciseaux, l’ouverture et la fermeture du palindrome, dans l’Un, font la Coupe en la Forme Vide : elles sont la cause de la partition finale. Mais, au contraire, l’ouverture et la fermeture de la matrice, dans la parturition ou celles de la bouteille, afin de conserver ou de répandre le vin, sont le seul motif de l’action du tire-bouchon, de la vis, ou de la lance qui, de même, pénètre et libère (le sang).

Les parades sont, ici et maintenant, l’acte de description ou la description de l’acte. Palinod et palinodie sont l’inscription des fins ou la fin des inscriptions. Les 2n ne sont que des moyens ou des moyennes d’une part (instances ou distances), des acteurs de l’autre, que définissent leurs fonctions (le rôle, l’emploi) et leurs dispositions (la station ou l’état).

Du schème ci-dessus, il se déduit que l’Un n’est pas le contraire de la Forme Vide, ou 1 de N. Car, c’est le plein qui est le contraire du vide, si je traite du Contenant; mais c’est le dedans, l’interne, qui est le contraire du dehors, l’externe, si je traite du Contenu.

L’Un est le contenu qui n’est plus contenu (dehors); la F.V. est le contenant qui ne contient plus rien. Puisque le Un est Tout et qu’il se tient dehors, je ne peux pas l’inscrire (en quoi?), mais je peux le décrire, par ses actes, de passages d’abord : du dedans au dehors, comme « objet », ou du dehors au-dedans, comme « sujet » : le bébé, l’enfant là, le pubère, l’adulte ici. Sous le nombrement de l’Um, au terme des fractions plus petites que l’Un, ou par le nombrement de l’Ua, comme premier terme d’une série inverse.

Quant à l’Un contenu, dedans, je ne pourrai pas en calculer l’Um, je devrai m’arrêter à l’infrarouge ou au nombre : Pi/4, puisque ma lecture, n, excède toujours la fraction N (l’évènement ou le phénomène).

Et je ne pourrai pas en calculer l’Ua, puisque tout acte, y compris celui de la pénétration, ajoute au sujet quelque chose : 1/q en (q+1)/q, par exemple 1/11 en 12/11.

Un acte, de délivrance ou de pénétration, de sortie ou d’entrée, restreint le premier compte ou ajoute au second : il « me » cache une partie de l’objet ou adjoint au sujet une jonction factice.

Au contraire, puisque la F.V., matériellement, n’est rien, je ne peux la décrire. Mais, de l’extérieur, l’incohérence du Tout, je peux y inscrire, l’égratignant, des Lettres, leur manège, ou des Nombres, les heures. Les premières seront à découvert, les secondes (secondes en ce calcul seulement) seront recouvertes : mais la découverte des premières n’ira pas sans un découvert comptable, car la marge est ici une syncope, un manque; le recouvrement des secondes sera un recouvrement comptable, puisque le cycle ou la pendule recouvre tous les retours, ré-cits, ré-pétitions, légendes et fables — par l’émargement (le salaire apprécié).

Simplement, le retour se fera toujours autrement : la fable n’est pas la vie, ni la re-présentation de la pièce sa « couturière ».

La forme pleine ne sera pas la forme vide : le fœtus qu’elle porte la développe et l’agrandit, y mûrissant.

Une forme pleine n’est pas plus mesurable, en sa prophétie, que l’Un contenu ne l’est en cet instant (car même le calcul de sa position sera modifié par le calcul de sa quantité de mouvements, et par le moyen, radiographie, laser, utilisé pour le double calcul).

Par son tact et sa distinction, le fils du Roi pressent que le fruit sera (l’Arche d’Alliance ou le Graal), mais il ne saura pas quand le fœtus commencera de vivre, en la matrice, ni exactement quand la parturition devra s’accomplir, au mieux des intérêts de la mère et de l’enfant : il ne pourra point prophétiser, comme, de fait, Cléopâtre, Zosime, Olympiodore ne prophétisent pas (et les martyrs ou Augustin se trompent).

Par sa science et l’application de ses principes, le Jaque apprend à prophétiser, assez exactement, le temps où l’avortement n’est pas encore un crime, l’heure la plus propice pour une conception, etc. Mais quel sera l’enfant? Un garçon, une fille, un prématuré, un tardif, un handicapé, un surdoué? Ce que sera le dieu, l’objet/sujet, il ne peut que l’imaginer, le supposer, à partir du principe qui ne cesse de le guider. La notion de « qualité » lui fait défaut, à lui, le maître en quantité.

 

Les cycles — Il se comprend mieux pourquoi, en sa démarche, le Jaque (alchimiste ou scientiste) rejette avec violence la simplification du cycle, son « retour éternel » et l’anticipation même qu’il autorise, car l’effet de la cause le déçoit toujours, à brève échéance, l’entropie venue.

Il se comprend mieux pourquoi, en sa démarche, l’Affabulé (le teinturier ou le fils du roi) rejette avec terreur la complexification des sciences et la trivialité du Jaque, au point de ne plus chercher à comprendre, car toute complexité, toute précision même, l’arrête ou le détruit.

Mais le palindrome n’est pas cette récurrence, cet éternel retour, sans être la figure la plus précise, la mieux nombrée.

Le problème n’est plus seulement : comment passer de l’analemme au palindrome; ou du besoin/nécessité de la vie au contingentement du cycle. Mais : comment l’éclatement, tout hasardeux du Big Bang ordonne-t-il aussi précisément les galaxies ou les constellations, les astres ou les soleils, les planètes ou les comètes?

En bref : quel est le rapport — constant? — entre le manège, toujours naïf, des dieux, des mythes, des fanfreluches de Rabelais, des Filles d’Artaud, et la rigueur de la pendule et de ses heures : Idées de Platon, Catégories de Kant? Entre les besoins du Jaque et les principes de la science, des « nécessités » tous deux? Ou les contingences de la fable et le contingentement du cycle, dans l’autre sens?

Certains cycles ne sont-ils pas l’effet d’une cause, tel le cycle d’une vie (la civelle, puis l’anguille)? D’autres ne sont-ils pas d’une nature telle que cent hypothèses ou projections en rendent compte : l’Hermès ou bien l’Arkhon, la terre immobile, le Soleil tournoyant — ou bien à l’inverse?

On dira que les premiers font la liberté de JE, par l’exercice d’une science, mais sa raison est impuissante à l’arracher au cycle vital et il meurt toujours, à la fin. On dira que les seconds font l’esclavage de JE, lié par l’évènement et par les mythes qu’il crée, dans la pire contingence. Mais ces délires le font vivre. Mieux : ils le sauvent, le libèrent — de la cyclicité et de la peur de la mort, s’ils sont assez puissants, organisés, par les enfants, les œuvres, les dieux qu’il a conçus, créés ou imités, selon sa croyance.

Le savant le reconnait, ainsi que le mythomane : absolu (à -273°), le zéro ouvre sur l’infini, le non-mesurable. Limite du mesurable aussi, C, la vitesse de la lumière n’en permet pas moins des fonctions qui exigent son dépassement : E = MC².

Mais JE n’est pas seulement humain. Lorsqu’il a ensemencé l’abeille, le bourdon peut mourir, père d’une longue descendance; et l’anguille, de même, dans le Grand Océan, la civelle mise au monde.

Du fil qu’il tire de lui, le ver fait son linceul, d’où il renaîtra, papillon. Le mâle de la Veuve Noire est tué par son amour : il devient sa nourriture; et l’unicellulaire, isolé de la masse pour jeter le cri d’alarme : tous vont mourir!, y revient pour mourir, sa tâche accomplie.

Les symboles de l’alchimie — de Pline à Nuysement, sur dix-sept siècles, ne disent rien d’autre : le Grain meurt pour que soit l’épi, le Pélican afin que vivent ses petits; la Salamandre meurt à cette couleur afin de mieux renaître en cette autre, et de la cendre du Phénix, un autre naîtra, le temps venu. La mort est survivance, enchantement.

La Fin est mûrissement, progéniture, l’enchantement de l’Arc-en-ciel, la survivance.

Mais quand est-elle l’un? Et quand l’autre?

Le bourdon, le ver à soie, l’anguille, l’araigne mâle ne décident pas de leur mort, ni le grain ou le phénix. Le cycle même la limite à leur accomplissement. Le JE humain en décide souvent, par le suicide mais aussi par l’excès ou le manque (la consommation, l’ascétisme à quoi il réduit sa vie). Le JE-nation (état, empire, république) en décide toujours.

La Macédoine d’Alexandre se donnait deux mille ans d’existence, depuis Pélos; la France de Napoléon, deux mille ans de même, depuis les Gaulois. Mais Persée, roi de -179 à -168, renouvelait le mythe fondateur de la Macédoine, cinq ou six siècles plus tôt; et la France de De Gaulle et de ses successeurs rêvait de renouveler le mythe de Jeanne d’Arc, cinq siècles plus tôt. En -152, un petit trublion, Andriscos, ne rêvait que du père d’Alexandre, Philippe : il en prenait le nom, réduisant toute l’histoire de la Macédoine à ces deux siècles : -352/-152. Et, de même, en 1989, le gouvernement de la France refait 1789, mois après mois, jour après jour, ne donnant plus à la France républicaine que ces deux siècles d’existence.

En -148, la Macédoine n’existait plus en tant qu’Etat.

Ce n’est pas un pronostic qu’en 1993, la France, en tant qu’Etat, ne sera plus, soit que l’Europe la dévore, soit qu’elle meurt de son isolement.

Si la réduction du cycle produit de tels résultats, l’élargissement du cycle ne manque pas de produire l’effet inverse. L’Egypte avait duré, selon les Traditions, treize millénaires, et, réellement, de la Vierge Isis au Bélier Amon, quand elle disparut, impuissante à formuler le dieu d’Amour, le Christ ou Bouddha, que son Sérapis suggérait à peine. L’Inde a certainement vécu l’ère du serpent Naga, l’un des composants de son Brahma, puis celle des Oiseaux Jumeaux, du Taureau, du Bélier Agni, du dieu d’Amour, par le bouddhisme : peut-elle, aujourd’hui, formuler le Verseau? La réponse à cette question fera sa survie ou sa mort. Du Serpent Jaune aussi date l’histoire de la Chine, et le bouddhisme aussi l’a sauvée; mais il lui sera sans doute plus aisé, plus jeune, de survivre à l’Esprit. Le Japon se fonde sur les Jumeaux (Izanagi, Izanami), il revivra sûrement, en une forme inconnue, dans les 2000 et même 4000 ans à venir. Les Mayas du Mexique et de l’Amérique Centrale, ces autres Egyptiens, et l’Espagne, un Japon plus jeune (depuis le Taureau) ont certainement des avenirs divers, mais non moins étendus.

Car, si le rationalisme (et les Etats qui le fondent, sur la réduction du cycle) ne peut que rétrécir sa vie, une mythologie exacte, son polythéisme, prolonge, bien au-delà du possible, les Empires et les peuples qui s’y soumettent.

