Citations

LE BOURGEOIS

Illustration Pierre-Jean Debenat

Un jour, lorsqu’on fera les comptes, lorsqu’on racontera l’histoire, on s’étonnera du temps qu’il fallut aux hommes libres pour se retrouver et se réunir contre la bourgeoisie. Trois siècles? Quatre?

Aujourd’hui même, bien des rentiers se persuadent qu’ils servent la liberté. Ils ne croient pas à l’immense levée qui  dresse contre eux quelque trois mille millions de sauvages, de sous-alimentés, de marxistes, d’adolescents, de mystiques, de contestataires et de contestés, de vieillards et d’enfants, et même de curés que travaille le démon de la vingt-cinquième heure.

Mais, parmi ces milliards d’étrangers qui se rassemblent pour un ultime assaut, combien ont reconnu ce qu’était un bourgeois? Se sont reconnus exu-mêmes?

Ils haïssent le conservateur, mais ils envient son assurance. Du janus borne ils font ce monstre-Janus: culot-préservation.

De bonne foi ils dénoncent le trésor amassé, l’avarice supposée, la constipation effectivement chronique, quand l’avarice, l’or et la constipation n’étaient que les conséquences d’un malheur plus profond: le besoin de conserver, de préserver, de rétablir, de garder aux entrailles ou – pour tout dire d’un mot – la peur du lendemain.

Ils n’ont pas combattu, jamais, la bourgeoisie, mais seulement les bourgeois, afin de prendre leur place. Ils n’ont pas haï le vice, mais ils s’en sont chargés, ils en ont fait le pilier de leur morale, au point qu’il n’est de scandale pire que la dénonciation de ce bien-là.

Jean-Charles Pichon

« Le cri articulé »

éditions e-dite

page 56

LE PARADOXE DE LA LOI

Illustration Pierre-Jean Debenat

La succession logique est à l’horizontale,

mais le Triangle y introduit, simultanés,

le plus vaste effet dans la cause moindre.

Verticaux, les dieux sont simultanés

en Dieu même, nombré, figuré, vocatif;

mais une précession les dispose en cet ordre

renversé: l’Art premier, la Nature, l’Usage

– lettre, parole et cri

ou le mot d’Heidegger entre Dite et Chemin.

Sécante du zéro et de l’infini, JE

recoupe quelque part le dieu d’Alfred Jarry,

tangent en l’x de l’infini (de l’analemme)

et le zéro de l’oméga, la roue du cercle,

comme si le Vide embrassait le Un

quand le mort s’y inscrit, tout entier répandu.

Jean-Charles Pichon

« Le cri articulé »

éditions e-dite

page 74

Illustration Pierre-Jean Debenat

Vocabulaire des images

(Inédit)

Archives

Demeure des premiers magistrats. A malheureusement survécu à ses hôtes. Plus communément:  agglomérat de poussières et de toiles d’araignées. Par extension: dépendance des Ordures Ménagères, réservée aux détritus de l’esprit. La rançon du passé.

Beaucoup

Adverbe privatif. Exemple: je vous aime beaucoup.

Cendrier

Des fois qu’il en tomberait tout de même dedans…

Les six facettes du destin brillaient dans le creux de ma main comme autant de vieilles lunes. L’autre était le double de l’une, la troisième le double encore. Une quelconque était triple et j’en vis une quadruple. Vitre que raye un diamant, je me sentais transpercé par de multiples desseins dont le moindre n’était pas de faire fortune, dont le pire n’était pas de jouer le petit saint. J’eusse voulu, ces six volets, qu’ils ne fussent qu’un, ou que ma destinée ne fût qu’une. Mais, inattendue ou inopportune, la chance toujours tourne à contre-temps le coq du clocher, la rose des vents.

Efficace

A quelqu’un qui s’étonnait de sa conversion:

-Vous avez tort de vous étonner, dit-il. Je ne croyais plus en rien, et puis après? Il faut vraiment ne croire en rien pour croire en Dieu.

Garçon

Féminin: garce.

Larron

Ne pas confondre avec lardon. Se fait rarement du lard et ne vit pas que de dons.

Table

Meuble usuel dans les salles de police, où les prévenus se mettent pour être bouffés par le poulet.

Violon

Instrument local à faire danser; s’accommode mal des flûtes, lorsqu’on en joue sans tambour ni trompette.

1953

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Ne méprise donc pas ce qui ne veut rien dire, car cela sut dire et le dira de nouveau,

ce qui n’est pas compté, car cela fut et le sera,

ce qui n’est pas figuré encore ou ne l’est plus – déjà.

Mais remets à plus tard ce qui ne te dit rien,

ce qui ne compte pas, aujourd’hui sans valeur,

ce qui ne se figure pas, ne se limite pas soi-même.

Car la patience est reine, là où règne l’objet.

Jean-Charles Pichon

20 mars 1994

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Travail plus plaisant que le plaisir: l’oeuvre.

Est-ce par hasard que le poème, cet absurde, dure plus longtemps que le froid pamphlet, le discours rigide? Ce hasard du moins, qui se joue du temps, gagne sur la cité, il survit aux docteurs. Si je remonte le passé, je n’y trouve plus, très vite, que les poètes.

J-C Pichon

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LA REGLE DU JEU

LA REGLE DU JEU

Annexe à

LA MACHINE DE L’ETERNITE

LA THEORIE

Dans les époques sans dieu (qui ne sont pas, pour autant, sans quelque église), l’ambition de l’humanité est de contenir la réalité dans un système ou dans un dogme. Mais la loi unique de la réalité est que tout le possible doit être réalisé. Si bien qu’aucun système, aucun dogme ne contient la réalité sans être contredit par une autre possibilité dogmatique ou systématique. Comme l’ont compris au cours des âges les esprits doués de discernement, il n’est pas d’oui qui n’exige un non.

Le matérialiste en déduit que la pensée n’a pas d’importance, puisque tout peut être cru ou nié. Seul, le fait compterait, hors de toute croyance. Mais il n’est pas de fait qui ne soit nié ou cru selon les époques: que Staline était le Père des peuples et qu’il était un tyran; que la terre tourne autour du soleil et que le soleil tourne autour de la terre. D’où, le déclin qui achève toutes les époques: l’homme peut croire, et donc faire, n’importe quoi.

Mais l’échec qui menace n’importe quelle prétention, et le désastre qui la conclut toujours prouvent qu’une manière de loi existe, qui ne peut être éludée: ni dogmatique, ni proprement systématique, une machine fonctionne, qui ne cesse jamais de fonctionner, même alors que la machine est mise en doute.

Puisque cette machine ne concerne pas le fait (inconnaissable, inacceptable hors d’une croyance), il faut qu’elle concerne la croyance. Son étude ou « science machinale » a porté les noms successifs de polythéisme (la science des dieux dénombrés), de panthéisme (la science de l’univers-dieu), de mythologie (la science des mythes), d’ésotérisme (la science du réel impliqué). On pourrait la nommer philosophie (platonicienne des idées ou kantienne des Catégories), psychanalyse jungienne des archétypes, la macrobiologie de Watson, science des structures de la vie, l’ethnologie contemporaine, science des croyances ethniques, ou même la science nucléaire des structures de la matière/énergie.

L’histoire de six millénaires – au moins – prouve qu’il s’agit toujours d’établir les croyances/réalités en un nombre limité de structures: tribus, opérations de l’alchimie, imâms de l’Islam, catégories, archétypes, particules subatomiques, gènes porteurs de l’individu, et de déterminer à la fois la probabilité de position et la quantité de mouvements de la structure définie.

Illustration Pierre-Jean Debenat

LES TROIS APPROCHES

Une seconde loi s’impose à travers toutes ces quêtes: la seule sur laquelle toutes s’accordent en fait. Les croyances ou « approches » de la réalité d’un quelconque objet sont au nombre de 3: des 3 dimensions des l’espace humain aux 3 couleurs du quark subatomique par les 3 d’Ezéchiel, de Platon, de Kant, les 3 dieux de la Trimurti, les 3 natures de l’hermétisme, les 3 arts de Boèce ou les 3 personnes de la Trinité; mais aussi les 3 de Hegel (thèse, antithèse et synthèse), les 3 de Wronski, de Lacan, de Meichelbeck, les 3 relations du soufisme (je-moi, je-toi, je-lui), les 3 composants de la vis sans fin, du moteur à quatre temps, les 3 états de la double hélice macrobiologique ou même les 3 polariseurs de l’optique contemporaine. Différemment, le A, le U et le M brahmaniques ou l’Aleph, le Shin et le Mêm kabbalistiques, que j’ai nommé le Signe, l’Appareil et le Seuil.

En effet, les croyances ou perceptions trinitaires font de l’objet, quel qu’il soit, un signe en soi, que j’énonce quand je m’exprime dans une certaine grammaire, ou un appareil, que j’utilise dialectiquement quand je parle pour une personne quelconque, ou un seuil (de compréhension, d’échange, de connaissance, de libération) que me permet de franchir, ou non, l’exactitude, la conviction, la persuasion, l’habileté, la rhétorique de mon propos.

Il n’y a pas de 4ème approche (intelligible) de l’objet en question, mais il n’y en a pas moins de trois. Selon Hegel, de toute thèse et de toute antithèse se déduit une synthèse, qui fonde la thèse nouvelle. Selon Lacan: de tout imaginaire/réel se formule une symbolique et de toute symbolique imaginaire une forme sensible de réalité qu’on nommera dès lors le « symptôme ».

A partir des 3 sommets ABC d’un triangle, je peux formuler un centre O, mais ce centre est lui-même le sommet d’un triangle OA, OB, OC, construit à partir du premier, comme le démontre la conscience différentielle.

Tout le problème est alors de déterminer correctement dans quel ordre se succèderont le signe, le seuil et l’appareil, ou l’esprit, le corps et l’âme du scolastique, ou le conceptuel, le concret et le sensible.

Car je peux formuler un signe, en faire un appareil de communication et dire par lui quelque chose, franchir, grâce à lui, un certain seuil (A, B, C) ou éprouver le besoin d’une communication, formuler le signe adéquat et dire par lui quelque chose (B,A,C), ou je peux construire le triangle à partir d’un sommet quelconque ou je peux traiter un malade à partir d’un symptôme réel (C), de la symbolique que j’y découvre (A) ou de l’imaginaire communication (C) qui s’établit entre le patient et moi, etc.

De la première loi de l’univers: tout le possible doit être réalisé, et de la seconde: mes trois dimensions, se déduit nécessairement la troisième: le processus ABC, quel qu’il soit, doit être inversé non pas seulement successivement (un sens après l’autre), mais simultanément, comme la moitié du photon suit nécessairement et immédiatement une direction inverse de celle que suit l’autre moitié.

Des deux sens: A B C et C B A se déduit un ensemble qui contient statistiquement 9 structures: aa, bb, cc, ab, ac, ba, bc, ca, cb, mais dynamiquement, 12 successions:

ab  ac  aa  ac  ab aa  aa ac  ab  aa  ab  ac

bc ba  bb  bb  ba  bc cc  cb  ca  cb  cc  ca

ca  cb  cc ca  cc  cb  bb  ba  bc  bc  ba  bb

1   2    3   4   5    6   7    8   9    10  11   12

que rien me m’interdit de nommer les 12 dieux grecs ou romains, les 12 tribus, les 12 imâms, les 12 chevaliers de la Table Ronde, les 12 opérations, Principes, Causes, Préservations, Catégories ou Archétypes, selon mon zodiaque personnel.

Mais contrairement à l’illusion astrologique, la succession des 12 eux-mêmes ne se présente pas comme immuable, car la Machine n’est pas systématique: elle ne meut pas nos croyances sans être elle-même en perpétuel mouvement.

L’INVERSION PERPETUELLE

L’inversion  à la fois successive et simultanée qu’exige la Première Loi s’opère humainement de la manière la plus simple : par nomination (dans le Signe), alternance (par l’Appareil) et dépassement (au Seuil).

Pratiquement, si j’établis une dialectique quelconque, par exemple l’Espace et le Temps, mon premier mouvement sera toujours de l’identifier à une dialectique plus ancienne : le Même et l’Autre, la Substance et la Forme, ou le discontinu et la continuité. Je dirai que la Forme (ou le discontinu ou l’Autre) est toujours de l’espace, la matière (le continu ou le Même) toujours du temps.

Il me faudra l’expérience renouvelée de l’échec pour admettre les hypothèses paradoxales d’une forme (ou d’un discontinu) qui soit du temps : le calendrier, et d’une matière (ou d’une continuité) qui soit de l’espace : l’Espace même, hors de l’étendue.

Dès lors, le schème machinal comportera les 4 lieux : la forme spatiale (l’apparence dans l’étendue), la matière temporelle (dans la durée d’un corps quelconque), la matière spatiale (hors des apparences) et la forme temporelle (des cycles, hors des durées).

Différemment, si je traite des « natures » et des « lois », je parlerai d’abord des lois de la nature, en faisant dépendre celle-ci de celles-là, et plus tard seulement des natures de la loi, par un mouvement inverse : je traiterai des lois-signes, des lois-appareils, des lois-seuils, des catégories ou des archétypes.

Ou bien j’imaginerai que le Même est toujours sujet et l’Autre toujours objet (les premiers Yin et Yang) avant de concevoir que l’Autre est aussi un sujet (le « prochain ») et que je suis un objet pour l’Autre.

Ou bien je m’arracherai de l’identification tenue pour indiscutable entre le nombre et la quantité, la qualité et l’état. J’admettrai qu’un nombre du moins n’est pas quantitatif : la datation cyclique, le jour, le mois, et qu’un état n’est pas qualitatif : le degré de croissance ou de décroissance de l’objet entraîné par le cycle.

Il va de soi que cette dialectique indéfiniment diverse et constamment inversée ne peut se maintenir à l’infini dans sa perpétuelle nouveauté sans que, simultanément, « les choses reviennent en l’état », par le retour éternel des cycles. A la forme quadripartite de la dialectique dédoublée (Eléments, Cardinaux, Saisons, Mania ou Sciences), que figure à merveille l’analemme, se juxtapose nécessairement le cercle parfait; ou bien, à la forme mythique (hors de l’unité, qu’elle contient) la forme vide (exclusive des transformations indéfinies de l’Unité).

L’horloge apaise à terme les conflits insolubles. Mais bien sûr, ni la figure de l’analemme ni celle du cercle ne rendent compte exactement des deux « réels » dont il s’agit et qui ne se situent pas dans les deux dimensions, ni, hors de l’humain, dans les trois nôtres.

LES DEUX FIGURES

L’une de nos erreurs les plus évidentes – et que j’ai longtemps commise – est de considérer les phases temporelles comme des distances sur une ligne droite ou sur une courbe.

Quand, cependant, je dis qu’un jour est passé – ou une année – je ne parle pas d’une route sur laquelle j’aurais marché, mais d’une surface ou d’un volume ou de quelque espace à n dimensions qui englobe de fait, recouvre entièrement, tout ce qui s’est passé dans cette année ou ce jour.

Je dis que cette erreur, je l’ai commise moi-même, lorsque j’ai appliqué aux cycles temporels la « formule des moyennes » : N = 2 n-1, où N est la mesure du cercle et 2 n la mesure de l’analemme.

Il est clair, en effet, que, si n et N sont des rayons, N = 2 n-1 sera toujours plus petit que 2n. Le rapport se conservera si n et N sont des circonférences :

4nπ > 2Nπ     si 2n > N.

Plus généralement :

le rapport 2qn/qN demeure constant (2n/N) quelle que soit la valeur de q.

Mais ce n’est plus vrai si n et N sont des surfaces ou des volumes :

2n²/N² n’égale pas 2n³/N³.

Le rapport 2n puissance q/N puissance q n’est pas constant.

Le calcul prouve qu’au-dessus d’une certaine valeur de n, la surface 2n peut être plus petite que la surface N.

C’est le cas quand n est plus grand que (e-1) et N plus grand que (2e-3).

Pour cette valeur, les deux surfaces 2n² et N² sont égales.

De cette équivalence : 2(e-1)² = (2e – 3)² = 5,9, il se déduit une équivalence plus générale : 2q (e-1)² = q (2e – 3)².

Par exemple :

si q = 8,8, N = 21,2   n = (21,2 + 8,8)/2 = 15

2. 15² = 21,2² = 450,

si q = 105,49  N = 254,5   n = (254,5 + 105,49)/2 = 180

2. 180² = 254,5² = 64 800,

si q = 1 265,33   N = 3 054,77   n = (3 054,77 +1 265,33)/2 = 2 160

2.2.160² = 3 054,77² = 9 331 200.

Ces nombres sont ceux que j’ai retrouvés dans toute la quête temporelle, tant calendérique que mythologique ou archétypale et que j’ai recensés dans La machine de l’éternité. Ils définissent des cycles tels que la surface mythique égale la surface de la forme vide, ou la surface de l’analemme celle du cercle-horloge.

D’autres études, telles que celles des cycles d’aspects planétaires, des cycles d’activité solaire, du calendrier chinois ou des cycles du sommeil, modifient légèrement ces nombres en les simplifiant :

de 21,2 à 21, de 254,5 en 252, de 3 054 en 3 024.

