LA TERRASSE DU DOME

8 MAI 1980

D’une terrasse sur un boulevard.

La même terrasse que quarante-quatre ans plus tôt.

Et l’illusion de ne pas l’avoir quittée, ou passagèrement,pour de brefs voyages – dont certains auraient pu durer plusieurs années, comme en d’autres univers, loin de ma seule patrie.

Cinquante Paris aussi défilant devant moi,cinquante mille ou cinquante millions de Parisiens, porteurs d’une douzaine de livrées. Ces gens n’ont pas cessé d’être autres ou des nôtres (comme on disait jadis : ce sont de nos gens), éveillant en moi l’impression égale, non moins fausse, de n’avoir pas changé en ces quarante-quatre ans.

A la table voisine, sur ma droite : deux femmes, dont l’une a mon âge et veut bien le paraître, dont l’autre, plus jeune, refuse le sien, dorée comme un soleil. Celle-ci ressemble à Sylvia Montfort, le museau étroit et dur, le regard inquisiteur. Mais, celle-là, je la connais. Elle a suivi des chemins que j’ai parfois traversés.

Impression trop vive : je me nomme. Nous nous sommes rencontrés, n’est-ce-pas ? Elle ne voit pas, la dame. J’égrène les lieux, les âges. Le cinéma ? L’édition ? Les bars d’il y a dix ans, dix-huit, vingt-cinq ? Je ne peux insister sans insolence. Non, Monsieur, je ne vois pas.

Aux autres tables, voisines ou non, sur ma gauche, sur ma droite, d’autres visages connus, comme dans un cauchemar. Des comédiens, des écrivains. Une vieille baderne qui n’a cessé de fuir et dont la morgue s’est engrossée de ces dérobades, glorifiées. Une tenancière, célèbre à de certains moments, qui recevait le général, les stars et les poètes. RenéFallet, sa moustache et sa rousseur. En 1950. Montand, vingt ans plus tard. Une fille qui fit les belles soirées d’Enghien. Une autre, qui ne désirait l’homme que dans le noir des salles surchauffées. A toutes et tous poser la question : quand donc ? En n’en attendre que la réponse : non, Monsieur, vous faites erreur.

Ce ne sont que des masques. Des relents d’adoration,de sujétions idolâtres, de vertigineuses individuations. Ces chemins communs que nous traversâmes, où nous nous rencontrâmes surement, ils ont zébré l’écran,parcouru quelque livre, zigzagué à travers les colonnes d’un journal. Ces diversités ne sont qu’illusoires, mais une vie réelle court par là-dessous. Et,de même, les deux cents, deux mille stations à cette terrasse qui n’en font qu’une en cet instant, de longs oublis les ont clairsemées sans les disjoindre, ou comme saupoudrées d’absences papillotantes, d’une poussière d’absence.

Quelque chose demeure par-dessous les masques et les voyages, les abolitions, les oblitérations, quelque chose pareille à un unique visage, à un unique séjour à la terrasse du Dôme, à Vavin, à Paris.

Ce visage, ce séjour, le dire.

Ne pas le chercher loin.

Mais, précisément, où ?

Cette âme qu’on prétend permanente ou qu’on nie, elle est tout sauf durable. D’une année à l’autre, les sièges du Dôme furent moins lourds ou de bois plus clair ; les peintures au mur, dans la salle du fond, surréalistes un temps, furent géométriques, monochromes,concrètes. Le comptoir fut un bar, un comptoir de nouveau. Le garçon qui m’apporte enfin ma bière, je ne l’ai jamais vu ici (ailleurs, oui, dans une encoignure de rue, à Rome, qui se voulait une cafétéria : ce même rasage trop accentué autour de l’oreille et l’œil, comme dénudé aussi, étonné de son dénuement).

Ce qui demeure ? L’après-midi, lavé par une courte pluie, le passage de l’homme pressé et qui vient d’effleurer ma jambe, trop avancée, comme toujours quelqu’un l’effleure, à cette place et à cette heure, à demi tourné vers moi, se demandant, une seconde, s’il va demander pardon, puis se repentant de la pause, le corps plus droit, l’épaule agressive, prêt à justifier son inattention – par la violence s’il le fallait –avant de poursuivre sa route et de s’asseoir plus loin. Le feu de l’abdication,qui recompose le masque.

Tout change, rien ne meurt.

                                     H.