C’est dire quelle gravité présente le choix de son cycle. Le renversement de midi, au cœur du jour, n’est pas celui de la nouvelle lune, dans le Mois, celui de la Saint-Jean dans l’Année. Pas plus que la Macédoine d’Alexandre (et moins encore celle d’Andriscos) ne se laisse comparer aux douze siècles de la Rome Antique, ni ce millénaire aux treize mille ans de l’Egypte…

Il faut choisir, de toute urgence toujours. Mais qui le peut? Et comment JE le peut-il, qu’il s’agisse d’un individu ou d’un Empire, d’un enfant d’Adam, d’un enfant de Jacob ou d’un chevalier?

Des générations adamiques, des tribus de Moïse, des fiefs de la Chrétienté?

Jean-Charles Pichon

Publié dans La Forme Vide | Laisser un commentaire

LA FORME VIDE III – La table des matières

III

La table des matières

 

Le point introuvable — De tout ce qui précède ressort la très grande difficulté — aux frontières de l’impossible — de déterminer avec précision le « centre » de la Forme Vide, le Point du Renversement.

Cette difficulté a une triple origine :

a) logique : de quel point d’une circonférence doit-on partir pour tracer la circonférence? Joachim de Flore donnait : 1260, Dante et les Renaissants 1515 (ou, certains d’entre eux, 1538), les Révolutionnaires français 1789 (ou 1792).

Pour Thomas More, ce devait être la Concordance avec -252, pour Rabelais avec -160, pour Montaigne avec -50. Soit, 2160 ans plus tard : vers 1908, ou 2000, ou 2110, mais ce centre X (projeté sur la circonférence) n’est encore — et ne peut être — qu’une approximation.

b) Numérique, le jeu n’échappe pas au « degré de liberté » propre au rythme  — de vie ou de durée — de l’objet même (le cycle en est un).

C’est abstraitement que je donne au Jaune telle longueur d’onde, ou au La telle fréquence. Le point d’audition optima d’un poste émetteur n’est presque jamais celui de la fréquence donnée, mais un peu en-deçà ou au-delà, selon la région d’écoute (par un canal, dit-on, moins chargé, passager).

 Dans les temps de Toussaint, de Terre Promise, d’Eden, l’écart entre deux cycles déborde les 2160 ans. Il atteint les 2196 ans, à l’apogée de Moïse (le Sinaï) au couronnement de Charlemagne. Mais, entre deux Formes Vides successives, l’écart se réduit à 2138 ans, d’Alexandre à Napoléon ou de la fin de Philippe V à celle de Charles de Gaulle (-179/1969), de Démétrios à Napoléon III, d’Antiochos III à Hitler, etc.

Comme le « h » de Planck, toute constante n’est ici qu’un facteur d’indétermination (+ ou – 36 ans).

c) Aucun cycle connu ne peut être étudié en soi-même, mais seulement comme contenu en un autre cycle : le degré de liberté dans la saison, au 1/4 de l’année; le degré de liberté du mois (lunaire ou grégorien) dans les 6940 jours : de 228 mois grégoriens à 252 mois lunaires (par 235 lunaisons), à quelque 1/4 du « degré » précessionnel : 72 ans; le degré de liberté des solstices dans l’année (du 10 au 27 décembre, du 24 au 20 juin) en quelque 6000 ans, au 1/4 de la Grande Année, etc.

Aucun cycle non plus ne peut être analysé en ses étapes ou en ses phases sans risquer de les confondre avec des phases d’ampleur moindre : de 180 ans en 2160, de 15 en 180, de l’heure dans le jour. Ces cycles contenus étant, quelque part, non de 180 ans mais de 144 ou 12², non de 15 ans (le plus grand cycle d’activité solaire) mais de 12 ans : l’un des zodiaques chinois ou le cycle jupitérien, etc.

Exemple : la phase « Grand Architecte », au 18ème siècle, ne définit pas le Sagittaire chrétien (Eros, l’Arkhon) sur deux mille ans, mais seulement une phase sagittaire, de quelque 168 ans, depuis le dieu de Gloire de Loyola, au 16ème siècle. La Vierge lunaire du 12ème siècle ou l’Assomptionnée du 19ème ne furent que des phases virginales de plus ou moins 180 ans, non pas l’exacte formulation de la Vierge dans l’ère chrétienne : Marie ou la Maya.

Il arriva que le Sagittaire fût le Loup et la Vierge une petite fille, le Chaperon Rouge, dans les contes de Ma Mère l’Oye… Le conte faisait une lecture d’un évènement vieux de deux siècles : la rencontre de la Pucelle d’Arc avec une autre virginité, un autre Feu.

Mais, autrement, l’Oye était toujours celle du Capitole (la Préservatrice) ou la Vierge Silvia, mère des jumeaux romains, dont le père était Marès, le Mars, l’Arès étrusque, et la mère adoptive une Louve.

Car les suites se reproduisent d’une ère à l’autre. D’Arès à Eros l’Archer fut le Loup (Lycus), comme, deux mille ans plus tard, du dieu de Gloire au Grand Architecte; et la Vierge fut cette oie (la pureté même) ou cette très jeune fille, entre la Princesse Serpente ou la déesse-lune d’une part, Perséphone enterrée ou la Vierge de Salette, de Lourdes, de Fatima, de l’autre, sur les deux millénaires aussi.

Ce n’est cependant pas dire que, depuis sa « mort », en l’ère du Cancer ou du Grand Serpent, l’Archer ne fut que ce Loup, quand il fut l’Arc-en-ciel et l’Arche, etc. Et ce n’est pas dire que, depuis sa mort, en l’ère du Justicier, la Vierge ne fut que cette Oie ou cette petite pucelle, quand elle porta le Christ et guérit les aveugles, fut la Préservatrice, la Prévoyante, la Mère de Dieu : Théodika. Ils ont seulement suivi, tous deux, le parcours même que tous les dieux suivent en leur mort.

Comprend-on, à présent, pourquoi il n’est pas si simple, ni assuré, de situer le début et la fin d’un cycle, d’en mesurer les phases ou les degrés, d’en distinguer les nominations propres (années, mois, jours) de celles d’autres cycles, contenants et contenus?

Comment s’y retrouver?

Ce peut être par l’étude approfondie d’un temps — le plus court possible — comme mon ami Lauric Guillaud le fait en sa thèse de Doctorat d’Etat, sur la courte période : 1864/1932.

Il y traite des Mondes Perdus dans le roman dit « fantastique », depuis Le Voyage au Centre de la Terre jusqu’à King-Kong, et y recense 666 ouvrages, avant et après Le monde perdu de Conan Doyle.

 Ce Centre — 1905 — est aussi le point d’effondrement de la dernière secte de création : Golden Dawn autour de laquelle ont gravité Rohmer, Machen, Yeats et qu’ont connue Doyle lui-même, Kipling, Merritt, Lawrence, Guénon, Lytton, etc.

C’est le premier triomphe de la race jaune sur la blanche (du Japon sur la Russie), le renouveau de l’Etat et du Pays contre l’idée de « nation ». Mais aussi, l’éveil de la nouvelle science (Planck), le reniement de Jules Verne, au moment de sa mort (L’éternel  Adam) et la non-découverte de l’Enfant prédestiné, nouveau « roi » du Boutang, etc.

Avant 1905, dit Lauric, les romanciers du Monde Perdu le recherchaient comme la « cache » ultime à découvrir, pour que le Rationalisme, le monde sans dieu, triomphe définitivement. Après cette date, les révélateurs du Fantastique ne feront que dire la « casse » inévitable que la découverte du Monde Perdu fera éprouver à l’Univers; car Merritt et Hodgson, Lovecraft et tous les autres n’annonceront plus que le réveil, le retour des Grands Anciens, en même temps que les fléaux du 20ème siècle : les guerres universelles, les effets de la science, le cancer, les pollutions, les tremblements de terre, le stress et l’entropie.

En ce 1905, la plus petite explosion du Soleil observée depuis 1790, une Forme Vide est devenue l’autre : celle, pleine de vents et de principes rationalistes, du 19ème siècle est devenue la Forme Vide (de toute matière, de toute réalité) que formulent, en effet toutes les machines du 20ème siècle, de Jarry à Laborit, de Kafka à Solié.

De la machine célibataire au Big Bang — On doit élargir le « temps » étudié par Guillaud.

L’éveil du Fantastique se situe en 1764 (à 1830, plus ou moins), c’est-à-dire du roman de Casanova sur la Terre Creuse à l’œuvre commençante de Poe et de Nerval. S’y retrouvent : Le manuscrit trouvé à Saragosse et Frankenstein, le roman de Mary Shelley, mais aussi les grands romantiques anglais (Coleridge, Shelley, Byron, Keats) et germaniques (Hölderlin et Von Kleist, Goethe et Schiller). S’y retrouvent Kant et son disciple Hegel, mais aussi de Walpole à Balzac, par Radcliffe, Lewis, Maturin, tous les ingrédients de « notre » fantastique, en Hoffman, Aloysius Bertrand, Blake, etc. La fin n’en peut être encore datée : elle n’est pas où généralement on la situe, par le Surréalisme, d’Apollinaire à Breton.

Car cette fin « commence » à Rimbaud. Elle aboutit à ceux qui ont vécu la Forme Vide : le colonel Lawrence, Gilbert-Lecomte, Artaud, Beckett, précisément exclus par le Surréalisme (comme Crevel ou Vaché), parce qu’ils allaient beaucoup « trop loin ».

Le Romantisme est, ici, comme le début nommé du Fantastique, mais les Romantiques français, un Lamartine ou un Musset ou un Vigny en sont bien loin, malgré La chute d’un ange ou Eloa. Le Surréalisme en est comme la fin nommée, mais qu’ont de commun les marxistes, Eluard ou Aragon, avec l’immense éveil? Il fallait faire, avant que de nommer; ces facteurs sont éternels : le vieux marin ou Endymion, non pas les Harmonies du Lac.

Il fallait vivre, au-delà de la nomination : Les cahiers de Rodez ou le Grand Jeu survivent déjà aux manifestes de Breton.

Or, ici, à l’encontre des Quêtes du Graal, la lecture (et, même, le lisible, de Lamartine à Breton) est dans les actes, de la folie, essentiellement, de Hölderlin à Artaud, qui contiennent les lectures.

– La Promesse : le Sang                                             – La folie de Hölderlin

– Les quêteurs : Gauvain/Galaad                            – Les lectures, du romantisme,

autour de Perceval                                                du symbolisme, du surréalisme

-La Réponse : les lectures                                         – La folie (de Nietzsche, de Van

(de 1180 à 1260)                                                          Gogh, de Louis II, d’Artaud)

En 630 pourtant, le moyeu de l’Œuf, nous avons révélé ce vide : la mort du Roi, qu’on ne cessera de revivre pendant douze siècles. Vers 1905, le moyeu de la Roue se découvre à nous comme une excroissance : un relief, que formulent les Machines Célibataires (de Poe à Roussel).

La mort du Roi était le chevauchement même entre l’acceptation de la Cache (qui fait le délit de la pierre) et la nécessité de la Casse (du joint entre les feuilles d’ardoise). C’est le déclin qui fait la Forme Vide : la Cache d’une part, la Casse de l’autre (ou l’occultisme des mythologues, l’entropie du scientifique), la Grande Marge.

De la coagulation suprême, les Graals ou l’alchimie ont dit tout ce qu’on pouvait dire. De la dissolution souveraine, il reste à dire ce que la Forme Vide enseigne : le passage des Machines Célibataires (ses reliefs/vestiges) à la glorification du Néant (le relief du virage).