La série des moyennes exige alors la modification de q et de n-q :

q = 1 296, n= 2 160, n-q = 864  N = 2n-q = 3 024,

q = 108, n = 180, n-q = 72,   N = 2n-q = 252,

q = 9, n = 15, n-q = 6,   N =2n-q = 21.

LES DEUX MOUVEMENTS

L’étude des cycles nous a révélé d’autre part que tous comportent le double mouvement que j’ai nommé le temps-trottoir, réductible au cercle, et le temps-balançoire, que contient toujours l’analemme : jour/nuit, saisons chaudes/saisons froides, sommeil AMOR/sommeil SMOR, systole/diastole, croissance/décroissance, etc.

Les cycles d’aspects plutoniens décrivent aussi les deux mouvements simultanés : ordre/désordre sur quelque 504 ans (= 2 X 252) et grandes conjonctions dans le rythme : 360 + 144 = 504.

C’est approximativement le rythme qu’épousent d’une part les phases activité/inactivité du cycle solaire et, d’autre part, la croissance et la décroissance des taches à la surface de l’astre. Dans le cycle lunaire, c’est d’une part l’alternance : nouvelle lune et premier quartier/pleine lune et dernier quartier, d’autre part les conjonctions lune/soleil, etc.

Sur 21 ans, le double rythme s’exprimera soit par la succession : 15 + 6, soit par la succession : 9 + 12,

sur 252 ans, par les successions : 180 + 72 et 108 + 144,

sur 3 024 ans, par les successions : 2 160 + 864 et 1 296 + 1 728.

Ce ne sont que des applications de l’égalité mise en lumière dans La machine de l’éternité :

1 + 2 (n-1) = n + (n-1) = 2n – 1,

et pour la valeur N = 2 e – 3 :

1 = 2 (e – 2) = (e – 1) + (e -2) = 2 e -3.

L’Unité quantique + la nomination (12 puissance n) = le cycle + sa durée entropique ou 7/7 + 10/7 = 12/7 + 5/7 = 17/7.

S’il est possible de définir un cycle quelconque comme une horloge ou une année : le cycle de base, le double mouvement du cycle en sa double forme exige de l’étudier en ses 17/7, peu différents des 12/5 chinois.

Comme les divers cycles mensuels s’équivalent en 21 mois et les divers cycles annuels en 252 mois lunaires, 235 lunaisons ou 228 mois grégoriens (6 940 jours).

Une démonstration qui vaut pour le calcul du degré de liberté du jour et pour celui du degré de liberté des cycles planétaires a des chances de valoir pour le calcul de n’importe quelle succession de croyances, entropique dans le sens du devenir au devenu, néguentropique dans le sens inverse (ou du passé vers l’avenir).

Or, bien avant que je m’adonne à ces calculs, l’histoire des mythes et des dieux me l’avait, en effet, montré. Sur les 12 et 15 ans, sur les 144 et 180 ans, sur les 1 728 et 2 160 ans, sur les 24 000 ans et les 25 920 ans de la Grande Année.

LE CYCLE DE BASE

Ce n’est pas dire que l’équivalence des deux surfaces (en N = 2 e -3) et l’inversion vectorielle nous soient garantes de la vérité, de l’utilité ou de l’harmonie de nos croyances.

Car le Vrai, le Bien et le Beau ne sont encore que des Idées.

Même à ce point, nous ne sommes pas saufs de l’erreur. Il suffirait, ici encore, d’identifier aux 2 formes les 2 mouvements et de présenter le vecteur N comme nécessairement axé dans un sens et le vecteur n dans le sens inverse. Ou, différemment, de confondre le temps-balançoire avec la forme mythique et le temps-trottoir avec la forme vide, ou à l’inverse, pour rendre de nouveau insaisissable le jeu complexe des croyances.

La double dialectique, ici, est d’une part celle de l’horizontal (la droite/la gauche) et du vertical (le bas/le haut), d’autre part celle du simultané et du successif.

Si je considère que les surfaces 2n²π etN²π contiennent les deux sens simultanés du temps (pour N = 2 e -3) : 1 + 2 (e-2) dans un sens, néguentropique, et (e – 1) + (e – 2) dans l’autre, entropique, comme dans les alternances ordre/désordre, croissance/décroissance, Systole/diastole, réchauffement/refroidissement, etc., il restera que les deux sens sont également successifs.

Par exemple, en 180 + 72 = 108 + 144 = 252, les 144 ans suivent les 180 ans (à l’exception du chevauchement des 36 ans ou 3 – e).

Mais ni cette succession ni cette simultanéité ne me permettent d’inclure les 252 ans dans la succession des cycles de 180 ans ou de 144 ans, ni dans le développement simultané d’un cycle plus étendu, tel que 2 160 = 12 X 180 ou 1 728 ans = 12 X 144 ans.

Au contraire, cette autre succession et cette autre simultanéité (verticales, en quelque sorte) me deviendront concevables si je joue d’un certain degré de liberté dans le cycle : exactement 1/12 + ou – 1/60, et si je lis le cycle en ses 9/10 ou 54/60, à 1/10 ou 6/60 près.

Le cycle comptera au plus : 1 980 + 36 = 2 016 ans sur 2 160, 165 + 3 = 168 sur 180 ans, 13,75 + 0,25 = 14 sur 15 ans, et, au moins : 1 980 – 36 = 1 944 ans, 165 – 3 = 162 ans, 13,75 – 0,25 = 13,5 ans.

Je nomme ce cycle de base ou saisonnier, car il se laisse toujours partager en « quartiers » ou « saisons ». Pour exemples : les 4 phases ordre/désordre du cycle d’aspects plutonien ne donnent pas 2 160 ans mais de 1 944 ans à 2 016 ans;

les 4 phases lunaires ne donnent pas pour somme 30 jours, mais 27/28 jours :    

30 – (30/10) jours ou 30 – (4 X 30/60) jours, etc.

A ce point seulement le matériel nécessaire au jeu est entièrement en place. Il comporte les 3 formes d’une part (les 3 niveaux, les 3 polariseurs ou le Signe, l’Appareil et le Seuil) et, de l’autre, les 2 successions indéfiniment inversées : ABC et ACB. Simultanément et successivement, à l’horizontal et au vertical, par l’équivalence des surfaces en N = 2 e – 3 et dans la coexistence des cycles aux 9/10 plus ou moins.

LE CHEVAUCHEMENT ET LA MARGE

Une chose est la résolution mathématique d’un problème, une toute autre sa représentation. En ce qui concerne le problème des deux simultanéités et des deux successions, je n’y vois pas de meilleure analogie que celle du passage à tabac d’une part, du passage à niveau de l’autre.

Du premier passage, on dira que la douleur suit le coup; il est cependant un moment où le coup même et la douleur la plus vive se présentent comme simultanés. Ce chevauchement caractérise toutes les successions temporelles et, notamment, celle des deux formes mythique et vide en N = 2 e – 3.

Différemment, du second passage, on dira que le passage du train et l’abaissement de la barrière se présentent comme simultanés : bien que l’abaissement de la barrière précède le passage du train et que son relèvement le suive. Cette marge caractérise toutes les simultanéités temporelles, et, notamment, celle du cycle contenu dans le cycle contenant (du mois dans l’année, de l’année dans le cycle d’activité solaire, etc.). Ce chevauchement est donc ce qui reste de simultanéité dans la succession; cette marge ce qui demeure de succession dans la simultanéité.

Or, l’un et l’autre s’équivalent. Nous avons vu qu’ils jouaient de 36 ans pour le chevauchement de 180 et de 144 en 252 et de 36 ans également pour la marge irréductible du degré de liberté du 1/12 en 2 160 ans.

Au niveau supérieur, le chevauchement de 1 728 et de 2 160 en 3 024 sera de 432 ans, et de 432 ans également la marge irréductible du degré de liberté du 1/12 en 25 920 ans.

En jouant de la constante e, cette marge et ce chevauchement valent toujours  (3- e). C’est ce qui reste de l’Unité quantique 7/7 ou 12:12 après l’éviction de toutes les approximations possibles de l’Unité :

1/2 + 1/6 + 1/24 + 1/120 + 1/720 +… = e-2 ou 5/12 du cycle ou 5/7 de l’Unité : 0,7182.

Ce reste, 7/7 – 5/7 = 2/7 ou 1 – 0,7182 = 0,2828 est également la différence constante entre :

3, e ou 19/7, 2 e -3 ou 17/7, Tau ou 15/7

2, (e-1) ou 12/7, 2 (e-2), Tau-1,

1, (e-2) ou 5/7, 0,436 ou (Tau-1) – (e-2), etc.

A l’approximation près, (3-e) peut être considéré comme le double du cycle contenu dans le cycle, au 1/12 :

36 = 2 X (15 + 3),

432 = 2 X (180 + 36), etc.

Nous retrouvons ici comme partout le corollaire paradoxal de la Première Loi : l’assumation parfaite du degré de liberté reconduit à une constante, qui n’est pas autre chose que le degré de liberté d’un niveau supérieur.

LES APPLICATIONS AUX CYCLES MYTHIQUES

Je l’ai déjà signalé dans La machine de l’éternité : ces lois et ces calculs sous-tendent ma quête chronologique, mais ils n’en sont pas le support. Vingt études – publiées ou non – de 1958 à 1975 – ont porté les tableaux suivants en les fondant seulement sur le recensement des grandes croyances humaines et de leurs syncrétismes au cours des divers cycles.

Le jeu éclaire la quête; il ne la suscite pas.

I – Du tableau de base des 24 192 ans (12 X 2 016) se déduisent les cycles de base de 2 016 ans (2 160 et 1 728 dans les 3 024 ans).

Le seul exemple précis que nous ayons est naturellement la présente Grande Année, prise du plus profond de la dernière glaciation, à partir des millénaires de plus grand réchauffement de la Terre (-5000/1000) :

l’Eté de cette Grande Année-là :

      – 17136   – 15120    Le Verbe ténébreux : Min ou Mym,

H   – 15120   – 13104    Elohim (Enlil, El, Ouranos),

      – 13104   – 11088    Aphrodite ou la Terre Vierge, la Fleur

      – 11088   –  9072    Le Souverain : Soleil ou Lion,

P    –  9072   – 7056    Nash ou Kronos, les Eaux,

      –  4056   –  5040    Les Gémeaux ou l’Adam Céleste; leur père, Zeus,

     –  5040    –  3024    Le Taureau ou le Créateur,

E   –  3024   – 1008    Le Bélier ou le dieu de Justice, IAV ou IHV,

     – 1008     1008      Le Poisson ou le dieu d’Amour, IHS,

       1008    3024      Le Verseau ou l’Esprit

A    3024    5040      Le Capricorne ou la Nouvelle Terre

     5040     7056     Le Sagittaire ou la Nouvelle Lumière.

Pour en déduire l’étude d’une ère précessionnelle quelconque comme du Bélier (-3024/-1008) ou du Poisson (-1008/+1008), je devrais d’abord développer cette ère en N = 3024 ans. Par exemple, le Poisson se prendra sur 2 160 ans + 864 ans de déclin entropique, de -1008 à 2016, ou sur 1 296 ans de formulation = 1 728 ans de nomination : -1008/+288 et 288/2016.

Ces syncrétismes jouent de la base : 36 ans, degré de liberté des 2 160 ans (72, 108, 144), comme les syncrétismes de la Grande Année jouent de la base des 432 ans (les 5 siècles de Spengler) et les 180 ans de la base des 3 ans (degré de liberté du cycle d’activité solaire), etc.

D’une autre manière, ces 432 ans doublent 216 + ou – 36 : 180/252,

ces 36 ans doublent 18, + ou – 3 : 15/21,

ces 3 ans doublent 1,5 an, + ou – la saison : 1,25/1,75 an.

C’est l’écart de la saison d’une année à l’autre, décrite dans le Coran, ou l’écart de 6 heures dans le jour, si je prends la journée dans son expansion totale, de 6 heures du soir à 8 heures du matin la nuit l’hiver et de 4 heures du matin à 10 heures du soir le jour l’été, sur 5 X 6 = 30 heures de 18 heures à 24 le lendemain (ou de 17 à 23, etc.).

Dans les 42 heures pour 24 : 2 e – 3, 18 +24 : une nuit, un jour, une nuit, sur 3 x 14 ou dans les deux jours (2 X 24 = 48 heures) moins 6 heures.

 

II – Du tableau de base des 2 016 ans (12 X 168) se déduisent les cycles de base de 168 ans (180 et 144 dans les 252 ans).

Pour exemple, les ères du Poisson et du Verseau dans la présente Grande Année :

 

Si je veux en déduire l’étude quelconque d’un petit cycle mythique, comme de la Vierge dans le Poisson (0/168) ou des Gémeaux dans le Verseau (1680/1848) je devrai développer ces cycles (n-1) ou (n) dans N = 2 e – 3 : ici, 252 ans. Pour exemples :

III – Du tableau de base des 168 ans (12 X 14) se déduisent les cycles de base de 14 ans (15 et 12 dans les 21). Pour exemple : le Cancer dans l’ère du Verseau :

Nous sommes dans le mois d’octobre de cette « année » de 168 ans et sous le signe de la Balance, de 1974 à 1988.

Développé dans les 21 ans, le cycle de 14 ans donne :

1) 11 X 1,25 = 13,75                               2) 0,75 + (13 X 1) = 13,75

et, dans le détail :                                   et, dans le détail :

 

LA LIBERTE

Ces jeux suggèrent, sinon une loi, une règle du jeu, qui pourrait s’énoncer ainsi.

Dans l’ignorance où nous sommes non seulement de la réalité non-humaine mais de cet être en soi que nous nommons l’Unité, nous ne pouvons nous fier qu’en nos croyances, que  formulent un certain nombre, limité, d’archétypes : les 12 successions possibles de nos propres dimensions.

A tout moment et en tout lieu, nous sommes motivés, semble-t-il, par un ou plusieurs de ces archétypes, soit dans le sens : signe-appareil-seuil, que nous dirons précessionnel, soit dans le sens inverse, que nous dirons direct.

Dans le premier sens, quelque chose passe en nous, qui nous régénère, nous enrichit, nous porte à une vie renouvelée; dans le second sens, cette chose (énergie, lumière, force) ne passe pas et nous sortons de l’épreuve affaiblis, appauvris, amoindris, dans l’approche d’une mort ou, du moins, d’un déclin dont rien ne nous protège plus.

Tout archétype peut se concevoir, se constater ou se créer comme cet accroissement ou cette décroissance, cette renaissance ou cette entropie.

Dans le sens précessionnel, le Capricorne conduit au Sagittaire, au surgissement, à l’ardeur, au courage, à l’invention; dans le sens direct, il ne reconduit qu’au caprice (dans le Verseau).

Dans le sens précessionnel, le Sagittaire conduit au choix, à l’implication, à la responsabilité et au discernement du Verbe scorpionnaire; dans le sens direct, il ne ramène qu’à l’enracinement matériel ou terrestre qu’exprime aussi le Capricorne.

Dans le sens précessionnel, le Scorpion conduit à la Balance : sa compensation fidèle, son équilibre; dans le sens direct, il reconduit à la volonté vide, à l’entêtement, à la prétention dogmatique du Sagittaire.

Dans le sens précessionnel, la Balance conduit à la Vierge, à sa préservation et à sa protection; dans le sens direct, au seuil de toute ambiguïté, à cette fourche ténébreuse qu’est aussi le Scorpion.

Dans le sens précessionnel, la Vierge conduit au Lion, à sa rigueur dans les traités, à son organisation sans faille; dans le sens direct, à l’envoûtement, à la prison qu’est aussi la Balance.

Dans le sens précessionnel, le Lion conduit à la savante hiérarchie des valeurs qu’est toute cratophanie cancérique; dans le sens direct, à la tenue dévote, à l’avarice bourgeoise que peut être la Vierge.

Dans le sens précessionnel, le Cancer n’établit que mieux ses rythmes savants, par la science de l’Observation et toutes les analogies essentiellement gémelliques; dans le sens direct, vers le Lion, il se fait la tyrannie systématique de « l’opinion autorisée ».

Dans le sens précessionnel, les Gémeaux se font créateurs comme le Taureau; ils ont l’art et la façon; dans le sens direct, ils s’emprisonnent dans le solfège ou la grammaire stérile des recensements.

Dans le sens précessionnel, le Taureau acquiert la distinction et la sélection des valeurs, l’exactitude; dans le sens direct, il n’est que plagiat.

Dans le sens précessionnel, le Bélier se fait agneau, ou la justice miséricorde; dans le sens direct, il cède à l’appel du Veau d’Or, à l’exigence de l’enrichissement, au crime des nomenclatures.

Dans le sens précessionnel, le Poisson tend à l’Esprit, l’amour se fait libération; dans le sens direct, il se perd et se corrompt en justification de ses actes, émotivité justifiante.

Dans le sens précessionnel, le Verseau se fait fondateur; il est le vin et la moisson; dans le sens direct, la sentimentalité le guette – et la confusion des valeurs.