Combien lentement cela change ! Mais combien assurément ! La tentation, ainsi, de reprendre au plus loin le cours de l’histoire – le jour de l’Exposition, où je suis venu ici pour la première fois- déborde l’exactitude que je nomme réalité (m’accordant du moins le droit à cette confusion entre la chose indiscernable, immobile dans le temps ?, et le pouvoir que j’ai de la cerner au plus près, pour rendre cette heure semblable, ou plus pareille à cela, à ce que fut, voilà quarante-quatre ans, ma première heure à la terrasse du Dôme, à l’angle des boulevards Raspail et Montparnasse, au carrefour Vavin). Car le spectateur, ici, a changé comme la chose.

Mais la reprendre au plus court, l’histoire, pour m’y reconnaître ? Je ne sais même plus de quelle date je devrais partir, parmi les vingt séjours que je fis à Paris, de 1976 à 1979, trop brefs – deux jours, un seul parfois – pour que j’en perde une heure dans un bistrot. Trop las, mon corps, dès la sortie de la gare, pour le traîner dans la cohue des boulevards, à travers les expositions de cuir fauve et de faux ors des couples hippies ou yippies, pour le contraindre à enjamber les dessins aux craies jaunes et rouges, trop souvent négligés par des passants hagards, encore plus las que moi !

L’association de pensées a fait le joint, je suppose. D’un homme qui marchait au-devant de moi tout à l’heure, traînant la jambe, au besoin de m’arrêter pour boire une bière au Dôme. Une frêle association, complètement étrangère au propos que je tiens. Mais l’histoire ne dit pas quel fil Ariane tendit au vainqueur du Taureau. Depuis que je me suis assis, sans me l’avouer clairement, je me souviens de H. Le boiteux me restitue l’image de la boiteuse.

Elle était petite, si petite que d’abord je n’aurais su dire si elle était jeune ou âgée, jolie ou laide. Elle faisait la putain, je le compris aussitôt. Elle buvait une bière à la place voisine d’où maintenant la femme que j’ai connue sous le nom de Magali Noël pendant le tournage d’un film jette un regard réprobateur vers ma jambe étendue, qu’elle pressent provinciale. Elle boit un pastis, la femme, que, goutte à goutte, elle attiédit d’eau chaude. Nos bières étaient trop froides déjà. La putain le dit, avec une brève grimace charmante à mon usage.

Je ne venais pas du Montparnasse, je ne vivais pas en Bretagne alors, arrivé à Paris la veille, gare de Lyon. Mais j’étais habillé comme aujourd’hui, du même complet gris-noir, moins vieux, et d’un imperméable (il était blanc) que j’avais posé près de moi, comme aujourd’hui, en même temps que, sous la table, une serviette de cuir que j’emmenais partout, gonflée de quelques – au pluriel – manuscrits inachevés ou non, à présenter, à proposer, dans les dix heures ou les vingt-quatre, à quelque – au singulier – marchand d’imagination. Sans trop d’espoir. Car je traversais alors un de mes nombreux déserts, où la moindre oasis éclatait en mirage quand je m’en approchais.

Nous avons parlé du mois de mai, trop froid, et d’un autre Mai, proche. De la difficulté de vivre dans une grande ville et de ma chance d’habiter une campagne où le soleil n’a d’obstacles à vaincre que les nuages blancs et les feuillages de mai. Elle, raidie d’abord et soupçonneuse, guettant mes sourires plutôt que mes mots, ne se faisant pas une claire idée, dit-elle, de mon âge et de ma profession. Moi, content de l’incertitude et peu pressé de satisfaire une curiosité trop effrontément mercantile. Heureux de jouer l’anonymat, mais loin de songer, comme naguère, à m’inventer un personnage, des voyages et des expériences horribles, pour éprouver. Heureux, tranquille, et, comme toujours quand je suis tranquille, bientôt offrant.

A suivre…

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STANCES DE LA FORET

STANCES DE LA FORET

IV

 

Beau tronc, sur toi combien périrent de saisons ?

Aujourd’hui comme un front hanté par cent pensées

Tu vieillis lentement et fais des oraisons

Des cœurs mourants, des mains jointes et traversées.

 

Comme l’homme accablé n’abdique pas l’espoir,

Aux oiseaux éblouis que recèlent tes branches

Tu fais l’annonce encor de la douceur du soir

Et recueilles leurs chants jusqu’aux bras que tu penches.

 

Et comme l’homme trouve aux heures de la nuit

Motif à déployer enfin ses ailes mortes,

A l’instant de toucher terre, immortel, tu portes

La survivance en toi de ton dernier beau fruit.

 

                               Jean-Charles Pichon    

                                  Redon    Avril 1942

 

 

 

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Naissance ésotérique de l’Amérique

 

 

Naissance ésotérique de l’Amérique

Pour tenter de comprendre l’actualité, un retour sur le passé peut être utile. Je vous propose donc d’écouter une conférence de Jean-Charles Pichon effectuée en 1991.