Mais, au contraire, le Graal de Perceval était souverain (le plus compact, l’Etre en soi), la Forme Vide de Roussel ou d’Artaud est suprême : dernière étape de l’anéantissement.

Un petit cycle — Ce que décrivent les phases du Fantastique, c’est, depuis 1764 jusqu’à la fin de la dernière guerre mondiale, un petit cycle de 180 ans, ou 2160 mois. Etrangement, il renouvelle, à une échelle moindre, le grand cycle des 2160 ans, si JE en considère seulement les lectures, celles des Quêtes et celles des alchimies, de -360 à 1800.

Contre toutes les règles, afin d’éclairer le cycle, il convient d’en donner le schème, avant de le démontrer.

Comme les 900 ans du grand cycle, les 72 ans recouvrent (e-2) : le cycle (180) moins le Cœur : 36; si bien que les deux voies peuvent se prendre :

1 + (e-2) ou 108 + 72 ans, autour de 1872,

(e-2) + 1 ou 72 + 108 ans, autour de 1836.

Dans la seconde formule, (e-2) formule les apparences, ou les « couleurs » de l’enfance du mythe — depuis son point 0 : sa conception, sinon la séparation — encore — du spermatozoïde et de l’ovule (la naissance du père et celle de la mère?).

Dans la première formule, (e-2) date les phases de la durée de l’Unité achevée, par des notations de musique ou factorielles inverses, comme de la maturité de tout individu jusqu’à sa mort.

Une telle machinerie ne peut être saisie que par les 3 temps :

1) le mûrissement de l’Œuf dans la matrice : le romantisme et l’enfance, sur 72 ans,

2) le passage de l’œuf-objet (dehors) au pubère-sujet (dedans, comme sexe), sur 36 ans,

3) un 3ème temps, qui n’est qu’une durée, sur 72 ans aussi.

1) Au départ s’offre le pressentiment du dieu futur : le Démon de Walpole, de Radcliffe, d’Hoffman, de Maturin, de Mary Shelley, mais aussi de Goethe, Byron ou Lermontov, de tous les grands romantiques allemands, anglais et russes.

Ce démon se positionne comme le « daïmon » de Diotime, de Socrate, de Platon et de tous les Elégiaques, 2160 ans plus tôt. Mais, évidemment, il est autre : le motif de son existence n’est pas l’Amour, puisqu’il s’agit de Liberté. Le daïmon antique appelait l’Hermès et son savoir, ce démon exige le double, le miroir, que figure toujours un être double : le possesseur/le possédé, ou le créateur et sa création, dans le Frankenstein, ou les sœurs jumelles, les Gibets, la Mort même, dans le Manuscrit trouvé à Saragosse : soit le Golem juif, soit le doublet psychanalytique, que Gogol, Stevenson, Hesse rationaliseront.

Le daïmon, chez Platon, se perdait dans les flammes de l’astre révélé, hors de la Caverne, qui l’aveuglaient, mais aussi par la haine, la fureur de ses compagnons de captivité. Il se perd, ici, dans un monde lui-même « perdu » : dans les entrailles de la Terre, Melmoth, ou dans les glaces du Grand Nord (selon Mary Shelley). Mais, surtout, l’horreur qu’il suscite le perd, car il demeure le Maudit.

Ce n’est pas que l’Amour puisse grand-chose contre lui : ses sortilèges, déjà, sont bien plus forts que les vaines passions de l’Aimé ou de l’Aimée, qu’il viole ou tue, à la limite. René, Werther, l’Enfant du siècle (Musset) succombent nécessairement dans le combat inégal.

Mais il reste la rigueur des lois, sinon le mépris, le refus universel. En ce premier temps, le démon, le daïmon, doit être détruit, par le suicide, comme Gilbert, Hölderlin, Kleist ou Nerval encore, par la folie ou par toutes les persécutions imaginables. Car, si les créateurs et les prophètes l’ignorent, les Etats et le public le savent : cette voie ne peut mener qu’au désastre et au vide.

Doublet occulte de la voie de lumière, rationaliste, ce démon-là ne peut que perdre. Les Gémeaux ne sont pas le doublet horrible qu’il imagine et crée.

Utilisons pleinement les « termes » recensés.

L’aboutissement de la Taille est toujours le partage, la partition et l’extinction/dissolution, au terme. Toute matière abolie, le relief/vestige en est la forme vide, l’énergie ou l’essence. Cette voie fut celle de la Rigueur, selon la kabbale du Zohar, et c’est-à-dire de la Justice, par le + ou le – : la Monnaie, car les Espèces survivent aux Genres. L’émargement n’avoue pas seulement la Mouture/salaire (qu’elle fut versée), mais aussi qu’elle fut méritée. Ce mérite s’inscrit toujours comme un profit ou une perte, le Paradis ou le Purgatoire.

L’échappement, pourtant, témoigne d’un autre parcours, du Noble et non plus du Jaque. En quittant son beffroi, le Jaque-Marteau, une « masse » restante, a frappé l’heure : le midi, cela renouvelle le cycle, le jour, le mois, l’année. Cette reproduction est une autre Mouture, copie, par un suffrage, soit la messe des morts, l’indulgence médiévales, soit l’élection de la Forme Vide. Si le premier était du Poisson/christ, le second est de la Balance/égalité. Mais les deux Vases font le salut, par l’élection d’un « noble » ou d’un notable : celui qui doit être distingué, considéré (« considérable »), avant de considérer ou de distinguer lui-même : les imageries de la fable, hors du principe. Cette voie, de Gauvain, vers l’ouest, est aussi opposée que possible à celle du Jaque, vers l’est. Si bien que le relief/remblais inverse le relief/vestige, la mouture/reproduction renverse la mouture/salaire — ou le sexe, à nouveau, la monnaie. Une qualité (celle de l’élection) prime la quantité du profit ou de la perte. Ainsi que Kant l’affirme.

Le grand cycle, de 2160 ans, a dit l’avènement, puis le déclin du Graal, de -432/-360  à 1800/2160 (le moyeu de l’Œuf au 7ème siècle). L’un des petits cycles possibles dans le grand, des 2160 mois ou 180 ans, dit l’avènement, puis le déclin de l’Urne aux Voix de 1728 à 1908.

Mais, dans ce moyeu de l’Œuf, le 7ème siècle, le Poisson triomphant a tué le Lion, il a fait du Roi le néant. De la mort du Lion, le Verseau est né, par le Coran.

Dans cet autre moyeu, 1848, la Balance triomphante a tué le Poisson, le Sacré-Cœur. De la mort du Verbe-Roi, la Vierge est née de nouveau (à la Salette, puis à Lourdes, à Fatima).

Le verseau tue la Vierge (l’ouverture fait éclater la fermeture) : de la défaite de la Vierge surgit le Poisson (au 12ème siècle, pour 180 ans). La Vierge tuera le Verseau; de cette mort naîtra le nouveau Lion, le nouveau Roi, dans 180 ans après 1908.

Derrière ces inversions, deux autres mythes s’expriment : les Gémeaux d’une part, le Scorpion de l’autre.

a) Dans le grand cycle de l’Alchimie, le Scorpion (Basis, puis le Verbe) fut l’une des 3 têtes de l’Hermès, l’un des 3 replis de l’Ouroboros, toujours d’eau; les Gémeaux (Deux Témoins, puis branches de la Croix) furent l’un des composants du Bien.

b) Dans le petit cycle, la date 1728 détruit l’alliance qui se fit entre eux, par le passage de la Franc-maçonnerie opérative (du Génie) à celle, spéculative, des Deux Jean. A partir de cette date, le dieu qui fut le Prince des Ténèbres, le Verbe créateur, l’Archétypus des Rose-Croix ne sera plus que le démon de l’Occulte, le Lucifer des Romantiques, le Réprouvé.

Mais c’est la vertu, toute chrétienne encore, de la Fraternité, qu’à même époque, les Francs-Maçons, les Puritains, les juifs, le peuple révolté enfin, impose au monde, dans la trilogie d’Air : les Gémeaux, la Balance, l’Arbre de liberté.

2) D’une certaine manière, le démon ne s’incarnera vraiment que vers 1872 : Rimbaud, Nietzsche, le dernier Michelet, le dernier Hugo, mais aussi Bakounine, Karl Marx, les nihilistes, les premiers symbolistes seront ses révélateurs.

Mais les sectes qui s’y affirment : la Mission de Vivekadanda, les Saints du Dernier Jour (Mormons), la Doctrine Blanche ou les sectes du Renouveau, au Japon, ont été l’œuvre des précurseurs : Smith ou Ramakrishna, le Bâb, Grand’mère Miki, et les adventistes de tout poil, qui ont créé ces sectes, dès 1836. Rimbaud ne serait pas sans Poe et Baudelaire, Nietzsche sans Kierkegaard, Le Capital sans le manifeste du Communisme. Aucun mouvement révolutionnaire n’ignore l’Icarie de Cabet, les hommes-oiseaux de Fourier.

Avec le recul, il semble que tout a pris naissance là : entre 1836 (la Bible des Mormons ou Poe) et 1872, autour d’un autre cœur, le Graal des temps modernes, vers 1848 (le Manifeste) et 1852 (le poème Dieu, de Hugo). Car, de part et d’autre de ces quatre ans, je ne trouve rien que des retours : du jeune Marx au vieux Marx, des Mormons de Smith, assassiné, à ceux de Young, de Ramakrishna à Vivekananda, du Bâb, assassiné, au babisme tout édulcoré (le béhaisme) de Behâ-Ollah.

De cette création, fulgurante avant 1848, à ces applications sectaires, bien affadies après 1852, que dire de plus? On pourra dire qu’elles ouvrent au marxisme, au fouriérisme, à toute l’éducation des Universités rationalistes, aux colonisations qui ont suivi, d’une part, au symbolisme, aux maîtres actuels de la pensée, aux machines célibataires et aux pionniers de la F.V. qui ont suivi, d’une autre part. Mais Smith et Marx, Nerval et Poe ne furent si grands que parce qu’ils contenaient l’une et l’autre voies : la trinité républicaine, la quadrature ésotérique; et, ailleurs qu’en Occident, le Bâb, Ramakrishna, Grand-Mère Miki.

L’esprit se formule là, qui n’est pas celui de l’Ere future mais celui de ces 180 ans, réducteur, mais non moins manifeste, du Dieu Même.

C’est cependant alors seulement (vers 1864) que les romanciers populaires vont s’attacher à le découvrir.

Timidement… Car le rationalisme prévaut. Dès l’école, par l’enseignement (l’imposture) pour tous, les verges, les pensums, les « retenues » on brisera l’être-en-soi, le folklore, le langage paysan, naturel, la métaphore, la fable. Au gavage universitaire succèderont les nouvelles libertés étatiques, du service militaire, du mariage notarié, du travail en usine ou en fonctionnariat — à exercer, les uns, les autres, sous peine de mort (l’asile, la guillotine en toile de fond). Que faire de plus que chercher?