Or, à tout moment, aucun archétype ne persiste dans le sens direct sans pouvoir exister dans le sens précessionnel. Si le Poisson du mois est direct, celui de l’année est précessionnel; si le Bélier de l’année est précessionnel, le Bélier du cycle solaire évolue dans le sens inverse. Puis, les tableaux nous montrent que le renversement s’opère toujours, du contenant au contenu, dans le signe complémentaire du signe déterminant : la Vierge dans le Poisson, le Poisson dans la Vierge, le Lion dans le Verseau, le Verseau dans le Lion, et qu’un tel renversement n’est pas possible dans le cycle d’activité solaire sans l’être aussi dans l’année, le mois, le temps du rêve, la vibration du césium. Le choix nous demeure donc toujours possible entre la voie de la mort et la voie de la vie.

N’est-ce pas pourquoi cette machine même ne se formule qu’aujourd’hui, à l’approche du grand midi de l’Esprit Libre ou du Verseau?

Illustration Pierre-Jean Debenat

 

Le 13 Avril 1983

Jean-Charles Pichon

Ci-dessous :

Extrait d’une conférence intitulée

« La Machine de l’Eternité »

(audio)

LES 4 DIMENSIONS

Publié dans LA MACHINE DE L'ETERNITE | Laisser un commentaire

Forum

Dans la précédente version de ce site, il existait une rubrique « Forum ». En voici des extraits : ils témoignent des préoccupations, ou des curiosités, des visiteurs.

Posté : 27-12-2005 18:37

Les hommes ou femmes ayant le savoir des renouvellements mythiques dans l’histoire des civilisations et connaissant leurs conséquences sur la vie des êtres peuvent-ils rester inactifs en prévision de ce qui va arriver ou bien sont-ils finalement impuissants parce qu’on ne peut pas aller contre le sens du temps? Les Hommes ne peuvent-ils pas être « prévenus » ce qui éviterait, peut-être, des désastres épouvantables?
Les Hommes initiés aux rythmes cycliques des évènements historiques peuvent-ils seulement en rester là à fièrement affirmer leur savoir « prophétique » ?
Posté : 27-12-2005 19:48

Ces personnes ne sont pas fières. Ce sont des gens qui ont en général passé leur vie à étudier, à réfléchir et à faire ce qu’ils devaient faire: c’est-à-dire, le plus souvent, écrire, parler.
Un grand nombre d’auteurs, aux 19è et 20è siècles, ont annoncé l’inversion des valeurs, la dégénérescence de la Justice, la recherche douloureuse et dangereuse de la Liberté : Rimbaud, Alfred Jarry, Raymond Roussel, Samuel Beckett, Borgès…
Ils ont accompli leur œuvre. Que peu de gens en aient tenu compte ne peut leur être imputé.

Cordialement,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 29-12-2005 13:33

Le mot fierté était sans doute un peu trop fort, je m’en excuse. Ce qui est étonnant c’est que ces auteurs ne soient pas écoutés. Y en a-t-il qui le furent?

Posté : 29-12-2005 17:03

Votre question dépasse un peu mes connaissances en histoire. Cependant, il y a eu des hommes de pouvoirs qui ont manifestement tenu compte des grands prophètes : le cardinal de Richelieu, Talleyrand, entre autres.
Et puis, certains ésotéristes ont donné naissance à des sectes – à entendre ici comme synonyme de mouvements, de groupements autour d’un idéal – : les Quakers, par exemple, qui ont joué un rôle certain pendant la guerre de Sécession.
Le problème aujourd’hui; réside en ce que la quête du pouvoir indique, de l’apparence, du profit matériel à court terme occulte toute pensée quelque peu complexe. L’arrogance et l’avidité sont au premier plan. Pour combien de temps? « Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre. »

Cordialement,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 11-01-2006 10:04

Pensez-vous qu’aujourd’hui le Vatican soit au fait de l’époque dans laquelle nous sommes?
Prennent-ils en comptent l’avènement de l’ère du Verseau?
Merci.

Posté : 11-01-2006 16:38

Je n’ai pas de relations au Vatican. Cependant, je suppose qu’il y a dans cette enceinte des personnes érudites, qui ont étudiés TOUS les grands prophètes (de quelque religion qu’ils aient été), et qu’ils en tiennent compte.
Je ne peux vous en dire plus…
Cordialement,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 16-12-2005 13:24

Pensez-vous que les récentes émeutes des jeunes qu’il y a eu en France ces dernières semaines peuvent nous rappeler les révoltes des esclaves durant l’antiquité romaine?

Posté : 20-12-2005 12:52

Pour Jean-Charles Pichon, ce sont les exclus d’une Civilisation, porteuse du mythe actuel, qui préparent et annoncent le mythe nouveau.

« Quel est le maître en nos Etats?
On sait qu’au temps d’Akkad, ce fut le Citadin (de la Ville aux sept portes): d’où l’exclusion du nomade. Mais, dans le dernier siècle hellénistique, quand le « droit de cité » donna au nomade le statut de citoyen à part entière, il n’y eut plus de citadin. Le maître se nomme le Citoyen: d’où, la condamnation de l’esclave.
Aujourd’hui, ces mots n’ont plus de sens, alors que « l’égalité devant la loi » donne à l’ouvrier tous les droits civiques, y compris le droit de vote, s’il est adulte. Il n’est d’autre maître que l’Adulte: d’où l’écrasement de l’adolescent.
Qu’il le soit par l’âge, comme en Occident, ou par une mentalité particulière – et finalement mythique – comme on le voit dans les nations nouvelles d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud, l’adolescent n’est pas à proprement parler proscrit ou condamné. Mais, comme le nomade jadis et comme l’esclave naguère, il n’a pas d’existence civique, pas de droit. Il ne vit que des privilèges qu’on lui consent ou des présents qu’on lui accorde.
Car un dieu (de Création, de Justice ou d’Amour) ne peut exalter le Citadin, le Citoyen ou l’Adulte sans rejeter de la ville, du statut ou du sexe ceux qui ne l’adorent pas. S’il le faut, ses prêtres créeront une classe nouvelle, dont ils feront le pays d’oubli, l’enfer terrestre de l’exclu: l’état nomade, l’esclavage ou l’adolescence, entre autres.
Telle est la signification profonde de la grande révolte de la jeunesse, annoncée par Rimbaud et par ces jeunes prophètes, de quinze à dix-neuf ans, que furent Frédéric II, Fox, Saint-Just ou Galois, Ramakrishna ou le Bâb, sensible dès l’après-guerre, manifeste aujourd’hui. »
Voici ce qu’écrivait en 1971 Jean-Charles Pichon, dans l' »Histoire des mythes », Petite bibliothèque Payot.

Cordialement,
Pierre-jean Debenat

Posté : 20-12-2005 16:03

Pensez-vous qu’il existe une sorte de corrélation entre ce que les banlieusards appelle « cité » et la cité de l’époque antique?

Merci

Posté : 20-12-2005 17:01

Me référant au Dictionnaire historique de la langue française, d’Alain Rey, je trouve l’origine du mot « cité » dans le substantif latin « civitas », qui donnera par la suite « citoyen ». Ce qui nous renvoie au texte de Jean-Charles.
D’autre part, toujours d’après la même source, le mot « banlieue » provient du francique « ban »: loi dont la non-observance entraîne une peine. Banlieue désignait « l’espace, d’environ une lieue, autour d’une ville, dans lequel l’autorité avait juridiction. Le passage au sens actuel de territoire et ensemble de localités environnant une grande ville s’est fait aux 17è et 18è siècles. »
Nous trouvons aussi les termes « bannir » et « bande ».

Les mots ne mentent pas. Ils vivent (beaucoup de mots français ont changé de sens au 13è siècle) et leur évolution peut nous aider à réfléchir.

Ici, nous retrouvons les notions de territoire, d’inclusion et d’exclusion, la dégénérescence du mythe de Justice…

Voici quelques pistes. Il faudrait du temps pour les développer.

Cordialement,

Pierre-Jean Debenat

Posté : 21-12-2005 11:31

Vous dites que beaucoup de mots ont changé de sens au 13 eme siècle. Pourquoi plutôt à ce siècle là et avez-vous quelques exemples?
Merci.

Posté : 21-12-2005 14:56

Je me suis toujours intéressé aux mots (poésie, romans, linguistique). C’est en travaillant avec Jean-Charles que je me suis rendu compte que certains vocables, d’une part ont plusieurs acceptions qui nous font réfléchir (par exemple le mot « ribambelle », dont Jean-Charles traite longuement dans ses œuvres récentes, ou le mot « affectation »); d’autre part, nous avons constaté un changement de sens aux environs du 13è siècle. « Le mot « élément » s’est d’abord employé (9è siècle) au sens de « principe constitutif de l’être, âme ». Depuis le début du 13è siècle, élément se dit de chacune des choses dont la combinaison forme une autre chose. » Dictionnaire historique de la langue française, Editions Robert.
« Jeûner est employé au sens d’être privé de nourriture. Depuis 1225, il a aussi le sens figuré de s’abstenir de toutes réjouissances, avec la valeur particulière « d’être chaste ». »

Voici donc 2 exemples, parmi beaucoup d’autres, d’un changement de sens à cette époque.
Que s’est-il passé à cette période en Occident? La montée en puissance de l’Inquisition, une rigidification de la scholastique, ce que l’on appellerait aujourd’hui une normalisation.
Tout ceci avant l’éclosion de la Renaissance, qui fut caractérisée dans le domaine du langage par une liberté quant à l’usage des vocables, voire des jeux de mots, suivie de la Contre -Réforme, qui a conduit, sous Richelieu, à la création de l’Académie Française, nouvelle normalisation…

Voici, brièvement résumés, quelques constats que nous avons pu faire sur ce sujet.

Cordialement,

Pierre-Jean Debenat

Posté : 22-12-2005 10:44

Pouvons-nous donc considérer que le siècle des lumières porte la responsabilité de la « terreur » révolutionnaire, la tyrannie de l’empire Napoléonien ainsi que du nationalisme et communisme du XXeme siècle? Pensez-vous possible de dire que finalement la démocratie est elle aussi un système tyrannique?

Posté : 22-12-2005 15:12

Jean-Charles Pichon m’a appris que la Franc-Maçonnerie spéculative, notamment en Angleterre, a, au 18è siècle, tenté de déterminer les mythes (ou valeurs essentielles) qui allaient émerger dans les siècles à venir. Ils en ont déterminé 3, qui sont, en langage zodiacal : le Verseau, la Balance et les Gémeaux. C’est-à-dire : Liberté, Egalité, Fraternité. Ces idées se sont répandues en Europe, relayées par les gazettes anonymes et les Encyclopédistes français.
Le problème, c’est que la Liberté représente un mythe qui n’est pas encore accompli. Alors, depuis le 18è siècle, on cherche à la réaliser, empruntant des chemins divers, voire opposés.
On peut distinguer deux voies opposées. L’une, qui s’appuie sur l’Egalité, a mené au communisme, avec pour conséquence l’horreur du Goulag et les massacres de la Révolution culturelle. L’autre, qui, au nom de la Liberté, se fonde sur l’élitisme, a conduit au régime nazi et à ses abominations.

La question que pose la Liberté est -entre autres – la suivante: comment puis-je devenir ce que je suis, tout en permettant aux autres de devenir ce qu’ils sont?

C’est peut-être (sans doute même) inconcevable aujourd’hui, la Fraternité étant devenue un simple reflet, une apparence, un faux-semblant (cf les médias).

Une nouvelle harmonie, basée sur de nouvelles valeurs, devrait émerger dans quelques décennies. En attendant, nous vivons des quêtes multiformes, maladroites et parfois dangereuses.

Cordialement,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 24-12-2005 13:01

Pouvez-vous m’expliquez ce qu’est la Franc-Maçonnerie spéculative et de quelle façon, par quel moyen, les francs-maçons du 18eme siècle ont-ils déterminé les mythes qui allaient émerger dans le siècle à venir?
Quelles sont ces gazettes Anonymes dont vous parlez et pensez-vous que ces idées ont été répandues volontairement dans le but de faire « correspondre « le rythmes cycliques des mythes, avec la connaissance des conséquences que cela allaient avoir ou bien cela s’est-il réalisé parce que les « temps » étaient venus?

Posté : 26-12-2005 19:30

On parle de « Franc-Maconnerie spéculative » (c’est-à-dire philosophique), par opposition à la « Franc-Maçonnerie opérative », d’origine beaucoup plus ancienne, qui regroupait les Maîtres artisans de certains corps de métiers.
Les gazettes ont joué un rôle très important dans la vie politique européenne au 18è siècle. C’étaient des pamphlets, édités en Angleterre , aux Pays-Bas, en Suisse, pour éviter la censure française, et qui circulaient sous le manteau, propageant les idées nouvelles et souvent anti-monarchiques.
Je crois aussi que « les temps étaient venus », et qu’un certain nombre de penseurs le savaient.
Cordialement,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 27-12-2005 17:55

Peut-on dire que les cathédrales ont été le point culminant du Dieu d’Amour de la religion du Poisson?
Quelle furent les « cathédrales » du Dieu de justice de la religion des béliers ainsi que celle du Taureaux?
Comment expliquer qu’aujourd’hui l’Odyssée d’Homère a encore une telle influence?
Comment pourrait-on à votre avis imaginer les « Cathédrales » de la Religion du Verseau?

Posté : 27-12-2005 20:05

Les cathédrales commencent à marquer le déclin du mythe d’Amour. Elles ont été construites sur une période relativement brève, et sur la commande d’évêques qui, rivaux, voulaient montrer leur puissance. Ainsi, chaque nouvelle cathédrale devait être plus haute que la précédente – jusqu’à l’écroulement de l’ouvrage!

En ce qui concerne le Bélier, ce fut le Temple, reconstruit par Salomon.

Je ne peux pas me représenter les « cathédrales » du Verseau. D’ailleurs, y en aura-t-il besoin?

Quant à l’Odyssée, comme toutes les grandes œuvres de quête, il n’est pas étonnant qu’elles perdurent au cours des siècles et qu’elles aient une portée universelle.

Veuillez m’excuser pour la brièveté de mes réponses, mais je vais reprendre mon travail et je suis assez pris en ce moment.

Cordialement,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 11-01-2006 10:10

Pourriez m’éclairer sur les idées, les pensées de l’époque hellénistiques qu’elles furent à cette époque annonciatrices du Dieu d’Amour comme l’ont été les idées du XVIII eme annonciatrices du Dieu de Liberté?

Vous dîtes que vous le Bélier ce fut le Temple de Salomon, qu’en fut-il pour le Taureau?

Merci

Posté : 11-01-2006 16:34

En ce qui concerne l’annonce du mythe d’Amour, la référence évidente est Platon. Lisez aussi Cicéron.
Quant au mythe du Taureau, la réponse est difficile – du moins pour moi. D’une part parce que lorsqu’on recule dans le temps, les témoignages restants sont moins nombreux et plus fragmentaires; d’autre part, parce que l’on a affaire au polythéisme. Le Taureau fut donc honoré sous des figurations diverses et dans des temples d’obédiences plurielles. Il faut ici se référer aux ouvrages d’art (bas-reliefs et mosaïques de Babylone, vestiges des temples des premières dynasties égyptiennes, tablettes en écriture cunéiforme).
Cordialement,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 16-01-2006 10:04

A propos des cathédrales comment peut-on expliquer qu’à cette époque des hommes et des femmes sont ont pu construire autant de monuments en si peu de temps?
Pouvez-vous me donner des noms d’auteurs qui ont le mieux écris sur le Moyen-âge?
Merci

Posté : 20-01-2006 11:30

Arte a diffusé il y a deux ans environ un remarquable documentaire sur ce sujet.
D’une part, des architectes européens ont développé des techniques (l’arc-boutant notamment) qui ont permis de simplifier le travail. D’autre part, ils embauchaient une équipe relativement restreinte d’artisans de très haut niveau, faisant appel à certains moments à une main-d’œuvre nombreuse et moins qualifiée.
En ce qui concerne le Moyen-âge, l’auteur de référence actuellement est pour moi Jacques LE GOFF; voir son livre « Un autre Moyen Age ». Editions Gallimard, collection Quarto.
Cordialement,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 20-01-2006 17:56

Je ne connaissais pas jacques le Goff.
N’y a-t-il pas d’autre auteur plus ancien que lui?
Que pensez-vous de Michelet?
Merci

Posté : 21-01-2006 11:20

Pour moi, Michelet est davantage un philosophe et un visionnaire qu’un historien. Ce qui ne m’empêche pas de l’apprécier!
D’autres auteurs traitant du Moyen Age: Jean Favier, François Bluche.
Cordialement,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 23-02-2006 15:30

Peut-on aussi dire que ces cathédrales ont poussé grâce à la foi de ceux qui les ont construite?
N’y avait-il pas à cette époque un engouement populaire qui était capable de si grandes œuvres?
Merci

Posté : 23-02-2006 20:45

Oui, foi en leur dieu, en leur art, en leurs compagnons. Spiritualité, dépassement de soi, émulation…
Mais déjà les trois composants du mythe d’Amour selon Platon dégénéraient : le Bien devenait les biens (rémunération), le Vrai était le « vrai Dieu » ( Inquisition), le Beau se réduisait à l’apparence, à l’apparat.
C’est dans cette complexité et ces contradictions que se trouvent les réponses à votre question.
Vous pouvez lire la série de Robert Merle « Fortune de France » et « Les piliers de la terre » de Ken Follett. Vous y trouverez une vraisemblable peinture des mœurs de ces temps.
Cordialement,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 19-12-2005 20:30

Beaucoup de personne se refusent à lire Jean-Charles Pichon sous prétexte qu’il est astrologue et mythologue.
Que leur répondriez-vous?