Pierre-Jean Debenat

1)  26 minutes 44

 

2) 19 minutes 29

3) 28 minutes 33

 

4) 17 minutes 25

 

5) 26 minutes 55

 

6) 19 minutes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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SCIENCE-FICTION OU REALISME IRRATIONNEL ?

SCIENCE-FICTION

OU REALISME IRRATIONNEL ?

Si l’on entend par « science-fiction » toute tentative romanesque d’imaginer l’avenir à partir des assertions immédiates de la Science, ce n’est pas assez dire que la chose a précédé le nom. Elle a pratiquement existé aussi longtemps que le nom n’a pas été créé: Jules Verne en est le plus illustre et peut-être unique représentant (bien que, d’Alphonse Allais à Bradbury, de très nombreux écrivains en aient étudié tous les prolongements possibles – jusqu’aux voies de garage de la poésie néo-romantique et de l’humour noir).

C’était le temps heureux de la philosophie positiviste et de L’Avenir de la Science, où les plus grands esprits feignaient de ne pas douter que la photographie, l’éclairage au gaz et la prochaine aviation allaient rendre l’âge d’or aux hommes, ou plutôt le leur donner, car l’hypothèse du Paradis perdu avait rejoint le chaudron de la sorcière, la baguette de Merlin et bien d’autres vieilles lunes.

L’homme, ce singe évolué, désapprenait de monter aux arbres pour édifier des gratte-ciel; il quadruplait, quintuplerait bientôt sa propre vitesse horaire par l’auto et le train. Il connaissait tous les secrets de l’univers (hormis ces plaisanteries : son pourquoi et sa cause); dans un monde sans problème, il vivait sans besoins, sinon celui de satisfaire entièrement son appétit nouveau de confort et d’assise.

Dès Wells pourtant d’étranges inquiétudes hantent l’Eden réinventé. Comme ses devanciers, l’auteur de « La Guerre des Mondes » se tourne vers l’ailleurs, les dernières inconnues, mais ces inconnues sont des démons inédits : le créateur de monstres, les horribles Sélénites, la fin de la terre elle-même. Il n’est d’oasis dans son oeuvre que le passage d’un ange (La merveilleuse visite), grâce auquel brillent d’un vif éclat toutes les superstitions retrouvées.

L’homme de science aurait-il réalisé trop vite les rêves de l’homme de la rue ? Le confort étend sa grande main pâle sur tout ce qu’on peut désirer. Les voix de l’univers sont dans votre chambre, votre propre voix n’importe où; le froid et la chaleur, le son et la lumière, la vitesse et l’image, tout est domestiqué – sans oublier la douleur et la mort, l’une combattue dans les hôpitaux, l’autre multipliée sur les champs de bataille. Tout cela ne fait pas un paradis.

Pour certains esprits, la bombe atomique marque le tournant. Il a fallu que naisse ce jouet monstrueux pour que les hommes de science eux-mêmes, saisis d’effroi, abandonnent leur laboratoire et, ceignant la robe du prophète, crient dans le désert à leur tour. Mais ce n’est qu’une illusion de plus. Dans l’univers sans rêve, sans souffrance, sans irrationnel que la technique édifie, le danger le plus grave n’est pas de mourir vite mais de vivre mal longtemps.

Cette inquiétude nouvelle, qu’on pouvait percevoir dès le siècle dernier dans les authentiques prophéties de Baudelaire, de Rimbaud, de Charles Cros (d’Anatole France et de Jarry un peu plus tard), il a fallu attendre le romancier Huxley pour qu’elle soit entendue du grand public. Le Meilleur des Mondes apparaît ainsi comme le premier ouvrage réellement inspiré par le refus angoissé du monde factice moderne, le premier à donner une image fidèle de notre humanité robotisée. Mais paradoxalement, il marque aussi la fin de cette chose que nul encore n’avait nommée la science-fiction.

Des centaines d’écrivains, sans doute, n’ont pas cessé depuis vingt ans de redire à tous les échos la plainte géniale d’Aldous Huxley : certains, naïvement, en puisant dans les mystères de la cybernétique et de l’atome les horrifiantes visions des robots maîtres de l’univers, de la « dernière des guerres » ou des monstres procréés par les radiations nucléaires; d’autres, plus subtils, en évoquant très simplement le déséquilibre, la démence de l’homme esclave de son frigidaire, de son pick-up, de sa télévision, de sa voiture de course ou de l’omniprésente publicité. Mais les premiers ne font pas de la science plus que les auteurs de romans d’aventure ne pratiquent la psychologie; les seconds ne font pas, hélas ! de la fiction – et ce qu’ils datent faussement de l’an 2000, il suffit de sortir dans la rue pour le constater de ses propres yeux.