3) On va chercher, d’abord, la dernière cache, le pays perdu, où se sont réfugiés Melmoth ou le monstre de Frankenstein, pour en finir. Il n’y a plus d’Inquisition chrétienne, nous l’avons dit, mais seulement l’asile des fous : combien y tomberont, de Nietzsche à Artaud (quel que soit le créateur : Maupassant ou Feydeau, Nijinski ou Van Gogh)? Mais cela n’est pas l’important, car les créateurs  sont de plus en plus rares : bientôt, il n’en restera plus. Il suffira, le plus souvent, de les condamner, en bonne justice, pour immoralisme (Baudelaire, Flaubert, Joyce), pour pédérastie ou sadisme ou pour avoir enfreint les lois, par le vagabondage ou l’objection de conscience. Cela n’est jamais difficile.

Mais l’objet de la cache, apparemment bien défini, et condamné : le démon, n’est pas d’un maniement si simple. Car, découvert, voilà qu’il devient un sujet — de toutes les casses.

Le 3ème temps, ainsi, ne peut se figurer par une courbe simple : il s’inverse, c’est vrai, autour de 1905.

Avant cette date, des centaines d’ouvrages ont dit la quête béate des derniers monstres (il faut que le Démon soit l’un d’eux) : quelque dernier diplodocus ou serpent de mer, quelque malformation enfoncée dans le JE, car Freud et Conan Doyle (par son Holmes) font le même travail : extirper le Mal de tout l’individu, que poursuivent également l’Ecole dans le citoyen, la Colonisation chez le sauvage, et l’Etatisation chez tous, afin que tous soient frères, pareillement éduqués, semblables.

Après 1905, tout change. D’une certaine manière, la quête a réussi : le monde perdu est découvert, à découvert et sans défense. Mais ce monde était plein de dieux : ils sortent de leur ombre et s’avancent, furieux, par les romans anglo-saxons d’abord (mais Rosny ou Renard, Leroux, Leblanc en France). Voilà que ressuscitent la Voix des Abîmes et le dieu-poisson (la Baleine Blanche, le bateau-lit), la Couleur Invisible et le Cristal chantant, la géométrie improbable, la Déesse Blanche et l’autre, noire, toujours lunaire, les Grands Serpents.

Littérairement : les machines célibataires (1905/1920), puis les conquistadores de la Forme Vide (1923/1946). Socialement : la première guerre universelle, puis la seconde, la pollution, les tremblements de terre, les maladies nouvelles : le Cancer, dont c’est l’heure. Et le génocide, de Hitler à Tel-Aviv.

L’hypothèse du Big Bang, au terme.

Le néant, dans tous les cas.

Mais, d’une autre façon, ou dans une autre lecture, cette tentation finale, l’appel du Vide, n’est point particulière à l’étroite période où s’abîment Lawrence, Gilbert-Lecomte, Artaud. Dogmatiquement elle transparait dans les formules et les machines de Mallarmé, de Valéry, de Teilhard de Chardin, sous les mots presque synonymes : Transposition, Forme Pure, Noosphère, présentées toutes les trois comme l’unique salut possible devant les flots affolés de la Presse, de la Pression, de la Précipitation contemporaines. Elle fut l’Attente des symbolistes et des mystiques du siècle dernier, l’Inertie commune à Rousseau et à Beckett; le « désespoir fécond » des romantiques, le sadomasochisme, né de Rousseau et de Sade, mais proclamé par les meilleurs poètes de Shelley à Swinburne, de Blake à Joyce, etc. Ni le choix de Rimbaud (l’Ethiopie) ni celui de Gauguin (l’île perdue) ne peuvent être exclus du délire. A l’opium, pacifique somme toute, de la religion, des drogues plus terrifiantes ont succédé de toute part, dont les « paradis » de Quincey, de Baudelaire, du Grand Jeu, de Michaux ne sont pas le pire.

Les fins et les inscrits — Recensée à la fin de l’avant dernier chapitre, la quadrilogie dédoublée de la Forme Vide (la Croix en ce cercle) en démontrait l’ambiguïté, par l’ambivalence des applications de la Fable, de son motif, et du Principe, depuis les causes. Elle annonçait le problème qui nous bloque, pour finir — au seuil.

Les symétries de l’alchimie, sans doute — et leurs inversions sans cesse imposées — nous proposaient déjà un problème comparable : mais les solutions, contenues dans les données, n’exigeaient pas un autre choix que des données elles-mêmes : leurs changes, du genre et de l’espèce à la figure et au mouvement, puis de la forme et de la matière aux genres sexuels, aux espèces monétaires, tout à la fois nous éclairaient les successions des personnages, des acteurs : de Cléopâtre à Aeineias, ou de Michel Scot à Valentin; et nous définissaient les termes les termes (seuils et signes) de cette alchimie-ci ou de cette alchimie-là.

Il ne gênait pas que, tantôt, l’alchimie fût une espérance ou un regret de l’Or/substance, tantôt elle fût une ancienne projection de la Forme Vide (magique ou religieuse) — ou une projection autre vers la même F.V. (rationnelle ou scientiste). Car les 2n ne sont rien d’autre que ces voyages — et leurs parcours — de la F.V. vers l’Unité, ou à l’inverse.

Au contraire, la dualité de l’Etre, le Graal ou l’Or/substance, ne posait le problème qu’en l’Unité Même : elle ne débordait pas ses cadres, de la Promesse et de la Réponse, même si cette Unité couvrait les quatre siècles dans les actes, de 432 à 864, et les 1260 ans par ses lectures, des Evangiles aux textes relatifs aux Quêtes. L’UN n’était qu’en soi, hors des alchimies, car le UN est TOUT.

Je voudrais que la Forme Vide fût ce tout, cet absolu : le Zéro, ou qu’elle fût, dans la relativité, un simple point de renversement ou d’échappement, éventuellement modifiable, situé ici ou là. Par besoin de symétrie d’abord (entre N et 1), puis par désir de ramener l’Ensemble à un Système, que je pourrais organiser, construire et répéter.

Mais il se trouve que les cardinaux de la F.V. : le Même et l’Autre, le gain et la perte, ne sont pas des composants simples. Le Même est la même chose et la chose même, l’Autre est la chose autre (autrement) dans la chose même, et, bien sûr, l’autre chose, qui n’est pas la chose même. Le gain est un profit ou un salut, la perte une cache (recouverte) ou une casse (à découvert).

En cette quadrilogie, les inscriptions recouvrent l’ensemble de la Machine. Elle n’est pas lue sans être inscrite : le Même et l’Autre ne sont que le Sujet et l’Objet de l’Un; le recouvert et le découvert ne sont que d’autres manières de dire : le dedans et le dehors ainsi que les Fins, qui en découlent : le recouvrement et le découvert comptables. La Fin n’est que le terme (terminal) que « n » lie à la cause et le terme premier d’où s’éploie l’échappement, dans le sens du deuxième « n ».

Située dans l’espace ou daté dans le temps, N, la Forme Vide, n’est pas — en son En-Sof — en son absence — sans être la réalité formelle, le cycle, qui embrasse la machine entière, à l’exception — peut-être — du germe (objet/sujet) qui, un temps bref, a dû se situer hors d’elle.

Mais, en l’hypothèse même, la F.V. pourrait être, tantôt une matrice créatrice : le Réel contenant de l’Un, tantôt le Yin féminin, contenant aussi, contre le Yang masculin, contenu et pénétrant. Une seule équivalence entre les deux visions : matrice ou yin, la F.V. serait la réalité contenante en même temps que l’Eve Eternelle, de Solié, la Madone à quoi tout revient de l’Aurora consurgens. Si le bébé qu’elle expulse, dans la parturition, est parfois mâle, parfois femelle, c’est que la Scheschina comporte en soi la dialectique première, recouvrant Tout. Elle n’est pas la Capable sans être la Capricieuse, la vierge-mère sans être la fée.

Or, il faut le reconnaître : loin d’infirmer l’étrange croyance, l’Histoire — et la Tradition, plus tôt — y apporte ces confirmations : tout naît de la Femme et y revient.

Les femmes — Quand apparaissent-elles dans l’Histoire et la Légende? Quand tout finit, quand tout commence, quand les deux voies, aussi, s’inversent l’une en l’autre.

De cette dernière assertion, il y a peu de preuves, car la fin d’un temps se perd en la nuit des temps.

Mais les tombeaux des Reines, ou de la Reine, centre de la sépulture, date(nt) de la fin de Sumer, vers -3000, deux ou trois siècles après l’Eden de création (Jemdet-Nashr).

Les reines, de Tanit, d’Israël et de Juda, ne triomphent qu’après la fin de Salomon (règne où, déjà, la Reine de Saba montre son influence). Elles se nomment Prêtresse de Tanit, Sémiramis, puis Jézabel et Athalie.

Les impératrices de Byzance, les saintes conductrices des peuples, et les maîtresses des papes ont, de 900 à 1100, jalonné l’Histoire. Mais, au 12ème siècle, la Femme est partout : adulte avant le garçon (12 ans au lieu de 14), abbesse des monastères, créatrice des nouveaux langages (Hildegarde, Mechilde), prophétesse, bien que sainte (Hildegarde, Brigitte, Angèle de Foligno, la Grande Catherine — de Sienne, un peu plus tard), constitutrice des premières facultés (Salerne). Et, rejetée dans les landes, encore, la sorcière, la fée, après 1215.

A quels moments la Femme s’impose-telle? Faiblement, en l’orée ou la fin de l’Etre/dieu : une reine d’Egypte (Hatchepsout) ou Pulchérie à Byzance, les poétesses, Euchérie, Rosita, au 7ème siècle – Judith, la vierge d’Israël, ou Déborah, parmi les Juges, d’autres impératrices à Byzance (Théodora), la papesse Jeanne peut-être, mais douteuses, légendaires, puisque ces temps le furent.

Triomphalement, dès -560 ou +1600, en la révélation de la Forme Vide (la fin des prophètes mâles). Sur les cinq siècles, elles se nommèrent : Diotime, après Sapho, Marthe ou Marie la juive avant la reine d’Egypte, et combien d’Hélène sophistes et gnostiques jusqu’au 2ème siècle?

Comment se sont-elles nommées dans l’ère du Poisson, l’amorce puis l’éclat de sa Forme Vide?

Dès le 17ème siècle, des femmes — innombrables — avaient formulé, du dieu à venir, le nom ténébreux : le Verbe Intérieur. Saintes (les jansénistes de Port-Royal, après les carmélites d’Espagne : la Grande Thérèse) ou diaboliques, les quiétistes : Jeanne Bourignon, Mme Guyon, puis toutes les fondatrices de sectes, en Angleterre ou en Russie, aux U.S.A. surtout.

Au 19ème siècle, c’est vrai, elles ne sont plus que des demi-folles ou des mystiques, des nonnes, qui réduisent la F.V. en ce point de renversement : on criera : « Tout est perdu! » et, aussitôt : « Tout est sauvé! » vers la fin du 20ème siècle : de Sœur Maria Rafols Bruna (née en 1781) à Joséphine Lamarine (morte en 1850), vingt noms, parmi lesquels, au premier rang, ceux de Marie des Brotteaux, de Lyon, et Jeanne Le Royer, sœur de la Nativité…

Mais, dans le même siècle — ou, plutôt, dans les 180 ans qui se prennent des premières œuvres fantastiques (1764) aux dernières F.V. littéraires, vers 1946 — d’autres femmes s’inscrivent, payant de leur personne, tout comme les hommes que, le plus souvent, elles unissent.