Posté : 20-12-2005 13:10

Jean-Charles Pichon n’est pas un astrologue. Il utilise le Zodiaque – ainsi que les yugas indiens – comme un outil pratique et universel pour ses recherches sur la succession des mythes. De la même façon, il utilise les chiffres et les nombres pour ses travaux sur les cycles et le réel. Refusera-t-on de le lire parce qu’il se sert du nombre d’or, de la constante de Planck et de la série de Fibonacci?

Un mythologue est quelqu’un qui étudie les différentes croyances qui ont animé l’humanité au cours des âges. Il ne dit pas : voici ce qu’il faut croire, mais voici ce qu’on a cru à telle époque. Et il constate l’émergence de nouvelles croyances (y compris les croyances scientifiques!). Il s’oppose ainsi aux rationalistes qui refusent d’étudier ces croyances – et surtout la leur.

Et, à tout prendre, mieux vaut être mythologue (avec humilité) que mythomane (avec arrogance).

Cordialement,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 20-12-2005 15:55

Et quels seraient vos arguments pour expliquer que le rationalisme scientifique est une croyance?
Sinon peut-on avancer l’idée que les époques rationalistes sont les plus dangereuses et violentes pour l’homme?

Merci

Posté : 20-12-2005 17:35

De combien de dimensions l’univers est-il constitué? 2, dans la géométrie antique; 3, avec la découverte de la perspective à la Renaissance; 4, depuis Einstein; 10 ou 26 avec la récente théorie des supercordes…
Chaque semaine ou presque, actuellement, des découvertes paléontologiques remettent en question les débuts de l’Homme sur la Terre….
On découvre également des animaux ou des végétaux qui remettent en question la théorie de Darwin (le cœlacanthe fut le premier a être reconnu)…

Et l’on continue à proclamer que l’observation et l’expérimentation prouvent que l’univers a 3 dimensions, que l’on peut dater sans erreur l’appariation de l’Homo sapiens, que l’évolution est linéaire et va dans le sens d’un progrès dû à une adaptation et une spécialisation sélectives…

Depuis un siècle, dans beaucoup de domaines scientifiques, on met au rencart les recherches des décennies précédentes, sans s’interroger sur la relativité des nouvelles connaissances. C’est comme si, à chaque fois, on découvrait La Vérité… La seule, jusqu’à la prochaine fois. Les dogmes religieux ne font pas autrement.

Quant aux époques rationalistes, il est curieux de constater qu’il en subsiste très peu d’écrits techniques; que la population mondiale a subi des pertes immenses à la fin de ces périodes; et que des technologies (piles électriques, scaphandres, etc.) ont été « réinventées », comme si une chape d’oubli avait été nécessaire pour éviter que ne se reproduisent des catastrophes anciennes.

Bien sûr, tout ceci est résumé, simplifié et schématique.

Le professeur Barnard déclarait en substance, il y a 20 ans, à propos des morts dues à la recherche médicale: « Les dégâts que la science a causés, seule la science peut les réparer. »

Cordialement,

Pierre-Jean Debenat

Posté : 21-12-2005 11:23

Qu’entendez-vous par écrits techniques concernant les époques rationalistes et comment expliquez-vous qu’il y en subsiste si peu?

Posté : 21-12-2005 15:14

Je voulais dire que nous constatons qu’il reste peu de traces d’écrits concernant par exemple l’agriculture dans le Royaume d’Akkad, alors que l’Epopée de Gilgamesh nous a été transmise. Que nous n’avons que très peu de rouleaux concernant les techniques découvertes et utilisées au cours des 2 millénaires précédant notre ère, alors que l’Ancien Testament est parvenu jusqu’à nous. Que, à part quelques inventions d’Archimède, nous n’avons pas grand-chose sur les prouesses techniques des 2 derniers siècles avant J.C., alors que les Evangiles ont perduré.

Jean-Charles Pichon, dans un roman intitulé « Les Témoins de l’Apocalypse », a soutenu l’hypothèse suivante : une civilisation rationaliste, accumulant les progrès techniques, a également accumulé les dangers pour l’humanité; ce qui a conduit à des hécatombes (virus, radiations mortelles, etc.). Après la catastrophe, les survivants ont dit: « plus jamais ça! » et ont fait disparaître tout document technique et scientifique.

Ce n’est bien sûr qu’une hypothèse. Mais comment se fait-il que Jules César, lettré tout autant que conquérant, ait fait brûler la Bibliothèque d’Alexandrie, dépositaire de tant d’ouvrages uniques et perdus à jamais?

Cordialement,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 22-12-2005 10:39

Merci pour tous vos éclaircissements.
Pourquoi beaucoup d’astronomes ne veulent-ils pas reconnaître l’astrologie comme une science à part entière et connaissez-vous des astronomes qui tout de même la considèrent comme tel?
Merci.

Posté : 22-12-2005 15:32

Votre question mériterait d’être précisée : qu’entendez-vous par « astrologie »?
S’il s’agit d’écrire des horoscopes, comme on peut en lire dans certains journaux, c’est pour moi un commerce douteux et en aucun cas une science.

L’étude des astres et de leur évolution est autre chose. Tycho-Brahé, Kepler, Camille Flammarion -entre autres – étaient également des ésotéristes de grande culture.

Plus récemment, Ilya Prigogyne, prix Nobel de physique, a publié un livre intitulé « La nouvelle alliance », dans lequel il relie les savoirs anciens – tel le Yi King – et les découvertes scientifiques modernes.

Cordialement,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 24-12-2005 12:48

Non je ne pensais pas à l’horoscope mais bien à l’étude des astres.
Vous parlez d’ésotérisme, peut-on dire aujourd’hui que la Franc-Maçonnerie en est toujours son élève?
Comment peut-on expliquer alors que l’ésotérisme n’est pas enseigné à l’école au même titre que l’astrologie et la mythologie?

Posté : 26-12-2005 19:41

L’ésotérisme désigne, étymologiquement, un savoir réservé aux seuls adeptes d’un courant de pensée. Il présente donc un caractère hermétique, un langage souvent codé et une symbolique particulière. Pour plus d’informations, vous pouvez vous reporter à l’ouvrage de Jean-Charles Pichon, « L’Histoire universelle des sectes et sociétés secrètes », Editions Souny.
Quant à l’enseigner à l’école, les querelles récentes sur la colonisation montrent que le temps n’est guère propice à l’ouverte d’esprit qu’exige l’enseignement de telles disciplines.
Cordialement,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 02-11-2006 09:00

Dans cette rubrique vous écrivez ceci:
Pour Heinlein, Pichon et Herbert, l’un des éléments constitutifs de la renaissance est issu de l’islam, de même que l’on ne peut nier l’apport du gnosticisme et du mithraïsme dans l’avènement du christianisme.

Pourriez-vous développer un peu plus ce paragraphe?
Merci

Posté : 04-11-2006 10:13

Pour saisir le processus de la renaissance en question, il convient de saisir l’apport du gnosticisme et du mithraïsme vis-à-vis du christianisme. Il faut se plonger dans la pensée gnostique et dans les arcanes de la religion de Mithra.
Il faudra, une fois que l’on a saisi – plus ou moins – ce mouvement, le transposer à l’époque actuelle et aux siècles à venir.
Il convient d’étudier « Dune » en restant attentif à tous les aspects empruntés aux civilisations moyen-orientales (la Perse devenue l’Iran, l’Irak, la pensée pré-mahométane des tribus nomades, etc.).
Des auteurs comme Doughty, « Arabica Deserta » et T.E. Lawrence, « Les 7 piliers de la sagesse », aident à se mettre dans l’état d’esprit idoine.
En ce qui concerne Heinlein, relire de près « En terre étrangère ».

Jean-Paul Debenat

Posté : 11-03-2006 09:39

Jean-Charles Pichon écrit dans son livre sur l’histoire des sectes et des sociétés secrètes le texte suivant:

« En même temps; amuseur splendide comme tous ceux qui ne croient à rien, le juif rationaliste aura fondé -moteur de sa puissance- la plus hallucinante civilisation de consommation que l’histoire ait connue, frappant juste, à l’endroit sensible, une mystique de liberté totalement dévoyée en désir de jouissance. Par la presse, la publicité, le spectacle, le lupanar, le jeu et la boisson, il aura enfermé le citoyen responsable dans le cercle infernal du plaisir et de la dette.
Entre Darwin et Freud, Offenbach en effet est le chainon nécessaire. L’homme descend du singe et le prouve; il n’y a pas de quoi en faire un drame, seulement cette tragédie bourgeoise: la peur du lendemain.

Je trouve la dernière phrase magnifique. N’y a-t-il pas là l’exemple d’un talent d’écriture mêlé d’une grande lucidité sur le présent de son époque? Pensez-vous qu’aujourd’hui il serait difficile d’exprimer ce texte dans la presse actuelle ou à la télévision même si l’on sait que Pichon est tout sauf antisémite?

Posté : 11-03-2006 11:15

Je crois effectivement qu’aujourd’hui tout écrivain sincère et sans complaisance devrait faire lire ses manuscrits par un cabinet d’avocats!
Cordialement,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 24-08-2006 16:25

Dans un de ces livres Pichon nous parle de notre époque qui nie l’existence des races.
Pourriez-vous développer sa pensée? Pensez-vous qu’il y a des races d’hommes différentes?
Posté : 27-08-2006 17:02

Que voici un sujet délicat à traiter de nos jours!
Outre le fait qu’il nous ramène au vieux débat entre l’inné et l’acquis, qui n’est toujours pas clos, et qui reprend de l’importance avec les travaux sur la génétique – voir à ce propos le livre d’Erwin Chargaff « Le feu d’Héraclite » -, les lois françaises de ces dernières décennies nous obligent à la prudence.
Je considère pour ma part que le racisme consiste à affirmer la supériorité d’une race sur une autre.
Mon parcours, tant professionnel que personnel, m’amène à considérer que tous les êtres humains sont différents, de par les facteurs physiologiques, psychologiques et culturels qui les ont modelés. C’est ce qui fait la richesse de l’humanité, c’est aussi son déchirement.
Des hommes handicapés – certains diraient diminués – comme Stephan Hawkins ou Michel Petrucciani nous ont plus apporté que bien des gens dits « normaux ».
Vouloir nier les différences révèle pour moi de la névrose obsessionnelle, une pathologie pas vraiment créative.
Jean-Charles Pichon a été, avec Gary Davis, à l’origine du mouvement « Citoyens du Monde ».
C’est dire qu’il était bien au-delà des mesquineries actuelles sur ces questions de races.
Il s’intéressait aux Dieux, à leurs vies, leurs alliances, leurs combats, et aux effets qui en retombaient sur l’humanité.

Cordialement,

Pierre-Jean Debenat

Posté : 28-08-2006 16:26

André Langaney généticien français dit dans un de ses ouvrages:

« Au début des recherches en génétique, les scientifiques, qui avaient en tête des classifications raciales héritées du siècle dernier, pensaient qu’ils allaient retrouver des gènes des Jaunes, des Noirs, des Blancs… Eh bien, pas du tout, on ne les a pas trouvés. Dans tous les systèmes génétiques humains connus, les répertoires de gènes sont les mêmes. »

Qu’en pensez-vous?

Pensez-vous en vous lisant que les facteurs physiologiques, psychologiques et culturels peuvent définir des races différentes de peuples, de groupe ou d’être humains et qu’ainsi les différences de races humaines n’existeraient pas seulement en raison de l’origine génétique de l’homme?
Pourrait-on dire que ces facteurs peuvent amener à l’existence de nouvelles races?
N’y aurait-il pas confusion chez Pichon entre race et peuple ou entre race et culture (différentes)?
Pourriez-vous apportez plus de précision sur le débat de l’inné et de l’acquis qui ne serait pas clos selon vous?
Merci.

Posté : 15-09-2006 20:37

Le débat entre l’inné et l’acquis est au centre des questions et des pratiques concernant l’autisme par exemple: ou bien il s’agit d’une interaction affective précoce défectueuse entre les parents et le nourrisson; ou bien c’est une maladie génétique. Les prises en charges des enfants autistiques seront complètement différentes selon l’hypothèse que l’on adopte.

Quant à Jean-Charles Pichon, dans un entretien vidéo que j’ai réalisé avec lui, il a déclaré, parlant du temps du Verseau: « Il faudra en finir avec ces vaines distinctions de races, de sexes, etc., et découvrir de nouvelles valeurs, de nouvelles harmonies. »
Cordialement,
PJD

Posté : 19-09-2006 18:48

Nouvel arrivant (je signerai Quindon)

Concernant le sujet des races, et de l’éventualité de sa variété dans notre société,
Il faut distinguer la problématique de « reconnaitre ou non l’existence de plusieurs races au sein de la famille des hommes et de l’époque où l’on se situe », et la problématique étonnante pour le moins qui consiste à « être dérangé par l’éventualité de la coexistence de races différentes ».
L’hypothèse qu’un jour (passé) il y ait eu plusieurs races issues du singe, proches ou pas, et qu’il y ait eu une assimilation d’un groupe comprenant des races différentes appelées « homme » est une hypothèse dont personne pourra apporter de preuves réellement satisfaisante.

Qu’aujourd’hui l’homme soit composé d’une seule race que nous connaissons génétiquement est un constat avéré. Mais en a t-il été toujours le cas ? En considérant que la définition de l’homme a évolué.
Je ne saurai trop conseiller de relire la définition de « l’homme » qui ne parle nullement de génétique. On y trouve « Etre appartenant à l’espèce animale la plus évoluée de la Terre, mammifère primate de la famille des hominidés, seul représentant de son espèce. L’homme est un animal très proche des grands singes »

Quand on lit Darwin, et Lamark (théorie opposée), mais au final complémentaires, on s’aperçoit que les races n’ont cessé d’évoluer. La race humaine est-elle l’ultime ? Va t-elle évoluer en d’autres races ? Rester qu’une ? N’a t-elle été qu’une ?

Poser ces questions, aujourd’hui, nécessite de mettre des gants, que le scientifique prend le soin d’enlever pour y répondre.

Ce qui dérange aujourd’hui ce ne sont pas les faits mais la possibilité d’imaginer une différence entre les hommes, mais je rassure la deuxième définition de l’homme dépasse de loin le problème de sa diversité raciale : « Etre humain actuel considéré comme un être social »

En tout cas les facteurs physiologiques, psychologiques et culturels ont par le passé engendré des races différentes d’animaux. Rien de choquant à çà, au vu des deux théories pré-citées.
Ce qui dérange n’est ce pas l’assimilation de ce raisonnement à l’homme ?

Quindon

Posté : 01-10-2006 00:23

Hi, I’m a psychologist and a fervorous reader of JC Pichon. please, could you tell me the followings:

1) I have look for the book, ‘Le Homme et le Deux’ by sea, land and sky, but there is no spanish version in anywhere. how can I found it.

2) there is a possibility of having this page in spanish, or at least, in english.
Posté : 07-10-2006 11:15

I think the only book by J-C Pichon published in spanish is the one about Nostradamus.
It is very hard to find publishers who are courageous enough to publish Jean- Charles Pichon’s books in french.
For the present times, I am too busy to translate some pages in english – and I don’t practice this language very easily.

Sorry…

Friendly,
Pierre-Jean Debenat

Posté : 07-10-2006 14:23

Pouvez-vous nous expliquez pourquoi il est si difficile de trouver des éditeurs français suffisamment courageux pour publier les livres de Jean-Charles Pichon?

Can you explain us why is so difficult to find frenchs éditors who are enough courageous to puplish Jean-Charles Pichon’s books?
Thank a lot.

Posté : 07-10-2006 18:18

Il y a plusieurs raisons.
Marianne Oswald, lorsqu’elle dirigeait les éditions Néo, avait dit à Jean-Charles, à propos de « La Folie-Merlin » : « Ce roman me passionne, mais il est trop difficile pour mes lecteurs. »
Hubert Nyssen, des éditions Actes Sud, après une rencontre avec Jean-Charles, a consulté son conseil d’administration. Ce dernier a reculé devant l’ampleur de la tâche, estimant qu’il fallait publier plusieurs volumes des derniers manuscrits, pour ne pas tronquer la démarche de l’auteur.
Et puis il y a l’aspect commercial et rentabilité…

pjd

Posté : 08-10-2006 11:36

Donc aujourd’hui il n’y a que les éditions Edite qui publieront ces livres?

Posté : 08-10-2006 11:44

Pour le moment, oui…

pjd

Posté : 13-10-2006 09:12

Est-ce que Jean-Charles Pichon écrivait en Anglais? Connaissait-il d’autres langues?

Posté : 13-10-2006 16:07

Jean-Charles a traduit en français des poèmes de Cecily Mackworth et de John Heath Stubbs. Il lisait couramment l’anglais, mais ne le parlait pas.
Il connaissait également le latin et, je crois, le grec.

A propos de ses œuvres traduites en espagnol, il y a eu :
El hombre y los dios Ed Bruguera SA
Historia universal de las sectas y societas secretas (idem)
Historia de los mitos Ed Martines Roca.

pjd

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Critiques

Voici quelques extraits de critiques, parues entre 1962 et 1971 dans diverses revues, à propos d’oeuvres de Jean-Charles Pichon.