Son aspect a-scientifique (anti-scientifique plutôt), est en effet le caractère à coup sûr le plus évident de cette littérature, née de la science.

Einstein et Louis de Broglie, Jean Rostand et Schweitzer n’ont pas jeté des cris plus épouvantés ni fait entendre des appels plus solennels que les écrivains de « science-fiction » depuis que le mot existe et ne signifie plus rien. Une indiscutable unanimité ressort de ces milliers de pages, du célèbre « 1984 » jusqu’au « Fahrenheit 451 » de Bradbury (sans oublier « Cités d’acier » d’Asimov, « Le lendemain de la machine » de Rayer, « Les humanoïdes » de Williamson. Mais il faudrait en citer cent.), issues du « Meilleur des Mondes » : ni la radio et la télévision, ni la pénicilline et la publicité, ni l’énergie nucléaire et le satellite artificiel ne sauveront l’homme de la démence qui l’assaille et de la catastrophe qui l’attend.

En matière d’art, l’unanimité n’est pas une vertu. Bien des lecteurs non prévenus, intéressés par un premier ouvrage, se sont détournés du « space-opera » dès après le troisième ou quatrième livre parce qu’ils y voyaient toujours raconter la même histoire, brandir la même menace de la fin de l’humanité ou, au mieux, de son retour à l’âge des cavernes quand, selon le mot d’Einstein, la dernière arme de l’homme sera un morceau de pierre taillée.

Je me souviens de la première fois où j’ai lu cette prophétie(la première tout au moins depuis ma découverte de Nostradamus). Le livre était « Ravage » de Barjavel. J’en fus frappé alors. A la vingtième mouture de ce classique récit, je n’étais plus que très las. Timide espoir d’une vie pastorale, d’une vie patriarcale – pour les rares heureux survivants : cela rendait un son pénible, au lendemain de Vichy.

Puis, apprenant à mieux lire, j’ai compris que l’uniformité peut n’être parfois qu’illusoire. Admise l’éventualité d’une destruction totale de la technique par elle-même, quelles solutions s’offriraient à l’homme ? Ce champ d’investigation apparaît trop restreint pour que les plus minces trouvailles n’y aient pas une valeur.

Une publication mensuelle que je me dois de citer, car j’y ferai de nombreux emprunts, la revue « Fiction« , a publié dans son numéro 40 deux nouvelles extraordinaires qui traitaient ce même sujet : après la Grande Destruction, les hommes tentent de revivre. Dans l’une, Marée montante, de Marion Zimmer Bradley, un astronef revient sur la terre après une absence de cent trente ans : les occupants du navire interstellaire sont demeurés ce qu’étaient leurs pères : des esprits savants et fermés, trop convaincus de la toute puissance de la technique. Mais ceux qui les accueillent ont fui les villes, créé dans les campagnes de petites communautés anarchisantes, détruit apparemment toutes les usines au bénéfice d’un nouvel artisanat. Le mépris des navigateurs de l’espace pour cette inconcevable façon de vivre durera jusqu’à ce que leur soit découverte une autre réalité : les barbares n’ignorent ni la radio ni les antibiotiques, ni l’avion ni la bombe; ils les ont seulement apprivoisés en vivant comme s’ils ne les connaissaient pas.

– Vous avez, dit l’un des « barbares », des extincteurs sur votre navire. Les gardez-vous sous la main même lorsque vous êtes à table, ou les laissez-vous dans un coin pour le jour jour où vous aurez besoin ?

La seconde nouvelle, Superstition, de Poul Anderson, va sans doute beaucoup plus loin. Là encore, au lendemain de la Catastrophe, l’homme n’a rejeté aucune de ses acquisitions : il utilise même les navires de l’espace. Mais les plus « civilisés » vivent comme les Indiens du Pérou, auxquels ils ont emprunté leurs rites, leurs tabous et leurs dieux. Le vrai chef du navire n’est pas le commandant, mais une jeune femme inspirée, la Sorcière, que la Loi Nouvelle leur fait un devoir d’écouter.

Un homme n’admet pas cette loi : jeune aspirant tout sorti de l’Ecole, il se refuse à voir dans la Science une autre superstition. Lorsqu’on lui dit qu’il est dans la nature des choses qu’une danse de la pluie amène la pluie, de même qu’un circuit oscillatoire émette des ondes radio, il s’écrie triomphalement :

– Mais imaginez que la danse ait lieu et qu’il ne pleuve pas ?

– Imaginez, lui dit-on, que votre circuit radio ne marche pas ?

Il chercherait pourquoi, le réparerait alors.