Littéraires, les unes : Ann Radcliffe, Mary Shelley, Mme Rolland, Mme de Staël, George Sand, les grandes anglaises, des Brontë à Virginia Wolf, etc.

Politiques, mais surtout déchirantes/déchirées : les Mères des Compagnons, les tricoteuses, les pétroleuses, les guides des Armées rouges ou noires, ou une Louise Michel, une Rosa Luxembourg… Toutes, distinctes mais non moins activantes, percutantes, que les mouvements littéraires, politiques, de l’époque… Soit des initiatrices (Radcliffe précède le Manuscrit de Saragosse et Le Moine, George Sand Verne, Hillel-Erlanger Les nouvelles impressions d’Afrique), soit des provocatrices : du nihilisme, de l’anarchisme, des sectes diaboliques, de Manson et de Jones… Mais toujours comme des ponts, avec une constance rare :

– de Fénelon, le presque excommunié, à Ramsay, le rénovateur des Loges écossaises : Mme Guyon;

– de Mirabeau à Chateaubriand, Mmes de Staël ou Récamier;

– de Sandeau à Chopin et à Chopin, George;

– de Maurice Leblanc, son frère, à Maeterlinck (et à la Golden Dawn) : Georgette;

– de la théorie marxiste à la pratique de la Commune : Louise;

– de Claudel à Rodin : Camille;

– d’Eluard à Dali : Gala;

– de Leiris à Bataille : Laure;

(et toutes celles qu’on oublie, car on ne peut tout citer : la Lou Salomé de Nietzsche et de Freud, la Mélina de Kafka et des camps tortionnaires, etc.).

C’en est assez pour souligner la différence fondamentale entre les Femmes des temps qui précédèrent le Christ et nos contemporaines. Les premières, de Sapho à Diotime, ou de Marthe à Cléopâtre contenaient toute la période initiatique, de Platon aux mythologues du 2ème siècle avant J.-C. : Bolos, Ennius, Carnéade; les cyniques et les hermétistes, le sophiste et le stoïcien, qui lancèrent comme des ponts entre les créatrices du 4ème siècle et celles du 1er siècle. Sous l’obédience de la Vierge-Mère.

Les secondes, au contraire, se présentent comme ces ponts, non seulement d’un prophète à l’autre, mais du 18ème siècle au 20ème, ou des Créateurs de la trilogie d’Air (les philosophes des Lumières, les Francs-maçons) aux Novateurs du Symbolisme et des Machines Célibataires, aux F.V. de la littérature et de la science de notre siècle. Sous l’obédience mythique du Fils de Roi.

Contenantes des systèmes virils, les Grecques, puis les Romaines, puis les Egyptiennes, les Judéo-chrétiennes étaient bien les matrices où l’Œuf se constituait. Contenues en ces systèmes, ou pénétrées par eux, les prophétesses de notre époque imitent le Mâle d’abord (elles se veulent des « égales »), puis l’affinent, le transforment, l’ennoblissent de cent façons, le feront un autre demain. « La femme est l’avenir de l’homme ».

Je ne vais donc plus de la Table au Graal (de la matrice au fruit), mais de l’arme partageuse, les Ciseaux, à un Univers autre, autrement partagé — et sans doute inversé, comme le mythe du Verseau en porte la notion.

A la fois ces femmes-ci et ces femmes-là sont de mêmes choses : des femmes, ou de Terre, comme la Vierge et le Capricorne. Mais elles se contredisent, s’opposent, comme le contenant au contenu, la matrice au pont, la Mère, fondée sur le passé (la Vierge morte), à la Fée, capricieuse et capable, de l’Avenir.

Le multiple et la partie — Exceptionnels, c’est évident, mais trop nombreux, lucides et assurés pour être négligeables, ces prophétesses et ces prophètes de la Forme Vide doivent bien, un jour, être écoutés. Ce jour-là, ceux qui les lisent — de plus en plus nombreux, des historiens, des philosophes, puis les peuples — doivent le reconnaître, avec enthousiasme ou dans l’embarras : tous les prophètes ont dit la même chose. Qu’était-ce?

JE doit décrire le cycle, le circonscrire. Cela ne se peut sans en faire un contenant d’une part, un contenu de l’autre, c’est-à-dire le situer, en dépit de l’approximation inévitable qui situera cette aube tantôt dans le lundi, tantôt dans le mardi, ou cet acte d’un individu quelconque tantôt en son enfance encore, tantôt dans son âge mûr déjà.

JE doit nombrer le cycle, à partir d’un quantum arbitrairement choisi : le jour a 24 heures ou 2 horloges, le mois 30 jours ou 4 phases lunaires, l’année 360 jours ou 4 saisons (ou plus ou moins, selon le degré de liberté qui modifie la durée de l’heure dans la saison, ou de la phase lunaire dans l’année, ou du mois sans le « saros » de 18 années solaires, 19 années lunaires, en 6940 jours).

Pourquoi le doit-il? Pour s’inscrire lui-même — ou pour inscrire l’acte ou le phénomène — dans un cycle nettement défini. Car l’objet n’est pas le même à l’aube, au crépuscule, au printemps, en automne, dans la phase croissante ou décroissante du cycle d’activité solaire; et il n’est pas le même en sa formulation, en son déclin. Etc. Il n’est pas un moyen qui, nocif en ce cas, ne soit bénéfique en cet autre; il n’est pas une moyenne qui, exacte en ce point-ci, ne soit fausse en celui-là. Le gain, la perte de l’objet — mais également le salut ou la perte du sujet — sont liés aux décomptes et aux descriptions du cycle observé ou reconstitué.

Or, étudier un cycle, ce n’est jamais que dire, par synthèse, analyse ou hypothèse, en quoi il est le même (qu’un autre cycle) ou en quoi il se fait, soi-même, différent.

L’étude exige donc la multiplication du cycle, son redoublement au plus court; et son partage, en deux parties au moins. Mais ni l’un ni l’autre ne sont réellement possibles. Comment comparer lundi à mardi, quand le départ du jour est arbitraire? Comment opposer le matin à l’après-midi, la nouvelle lune au premier quartier, quand le partage jour/nuit n’est pas le même en décembre et en juin, quand le premier quartier couvre tantôt six jours et demi, tantôt près de neuf?

Le partage ne joue pas au 1/2, mais ce peut être de 5/7 à 7/7 en (e-1) ou 12/7, ou à l’inverse, autour des 2/7 de l’Unité ou 2/12 du cycle.

Le doublement ne joue pas des 2, mais ce peut être des 12/7 ou 1,718, aux 2/7 près aussi : 14/7 – 12/7.

Les 2/7 eux-mêmes ne sont ici et là qu’une approximation, que modifient sans fin d’autres degrés de liberté. L’annexe précisera ces nombres.

Il reste que les deux nombres, 4 Pi pour l’Unité (12,6) et 4 Pi (e-1) ou 21,6 pour la F.V. ont suffi à Platon et d’innombrables prophètes pour nombrer et décrire les cycles de l’Histoire, pour y inscrire le sujet, soit l’homme, soit Dieu, et les évènements, les actes, décisifs ou inévitables.

Il suit que, portés à 1260 et 2160 pour en simplifier le calcul, ces nombres ne sont pas propres à l’ère précessionnelle, mais qu’ils se retrouvent en tout calendrier.

Ils conservent la même rigueur, et permettent les mêmes approximations et degrés de liberté, qu’ils nombrent des années, des mois, des jours, des heures doubles ou des « parties » du calendrier hébraïque.

2160 ans mesurent l’ère, elle-même au 1/2 de son double : l’Age d’Or des Grecs, le Krita des hindouistes : 4320 ans.

2160 mois sont 180 ans, au 1/2 des 360 ans de Sumer et de l’Abraxas alexandrin.

2160 jours font les 6 ans, au 1/2 du cycle d’activité solaire, du cycle jupitérien, des 12 années chinoises, etc.

2160 heures doubles constituent 2 saisons, au 1/2 de l’année.

2160 « parties » délimitent l’heure, au 1/2 de l’heure double.

12 heures font l’horloge, et 12 heures doubles le jour : 25920 « parties ».

12 fois 2 saisons font 6 ans, et 12 années le cycle d’activité solaire.

12 fois 6 ans donnent les 72 ans du degré précessionnel, au 1/360 de 25920 ans.

12 fois 180 ans font l’ère de 2160 ans, et 12 abraxas son double.

12 ères font les 25920 ans de la Grande Année.

Si bien que tous ces cycles, peut-être « inventés », se présentent comme concentriques les uns aux autres, du 1/12 à l’Unité, ou de celle-ci aux 12.

Les nombres, irrationnels, Pi, e et (e-1), et les fractions équivalentes : 22/7, 19/7, 12/7 affinent ces calculs, ils ne les infirment pas. Les affinant, ils ont permis de s’enfoncer dans les cycles bien en-deçà de l’heure ou de la « partie » hébraïque. Jusqu’en des cycles (des longueurs d’onde ou des fréquences) que même les atomistes anciens, phéniciens, grecs, n’avaient sans doute jamais imaginés, que, dès le 18ème siècle, Leibnitz, Euler et Boscovitch, ont commencé de nombrer.

Ce progrès ne doit être tenu pour négligeable, quand il permet l’étude des cycles indiscernables — ou de la matière invisible, dans le vide infini de l’espace cosmique ou dans celui du subatomique.

Mais il peut être dangereux, par la complexification qu’il impose aux sciences contemporaines, et par la prétention — sinon par l’imposture — qu’il leur permet.

A quoi bon s’en scandaliser? Cette complexité croissante, cette assurance et la négation même des approximations n’ont conduit que plus sûrement à l’approche, puis à la saisie de la F.V. Pas plus que la folie des derniers prophètes et l’ouverture au fantastique des écrivains, elles n’échappent aux cycles qui font leur puissance et feront leur déclin.

Reste l’autre question, qui ne doit plus rien aux nombres, apparemment, et qui, pourtant, ne se peut résoudre — ou éclairer — sans l’aide du demi et du double, si approximatifs qu’ils soient.

S’il n’est que les 12 Signes (mythes ou dieux, cycles ou quanta) et s’ils se retrouvent partout les mêmes, pourquoi modifier leur nomination, inventer sans fin de nouveaux systèmes, entretenir la méfiance, sinon la haine, entre un systématique et l’autre?

Mais, si les 12 se présentent en effet comme divers, sinon contraires : yin ou yang, contenant ou contenu, vif ou mort, n’est-ce pas à dire que leurs changes incessants témoignent de leur inexistence? Comment, sur leurs équivalences, le prophète peut-il prophétiser, ou le savant prétendre savoir? Comment le créateur ose-t-il créer, à partir des sons ou des notes, des caractères ou des tempéraments, des distinctions sociales ou des tribus? Comment, par quelle magie ou quels principes, refaire le chemin, quand les étapes antiques — dans les siècles qui ont précédé le Christ — disaient l’attente d’un Poisson Sauveur (par les 3 d’Eau) et les étapes contemporaines disent celles d’un Esprit Libérateur (par les 3 d’Air)?

Les personnages — ou les structures factrices — n’en peuvent être qu’autrement.