SAINT NERON

Alors? C’est toute une échelle de valeurs qu’il va falloir réviser. Pichon se montre extrêment persuasif. Et, faut-il l’ajouter, si la tableau qu’il fait de Rome peut sembler un morceau de bravoure, le portrait moral de l’empereur est tracé d’une plume alerte et incisive.

P. DEMEUZE « LE PEUPLE » Bruxelles, février 1962

Et nous lisons ce livre comme un roman, affolés, épouvantés, mais épouvantés de voir, et de comprendre soudain, malgré tout ce que notre éducation nous souffle, malgré vingt siècles de conspiration, malgré Le Petit Larousse illustré, malgré Racine (Et ton nom paraîtra dans la race future – Aux plus cruels tyrans une cruelle injure), de comprendre donc que Néron fut la victime d’une honteuse injustice. Car nul doute possible: c’est Pichon qui a raison, pas Racine, ni Auguste Bailly, ni Abel Hermant, ni même Renan, ni tous les falsificateurs de l’histoire qui ont voulu que Constantin fût le premier empereur chrétien.

Voilà donc pourquoi Néron, Tibère, Gilles de Rais et Juas (sans parler de Lucifer, qu’Anatole France fut le premier à réhabiliter dans la Révolte des anges) trouvent aujourd’hui tant d’ardents défenseurs.

Juste retour des choses. Puisque les purs sont avilis, puisque l’enfant qu’on égorge est dans son tort, puisque les tortionnaires sont acquittés, il est bien, il est heureux que des voix s’élèvent pour défendre aujourd’hui ceux que leurs contemporains tenaient pour des monstres. Ainsi, plus tard, par un « curieux renversement » propre aux temps futurs, peut-être l’enfant, peut-être la femme, morts sous les coups, seront-ils enfin vénérés.

Michel BREITMAN  « FIGARO LITTERAIRE », Février 1962

Qu’on soit converti par Jean-Charles Pichon ou non, il faut lire son livre si brillamment audacieux, frémissant d’une foi aussi: celle de la vérité, miroitant de tous les éclats d’une intelligence aigüe, vibrant et vivant. Et prions Saint Néron pour qu’il protège notre auteur, le sauve du Cirque où chrétiens et historiens pourraient bien le déchirer, le croquer tout cru.

Jacques BLOCH-MORHANGE « LA NOUVELLE GAZETTE », Charleroi, Février 1962

C’est une tâche fort difficile et périlleuse que de prendre ainsi la légende à rebrousse-poil mais l’auteur a accepté le risque de ce démenti qu’il apporte: Néron est un chrétien, il est même un véritable Saint, un être tout de générosité et de justice. Le dossier de Jean-Charles Pichon est stupéfiant. Mais on ne lui découvre pas de faille. Voilà de quoi nous surprendre.

BARNIER, Octobre 1971

The work is prepared in a serious vein and presented as fact, not a practical joke à la Pierre Louÿs. It may lead to a reappraisal of the history of the two centuries of the Christian era and is certain to set off another Marlowe-Shakespeare or Corneille-Molière type of controversy.

Theodore TOULON BECK Centenary College of Louisiana, 1963

Réhabiliter Néron qui passe pour le monstre des monstres de l’histoire: telle est l’ambition et tel est le propos du livre de J.-Ch. Pichon. Il nous livre le fruit de longues recherches passionnées et entend prouver que Néron fut converti par Saint Paul. Un saisissant tableau de la Rome impériale rend ce livre discuté d’un intérêt incontestable.

« L’ECHO », Lyon, Août 1971

LES CYCLES DU RETOUR ETERNEL

Le royaume et les prophètes

Les jours et le nuits du cosmos

Troublant est le qualificatif qui revient le plus souvent sous la plume des commentateurs, et aussi « prodigieusement excitant pour l’esprit », et encore: « un livre qui nous contraint à nous interroger sur notre propre destin ». C’est que jamais on n’avait rassemblé et mis en oeuvre une telle somme de connaissances, interrogé si passionnément les vieux mythes, ouvert tant de portes tenues closes. Avec « Les jours et les nuits du cosmos », l’entreprise se poursuit, l’édifice s’élève: nul ne pourra désormais l’ignorer.

« COULEURS », 1963

Un ouvrage à la lecture duquel l’humaniste moderne trouve singulièrement matière à réflexion.

René VIGO, « LA VIE JUDICIAIRE », Avril 1964

M.Jean-Charles Pichon est une figure étrange de la littérature aujourd’hui, une figure en marge. Romancier de « La vie impossible », de « Il faut que je tue M. Rumann », de « Joseph Maldonna », de « La loutre », pour ne citer que ces titres-là, il montre un talent sobre et puissant. Son affaire est la vie, le réel, bref, dans ses romans, il est l’homme quotidien, l’homme de chaque jour, comme il se doit. Mais, parallèlement à cette oeuvre tirée de la terre et des hommes, se développe une autre oeuvre qui en appelle aux vieux rêves de l’humanité, avec des titres tels que « Saint Néron », « Ceci est mon corps », ou bien encore « Nostradamus ou le secret des temps ».

Tout cela est bien troublant, et ce livre fort original se lit avec la plus étrange des passions: c’est nous-mêmes que nous cherchons à découvrir dans notre propre destin.

Henry BONNIER, « LE SOIR DE MARSEILLE », juin 1963

L’HOMME ET LES DIEUX

Personnellement, dans une époque de lassante médiocrité, je ne sais rien de plus prenant que ces histoires thématiques de l’Humanité, que ces recherches des grands mythes qui soulèvent le cours du temps comme autant de coups de vent du large… Mais existe-t-il seulement un « cours du temps »?

Par cet ouvrage magistral, et après Nietzsche, Schopenhauer, Maspero, Drieu la Rochelle, Mircea Eliade et bien d’autres, M. Jean-Charles Pichon s’inscrit parmi les grands contempteurs de l’Absolu.

Christian DEDET, « REVUE DE PARIS », Janvier 1966

Jean-Charles Pichon réussit ce que Teilhard de Chardin, d’après certains a raté. A savoir la comparution au tribunal de la Raison, de toutes les mythologies, aussi bien les faussement dites païennes, la chrétienne, la juive, que celle de demain quand les Dieux inventés par la science, dans leur temple alors unique au monde nous obligeront à suivre la liturgie de la nouvelle Ere (du Verseau, et voir le livre là-dessus du même auteur). Livre miraculeusement, incroyablement savant; l’auteur a épluché toutes les sources religieuses de notre boule ronde, s’est informé auprès des plus sûrs historiens, archéologues, ethnologues.

Adolphe de FALGAIROLLE « LES TABLETTES DE PERONNE », Août 1965

Faites-en votre deuil, Monsieur Pichon, jamais les docteurs hauts en cravate ne vous accepteront parmi les leurs. Vos défauts sont énormes et patents. D’abord, vous osez ne point vous montrer pesant, et ne pas confondre érudition avec noir ennui, ne pas rédiger votre livre avec l’encre grise propre aux thèses universitaires.

Quant à vos idées, elles n’apparaîtront révolutionnaires qu’aux mal informés.

Ce qu’il y a de neuf chez vous, c’est de placer ces cycles dans l’ordre strictement spirituel (un peu comme Comte avec ses trois âges de l’esprit, mais il n’admettait pas de retour en arrière), de brosser une thématique religieuse, et une description des modalités de l’esprit religieux au cours des millénaires.

Votre ouvrage est de ceux qui se révèlent plus riches encore par les problèmes qu’ils soulèvent, les discussions qu’ils suscitent, que par leur contenu propre. Vous ne m’avez pas convaincu, mais vous m’avez passionné, et je puis promettre à vos lecteurs qu’une fois tournée la première page, ils seront pareillement empoignés, séduits ou peut-être exaspérés, mais à coup sûr pas indifférents.

Jacques Van HERP « FICTIONS », Novembre 1965

Nous allons donc, à lointaine échéance, vers une nouvelle époque de foi. Dans mille ans, un nouveau Moïse, qui sera en même temps un nouveau Charlemagne (il y a 2150 ans d’acart entre eux) sera le signe de la victoire du « dieu du Verseau ».

Un souffle prophétique anime les 600 pages de M. Pichon.

Philippe SECRETAN « LA TRIBUNE DE GENEVE », Juillet 1965

Si les livres de MM. de Marquette et Bourboulon demeurent accessibles, ceux de MM. Pichon, Richard et Mouravieff plongent dans des profondeurs telles qu’il faudrait des années pour les étudier à fond. Sans doute en valent-ils la peine. Le moins qu’on puisse dire est qu’ils nous ouvrent des portes sur des horizons aussi vastes qu’inattendus.

« NOUVELLES LITTERAIRES », Juillet 1965

L’HISTOIRE UNIVERSELLE

DES SECTES ET SOCIETES SECRETES

Les sectes et sociétés connues et inconnues se succèdent et se rencontrent dans cette remarquable étude. Tout un monde de mystère défile, vu sous plusieurs angles. Beaucoup de ce que l’on désire savoir nous est expliqué.

Marthe T. ROY « LE SOLEIL », Canada, 1969

Si je consacre un article à l’oeuvre de J.-C. Pichon,ce n’est pas seulement qu’elle représente une véritable somme dans ce domaine, mais aussi parce que ses deux livres sont indispensables pour la compréhension de l’histoire des idées (mythologie, symbolisme, religions, philosophies) sur le plan universel.

A. CHEDEL « L’IMPARTIAL », Juin 1969

Cet esprit indépendant ne néglige pas de se référer aux savants travaux d’érudits de tendances différentes: Eliade, Caillois, Lantoine, Dhorme, Corbin pour ne citer que quelques noms.

« COOPERATION », Juin 1969

Dans cette collection des « Enigmes de l’univers », l’Homme et les Dieux avait connu un vif succès. L’ambition du présent ouvrage est tout aussi vaste.

On reste confondu devant l’érudition que représente l’étude de tant de mouvements, sectes, groupements aussi bien asiatiques qu’occidentaux répertoriés du Moyen Age à nos jours.

Cette histoire extrêment nourrie s’inscrit parmi les essais de recherche d’une pensée vitale pour notre époque.

Ch. BURUCOA « NOUVELLES LITTERAIRES », Mars 1969

NOSTRADAMUS EN CLAIR

Par sa double découverte de la grille et du calendrier nostradamien, Pichon ne résout pas seulement l’une des énigmes les plus célèbres des temps modernes. Il nous offre une grande oeuvre poétique et mystique, vieille de quatre cents ans et inédite à ce jour.

D’autre part, il nous rend compréhensible le processus de la prophétie, fondée sur la science des structures mythiques et sur la croyance au retour éternel. Il contribue ainsi à ouvrir aux esprits curieux ou angoissés un champ illimité d’étude et de réflexion. Il leur propose d’autres problèmes spirituels, auprès desquels « le secret de Nostradamus » n’apparaît plus qu’un jeu.

« LE MERIDIONAL LA FRANCE », Mai 1971

L’extraordinaire travail de Jean-Charles Pichon montre, pour la première fois, une cohérence dans l’oeuvre de Nostradamus. Vingt-deux siècles d’histoire, du 16è siècle au 28è siècle doivent aboutir, selon l’auteur, à une conjonction des vieilles antinomies: dialectique et harmonie, égalité et hiérarchie, lumière et ténèbres, esprit et verbes…

…Et de citer Marc-Aurèle: « Il ne servirait à rien de vivre des siècles: car ils sont tous contenus en une courte vie d’homme ».

« TECHNIQUES NOUVELLES », Bruxelles, Août 1970

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De la vie impossible à l’oeuvre impossible

Comme le dit Jean-Charles Pichon, « il n’importe pas de réussir sa vie, mais de l’accomplir« . Aller du possible vers la durée, en somme, et y mettre « patience et passion« . Que la propre vie de notre ami soit une illustration de cette idée, cela n’est que trop évident. Mais, ignorant tout de sa première oeuvre, sinon le peu qu’il disait dans « Un homme en creux« , je ne laissais pas d’être intrigué par ces titres de romans imprimés au début de ses ouvrages mythiques, comme la mémoire d’une vie antérieure. Ces titres me plaisaient, ils me parlaient par leur force et leur pouvoir évocateur, leur énumération formait en quelque sorte les vers d’un poème – un ensemble cohérent. J’aurais aimé lire ces livres introuvables, mais je me demandais surtout de quelle façon ils participaient de l’accomplissement singulier de leur auteur.

J’étais intrigué par ce passage de la fiction au mythe, et je sentais peut-être confusément que la première avait mené au second, ou bien, pour mieux dire, qu’elle n’était pas sans rapport avec l’oeuvre à venir – malgré le peu de cas que Jean-Charles semblait en faire lui-même.

Et puis Jean-Paul Debenat m’a fait cadeau de « La vie impossible« , le premier des romans. Le hasard avait bien fait les choses. J’aime appréhender les phénomènes dans leur dimension temporelle. Il me plaît de découvrir un auteur en suivant l’ordre même qui s’est imposé à lui dans sa démarche créatrice, les diverses étapes de sa « nécessité intérieure » (Kandinsky). Or j’ai été frappé de constater, en lisant cette « Vie impossible », à quel point j’avais vu juste. J’écrivais donc à Jean-Charles, le 7 janvier 1997: « Au-delà de la tentation, un peu superficielle, d’y voir tel ou tel élément autobiographique, je sens qu’il s’est agi, bien plutôt, d’une vision prémonitoire. J’ignore si le jeune homme que vous étiez se sentait aussi clairement habité par un dieu que Jean Desanges [héros  de « La vie impossible »], mais le fait est que vous êtes devenu essentiellement cela, un homme habité par un dieu. Quant à celui-ci, il est intéressant de constater, dans le roman, une certaine ambiguïté, ou plutôt un conflit entre le Christ, l’Amour, et un dieu, d’essence dyonisiaque, que je suis tenté d’assimiler au Verseau; c’est la fusion dans la nature comme dans un absolu, la contemplation des roches et des fleurs, une vie qui ses satisfait d’elle-même. Et cet amour de la nature n’est-il pas une négation de l’Amour? La démonstration de sa non-nécessité? A la fin du roman,, même Solange-Elvire n’est plus nécessaire au jeune homme, qui n’a pas plus besoin d’elle que des autres pour vivre. VIVRE, en effet, voilà l’essentiel. Et ce simple mot de vient le nouveau credo de Jean (…Baptiste Constant?), qui renoue par là avec son enfance amoureuse des choses, du concret, du vivant. Et n’est-ce pas à la fois le credo et le destin de Jean-Charles Pichon, en la dernière page du roman :Vivre longtemps et vivre libre, en marge, de plus en plus, des tyrans? »

Puis je remarquais que la trilogie, qui se poursuivait avec « L’épreuve de Mammon« , trouvait sans conclusion dans « La liberté de décembre« . Et je concluais ainsi: « La liberté, bien sûr – dans le décembre mythique, ne se vit-elle pas dans l’instant? »

Mais je demandais jusqu’à quel point « cette lucidité qui transparaît dans le texte » était consciente. J’avais lu de puis longtemps « Un homme en creux » et y avait vu les dernières étapes de la transformation de la pensée du romancier-reporter en la pensée du mythologue. Mais j’en savais trop peu encore encore sur toute la période précédente – la jeunesse, pour comprendre réellement de quel terreau commun avaient pu surgir l’oeuvre littéraire et l’oeuvre mythique. Pour comprendre qu’elles forment en réalité les deux véhicules d’une recherche unique. Car de même que le mythe était déjà présent dans l’oeuvre romanesque, la fiction a toujours sa place dans l’oeuvre mythique, comme en font foi de nombreux textes écrits au cours des vingt dernières années.

J’en étais là de mes réflexions quand, il y a quelques mois, j’ai pu mettre la main sur un exemplaire de « L’autobiographe« , paru chez Grasset en 1956 dans la collection Rien que la vie (sic). Entreprise après la mort de sa première femme, France Guy, cette première autobiographie de Jean-Charles est une entreprise de révélation de soi. Justement, on entre tout à coup dans autre chose que la littérature, au-delà même de l’autobiographie. Cet arrachement, long et douloureux (du 15 septembre 1955 au 28 mai 1956), des voiles de l’individualité est un extraordinaire effort de révélation de l’être, qui s’appuie sur une analyse rigoureuse des journaux intimes. La queste, ici de vérité totale, ne peut être obtenue qu’au prix d’une négation de la personnalité, telle qu’on la conçoit couramment. Apparaît ici l’idée se développant au fil de l’oeuvre: chaque individu est multiple, porte en soi la diversité de ses semblables, et ainsi participe de l’être.