– Si une danse de la pluie échoue, le sorcier fait un examen, il trouve ce qu’il croit contraire, il fait amende et organise une nouvelle danse. Tôt ou tard, cela réussit. Quant à vous, Lieutenant Hall, je ne crois pas que vous réussissiez à réparer votre radio du premier coup non plus…

Il vaudrait de citer toute la nouvelle, non seulement parce qu’elle pose en clair le problème trop actuel de la domination de la matière, mais aussi parce qu’elle éclaire singulièrement l’une des particularités les moins comprises de la science-fiction : le retour aux fables et aux légendes d’antan, ou plutôt la tentative de rénover les plus anciennes traditions initiatiques de l’humanité, afin de les accorder aux exigences du monde technologique d’aujourd’hui.

Je pense, entre autres, à l’admirable Shambleau de C.-L. Moore, à Je suis une légende de Matheson, aux Enfants d’Icare d’A.-C. Clarke, ou à ce roman de Jean Ray où les thèmes mythologiques sont repris, actualisés et rajeunis par une forme inédite. Les vampires, les démons, les fées, Lucifer même n’y sont plus seulement décrits comme des symboles et des mythes mais manifestés comme des résonances de la vieille inquiétude humaine. Chez les plus grands de ces écrivains et chez le créateur du genre, Lovecraft, l’angoisse ne naît certes pas de l’affabulation mythique mais apparaît développée, agrandie à l’échelle du temps par une constante référence au passé de l’humanité. Elle torture l’esprit du lecteur comme le ferait cette évidence que l’homme est prisonnier de forces qu’il ignore et que la technique n’a pas dominées.

Quelles peuvent être ces forces ? Ce n’est pas au romancier de nous le dire, moins qu’à tout autre au romancier de science-fiction, que ses méthodes de détection (d’introspection ?) apparentent plutôt au poète qu’à l’écrivain naturaliste.

A la lecture de Marianne Andrau, de Jacques Sternberg, d’Arthur C. Clarke, de Zenna Henderson, etc. il apparaît vite en effet que ces conteurs n’auraient eu que la ressource, il y a trente ans, du poème dadaïste et de l’écriture automatique. Si le mot « surréaliste » présente un sens, ce n’est pas chez André Breton qu’on peut le trouver, mais chez ces prospecteurs du sur-réel qui, pour pénétrer l’univers interdit où le subconscient secrète ses monstres, ont renoncé non seulement à toutes les méthodes scientifiques connues mais à la raison elle-même.

Sans doute, cet éloignement de la pensée consciente a été précédé, amené par des années de tâtonnements et d’innombrables ouvrages d’imagination feuilletonnesque. L’espace et le temps, la galaxie tout comme l’avenir et le passé, ont été les réservoirs inépuisables des fictions les plus délirantes, et l’on voit bien, ici encore, que le lecteur profane a pu être abusé par l’apparente naïveté de ces récits de cauchemar que traversent des fleurs mortelles, des animaux-vampires, des symboles vivants, des corps sans forme ou transformables, des énergies suspendues. Ces phantasmes cependant, quand un Van Vogt leur donne la vie, m’apparaissent à peine transposés de nos angoisses d’enfant et du mystère des nombres.

J’ai souvent vu préférer à ces tumultueux poèmes les longs récits ironiques où, sous le voile d’un « voyage dans le temps », nous est opposée la confrontation de nos manières de vivre avec celles d’un Viking ou d’un homme de la préhistoire. Ici, la satire se donne libre cours. Les grandes ombres de Gargantua, de Gulliver, de Micromégas fournissent ses lettres de noblesse à l’art de dépayser pour mieux faire comprendre.

Dans les deux cas pourtant ce même but est recherché d’étonner le lecteur, de le rejeter hors de ses habitudes de pensée, de le préparer enfin à l’indicible par une prise de conscience plus vive de l’universelle relativité. Le « space-opéra », de même que le pamphlet para-historique, ne fait que nous redire : « Nous ne sommes sûrs de rien et notre assurance sur certaines matières n’est jamais qu’un manque d’imagination. »

L’arrivée de ces voyageurs d’un autre espace a été captée au radar : on a reçu leur message. Mais on ne les voit pas se poser et on les cherche en vain sur la piste de l’aérodrome : c’est qu’ils ont la taille des microbes. Ailleurs, ces habitants d’un petit bourg tournent sans fin dans le dédale de leurs rues; le curé parait périodiquement à la porte de sa sacristie, le garde-voie régulièrement lève et abaisse son passage à niveau et Madame Pipelet, tout aussi méthodiquement, ses rideaux de cretonne : ce sont les habitants de la ville-jouet (Chad Oliver) et le bord d’une table est leur abîme. Ailleurs encore, les chats, les chiens dirigent le monde, les bêtes font la leçon aux hommes, des cités croissent et s’écroulent dans un autre temps que le nôtre, quelque chose qui est en nous et qu’on ne sait pas cesse de nous permettre de vivre.