 

L’amour et la liberté — Les œuvres fantastiques de notre époque ont pris la place des œuvres élégiaques de la période -360/-180. Rousseau se nommait alors Empédocle, Kant se nommait Platon ou Hegel Aristote, les romantiques étaient les stoïciens, quand nos économistes se nommaient des sophistes; les symbolistes et les surréalistes eurent pour correspondances les Ménandre et les Bion. La Kosmopoiia puis les Oracles chaldéiques, les œuvres sibyllines, puis les apocalypses (d’Enoch, d’Elie) y furent des machines célibataires, déjà (au point que Jarry semble avoir copié le manuscrit de Leyde). L’anéantissement que recherchait Carnéade (malpropreté, pédérastie, fureur de se perdre) ou le suicide de maint platonicien ouvraient sur la même forme vide que les choix de Lawrence, de Gilbert-Lecomte, d’Artaud.

Ils étaient, eux aussi, passés par la volonté de découvrir la Cache, par les voyages maritimes entre autres, puis par la terreur de la Casse, qui libérerait les dieux morts.

Mais ils ne tendaient qu’à l’Amour, les stoïciens et les cyniques, quand nos romantiques, nos symbolistes, nos surréalistes ne tendent qu’à la Liberté.

Leur démon n’était pas le nôtre : Lucifer, Satan, le Golem; il était le daïmon de Diotime et de Socrate, celui de Platon ou de Carnéade, hermétique, gémellique, démiurge à la limite (puisque l’Amour, aussi, procrée).

Les 7 rires de la Kosmopoiia commencent à Phos, l’Archer; suivent, dans l’ordre, Eskakléo le Ténébreux, le Nous/Balance, la Vierge, le Souverain — et de nouveau, le Souverain, puis la Vierge, inversés — dans l’attente des 4 Miroirs et des 3 Serpents. Les 7 rires de notre époque commencent au Verbe scorpionnaire (l’Inconscient), le Prince des Ténèbres, pour atteindre au nouveau Savoir, nouveau Serpent, puis du Serpent au Roi, dans le sens inverse, comme on le voit par les Cyclistes du Surmâle : les 4 et les 3 au-delà.

Il s’en déduit que les inventaires, les « tables des matières » des Elégiaques se décalaient d’un signe, dans leur similitude avec les antérieurs (de 2000 ans) : les villes que traversaient, à l’aller puis au retour les mythologues de Mésopotamie (Tabi-Enlil-Outoul) ou d’Egypte (les deux chemins). Et que nos découvreurs/révélateurs, du Fantastique, se décalent d’une ère aussi, dans leur similitude avec les Elégiaques.

Car les 3 du Sauveur étaient les 3 du Trismégiste (les 3 cercles de l’Ouroboros) : le Soter, le Sator et Saturne, et ses 4 étaient Eros, la Vierge, les Gémeaux, l’Ichtus soi-même, d’abord sauveur. Mais les 3 du Libérateur sont d’Air : la Balance, les Gémeaux, le Verseau ou le Renverseur, et ses 4 seront d’harmonie : l’Inconscient, la Hiérarchie, le Créateur et le Verseau soi-même, d’abord l’Esprit Libre.

Les 12 des Elégiaques n’étaient pas ce que seront les 12 de nos Quêteurs (fantastiques). Mais les nouveaux ne passent pas les mêmes phases que les anciens : d’abord, les triangles trinitaires, les cercles tangents (et, d’abord, séparés : les atomes), puis les cercles sécants, informulables hors de la partition, de la Coupe. Depuis le Cercle/substance ou jusqu’à lui.

Ils jouent des mêmes nombres (inverses, fractionnels, irrationnels) et des mêmes vocables : les 4 Instruments ou Eléments, Jeux, Sciences, les 3 Personnes ou Arts, Vertus ou Jugements. Plus simplement : les 4 Cardinaux d’une part, la Trinité de l’autre : le Signe, l’Appareil et le Seuil, dont l’Informatique fait le code, le canal et le message.

Mais les 4 et les 3 ne se multiplient pas sans se re-convertir; ils ne se partagent pas, ne se divisent pas les uns par les autres sans se ré-cupérer. Si bien que tout Ensemble n’est que l’un des 12, à ce moment plutôt prépondérant (un peu plus tôt). Et que chacun des 12, quelque part, reconstitue une totalité systématique, différente des autres, néanmoins pareille ou équivalente, comme le négatif reflète le positif, en néant-moins. Cela est ainsi. Pourquoi?

Nul ne le sait, sinon par image ou symbole. Le mythologue admet de ne pas comprendre, et le scientifique aussi, lorsqu’il constate les 11 (+1) transformations de la particule — ABBA, ABAB, AABB, dans le premier des 3 fuseaux de la machine de Watson (la double hélice), qui fondent aujourd’hui la macrobiologie; les 4 facteurs de la particule ou les 4 Cordes de la nouvelle physique; les 4 saveurs ou les 3 couleurs du quark, etc.

Il leur faut, soit nier les 12, soit reconduire toutes les croyances à Jéhovah ou à Jésus, ou bien à cette vérité-là : informatique, macrobiologique, astrophysique, toujours « universelle ».

Mais, quelle que soit leur prétention, un jour les 3 la dissipent, car ils n’ont que ces trois dimensions, ne peuvent tendre qu’à l’une des 3 vertus, juger et décider que par l’un des 3 jugements.

Ou bien, les 4 la bornent, car ils ne traitent jamais que du mâle et de la femelle, d’un coït ou d’un accouchement — ou de l’effigie et de l’alliage, d’un gain ou d’une perte, s’ils préfèrent les Espèces aux Genres. Le trou noir et le Big-Bang ne disent pas autre chose que le 1 et le N.

 

Reconversion et récupération — En l’Unité, les actes sont d’entrée ou de sortie, et leurs lectures ne disent que la pénétration ou la parturition, de ou par la matrice-vagin.

Les inscriptions des fins, et les fins elles-mêmes, en N, procèdent de ces deux tournoiements, qui ouvrent ou ferment en l’Unité : vers l’Est (la gauche de l’objet, la droite du sujet) : le sens direct des aiguilles — ou bien vers l’Ouest (la droite de l’objet, la gauche du sujet) : le sens précessionnel des Signes, dans le manège zodiacal.

Il faut donc que les deux tournoiements résolvent tous les problèmes que posent les 4 hypothèses : l’objet vide ou le sujet plein, l’objet encore dedans, le sujet hors — en même temps que tous les tropes (excès ou manques) qu’imposent à JE les approximations et les degrés de liberté.

L’amateur de nombres trouvera en annexe le détail des deux opérations.

Elles peuvent se résumer ou se conclure ainsi.

A) Le cycle précessionnel se fonde sur les 7 (3+4) ou sur le ET de l’informatique (+). Il offre les mêmes rythmes contenus que tous les autres cycles, dans l’Ensemble contenant : (e-1) ou 2160. Comme du Temps vers l’étendue et de la durée vers l’Espace :

ainsi que toutes les machines du 13ème siècle, du 16ème (Paracelse, Valentin, Saint-Jean de la Croix, la Grande Thérèse) et du 20ème (les « célibataires ») nous l’ont montré.

C’est, numériquement, dans le double rythme : (e-2) +1, ou 1+ (e-2) = (e-1). Ou : 900 + 1260 = 1260 + 900 = 2160.

Mais le cycle se distingue de tous les autres, contenus dans l’Ensemble des 12 par le décalage précessionnel, qui remplace le Bélier par le Poisson, ou le Poisson par le Verseau, d’un cycle à l’autre. Si bien que l’objet même revient en une autre station (et dans un autre état) : seul, l’objet autre revient en la même station et dans le même état.

Le conquérant revient plus tôt dans le Poisson (Napoléon) que dans le Bélier (Alexandre) : 2138 ans les séparent. Au contraire, 2160 ans séparent exactement Kant de Platon, ou l’éveil de la Trinité d’Air, républicaine, de l’éveil de la Trinité d’Eau, hermétique.

B) Le cycle direct se fonde seulement sur les 12 (3 X 4) ou sur le OU informatique (X). Il n’offre pas les mêmes rythmes que les autres cycles, soumis à d’autres principes ou lié, seulement, à une autre origine. Ce peut être, dans l’année, le cycle systématique qui commence à Noël (le Capricorne) ou à l’équinoxe de printemps (le Bélier), sinon à la Saint-Jean d’été (le Cancer), comme dans l’ancienne Egypte, ou bien à l’équinoxe d’automne (la Balance), comme chez l’Islamique.

Ici, le signe, douzième du Système, n’est jamais que ce qu’il est : le quantum retenu; mais il fait l’ouverture, la fermeture du cycle. Il ne peut jouer que du 12, ou d’une puissance de 12, 144, 1728, 20736…, en sorte que le cycle direct ne remplit pas tout à fait le cycle précédent.

En 2160, je trouve 1728 + 432 (pour 12 signes + 3),

puis 1296 + 864 (9 signes + 6),

puis 864 + 1296 (6 signes + 9),

puis 432 + 1728 (3 signes + 12), dans l’inversion du premier cycle, selon que je commence l’année à la Noël et le jour à minuit, ou au printemps et à l’aurore, ou au solstice d’été et à midi, ou à l’automne et à l’après-diner, comme le Coran.

Que le système soit exact ou faux, ce ne peut être que passagèrement. Faux, il était exact plus tôt. Exact, il sera faux néanmoins, en quelque inversion assurée. Car, il y a cinq millions d’années, quand le démon était le Dragon et le crâne de l’homme tout autre, l’enfant naissait déjà de la femme, la pierre se faisait un couteau, des pierres constituaient des arches et l’Arc rayonnait dans le ciel, des tables étaient dressées, l’eau, le jus, le sang bus.

Qu’ils sont peu de chose, auprès de ces maintenances, les changes des fils de Jacob en apôtres du Christ, des tribus en chevaliers, de l’Arche au Graal, de la forge à l’alchimie! N’est-ce pas toujours la même chose dans l’Autre, bien que toujours autrement dans la chose même? Les nombres, les lettres et les figures ne disent rien que ce jeu, l’affabulant ou le vérifiant, le temps venu.

 

Les 3 morts — Aucune dialectique ne décrit la Forme Vide, parce qu’elle n’est rien, mais parce qu’aussi, elle est le tout de rien : non seulement la Mort, mais toutes les morts.

Ses Grandes Machines en dénombrent deux : du 3 au 4, du 4 au 3, comme on le voit par les deux chambres des morts chez les Hittites ou celles du Roi et de la Reine chez les Anciens Egyptiens, mais aussi par l’énigme du Sphinx — ou, 2000 ans plus tard, l’Apocalypse de Jean. Mais les mystiques du 16ème siècle (Saint Jean de la Croix) ou, 2000 ans plus tôt, les machines des 7 Sages, la Tetraktys et les Yugas védiques, dénombraient Trois morts. Par exemple, Jean de la Croix : une au crépuscule (la fin des couleurs ou de la voie noble), une à l’heure du loup, très peu avant l’aube (la fin de la Foi) et la 3ème, la grande, au plein midi. Dans les Yugas, il s’agirait de la mort du 4 qui devient 3, puis du 3 qui se dialectise, et de l’éparpillement — de la « science du monde », de « l’âge de mort » enfin (à l’inverse dans la Tetraktys).

Si je joue des ensembles dans un Système, chaque ensemble se fonde sur une dialectique (l’équivalence et l’ordre), ou sur les « cardinaux », les 4 opérations arithmétiques, etc. dans et par la Croix.