Le livre narre toute la jeunesse de Jean-Charles Pichon et nous le montre tel qu’il est toujours, de ce point de vue: il écrit pour vivre, à défaut d’en vivre, et déploie son art dans les trois formes éternelles que sont la fiction, l’essai et le journal. Il passera du théâtre au roman, ne cessera jamais d’écrire son journal, et très tôt essaiera de fixer les éléments d’une théorie qui, transfigurée, nourrira toute l’oeuvre mythique. Il est frappant de lire dans « L’autobiographe » des passages comme celui-ci:

« Ainsi, ce que je nommais la continuité n’était pas le passé, mais le lieu de rencontre du présent et de l’avenir; ce que je nommais la présence n’était pas le présent, mais le lieu de rencontre de l’avenir et du passé, d’une certaine ouverture de soi au monde et de l’habitude de soi-même. » De même, « je ne doutais pas que le passé, le présent, l’avenir étaient des mots dépourvus de sens. Il n’existait rien que des formes d’être différentes du temps, ou, plutôt, de tout rapport possible  entre l’univers et l’homme ». Et dans la même page 272: « Je ne doutais pas davantage que, sous l’optique du temps réel, l’impossible devait apparaître possible, l’avenir, ou mieux: le devenir – troisième rapport de l’homme au monde – n’étant que le lieu de rencontre de ma situation présente et de ma projection dans la continuité. »

On retrouve aussi dans « L’autobiographe » la genèse des grands principes de « L’éthique », qui prendra une importance capitale dans l’évolution de la pensée de Jean-Charles Pichon. Cette « Introduction à une morale sensuelle, mystique et raisonnée » sera publiée en 1945 dans la revue Prétextes. La synthèse du système « tenait en cinq pages de définitions et en trois axiomes et se présentait comme un condensé de géométrie, où les signes eussent été remplacés par des mots ». L’axiome premier se formulait ainsi: « Toute libération d’un lieu est condition d’un autre lieu », une idée véritablement centrale dans l’oeuvre mythique de Jean-Charles Pichon. Ce travail théorique s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui et a trouvé son aboutissement dans « La Question et le Jeu« , sorte de précis de la géométrie temporelle qui est le lieu de déploiement de l’être.

Ce qui auparavant était pour moi si mystérieux, l’incursion soudaine dans l’univers du mythe à la fin des années 50, qui aboutit bientôt à la publication de cette oeuvre monumentale qu’est « L’homme et les dieux » (écrite en moins de deux ans!), puis de tous les livres qui s’enchaîneront comme machinalement, m’apparaît maintenant sous son vrai jour. En vérité, Jean-Charles Pichon est l’homme d’une seule queste, dont le visage s’est peu à peu précisé sous l’effet de son propre cheminement. Il a marché sur un chemin qui mène quelque part, inéluctablement, empruntant tour à tour les voies du beau, du bien et du vrai – de la fiction, de l’essai et de l’autobiographie.

Il me semble donc qu’il convient d’étudier son oeuvre telle qu’en elle-même, dans la cohérence de sa totalité.

Je viens de localiser un exemplaire de « Borille« .

André Lemelin, le 1er mars 1999

« Les Portes de Thélème », N°3, juillet 1999

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André Lemelin



ANDRE LEMELIN,

L’EXIGENCE DU MOT JUSTE

André Lemelin habite la belle ville de Québec. Il est l’auteur d’ouvrages historico-sociologiques sur les institutions de la province du Québec. Et depuis des années, il écrit des poèmes, modeste, silencieux et inspiré.

Il fut l’ami – il le demeure – de Jean-Charles Pichon. Il lui rendit visite un jour à Blain, près de Nantes. Ce fut une rencontre des plus importantes, pour J.-C. Pichon et surtout pour André Lemelin.

On trouve des traces des échanges entre les hommes dans le recueil The Ballads of Frank Finnegan, Ed. Codex, Sainte-Foy (Québec), Canada, 2001. Le recueil est bien sûr rédigé en français, à l’exception d’un texte « introductif » en anglais, non daté. Il semble d’ailleurs anonyme mais Frank Finnegan – André Lemelin se cache, ou se montre  sous ce pseudonyme – en est à coup sûr l’auteur.

Il y déclare que son livre est « en réalité un journal, le recueil d’évènements intimes tels qu’ils se produisirent comme le reflète le soin que prit l’auteur à respecter l’ordre chronologique de ses écrits. »

Ainsi, « Codex Animi » (2ème partie) ressemble beaucoup plus à quelque matériau brut que « Maritimes » (1ère partie – il y en a 4 en tout). Pourrait-on trouver la réponse derrière le voile de ce vers fameux placé en frontispice du livre : « Le Temps se souvient de l’espace » [ma traduction] ?

Permettez-moi d’ajouter une remarque. En effet, suite à ce préambule en langue anglaise, fort élégant, on trouve la table des matières :

–         Maritimes

–         Codex Animi

–         Du possible vers la durée

–         Vivre

Après le titre « Maritimes », la phrase « le temps se souvient de l’espace » se détache sur la page suivante.

André Lemelin l’imprime donc deux fois, en anglais puis en français.

Or, deux pages auparavant, on a pu lire ceci :

« Pour Jean-Charles

Qui sans le savoir m’a aidé à vivre

Pendant ces années ».

Jean-Charles aura contribué à la fidélité de Finnegan/Lemelin à son œuvre de poète silencieux, solitaire et exigeant avec lui-même. Tenez, considérez ceci :

« La prescience est le plus beau des sentiments. Nous ne pouvons plus être des chroniqueurs de la mémoire. L’urgence nous commande de lever la tête et d’en user comme d’une antenne, d’un miroir parabolique branché, en amont, sur l’aval du fleuve. Il s’agit de se représenter l’embouchure du temps. Et de ramer dans le bon sens, pour faire que la douleur nous amène au bon endroit, puis s’efface. » (le 18 mai 1978).

Puis ceci, tiré du recueil Le Vol de l’Instant – Carnets 1997-2007 :

« L’encre est plus noire que le noir

La plume, plus oiseau que l’oiseau

Le bec, plus sonore que le chant

L’envol, plus lointain que la mer ».

Ceci encore :

« Lorsque la voile gonfle le vent

L’homme peut parcourir le temps ».

J’allais oublier ceci :

« La braise luit sous la cendre

La nuit s’oublie sous les violons

La pensée sort de la planète

Et va chanter sous d’autres feux ».

Les premiers mots de l’introduction au texte « Palimpseste » in Le Vol de l’Instant précisent que « Toute vie est palimpseste », formule qui aurait séduit Jean-Charles Pichon.

Il suffit de quelques lignes pour entrevoir le monde poétique de Frank Finnegan :

« La vie est une éternité dont on s’éveille tout à coup ».

On goûtera ses propos sur le haïku avant d’aborder Silences, recueil de 100 haïkus.

« Le haïku est l’une des manifestations de la « japonitude » classique, à l’époque où Yeyasu impose la paix aux barons et met l’empereur en cage. On entre dans l’ordre parfait, assuré par une dictature efficace, et le pays se referme sur lui-même dans un instant éternel, extasié devant sa propre perfection, qui rappelle l’ordre même de la nature. L’ordre qui règne est harmonie, et ses gardiens se plaisent à méditer sur le caractère même de l’existence, cet infini déroulement de la conscience qui va d’un instant lucide à un lucide instant, et se fait chute et saut, nage, mouvement, soc et sillon, chemin et perception du chemin qui va… Les roses pétales du cerisier, le destin de l’eau qui va vers elle-même, la vie qui passe et n’est que ce passage. Le bouddhisme, l’autre grande religion de l’Amour, semble s’être intégré à l’âme japonaise, au point d’en constituer l’un des principaux versants. L’individu n’est qu’une incarnation provisoire d’un principe animé universel, une petite flamme fragile, mais ô combien persistante, condamnée à connaître à jamais, ou presque, cette souffrance qu’est la vie. Il est esclave d’une sorte de loi naturelle implacable et aveugle, dont les arrêts tombent comme ceux d’une certaine physique. C’est comme ça. Et seul sera délivré de cet enfer celui qui se sera fait Bouddha à son tour. Tout est circulaire, comme cette logique même, qui dit que seul le délivré sera libre. L’illumination est au fond indescriptible et inconnaissable, comme l’univers lui-même. N’espérons pas sottement, en cette existence-ci, gagner le nirvâna comme un gros lot, mais considérons lucidement la perspective, efforçons-nous vers la perfection, qui porte en elle le germe de la délivrance, engrossée par l’harmonie. Dans les écoles japonaises, le bouddhisme prend une allure volontiers esthétisante et ritualisée, qui trouve son pendant dans plusieurs expressions culturelles. Il y a la cérémonie du thé, et, pourrait-on dire, la cérémonie poétique. La poésie classique pose un regard amoureux, mais retenu sur le monde. Cet art est fait de petites touches subtiles, de fragments concis, de petits coups de brosse s’essayant à tout dire en disant l’essentiel, tel qu’il se manifeste dans le trivial, dans l’évidence de l’éphémère. La seule action digne de l’homme consiste alors à créer de la beauté tout en affirmant le côté dérisoire de l’existence. Il s’agit de réformer la vie humaine par cet embellissement, de lui rendre un peu de la splendeur du monde. Le haïku est la traduction, comme sur une plaque de verre, de micro-moments de réalité/conscience. Une humble contribution à la peinture du monde, un chant du dérisoire qui est en même temps une preuve et un chant d’amour. »

« Le poème n’est pas un à-côté de l’existence, mais il la recouvre : ce que montrent les mots, c’est la vie elle-même, et « plus que la vie ». Jean-Charles Pichon, Reliefs, Editions e-dite, Paris 2009.

Jean-Paul DEBENAT

Février 2010

Note : Le recueil de Frank Finnegan (alias André Lemelin) est disponible à l’adresse suivante : Codex 984, avenue Duchesneau Sainte-Foy(Québec) Canada G1W 4A9

Silences

1

Au bout du respir

Pour un peu, tout l’avenir

Calmé dans l’instant

5

Le reflet sur l’eau

Tout à coup, comme un cadeau

De l’inanimé

9

Garder un secret

L’exposer aux yeux de tous

Ne pas être cru

15

C’est l’enfant qui va

Sa route n’est pas tracée

Être : liberté

16

Il pleuvait déjà

Sur la neige corrompue

Promesse d’été

30

Quand il fut parti

Au-delà de toute nuit

Il fut près de moi

35

Langue des oiseaux

À la recherche du sens

J’ouvre mes ailes

39

Je ne comprends plus

Ce qui est ne jure plus

Que par le néant

42

La porte franchie

Les deux pôles réunis

L’Un se réjouit

46

Les feuilles, enfin

Se déploient comme une fin

Qui veut commencer

48

C’est un moi de mai

Qui te dit sans aucun mais :

« Demain, je t’aimais »

49

Plus loin que le non

Affronte le non du non

Et trouve le oui

59

Marcher et dormir

Contribuer au réel

Vivre sans permis

67

Se savoir mortel

S’installer dans la durée

Présent éternel

68

S’approcher du but

Le repousser sans merci

En tirer espoir

71

Prison du haïku

Courte laisse de l’idée

Ne me quitte pas

80

J’aurai tout vécu

Toute mort et toute vie

Quand je serai né

95

Rien n’est arrivé

Qui ne soit déjà changé

En futur passé

99

Je n’ai pas couché

Dans le lit de la pensée

Sans être invité

100

Comme une rosée

Une caresse posée

Un souffle dernier

Illustration Pierre-Jean Debenat

Le vol de l’instant

Ce n’est pas nous qui questionnons : c’est l’univers tout entier qui s’interroge sur sa propre existence et met tout en œuvre pour perpétuer l’acte de création par quoi il cesse à chaque instant de ne pas être. Toute existence est ce rituel par quoi elle célèbre, non pas elle-même, mais le fait extraordinaire qu’elle puisse être. C’est pour cette raison que l’existence est consubstantielle à la conscience.

~

Le temps est une auto-abolition ad infinitum, et c’est en cela, précisément, qu’il est, et rend possible toute manifestation. Rien ne saurait être sans lui. Mais à l’inverse il peut être tentant de penser que ce sont les choses, par leur existence même, qui le mettent en marche en se maintenant. En réalité, la question est fausse, puisque ni l’un, ni les autres ne peuvent avoir d’existence propre. Le couple choses-temps forme le réel, et celui-ci finit par susciter, en certaines « choses », le regard conscient capable d’appréhender ce qui précède – et de prévoir et d’appeler ce qui suit.

Le commencement ne cesse jamais d’exister, ni de tomber dans la suite, dont il ne cesse de renaître.

~

Frank Finnegan

Illustration Pierre-Jean Debenat

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Jean-Charles Pichon / Julien Debenat

Auteur d’une soixantaine d’ouvrages, décédé le 21 juin 2006 à l’âge de 86 ans, cet homme a passé sa vie à explorer de diverses manières (poèmes, romans, essais, conférences, …) les relations entre les hommes, les Dieux et les mythes. Il a beaucoup travaillé sur les cycles, d’après Platon, Nostradamus, Paracelse, Nicolas de Cues, … Il a étudié les livres sacrés, de Gilgamesh au Coran, ainsi que les auteurs prophétiques et/ou ésotériques (Rimbaud, Poe, Jarry, Roussel …) Nous souhaitons ici rendre hommage à son oeuvre, une oeuvre marquée par le symbolisme, l’ésotérisme et l’astrologie. Une quête du sens qui bouscule, et nous oblige à nous cramponner, ou à renoncer, à quelques-unes de nos convictions.

Mise en garde : attention, article à caractère ésotérique !!!

« Peuple d’ombres ! Vous qui grimpez sur les crêtes des montagnes, qui courez le long du rude sentier pierreux, qui regardez en avant vers le sentier crépusculaire, errant au milieu des neuf tombeaux où nul mensonge n’est permis, asseyez-vous, les jambes croisées, près de la cabane. Ecoutez le vieillard qui parle depuis le monde des morts, qui vous parle du monde d’En Bas, celui-là qui a construit comme de paille séchée la Localisation. Comprenez-vous ce qu’il dit ? » (prière toungouse), en exergue à La folie-Merlin. [1]

Parler d’ésotérisme, c’est risquer de passer pour un farfelu, un doux-dingue, voire un dangereux adepte d’une dangereuse secte. Turlututu chapeau pointu ! Nous sommes cependant des êtres spirituels, nous avons tous nos croyances diverses, et nous vivons entourés des symboles qui les expriment. Jean-Charles Pichon a consacré sa vie à écouter la voix des symboles, à tenter de les comprendre, et essayer d’en rendre compte. Nous allons ici essayer de définir les principes essentiels de son travail sur les croyances humaines. Nous demandons par avance d’excuser toute schématisation excessive, quasiment inévitable dans un article court parlant d’une oeuvre importante.

Il s’agit d’une oeuvre inspirée, audacieuse, plus libre qu’une littérature scientifique, sociologique ou historienne. D’un autre côté c’est une oeuvre bien plus savante, plus rationnelle, et plus sérieuse qu’une certaine littérature « nouvel âge » dont elle se rapproche par les thèmes principaux : les Dieux, les cycles, l’attente du verseau. Une oeuvre en marge.

Une vie consacrée à l’écriture.

Jean-Charles Pichon a commencé à écrire à l’âge de 13 ans, et n’a jamais cessé depuis. En 1945, il publie dans la revue « Prétextes » « L’Ethique, introduction à une morale sensuelle, mystique et raisonnée », un texte qui contient en germe les idées-forces de son oeuvre future.

De 1946 à 1958, il publie des poèmes, des pièces de théâtre et des romans (Prix de la Liberté en 1947 pour « La liberté de Décembre », Prix de la Société des Gens de Lettres en 1955 pour « Les clés et la prison », prix Sainte-Beuve en 1960 pour « il faut que je tue M. Rumann »). Il écrit aussi des scénarios et des dialogues de films (notamment « la tête contre les murs » de G. Franju, 1957, et Les Dragueurs, de J-P Mocky, 1958).

À partir de 1959, il alterne :

des oeuvres ésotériques : « L’homme et les dieux » en 1965, « Histoire universelle des sectes et société secrètes » en 1969, « Néron et le mystère des origines chrétiennes » en 1971, « L’Islam dans le Coran » en 1981, … « Les litanies de dieux morts » en 2001.

des romans : « Le temps du Verseau » en 1962, « Borille » en 1966, « La terrasse du Dôme » en 1982, « le fonctionnaire déplacé » en 2001, « la folie Merlin » en 1986, et « le retour à la ville » en 2004.

des autobiographies : « l’autobiographie » en 1956, « Un homme en creux » en 1973.

À la variété des genres abordés par Jean-Charles Pichon correspond un style particulier, quasiment inclassable. Au long de cette oeuvre multiforme se pose sans cesse la question de la relation entre croyance, croyant et objet de la croyance : le mythe, l’homme et le Dieu. Le travail sur le symbolisme et l’ésotérisme des grandes croyances et des grands mythes de l’humanité, semble se situer pour Jean-Charles Pichon au-delà, ou à côté de la question de l’existence ou de l’inexistence des dieux ou de Dieu. Jean-Charles Pichon a beaucoup répété, surtout vers la fin de sa vie : « je ne fais que constater ».

Ier constat : il y a des Dieux.

Ils font partie de l’Histoire, ils sont présents à l’esprit des hommes, ils en obsèdent certains, en laissent d’autres perplexes ou dégoûtés, mais Ils sont.

Ils sont nos croyances, car tout homme croit en quelque chose : en un Dieu unique, en de nombreux dieux de la nature, en la science, en la raison, en l’amour,…

Les Dieux existent par les croyances et les mythes, et à travers toute la créativité humaine : rites, contes, chants, danses, paroles,… Un Dieu ne se postule pas, pas plus qu’il ne se démontre (« Qu’est-ce que je démontre, sinon ce que je crois ? »La folie-Merlin).