Il est dans la nature (?) de l’homme que ce rejet par la raison d’une vérité absolue s’accompagne d’une intolérable angoisse. Le maître du relatif dans le domaine de la fiction, Jorge Luis Borges, ne trouve pas ici et là des accents moins désespérés que les philosophes de l’absurde. Ses paysages insaisissables, ses bibliothèques géantes où pas un livre ne reproduit exactement un autre livre, ses héros qui ne sont que les rêves d’êtres « un peu inhumains » que d’autres rêvent à leur tour expriment tout autant que le « ça » de Kierkegaard, le château de Kafka, l’éternel retour de Nietzsche, l’impuissance de l’esprit à cerner le réel et son désarroi de ne pas le pouvoir.

Tout se passe comme si nous avions perdu une « clé » sans laquelle nous ne pouvons ouvrir ni la porte du bonheur ni celle de la connaissance mais dont la possession peut-être nous ferait mourir (comme dans la belle nouvelle de Philip Mac Donald : Domaine interdit). La recherche de clé est depuis trente siècles l’unique propos de la philosophie et de la religion; depuis un siècle et demi, le propos de la science, mais, depuis très peu, le propos de tout être pensant. Soit que son esprit soudain ait évolué très vite, soit que la destruction des principes anciens le laisse vide et abandonné, l’homme d’aujourd’hui ne peut plus vivre sans comprendre. Quiconque écrit maintenant exprime à sa façon ce désespoir et ce refus, et ce n’est sans doute pas un simple hasard si les plus séduisantes histoires de science-fiction nous viennent du monde anglo-saxon et d’Amérique, celui-là fatigué de sa morale étroite, celle-ci saturée de rationalisme.

Tout n’est pas excellent, ni même très original, dans cette littérature dite « d’évasion ». Comme l’adolescent qui s’enfuit de chez lui est prêt à suivre quiconque lui parlera un langage autre que le langage paternel, l’écrivain fantastique écoute toutes les voix qui ne lui parlent pas raison. Tout ce que l’occultisme, la magie, les initiés ont gardé jalousement, secrètement, au cours des siècles – en dépit des rois et prêtres hier, de l’Ordre des médecins aujourd’hui – est recherché, retrouvé, catalogué enfin sous les noms à demi-officiels de paraquelque chose. L’envoûtement, la télépathie, le transfert de masse, le rêve, le spiritisme, l’hypnotisme, la topologie (volontairement j’assemble ce qui n’est pas assemblable) constituent un domaine de choix pour ce réalisme irrationnel faussement nommé science-fiction.

Il serait impossible en si peu de pages et d’ailleurs sans intérêt d’établir une nomenclature de tous les embranchements qui mènent à ce domaine. La plus grande partie des histoires qui s’y réfèrent sont écrites en effet avec humour sinon avec loufoquerie. Quand le thème est sérieusement traité (je pense aux récits de Zenna Henderson, de J.-T. Mac Intosh ou de Stapleton), ce n’est jamais que pour souligner la quasi-impossibilité pour notre esprit, au stade actuel de son évolution, de s’adapter à ces talents surhumains.

Même s’il arrive parfois qu’un très grand écrivain, comme C. S. Lewis, nous rende sensible organiquement en quoi consiste cette impossibilité. Dans son récit, Le pays factice, le narrateur pénètre dans l’esprit d’une femme qu’il voit pour la première fois. Ce qu’il y découvre est plus déroutant pour son propre esprit que ne le serait le paysage le plus absurde; prolongée, l’expérience mènerait à la folie. On ne pense en effet qu’en termes de cohérence. Mais, si la clé existe, elle est en nous, au plus profond de nous-mêmes, dans le « ça » freudien en quoi il n’est pas interdit de voir comme un miroir du « ça » existentiel. Robert Abernathy est peut-être l’un des auteurs qui ont su le mieux romancer cette donnée abstraite. Dans son récit L’axolotl, un navigateur spatial, saisi de la folie de la solitude, rejette toute protection, ouvre les portes de son navire, détruit les appareils du bord, meurt à ce qu’il était et devient ce qu’il voulait être : sourd, aveugle, privé de l’usage de son corps et peut-être de son corps même : un être de l’espace.