Mais, entre les ensembles, dans le Système lui-même, les relations sont 3 : les

3 logiques : le dedans, le dehors, l’intersection, ou les projections sont 3 aussi : l’injection, la surjection, la bijection, en mathématiques des Ensembles.

Mais, quand JE joue de plusieurs systèmes dans l’Ensemble, comme Boèce ou Erigène, les 3 Spécialités (Personnes) ne s’ordonnent que dans les 4 Généralités (Eléments), ou, à l’inverse, les 3 Généralités (les Arts) produisent, déterminent les 4 Spécialités (les Sciences). Ici et là, ce sont les 4 qui constituent la croix des cardinaux, et l’Ensemble unitaire par eux.

Selon Œdipe, répondant au Sphinx, l’Unité se fonde sur les 4, qui retombent à 2 au milieu du jour et remontent à 3, vers la fin.

Qu’est-ce que cela veut dire?

Le Zodiaque répond.

Quand JE nomme un mythe élémental, de Terre ou de Feu, d’Air ou d’Eau, JE entend dire qu’il est cet Elément dans la crucialité de l’Etre : Iahvé de Feu, le dieu des Combats et des Nombres, dans les 4 de Vérité : la Roche/fondation, le Serpent ou le Sepher, le Souffle ou la Balance et le Bélier en soi. Ou le Poisson d’Eau, le dieu du rythme, de la musique et de l’amour, dans les 4 du Bien : l’Arkhon Eros, les Frères, la Vierge ou la Préservation — et le Christ lui-même. Ou le Verseau d’Air, parmi les 4 de l’Harmonie : la Hiérarchie, la Création, toujours taurique, le Verbe et l’Esprit de liberté lui-même.

Mais, quand le mystique dit que le dieu est une Personne (un Art, une Vertu, un Jugement), il entend dire qu’il est cette Personne, quadrilogique toujours, ou cet Ensemble crucial dans le Triangle systématique, théologique ou autre. L’Ichtus est, en soi-même, cette gémellité, cette volonté, cette préservation du Bien : le Sauveur, dans les 3 Têtes du Trismégiste.

Ou l’Esprit de Liberté sera, en soi-même, le souverain, le créateur et le Verbe intérieur (dans l’Inconscient) parmi la trinité républicaine, dont les 2 autres seront du Vrai (l’Egalité) et du Bien (la Fraternité).

L’Objet/être, en tant qu’Un, est ce 3 et ce 4 : au 14ème siècle avant notre ère, au 7ème siècle chrétien. Mais l’inconcevable accord, seulement descriptible, ne dure pas longtemps : la face enterrée manque au bloc, ou le joint y adjoint quelque artifice, par les délits. Très vite, le mythe-dieu ne peut plus être saisi que comme maître des 3, hors des 4 : l’IHV comme dieu des Armées, de Feu, ou l’IHC comme englobant les 3 personnes, dans la scolastique médiévale — par les uns; et, par les autres, comme maître des 4, le Véritable, l’Unique IAV, ou l’Amant — souverain, puis suprême, mais du Feu le premier, hors de l’Eau le second (au point que le recours à l’Elément devient hérétique, blasphématoire, et schismatique, lorsqu’il triomphe).

Telle est la seconde mort, de la Foi parfaite, à l’aube. Elle s’est située dès le temps de David et de Salomon pour IAV (le schisme entre Juda et Israël), dès le schisme entre Rome et Byzance, 2160 ans plus tard. Différemment, ce n’est que le début du déclin, par le pas que le principe prend soudain sur la fable.

La 3ème mort, la Grande, ne se prend que beaucoup plus tard. Il n’est pas faux de la dire d’un cycle tout autre, comme la mort/terme de la vie d’un homme l’est de la fin de la fin de l’enfance, que l’adulte a brisée. Ou comme le cycle du mois lunaire, ses phases et ses degrés, n’ont rien à voir avec les phases et les degrés du cycle du jour, sur 24 heures.

Quant à la 1ère mort, au crépuscule, elle se situe en Pi/4, au terme de la série récurrente, ou au-delà du rouge dans la gamme des couleurs. C’est l’heure où Gauvain perd pied, où le système (de Boèce) s’effondre au profit de l’Ensemble d’Etienne, où l’enfant prétend à comprendre, où il entre dans l’adolescence, etc.

Or, nous le savons : la 1ère mort est une naissance, et d’abord celle de l’Etre en soi, la plénitude de la Substance. La 2ème mort est une naissance aussi : de Galaad, du Principe, de la Raison, et, finalement, de cela que JE nomme sa vie, car c’est en ce point seulement qu’il commence d’agir, d’être vraiment « sujet ». Comment donc ne pas croire que la 3ème mort, de même, se présente comme une naissance, un échappement d’un autre ordre?

Mais chacune des naissances s’offre au quêteur comme un élargissement, une ouverture : JE sort de la matrice, puis de l’enfance, puis de l’adolescence, ce n’est jamais sans acquérir de nouveaux pouvoirs, mais aussi se fondre en un nouvel Ensemble — ou un nouveau Système, plus vaste que le précédent : de la matrice à la famille, de la famille à l’ensemble des vivants — et sans sortir de soi.

Est-ce pourquoi le dernier échappement, de la Grande Mort, se présente toujours comme une ultime sortie de soi : par le change absolu (la métempsychose), la race, pour Abraham, une nourriture pour le Christ, une libération de tous par le sacrifice, l’œuvre, le renoncement encore inconcevable qui feront la Liberté future?

Ici seulement les 3 peuvent remonter aux 4, et la Croix au Triangle, dans la soumission d’un Je vidé aux Douze, qui seuls font la rigueur et la diversité — à l’infini — des heures dans la pendule, des mois dans l’année, ou des années, des heures, des ères, en d’autres cycles. Totalement hors de JE.

Le jeu gestuel — En un moment, une phase du Temps et de l’Espace, à mi-chemin de l’Ouest et de l’Est, à l’équinoxe du printemps ou de l’automne, le choix devient si hasardeux ou le principe est encore si peu certain que les jeux seuls en rendent compte : des pièces au 7ème siècle avant J.-C. (les jeux de dames ou d’échecs), des cartes au 14ème siècle (d’abord tarots), ou des jeux olympiques, là, des jeux rabelaisiens ici, d’où découleront le football, le rugby, etc.

Mais un jeu recouvre, en quelque sorte, tous ces jeux : sur les deux ères — 4000 ans — au moins : le jeu gestuel. Les Egyptiens le connaissaient, comme les Italiens aujourd’hui. Il se fonde sur les Ciseaux, le Puits et la Feuille, la Pierre. « La Loi », dit Roger Vaillant de ce jeu.

Le puits est la main entrouverte,

la pierre est le poing fermé,

la feuille est la main étendue, doigts joints,

les ciseaux sont la main étendue, deux doigts séparés.

L’adversaire doit non seulement deviner la figure proposée mais y répondre, dans la seconde, au 1/4 ou au 1/2 de seconde. Il doit répondre au puits par la feuille (qui recouvre le puits, la F.V.), mais aux ciseaux par la pierre, qui les brise. A la feuille par les ciseaux, qui la partagent; à la pierre par le puits, qui l’ensevelit, la dévorant.

Ce jeu est preuve que les Moyens, les Instruments ou les moyennes sont éternels, homonymes d’une ère à l’autre; les instances et les distances d’un cycle à l’autre. Ce sont toujours les mêmes jeux gestuels, comme les mêmes instruments (moyens/moyennes) : l’arme (les ciseaux ici), la table, compacte comme la pierre, la F.V., le vide du puits, et l’Unité (les doigts joints et la feuille). Quelque chose survit aux inventions des jeux divers, par les osselets, les pièces, les cartes, sur 6000 ans ou plus : le jeu gestuel : du puits, de la pierre, de la feuille et des ciseaux (de l’Eau, de la Terre, de l’Air et du Feu autrement, ou du Risque, du Vertige, du Mimecry, du Combat, etc.).

Mais, bien sûr, mille personnages divers joueront de ces instruments ou de ces positionnements du jeu gestuel. Ils ne seront pourtant que ces 3 : celui qui joue pour soi, celui qui joue pour l’autre, dans la sympathie ou la compassion, dans l’amour, celui qui joue pour jouer ou pour améliorer son jeu.

Les 4 se font 3, pour le joueur. Exactement comme les quadratures, ou les Croix, de l’Un, ou de la F.V., ou des 2n, se font les triangles ou les ellipses (qui dédoublent les triangles), etc.

C’est ce que disent le rôle et l’emploi des femmes, sur 2160 ans; ou le rôle puis l’emploi de l’Hermès, puis des Gémeaux, ou le rôle de l’Arkhon, puis du Verbe.

Quelle que soit la dialectique choisie pour décrire la Forme Vide : la récupération/reconversion, le système/l’ensemble, le mâle/la femelle — ce pourrait être cent autres — il apparait que la F.V. ne se peut décrire. Elle n’est que ces pendants (du manège) ou cette pendule contre le Cependant de l’Unité. Ou ce pendule, ce balancement, vers l’ouest ou l’est, qui, ailleurs, quelque part ou dans un autre temps, fait l’ouverture, la fermeture, le passage, l’impasse (dehors/dedans), le sujet ou l’objet…

Elle n’est rien qu’un mouvement, précessionnel ou bien direct, mais ce mouvement est de la forme, non de la matière. Il est vain de chercher un rapport constant entre l’énergie et la masse, car c’est la Forme Vide qui se meut, et mue en se mouvant. Exactement comme l’Autre se retrouve la même chose, dans la réflexion, ou comme la chose même se fait autrement, dans la réfraction.

Si tout le problème est celui-là : la maintenance et la plénitude de Ce qui est, l’Etre ne dure pas sans se faire différent (autrement), il ne se change pas sans redevenir le même (la même chose). Ou, du moins, c’est ainsi que JE lit les processus, comme il voit le bâton se briser quand il le plonge d’un élément dans l’autre (demeurant le bâton même) et le nuage ou l’arbre se répéter dans le fleuve, la ville dans le mirage, ou soi-même dans le miroir — une même chose dans l’autre.

Mais la réflexion (que provoque la réflexion) et le sentiment de casse que provoque la réfraction ne sont que des illusions, nées des lectures.

Le problème n’en est pas résolu : dans la réalité, dans l’Ensemble où nous sommes, comment le mythe A devient-il le mythe B, afin de maintenir et de compléter l’Ensemble?

Toutes les Grandes Images, dont le Graal, et tous les Systèmes de symbole physique, dont l’alchimie, nous le disent. A doit mourir afin de se faire B. Il doit renaître en B le même, afin que le jeu se poursuive, amélioré.

Pour que le Lion devienne le Verseau, ou bien le Roi le Fils de Roi, il faut :

a) que le Lion détruise une autre structure, ce fut le Capricorne ou la Terre Première — qui était la fée — quand le Lion triompha de la Vierge, au lendemain de la dernière glaciation;

b) qu’il soit tué par une troisième structure. Ce fut par la Poisson-Christ, au 7ème siècle, alors que le Roi Lion dut le céder à l’Hermès, au Savoir cancérique.

c) Tueur des structures de Terre (le Capricorne, la Vierge), il y perdit le Taureau/Auroch, sans lequel le Solaire n’est plus dans l’Harmonie.