Il se constate, ou Il ne se constate pas.

Les notions de Bien et de Mal sont inatteignables à ce niveau du seul constat.

Croire, c’est ressentir une présence. Ne pas croire, c’est ressentir une absence.

Qu’est-ce qu’un Dieu ?

Pour Jean-Charles Pichon, comme pour de nombreuses traditions religieuses, Dieu a différents noms. Il est multiple et un, immuable et changeant. Donner une seule réponse à la question « qu’est-ce qu’un Dieu ? » est alors très difficile car un Dieu « n’est qu’une des qualités que l’humain prête à l’inintelligible. On peut donc qualifier ce qu’on ne comprend pas […] Mais Dieu me devient intelligible lorsqu’Il m’habite, bien que je ne puisse le qualifier. Je peux donc comprendre ce que je ne peux nommer »La folie-Merlin.

2ème constat : Il y a des cycles.

Nous l’avons dit, Dieu, ou les dieux, sont absents ou présents, se constatent ou ne se constatent pas. Mais de plus il y a alternance de la présence et de l’absence. Tout comme le doute envahit parfois le croyant, la croyance elle aussi hante le doute. Citons pour exemple Emil Cioran (qui passe, sans doute à tort, pour un grand sceptique moderne) : « Il m’est impossible d’avoir la foi de même qu’il m’est impossible de ne pas penser à la foi. Et la négation prend toujours le dessus. Il y a en moi comme un plaisir négatif et pervers du refus. Je me suis mu toute ma vie entre le besoin de croire et l’impossibilité de croire. » Entretien avec Gabriel Liiceanu. [2]

Ceci rejoint un poème du soufi Omar Khayam :

« La distance qui sépare l’incrédulité de la foi n’est que d’un souffle, celle qui sépare le doute de la certitude n’est également que d’un souffle, passons donc gaiement cet espace précieux d’un souffle, car notre vie aussi n’est séparée de la mort que par l’espace d’un souffle » Omar Khayam, Les Roubayates, quatrain N° 32. [3]

Qu’est-ce qu’un cycle ?

Ce souffle dont parle Omar Khayam est précisément ce cycle, cette respiration entre deux choses tenues pour opposées. Il y a des cycles courts, et des cycles longs, des cycles contenus dans d’autres cycles. Puisqu’il y a des cycles, il y a des régularités, et une mathématique des cycles. Rien de plus normal.

« Le triangle d’Aristote démontre que toutes les droites abaissées de son sommet coupent toutes les bases en autant de points chacune, ces droites seraient-elles en nombre infini, c’est-à-dire que le plus grand est comme le plus petit. Un théorème indiscutable. L’imbécile seul y voit une affirmation religieuse ou hermétique. » La folie-Merlin.

À l’échelle de l’Histoire de l’humanité, Jean-Charles Pichon constate, après d’autres, une régularité des cycles de présence et d’absence de la divinité, en d’autres termes de l’apogée et du déclin de toute grande croyance. La plupart de ces cycles divins sont constatables historiquement. Ce souffle, ce cycle, que Jean-Charles Pichon appelle aussi un « battement de cœur de Dieu », dure 2160 ans. C’est la durée évoquée par Platon dans le Timée.

Ce Dieu qui se présente ou s’absente, qui s’approche et s’éloigne, est-ce le même Dieu, est-ce un autre ? Jean-Charles Pichon semble ne jamais se déterminer sur ce point, laissant chacun libre de décider pour soi, en son âme et conscience.

Le Zodiaque : un outil parmi d’autres.

Le zodiaque est un outil symbolique permettant d’approcher et de nommer les figures et les qualités des cycles divins successifs. Chaque tradition a élaboré ses propres symboles, le zodiaque n’est que l’un d’eux.

zodiaque : nom masculin (latin zodiacus, du grec dzôdiakos, de zôon, être vivant ou animal)

Zone de la sphère céleste qui s’étend sur environ 8° de latitude de part et d’autre de l’écliptique, et dans laquelle on voit se déplacer le Soleil, la Lune et les planètes principales du système solaire, sauf Pluton.

« Le zodiaque est partagé depuis l’Antiquité en douze signes, qui s’étendent chacun sur 30° de longitude : le Bélier, le Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Lion, la Vierge, la Balance, le Scorpion, le Sagittaire, le Capricorne, le Verseau et les Poissons. Ces signes portent les noms de constellations avec lesquelles ils coïncidaient il y a environ 2 000 ans. À cette époque, le passage du Soleil par le point vernal (équinoxe de printemps) coïncidait avec son entrée dans le signe qui abritait la constellation du Bélier. Mais, par suite du phénomène de la précession des équinoxes, le point vernal rétrograde sur l’écliptique à raison de 50,26″ par an, soit de 30° (ou un signe du zodiaque) en 2 150 ans. Il existe donc actuellement un décalage d’environ une unité entre les signes du zodiaque et les constellations correspondantes. D’autre part, il existe une treizième constellation, Ophiucus (ou le Serpentaire), entre le Scorpion et le Sagittaire, que le Soleil traverse dans son mouvement apparent annuel dans le ciel, mais à laquelle ne correspond aucun signe du zodiaque. » (source : différentes sources internet)

3ème constat : dans l’alternance, il y a changement.

L’outil du Zodiaque, aussi imparfait soit-il, permet tout de même de nommer les différents cycles de 2150-2160 ans.

Actuellement, nous sommes dans l’attente du Verseau, caractérisé par la notion de liberté. Auparavant, il y eut les ères :

des Poissons = de l’Amour (christianisme, bouddhisme, islam).

Du Bélier = de la Justice (judaïsme, brahmanisme, confucianisme).

Du Taureau = de la Création (Babylone, Sumer, Baal).

La divinité porte à chaque cycle un masque et des qualités différents. De plus, elle offre quelque chose qui est ensuite repris. Par exemple le paradis donné puis perdu, l’alliance contractée puis brisée, et le Graal, offert puis disparu. À chaque fois, on retrouve ce rythme d’un don suivi d’une perte. Les grandes quêtes sont les moments de recherche de ce qui a été possédé puis perdu.

« Il y a eu d’abord la perte de l’Eden, et puis l’essai de trouver une issue à cet exil. Ensuite, un rejet de l’alliance avec Dieu et aussi une recherche de la façon de concilier cet écart avec la vie de l’homme ; et puis la nourriture, la nourriture qui doit venir aux affamés, à ceux qui ont besoin. Et là encore, après la perte du Graal, la recherche d’autre chose, qui se trouve être la modernisation et la mondialisation. » La leçon exemplaire, entretien avec Jean-Charles Pichon, août 2005. [4]

Qu’est-ce que le changement ?

Le changement et son attente, provoque en l’homme de l’espoir et de la crainte. D’où une période de retour en arrière, durant laquelle les êtres humains cherchent salut dans le Dieu de l’ère qui précède celle qui est en train de finir.

« Il y a quelque chose qu’on espère et quelque chose qu’on n’espère plus. Il y a la présence de l’Eden et l’exil de l’Eden. Il y a l’alliance avec Dieu et la mésalliance. Il y a la nourriture divine et puis il y a l’absence de nourriture. Il y a toujours une présence et une absence, une union et une désunion, et lorsqu’on considère l’histoire des 5000 ans sous cet angle, il apparaît qu’on ne peut pas trouver la modernisation des choses, parce qu’il y a toujours plutôt une sorte de retour en arrière et le désir de retour en arrière et en fait on ne veut pas aller en avant. […]lorsque le Graal est perdu et qu’on se trouve sans nourriture, qu’on se trouve dans le manque et que les hommes deviennent des anthropophages, et bien on va d’abord chercher dans un retour à la Justice. Depuis le 18ème siècle, les Voltaire, D’Alembert, Diderot vont chercher dans la Justice ce qu’ils ont perdu dans le Poisson-nourriture. Et finalement, ce n’est pas la Justice qui peut nous sauver, mais il faudra encore pas mal de temps pour comprendre qu’il ne s’agit pas de la Justice et que ce qui est attendu, c’est l’esprit de Liberté et que ça n’a pas grand-chose à voir avec la Justice.[…] » La leçon exemplaire, entretien avec Jean-Charles Pichon, août 2005.

Pour Jean-Charles Pichon nous sommes à l’heure actuelle, en quête de justice, sous forme de modernisation et de mondialisation. Mais pour le moment « […] on ne peut pas vraiment moderniser les choses parce qu’on tend de tout notre être, de toutes nos croyances, au retour en arrière. En fin de compte, on ne pourra pas étudier ce problème, sinon le résoudre, sans admettre l’Autre. L’Autre, c’est à dire celui qui est à côté, qui est en dehors, qui n’est pas soi, qui est aussi bien, d’ailleurs, l’autour et l’auteur, mais aussi l’aut, qui veut dire ou. » La leçon exemplaire, entretien avec Jean-Charles Pichon, août 2005.

La Localisation : savoir où on est.

L’oeuvre de Jean-Charles Pichon nous rappelle que les destins de Dieu, du monde et de l’homme, c’est-à-dire du Créateur, de la Création et de la créature, sont étroitement mêlés. Ainsi par l’étude de l’histoire, des légendes et des créations humaines, Jean-Charles Pichon s’est attaché à décrire les cycles des transformations de(s) Dieu(x). Par l’inspiration littéraire et sous une forme d’écriture qui pourrait passer pour une écriture de médium, il a tenté de formuler notre époque : l’attente du Dieu nouveau. Les pages qui suivent sont extraites d’un livre écrit en 1971.

« L’avènement d’une Croyance universelle ne doit pas tout à l’ésotérisme, qui ne peut qu’en recenser les composants. Mais la Croyance s’incarne d’abord dans une catégorie nouvelle, particulière, de citoyens ou, plutôt, de non-citoyens, rejetés de la communauté, de la cité ou de la société rationnelles.

Ce sont des artisans et des laboureurs qui ont fait le dieu de Création, les nomades le dieu de Justice, les esclaves le dieu d’Amour. Sur ces exemples, dès le siècle dernier, Hegel, puis le comte de Saint-Simon, puis Marx avait cherché à définir (rationnellement) le moteur de l’Esprit nouveau, le messianiste de la Liberté.

Partis de l’idée d’un dieu autre, d’un anti-dieu, ils avaient proposé le Révolté d’abord, puis le Créateur industriel – et le Prolétaire enfin. Depuis le début du XXè siècle, c’était un dogme, admis par les bourgeois eux-mêmes, que l’Ouvrier porte le germe du renouveau. Soit qu’ils l’encensent, soit qu’ils le briment, tous avouaient par leur action même qu’ils voyaient en lui l’espoir ou le danger, l’Avenir désiré ou craint.

Mais ce ne sont pas les prolétaires qui changent le monde, car ils ne furent pas les véritables exclus de notre Lokâyata. Nés de la fin de l’esclavage, ils ne sont que les nouveaux esclaves, incapables, comme les anciens, de se libérer. Quelque chanson sentimentale ou quelque annonce publicitaire les comblent, en relançant leur appétit.

La dévoration suffit à leur bonheur, ou des biens consommables ou des lèvres de l’aimé, parce qu’elle fut le seul espoir de l’esclave romain. On peut attendre d’eux un renouveau prochain des religions chrétiennes, ou bouddhistes en Orient ou islamiques. Sûrement pas l’avènement de la Liberté.

Pour éclairer le problème, c’est le colonisé qui doit servir d’exemple. Nous devons nous demander : quelle condition sociale, en nos Etats, ressemble le plus à celle du peuple colonisé ? Laquelle est le plus évidemment dépourvue de droits et de moyens ? Ou, plus brièvement, à l’inverse : quel est le maître en nos Etats ?

On sait qu’aux temps d’Akkad, ce fut le Citadin (de la Ville aux sept portes) : d’où l’exclusion du nomade. Mais, dans le dernier siècle hellénistique, quand le « droit de cité » donna au nomade le statut de citoyen à part entière, il n’y eut plus de citadin. Le maître se nomma le Citoyen : d’où, la condamnation de l’esclave.

Aujourd’hui, ces mots n’ont plus de sens, alors que « l’égalité devant la loi » donne à l’ouvrier tous les droits civiques, y compris le droit de vote, s’il est adulte. Il n’est d’autre maître que l’Adulte : d’où l’écrasement de l’adolescent.

Qu’il le soit par l’âge, comme en Occident, ou par une mentalité particulière – et finalement mythique – comme on le voit dans les nations nouvelles d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud, l’adolescent n’est pas à proprement parler proscrit ou condamné. Mais, comme le nomade jadis et comme l’esclave naguère, il n’a pas d’existence civique, pas de droits. Il ne vit que des privilèges qu’on lui consent et des présents qu’on lui accorde.

Car un dieu (de Création, de Justice ou d’Amour) ne peut exalter le Citadin, le Citoyen ou l’Adulte sans rejeter de la ville, du statut ou du sexe ceux qui ne l’adorent pas. S’il faut, ses prêtres créeront une classe nouvelle, dont ils feront le pays de l’oubli, l’enfer terrestre de l’exclu : l’état nomade, l’esclavage ou l’adolescence, entre autres. Telle est la signification profonde de la grande révolte de la jeunesse, annoncée par Rimbaud et par ces jeunes prophètes, de quinze à dix-neuf ans, que furent Frédéric II, Fox, Saint-Just ou Galois, Ramakrishna ou le Bâb, sensible dès l’après-guerre, manifeste aujourd’hui. Mais l’éclatement de 1968 nous trompe, par son ampleur. Bien avant les révoltes de Chicago, de Prague, de Pékin, de Paris, de Mexico et de Rome, le mouvement était en marche déjà, dans les fureurs de Shelley, la rigueur de Saint-Just, le génie de Galois, les crimes des blousons noirs.

Est-ce à dire que les Gardes Rouges, les Hooligans, les Gammlers, les Beatniks, les Provos, les Hippies, les Yippies feront la Liberté ? Je ne l’aventurerai pas.

Sans doute retrouvent-ils, parcimonieusement et comme par hasard, les pouvoirs de Dionysos, ses dons ou ses figures : la danse, le jeu, l’envoûtement, le rire, le spectacle, la drogue, le masque et le travesti. Mais ils imitent encore l’adulte, dans ses désirs, ses amours-propres et sa paresse. Ou bien, refusant le Modèle, ils deviennent ces diables sans pitié que sont Charles Manson et ses suppôts ou les Cavaliers des Tarots. Leurs mythes incertains demeurent prématurés, comme si la spoliation dont ils sont les victimes les portait à l’erreur, par l’impatience.

Leur première vraie puissance sera par le martyre, la torche vivante prenant ici la valeur de croix. Ils seront vaincus d’abord, comme leurs prédécesseurs, Sinouhé, Spartacus le furent, écrasés sous les violences, nées de la peur, des maîtres. Puis, alors même, désespérés par leur échec, ils divagueront encore. Ils renonceront la Liberté pour d’autres dieux.

Les nomades attendaient le Bien, l’Amour, alors que la Justice n’existait pas ; les esclaves attendaient la Liberté. Nos jeunes se livrent au caprice – et à la Capricieuse déjà – deux millénaires avant son avènement.

Les mythes qui les animent et les rites qu’ils fondent doivent beaucoup à la Mère, à la « bande » foetale. Ce sont des Mères, en Amérique, dans l’Inde, qui ont créé les premières communautés et les premiers ashrams, ces familles femelles, sans père, sans frère aîné, sans loi hiérarchisée et qui permettent en fait la gestation féconde bien plutôt que le Geste. Le mythe de la Caper n’est pas très loin derrière, synchronique à celui du Dionysos Liber il y a vingt-deux siècles.

Cela se fera, se fait, par l’émancipation de la femme, naturellement. Mais aussi par la fuite de la Ville, de ses pollutions et de ses persécutions, par le retour à la Terre nourricière et secourable, créatrice bientôt. Puis quelqu’un se souviendra que l’Arbre y a ses racines et que le Soleil l’éclaire.

A nouveau, l’antéchrist annoncera le dieu vivant. »

Jean-Charles Pichon, Histoire des mythes, 1971. [5]

Conclusion :

Tout homme, comme le prophète Job, objet d’un bras de fer entre le Dieu et le Diable, est le jeu, l’enjeu et le terrain de jeu [la formule est d’Olivier Chouteau, professeur d’arts martiaux] d’une partie endiablée et divine. Selon Jean-Charles Pichon, l’antéchrist, Satan ou Iblis sont un moment de la transformation de l’ancien Dieu en le Dieu nouveau, une phase de la mue. Dans ce jeu de transformation, à ce moment du cycle, l’être humain se sent perdu et désorienté. Ainsi « Nous cherchons le passage dans les caves emmurées et les recoins les plus sombres, mais il est partout ou il n’est pas. Nous ne cessons jamais de l’avoir devant les yeux, notre aveuglement seul nous empêche de le voir. » La folie-Merlin.

C’est admettre enfin que de tout temps, tout est là. Seule notre vision change.

Jean-Charles (pseudonyme de Jean-Baptiste) Pichon est né au Croisic en 1920, et décédé à Limoges au solstice d’été 2006 (nuit du 20 au 21 juin). Presque aveugle à la fin de sa vie, il avait coutume de plaisanter : « Depuis que je perds la vue, j’y vois beaucoup plus clair. » Il est enterré au Croisic.