Un autre texte d’Abernathy, dont j’ai oublié le titre, nous décrit l’attaque d’un astronef par des forces invisibles qui rongent les cerveaux des passagers et en prennent possession : un seul être leur résiste, l’enfant pas encore né, qui sauve ainsi sa mère mais va naître différent. « A quel point différent ! » conclut l’auteur.

Cette idée kafkaïenne de la métamorphose alimente une partie non négligeable de la littérature fantastique : de récentes expériences biologiques lui donnent des bases nouvelles. « Je est un autre », disait Rimbaud. Et il disait aussi : « Pourquoi regretter un éternel soleil, si nous sommes engagés à la découverte de la clarté divine ? » Nous ne nous sommes jamais sentis si engagés qu’aujourd’hui – engagés à être autres. Faudra-t-il redevenir des bêtes avant de muer en anges ? « Ce monsieur est un porc ». Faudra-t-il accepter d’être aveugles, sourds, culs-de-jatte comme les personnages de Samuel Beckett ? Ou bien, comme dans ce roman de Simak où une simple toupie est le passage de notre monde à celui de l’Eden, nous faut-il redevenir semblables à des enfants ?

Personne ne le sait et peut-être convient-il de ne pas le savoir. Le hasard est maître même dans le domaine scientifique : on ne découvre pas l’Amérique sans croire atteindre les Indes. Cet inconscient créateur, Simak encore nous en donne une amusante allégorie dans sa nouvelle Spectacle d’ombres, où nous voyons des savants étudier quinze heures par jour le problème de l’origine de la vie sans parvenir au moindre résultat – et créer la vie, par hasard, au cours des jeux qu’ils organisent le soir pour se distraire.

A ce point, il devient difficile de parler de « Science-fiction » – et de littérature même. Les romans de Van Vogt, de Simak, d’Asimov, de Clarke sont de moralistes et de métaphysiciens bien plus que de romanciers : leurs personnages ne vivent pas seulement dans un univers différent du nôtre, mais ils sont eux-mêmes différents, obéissant à des lois, une éthique, un système de pensée dont les éléments épars se trouvent dans Einstein, Broglie et Bohr aussi bien que dans Bergson, Freud, Gurdjieff et Khrisnamurti. Ils semblent avoir fait fait le partage entre le mythe, mensonger mais nécessaire et efficace, et l’abandon sans condition aux fantaisies de l’improbable. Cet auteur-ci, sans doute, est plus spiritualiste, plus matérialiste celui-là. Mais l’important n’est plus dans ces distinctions périmées. Le statisticien de l’avenir de Fondation n’est pas tellement dissemblable du prophète involontaire des Enfants d’Icare. Pour Asimov comme pour Clarke, le destin de l’humanité est contenu dans ce que nous sommes; le pourquoi de la vie se découvre en la vivant.

Il est encore trop tôt pour décider ce qui l’emporte ici, du rêve farfelu ou de l’intuition créatrice, pour décider quelle part le « réalisme irrationnel » prendra en fin de compte dans l’élaboration de la morale de main qui, provisoirement, nous apportera la clé que nous cherchons; trop tôt pour voir dans ces balbutiements l’alphabet d’un nouveau langage. Mais, de même que jadis les bouffons et les joueurs de viole étaient les seuls à dire leurs vérités aux rois, de même que les romans-feuilletons du début du XIXe siècle portaient germe un avenir socialiste auquel les meilleurs esprits se refusaient à croire, il n’est pas impossible que la science-fiction soit aujourd’hui l’unique moyen de nous faire réfléchir sur des problèmes fondamentaux que l’outrecuidance des professeurs, la mauvaise foi des édiles et la futilité des écrivains « sérieux » passent allégrement sous silence.

Jean-Charles Pichon

1957

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En 1997, Jean-Charles Pichon écrivit pour une revue de Science-Fiction, la critique d’un roman d’Anne Mc Caffrey.

Les enfants de Damia

Par Anne Mc Caffrey

(Rendez-vous Ailleurs)

Au tout premier abord, l’histoire apparaîtra banale; telle que cent – ou bien mille – romans de science-fiction l’ont déjà dite (Van Vogt et Asimov, ici, demeurent les modèles incontournables). Une race extra-terrestre mais quasi-humaine (les Dinis) est attaquée par une race extragalactique, totalement inhumaine (les Coléoptères) : elle fait appel aux Terriens pour repousser l’envahisseur, puis pour tenter de l’anéantir.

Deux traits originaux, cependant, distinguent ce roman de ses prédécesseurs. De caractère éthique, sinon moralisant, ils illustrent tous deux le principe  le plus riche et le plus chargé d’avenir de nos démocraties : comprendre l’adversaire afin de le vaincre, l’imiter, lui ressembler, se faire lui pour éviter le conflit, triompher de la guerre et de ses désastres.