Né de l’Arbre/verseau, il dégénère sans l’Arbre, jusqu’à ce que le Poisson le détruise — et que le Fils de roi renaisse de lui.

Mais l’Esprit du Verseau est aussi :

a) ce tueur du Savoir, du Serpent millénaire, quand il succède au Christ-Ichtus, comme le Paraclet à Jésus.

b) Cette victime attestée de la Vierge, qui jadis l’enferma dans l’Arbre — et le tuera de nouveau dans treize mille années.

c) Tueur des structures d’Eau (le Cancer, le Poisson), il s’éloignera du Verbe, du Pistis, qui le maintient aujourd’hui en harmonie. Né de la mort du dieu solaire, sa mort, dans treize mille ans, ressuscitera le Souverain.

En une douzaine d’ouvrages, et trente ans d’existence, l’auteur l’a démontré pour toutes les structures mythiques, tous les dieux. Car chacun des 12 est cette victime, ce tueur, et ce fils (ou cette fille) en même temps que le père (ou la mère) de son inverse mâle, s’il est un mâle, ou femelle, s’il est une femelle : l’Air contre le Feu, la Terre contre l’Eau.

Au contraire, le meurtre et le supplice opposent le yin au yang, le yang au yin, comme le Feu et l’Air à la Terre et l’Eau, les époux désunis.

Car ce yin est à la fois la matrice et le vagin; ce yang est le sexe mâle et le bébé, à la fois : le phallus et le fruit.

Si bien que JE ne peut approcher l’Etre que par les 12, reconnaître les 12 que par les 3 (fonctions) et les 4 (éléments) : vertus, jugements ou arts les 3 : des personnes ou des personnages; jeux, modes/relations ou sciences les 4 : les cardinaux.

S’en déduisent toutes les figures qui désunissent ou séparent : les triangles, les cônes, la croix (interne), ou la ligne droite, pour faire court. Mais aussi les figures qui assemblent et confondent : le cercle, la spirale, l’analemme, l’écliptique (externe), la ligne courbe au plus court.

Et s’en déduisent les nombres, naturels (entiers, fractionnels) dont se constituent toutes les séries divergentes; ou irrationnels, imaginaires, complexes, « spirituels » bientôt, dont se constituent toutes les séries convergentes, dont ces nombres sont toujours la « sommation ».

Et s’en déduisent, si banalement que JE n’y prend plus garde, tous les vocables — divers, qui portent un seul sens (dans la synonymie), ou uniques, portant les sens les plus divers (dans l’homonymat).

Ces aspects de l’objet sont 3, comme les fonctions : la figure, le nombre et le vocable, mais ce n’est pas du tout la même trinité. Chacun des 3 peut être tueur, victime, en filiation, sans modifier le jeu global. Car ils ne sont tous, tous trois, que des instruments de lecture — en même temps que pris pour l’objet lui-même.

Mais ce je nomme Eléments, Jeux, Sciences, etc., ne se définit jamais que comme une figure, un nombre ou un vocable.

Une tout autre Trinité se compose de ces Lieux : l’Ouest, le vertical au centre, l’Est, que je nombre par l’Un, les 2n, et le 0 ou l’infini (le N), et que je peux nommer le Signe (ou le code, la grammaire, le jugement catégorique), l’Appareil (ou le canal, la dialectique, le jugement hypothétique), le Seuil (ou le message, la rhétorique, le jugement disjonctif). Mais les Personnes aussi, et même les Vertus, recouvrent cette répartition. En sorte qu’il n’est pas d’autre répartition des 3 — encore! — que ces Trois-là :

– les fonctions (meurtre, supplice, filiations),

– les aspects (la figure, le nombre, le vocable),

– les lieux ou les personnes, étroitement confondus.

3 X 3 = 9.

En soi, les Trois ne permettent jamais d’atteindre aux Quatre, ni les trois dimensions de JE aux quatre dimensions qui le contiennent : la 4ème d’Einstein, le Temps, n’est pas trinitaire moins que l’Espace humain, par le Passé, l’Avenir, le Présent, ou par le devenir, le devenu, l’instant.

Une croyance illimitée, la Foi, seule permet d’accéder aux 4 : car ils n’existent qu’en un Ensemble donné comme le UN/TOUT. Qu’il s’agisse d’une croyance en les Eléments, les Jeux, les Cardinaux ou les Cordes de notre nouvelle physique. C’en est revenir à la matrice et au fœtus, au mâle et au continu, qui, autant que JE en est  capable, lui permettent d’imager et de symboliser Dieu.

Les panthéons — Sur ces exemples, ces concordances — qu’il n’avouait pas d’une manière « trop » explicite (le temps n’en était pas venu) — Malraux osait annoncer que le 21ème siècle serait de nouveau « spiritualiste » ou ne serait pas. L’homme et les dieux, Le dieu du 3ème millénaire, l’Histoire des mythes (1963/1972) proclament que le 21ème siècle sera panthéiste, polythéiste, ou ne sera pas. Nostradamus et Paracelse, Rabelais aussi, plus timidement (par l’invention de la Quinte-essence), l’avaient dit dès le 16ème siècle. Mais qui se préoccupe des 3, des 4, des 5 de la Prognostication, ou des « temples façon romaine » des Centuries, ou de l’évocation, par Montaigne, d’un Lucrèce futur, à la veille des Panthéons romains?

Il faut bien passer par les 12, considérés non plus comme des constellations, des idées, des catégories, ou comme le Topiques de Boèce, mais comme des entités réelles, des dieux. Car ils ne sont pas des images, des connaissances, des hiérarchies créées par Je, ou ils ne le sont qu’autant que les dieux exigent de JE cette connaissance, cette créativité — cette soumission d’abord. JE n’instaure pas le Modèle sans être semblable à Dieu; il ne crée pas sans être créé; toute justice est vaine sans l’Alliance, qui juge l’homme; tout amour est souffrance, toute nourriture obscène, stérilisante, si l’homme n’est pas nourri.

Les dieux existent, avant tout.

Par ces dieux, de nouvelles Marthe, Marie la juive ou Cléopâtre formuleront une quête nouvelle, qui ne sera plus celle de l’Or. Un nouveau Jésus dira la Promesse, qui ne sera pas celle d’un nouveau Graal.

De quoi s’agira-t-il?

D’une attente de la Cohérence, dite Vérité, non pas d’un Royaume, d’un Roi. Car JE ne veux plus que savoir. Mais la fin du Serpent est au bout de la quête, comme celle du Roi le fut au terme de l’alchimie, ou celle de la Vierge au terme des quêtes tribales.

Au 15ème siècle avant J.-C., l’Objet divin n’était pas la Terre Promise, mais c’était l’Arche. Au 7ème siècle de notre ère, l’Objet n’était pas l’Or, mais c’était le Graal. L’Objet qui surgira au 28ème siècle ne sera pas le Savoir, l’Algorithme Universel, mais ce sera le don du Dieu à venir, encore inconcevable.

Pourtant, le Sagittaire, de Feu, portait déjà la Trinité du Tabernacle, avant qu’Abraham n’eût conçu l’Alliance. Ou, avant que Jésus ne souffrît, le 3ème Cabire, le Basis contenait la Trinité d’Eau, le Sang dans le Graal. Le dieu d’Air, Colombe ou Balancier, porte déjà la Trinité future, à demi Ours, à demi Equerre, Prince de l’Equilibre, à coup sûr.

Car, qu’eût été la Justice-foi, sans l’Alliance? Ou l’Amour-caritas sans le Sang? Que pourrait être l’Inversion de l’Esprit Libre sans le Fil de l’équilibriste, qui la tiendra en harmonie?

Mais, seule, la science panthéiste des 12 portait de tels voyages ou de telles alchimies. Seule, elle portera ce que contiennent en germe, déjà, les aventures et les métamorphoses de la littérature fantastique, de la Connaissance supralogique, de l’invincible Quête du domaine perdu.

Ou, du moins, cela seul est l’œuvre exigée de l’homme, de JE. Tout le reste est l’œuvre de Ce qui est, de l’Etre en soi, que JE nomme DIEU.

Jean-Charles Pichon

Illustration Pierre-Jean Debenat

Publié dans La Forme Vide | Laisser un commentaire

LES MACHINES ANNEXES

LES MACHINES ANNEXES

 

A — Les dates et les personnages

B — Les Vocables qualitatifs

I – Un exemple : la taille et le tirage

II – La théorie : les dialectiques factrices

III – Les vivants et les morts

C — Les nombres quantitatifs

I – Les séries fractionnelles

II – Les séries convergentes

III – Les équivalences

 

Nota :

Les 7 machines démontrent :

a) que la MACHINE EN SOI ne peut être figurée, en raison de sa complexité, si je la considère dans sa totalité; en raison de ses tropes (approximations, degrés de liberté), si j’en analyse les parties;

b) qu’elle existe, au-delà de tous les doutes, puisque tous les jeux de nombres et de mots la reconstituent ou l’instituent.

Puisque, aussi, l’étude historique (son « ordonnancement historial », selon Heidegger), non seulement confirme son existence mais y confond les nombres non quantitatifs (les dates) et les noms non qualitatifs (des personnages et des acteurs).

Il est probable qu’à un tout autre niveau, les 7 elles-mêmes, simultanées ici, se présenteraient comme successives : A et CIII en l’Un, BIII et CI dans la Forme Vide, ou ceux-là dans le Trou Noir, par son gluon, ceux-ci par l’explosion, dans le Big Bang. Mais ce n’était pas le propos de l’auteur, qui ne traite que des cycles vérifiables : une méthode, à y réfléchir, commune à tous les joueurs de mots ou de nombres, mythologues ou calculateurs, ésotéristes. Pour le même motif, les jeux se donnent ces bornes numériques : le temps d’une pleine respiration, au 1/25920 du Jour, et la Grande Année des prophètes : 25920, ce nombre étant le degré d’un cercle de 9 331 200 (parties hébraïques ou années).

Ils n’atteignent ni au zéro, qu’il conviendrait de réduire au Zéro absolu (-273°), ni à la Vitesse de la lumière (que les calculs einsteiniens portent au carré) : fausses limites, bien sûr, par suite, de l’univers humain.

L’erreur est, bien sûr, infinie. C’est ce qui autorise le scientisme. Elle est également en-deçà de tous les calculs et de toutes les nominations, ce qui absout même le mythomane : tout le monde l’est, à un certain niveau.

Entre le scientisme et la mythomanie, les 7 machines ordonnent seulement un univers « moyen », celui du scientifique et du mythologue que, depuis sa quarantième année, l’auteur s’est efforcé de devenir et de demeurer, contre toutes les objections, tous les obstacles, mais aussi toutes les sujétions et suggestions, des autres ou de soi-même.

Par une « individuation » constante de toutes les objectivités, que Je s’efforçait de vivre, et par une « distanciation », sans cesse renouvelée, de ses vices et de ses croyances, qu’il s’obligeait à distinguer, comme hors de Soi — et du réel…

Jean-Charles Pichon     1989

Publié dans LES DIALECTIQUES FACTRICES dans les quêtes du Graal et les alchimies, LES MACHINES ANNEXES | Laisser un commentaire