Julien Debenat

Notes :

[1] La folie-Merlin, Jean-Charles Pichon, e/dite, 2006, ISBN 2-84608-184-0.

[2] Gabriel Liiceanu, Itinéraires d’une vie : E.M. Cioran, Suivi de : Les continents de l’insomnie : entretien avec E.M. Cioran Michalon, 1995 ISBN : 284186006X

[3] Omar Khayam, Les Roubayates, éditions Seghers, 1965. Traduction J-B Nicolas.

[4] La leçon exemplaire, entretien avec Jean-Charles Pichon, août 2005. source : Jean-Charles Pichon.com

[5] Jean-Charles Pichon, Histoire des mythes. Editeur : E-dite (pour l’édition 2002) ISBN : 2846080828

Illustration Pierre-Jean Debenat

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Solstice d’été…

Le solstice d’été s’approche, le visage de Jean-Charles Pichon se dessine avec précision, j’entends le son de sa voix. Jean-Charles nous a quittés le 21 juin 2006. Et comme pour souligner à la fois son absence et son rayonnement, je reçois le recueil de poèmes de Patrice Bernard, « Jeunes Pousses ». Patrice rencontra Jean-Charles Pichon, à Nantes, il y a plus de 25 ans. Encyclopédie vivante de la Science-Fiction, Patrice s’adonnait à la littérature (romans et poèmes), à la musique (percussions) et aux arts graphiques (peinture et illustrations). Ces activités sont restées prioritaires. En outre, la musique et le dessin permettent de faire bouillir la marmite.

Au moment même où Jean-Charles Pichon fut enterré au cimetière du Croisic, Patrice Bernard arrivait dans le bourg proche, à Batz, où il devait répéter avant le concert qui aurait lieu en soirée. Patrice est, comme le fut Jean-Charles, attaché au Croisic et à ses environs, à Batz entre autres qu’il évoque dans « La Roue ».

Le lendemain, après le concert, Patrice répandit un peu de sable, qu’il avait recueilli sur la plage, sur la tombe de Jean-Charles. Ce geste me touche singulièrement. Patrice l’évoque, avec la discrétion et la pudeur que j’ai toujours connues chez lui.

Il m’a autorisé à citer aussi ce poème, « Bientôt ».

« La Roue » et  « Bientôt » sont extraits du recueil  » Jeunes Pousses » (2007).

Jean-Paul Debenat

La roue

cet ami musicien, dont le père malade

a pu apprendre à temps

la naissance de sa petite fille

lui apportant une dernière joie

cet ami, devenu père, a maintenant passé

la croisée des chemins

dans la grande roue qui tourne

je marche pieds nus, lentement

sur les graviers, sur le sable

j’entre peu à peu dans la mer

les courants froids ou tièdes me glissent sur le corps

nous passons la nuit dans une grande maison bretonne

tout près de l’océan

petit déjeuner devant les pins parasols

vol rapide du geai du matin

au bourg de Batz, la tour de l’église Saint-Gwénolé

domine les marais alentours

une statue du XVè siècle, une vierge à l’enfant

en bois peint, finement ciselé, lissé

permanence des croyances

à l’entrée du Garnal, au premier pilier

je salue à nouveau la belle sirène du chapiteau

clefs de voûte sculptées

une Sainte Face sur un voile tendu par des anges

et l’enfer, un pécheur aux entrailles dévorées

par sept démons ricanants

à côté, la chapelle du Mûrier, ode à l’eau salée

sa nef ouverte aux quatre vents

pour les marins qui ont été sauvés de la tempête

ses arcs gothiques cadrant le ciel bleu

au vieux cimetière je dépose trois bougies

à la fois pierre sacrée et menhir christianisé

la croix des Douleurs soigne aussi les rhumatismes

plage Saint-Michel, en haut de la digue

sous le menhir sont cachés quelques sacs d’or

dérobés jadis aux Korrigans par un paludier

sur la côte sauvage, le vent courbe les arbres

la Pierre Longue, abattue puis relevée

a été rapprochée de la mer

Illustration Pierre-Jean Debenat

Bientôt

dans ce pays aussi les lieux de culte

furent bâtis à l’emplacement

des anciens temples dédiées à la déesse mère

il existe un saint pour guérir chaque maladie

des statues sortent en procession

les vieux païens sont les plus croyants

un autre cimetière, au Croisic

j’arrange un peu le terrain autour d’une tombe

réajuste les fleurs et dessine un cercle de sable blond

sur la terre grise entre les fleurs séchées

une fois les plantes arrosées, je réfléchis, désemparé

ils s’en vont, les vieux amis

tous finissent par partir, même lui

le vieux conteur, le voyant, le passeur de mythes

petits bécasseaux violets dans les rochers noirs

belles pervées du soleil à travers les nuages bas

plusieurs averses d’été, jusqu’au soir

d’autres klaxons dans la nuit chaude

suivis d’alarmes et de sirènes pressées

orages qui grondent au loin

plus de deux ans sans nouvelles

sur une impulsion je l’appelle

surprise, c’est elle, c’est sa voix

elle me dit qu’elle est enceinte

qu’elle va avoir une petite fille dans un mois

les choses changent

c’était à prévoir, j’avais envisagé cette possibilité

bien sûr il fallait s’en douter

elle, un bébé, ça me rend songeur

son ventre, devenu une matrice

je lui souhaite d’être heureuse

un mois c’est bientôt

égaré dans la garage

un gros lucane épuisé s’est arrêté, définitivement

un autre, plus petit, à l’envers sur le trottoir

est mort désséché

Patrice Bernard

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Les poèmes de février

LES POÈMES DE FÉVRIER

I

Tout à l’heure

La première fois que ton corps

seul avec moi dans le désert des chambres

et dans l’écho des rêves prononcés

pour m’adorer et me servir s’humiliera

à pas lents vers toi je m’avancerai

à pas si lents que malgré toi tes bras

se lèveront pour ralentir et protéger

et que la peur fera tes yeux comme des phares

et que moi renvoyant vers toi cette lumière

et t’en éblouissant

j’aurai l’air d’un miroir en marche

te menaçant de ton image

Tu fuiras sans bouger l’approche

de  mes doigts et du sceptre effrayant qu’ils tiendront

Immobile tu t’enfuiras la route est longue

Mais plus long encor le bras que j’étends

Et comme un roi debout sur son trépied de fer

miroir vrai de son peuple et de ses repentirs

je te regarderai t’enfuir L’issue est proche

mais plus proche est encor la douleur qui t’attend

Alors oh tout chavire et ploie et ta chair même

Tu croules sous l’attente et cherches dans le mur

derrière toi la faille où te dissoudre et cries

de n’en pas trouver l’ombre

A genoux te voilà comme les pénitentes

et comme les enfants

Ta langue fut coupable et tes yeux et ton sexe

Tu te sens condamnée et donc déjà punie

Ce qui vient ne peut plus ajouter à son mal

que sa libération

Illustration Pierre-Jean Debenat

II

Privilège

J’attendais de la joie une attente craintive

Tout était en moi-même

Et te voilà pareille à toi qui es moi-même

comme au long d’un long fleuve une fidèle rive

Ce bonheur se mesure avec des fils de vierge

et le soleil est pris en chacun d’eux

Ce que je veux tu le voulais un monde à deux

comme au bord d’une eau morte une porte d’auberge

Ce soleil maintenu entre nos mains croisées

comme un astre tombé aux rideaux des croisées

il est de feu sais-tu et de sel qui assoiffe

et de vin pour couler sur le sel et le boire

Cette joie est venue avec des pas d’araigne

De partout elle agrippe et se nourrit de chair

et partout elle court d’une blessure éclair

où soif de vin et faim de sel ensemble saignent

Ce bonheur se mesure à des visions de mer

lointaine et de soleil indécent au milieu

tout comme ton orgueil coupé en deux

sur l’avenir qu’enfin nous coulons dans du verre

III

Dix heures du matin

Dix heures du matin dimanche dans un café Quartier Latin

l’heure et le jour étaient au rendez-vous

et la musique et la lumière

comme des fleurs

Dimanche un café du Quartier-Latin

et tous les hommes et toutes

les femmes

qui trop vivaient pour être messagers de l’ombre

qui disaient non avec leurs lèvres

avec leurs yeux

non à l’approche incertaine de l’ombre

Mais qui donc disait oui

qui n’était ni la musique ni les fleurs

Peut-être dimanche à dix heures

comme s’il pouvait être dix heures

un dimanche

toute la vie

Illustration Pierre-Jean Debenat

IV

Le tambour

A l’appel du combat les vivants seuls répondent

le plus vif du vivant et son désir ancien

d’être à l’avant de la bataille et le seul lien

du sang qui coule à cette paix large et profonde

que l’arrêt du tambour donne au sommeil des morts

Sur cette peau tendue à l’image du monde

où les sonorités roulent et se répondent

et s’inscrit un écho proprement einsteinien

s’évoquent des douleurs et des craintes venues

de très loin par delà le royaume des morts

Au rythme de la charge enfin tout suspendu

la joie et le malheur l’orgueil et le refus

comme éclate un éclair sans que nul ne réponde

sinon par ces clameurs vers une ronde nue

dont la forme rappelle et suscite la mort

J’ai frappé dans le vide et nul n’a répondu

Ce silence voulait que sur l’échec se fondent

la raison du supplice et la raison du fort

et qu’on juge l’échec et que l’échec réponde

comme si la justice inquiétait les morts

J’ai donné le signal du massacre et les morts

ont d’eux-mêmes repris leur forme accoutumée

J’ai levé la douleur j’en ai construit un fort

de chair mêlée au sang et d’algues enfumées

où la honte et la peur affleuraient à pleins bords

et sa haute stature a fait reculer l’onde

Illustration Pierre-Jean Debenat

V

D’hier à demain

Un souvenir se fait espoir lieu des rencontres

Ce que j’ai bu demeure en forme de parfum

Un souvenir se fait espoir lieu des rencontres

et le plaisir renaît âpre comme une faim

le temps d’un trait de plume au verre d’une montre

Le souvenir n’est plus image mais un mot

lourd de sens qu’on a lu sans plus savoir la page

et déjà ce n’est pas plus un mot qu’une image

mais une vague plainte oubliée aussitôt

Et voilà que l’on cherche et qu’on doute et qu’on tremble

Car c’était l’important il fallait que l’on sût

Mais peut-être qu’aussi l’on ne savait qu’ensemble

et que pour l’homme seul ces mots n’existent plus

Mais la plainte oubliée est en nous qui nous presse

Ce qu’elle voulait dire allait tout arranger

Et s’en aller sans elle est aller étranger

sans lueur dans la nuit sans main vers les caresses

Ah je ferme ces yeux inutiles Je tends

mes poings crispés coupes sans ouverture

J’attends que de la faim naisse une nourriture

et que la soif me désaltère Je l’attends

Illustration Pierre-Jean Debenat

VI

La ville

Depuis le temps que je chantais plus

tous ces rythmes en moi qui demandaient à naître

Depuis le temps que je chantais plus

que je n’entendais plus

construisaient une ville intérieure où peut-être

quelqu’un d’autre savait que nous avions vécu

Une ville de miel et de sang aux rues blanches

comme celles qu’on voit aux rêves sans couleur

Une ville pourtant aux couleurs de l’enfance

qui sont le bleu le blanc le rouge des douleurs

et le jaune pareil aux désirs des voleurs

Une ville pourtant absente du désir

Une prison construite avec des murs choisis

tout exprès pour s’enfuir sans avoir à sortir

et qui s’en vont devant comme un miroir mobile

que l’espoir seul a mû d’une âme faite ainsi

Et me voilà marchant dans cette ville ancienne

et plus neuve que moi qui du moins me souviens

de l’autre nom de cette place un nom de guerre

et qui cherche l’école et l’église et reviens

de rue en rue au tout départ de cette quête

Etais-je dans la ville ou bien la ville en moi

Je ne sais plus si l’heure était celle-là même

Mais quelqu’un s’est dressé qui par la main me mène

et qui n’a pas construit la ville mais qui doit

en habiter une autre en silence pareille

Et ce chant c’est le bruit de nos pas côte à côte

dont peu à peu l’écho fait surgir sur les seuils

nos désirs rassemblés pour une Pentecôte

où plus ni toi ni moi ne seront jamais seuls

VII

A un souvenir

Crevant en bulles savonneuses

mon rêve en vain soufflait

Crevant en bulles savonneuses

en ces jours de froidure un feu empoisonné

les fleurs perdaient leurs pétales

et leur pistil s’enflammait

dans le charbon brillaient des cendres d’or

Tous mes chemins remontaient à leur source

tous mes fleuves naissaient d’une profonde mer

nous étions deux à refuser l’amour

pour le plaisir

et mon rêve à cheval sur une forme chère

vampire chatoyant buvait sa vie

Illustration Pierre-Jean Debenat

VIII

Chanson

J’écoutais une chanson d’amour

le soir dernier sur le Pont des Arts

J’écoutais s’en aller sur l’eau

une vague mélopée

Le ciel avait pour ce dimanche soir

pris ton visage qui me souriait

C’était ta voix que les oiseaux

S’essayaient à imiter

Mais c’était l’amour hélas

le vrai amour qui me tourmentait

Et c’était moi qui souffrait seul

ce soir-là au Pont des Arts

Jean-Charles Pichon

1951

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Un monde en creux

Un Monde en Creux
Ou
Les mémoires de la fée

Inédit (1974)

I

Des bêtes vertes me regardent

imaginant un monde où je ne serai plus

imaginant mon œil sous leurs paupières

baissées parmi les éclairs de la nuit.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Des bêtes

aux pieds d’homme aux mains de fées

des bêtes enivrées qui s’effraient à tâtons

du ciel dans l’œil et du reflet

de leurs mufles dedans les mares.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Des bêtes rases

hallucinées des bêtes

heureuses de leur hideur.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Il y a des siècles de désordre

derrière moi

des ombres vont s’interrogeant sur la validité de l’homme.

L’homme prend ses doigts parmi des griffes

et ses cheveux parmi des algues

l’homme imite le chant atroce des corbeaux

et joue avec un doigt sur les marbres debout

l’homme rit et tout disparaît.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Il y a des siècles de désordre

des lacs de feu

où le corps des damnés incandescent se lève et crie

où transparaissent des lueurs

des lueurs d’yeux où n’entre pas l’amour

des lueurs d’eau salée.

Illustration Pierre-Jean Debenat

II

Des bêtes rouges me regardent

du bord des balcons ouvragés

imaginant mes yeux changés en diamants

ornant la bouche d’une idole

imaginant mes pieds d’argent sur la forêt

comme une tour d’où l’on foudroierait l’ennemi.

Des bêtes lentes murmurantes

qui s’évadent en pleurs au milieu d’un repas de viande.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Des bêtes veules médusées

par le sourire des infantes

et piétinées par leurs propres désirs

comme des chiens rongés par la tuberculose.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Il y a des siècles de souffrance

derrière moi

des ombres vont s’interrogeant sur la délivrance de l’homme.

Illustration Pierre-Jean Debenat

L’homme

de métal orne ses ongles

et ses cheveux de parfums animaux

l’homme apprend le langage indistinct des torrents

et bave dans les sources.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Il y a des siècles de souffrance

de cris jetés comme l’enfant envoie au ciel son cerf-volant

sans abandonner le bout de la corde

il y a des regrets de ne plus trouver de femme assez belle

pour valoir d’être torturée

des regrets de plaies béantes

saignant éternellement.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Et puis il y des soifs qui naissent

comme une source d’eau trop douce dans la mer.

Illustration Pierre-Jean Debenat

III

Des bêtes bleues et déchirées

des bêtes

qu’on dit apprivoisées

se cognent entre elles avec des rires

imaginant le mot qui permet de s’unir

hors des combats féroces hors des rires.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Des bêtes apeurées par le son des fanfares

et le pas des guerriers.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Des bêtes ardentes mais sommeillantes dans leur ardeur

et qui aiguisent sans jamais dire pourquoi

des griffes dans leur cœur des ongles dans leur ventre.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Des bêtes qui bougent trop lentement

pour éviter les tremblements de terre.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Il y a des siècles de courages

derrière moi

des siècles de courage

crus perdus retrouvés au hasard des saisons

au hasard des maisons sur les routes du monde.

Illustration Pierre-Jean Debenat

IV

Des bêtes sans couleur des prismes de lumière

se sont haussées sur la tête du monde

et me regardent

et cherchent dans mes yeux le reflet des nuages

et sur ma bouche l’amertume de leurs soifs.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Des bêtes riches en savoir des bêtes lentes

comme toutes les vieilles gens

des bêtes qui n’ont pas trouvé la plaie saignante

dont on jouit pour l’éternité.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Des bêtes vieilles en terreur

des bêtes jeunes en venin

qui sérieusement songent

au procès de la terre.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Il y a des siècles de négoce

derrière moi

d’étonnants labyrinthes

où se creusent des grottes

faites comme des plaintes.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Il y a des siècles de négoce

de passions de compensations

de marchandages.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Et les bêtes qui me regardent

des bêtes rouges bleues à prismes

des bêtes toutes interdites

de leur bêtise

regrettent doucement doucement doucement

doucement.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Mais il est trop tard car je nais.

Illustration Pierre-Jean Debenat

Jean-Charles Pichon



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