Le roman le développe, ce principe, sur deux plans.

1-     Le monde des Dinis, comme celui des Terriens, est très hiérarchisé : ce sont de Grands Etats, où la jeunesse, les adolescents apparaissent entièrement conditionnés, régis par les adultes. Il suit que les maîtres – adultes – des deux mondes ont la plus grande peine à s’entendre, sinon à s’accepter, chacun défendant son empire et sa conception de l’Univers. Au contraire, les adolescents seront naturellement fraternels. A travers l’histoire même d’un jeune humain, le héros –de sa puberté à l’âge adulte – et de celle de ses amis Dinis, c’est donc l’évolution d’une sympathie croissante et d’une alliance fructueuse qui nous est racontée. Lorsqu’un astronef des Coléoptères sera détruit et récupéré, le même héros, maître en informatique « virtuelle » sera le plus capable d’en reconstituer l’ensemble et de pénétrer, par, suite, le secret de l’ennemi : la Ruche, principe et fin de toute sa culture.

2-     Mais la distinction première, entre adolescents et adultes, n’est pas le sel fondement des deux races humaines. S’y juxtapose une distinction seconde, entre les sexes. La fille, bien qu’elle soit aimée autant que le garçon, nous apparaît comme reléguée en une activité bien moindre pour ne pas dire très amortie. Le Mystère est que, chez les Terriens, la femme-mère y a conquis des privilèges, puis une maîtrise sans cesse accrue. En une hiérarchie décidément matriarcale, mais d’abord familiale, c’est la Grand-Mère qui décide de tout et dont l’autorité – indiscutée – prévaut.

Or le second héros du livre, une héroïne, Zara, une fille à peine pubère est le seul personnage (une nouvelle Antigone) qui, transcendant la loi, va crever les défenses viriles, pénétrer dans le monde interdit : la prison de la reine Coléoptère et en pénétrer les secrets (entre autres, la terreur et la nocivité du froid).

En même temps, sur le plan purement militaire, s’est révélée la faille, la faiblesse de l’Ennemi : l’interdiction, propre à certains insectes, de la multiplicité des ruches – qui les rend de fait suicidaires, détruisant eux-mêmes ruches, reines, essaims en surnombre. Si bien que la Guerre Suprême s’achèvera sans conflit : il suffit de laisser l’Adversaire maître chez lui.

Les envahisseurs n’étaient que des évadés, condamnés à périr de froid, sinon à être exterminés par leurs propres maîtres.

On ne peut s’empêcher de songer à la réalité la plus étrange de notre temps : il n’était pas utile, pour les Américains de faire la guerre aux Russes; l’adversaire, en son sein, portait le principe même de sa destruction.

S’il faut, pour éviter le désastre, comprendre, puis devenir son adversaire, l’adolescent le peut mieux que l’adulte; la femelle y parvient plus avant que le mâle.

Doublement à méditer !

Jean-Charles Pichon

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SCIENCE-FICTION ET ANTIQUITE

SCIENCE-FICTION ET ANTIQUITE

Jean-Paul DEBENAT

 

La présente étude reflète l’intérêt que son auteur porte à l’Histoire, à la Science-fiction et, entre autres écrivains, à Jean-Charles Pichon, né au Croisic, en 1920.
Journaliste, scénariste (de G. Oury, de J.-P. Mocky, de G. Franju), co-fondateur avec Gary Davis du journal « Le Citoyen du Monde » (40 numéros), romancier (Il faut que je tue M. Rumann, prix Sainte-Beuve 1950, Les Clés et la Prison, Prix de la Société des Gens de Lettres 1955, Borille 1966), Pichon se consacre depuis pratiquement 25 ans à la mythologie, dans la lignée de Caillois, Bachelard, Eliade et Jung. A ce titre, son œuvre est considérable depuis Saint-Néron (1961) jusqu’aux Prophéties de Paracelse (1985) en passant par L’Homme et les Dieux (1965), ouvrage épuisé, puis réédité en 1986 par l’éditeur Maisonneuve.
En 1961, paraît l’essai historique Saint-Néron dont l’édition augmentée deviendra en 1971 Néron et le Mystère des Origines chrétiennes. L’ouvrage paraît scandaleux à certains, brillamment audacieux à d’autres. Les journaux de la France entière en parlent.
En effet, jusqu’à cette date, aucun auteur français, historien, voire romancier n’a pu appréhender Néron dans son essence. Aucun n’a su allier sa connaissance de l’histoire à la science des religions, comme si l’une pouvait aller sans l’autre, lorsque la période étudiée est imprégnée de religions.
Les historiens A. Weigall et A. Toynbee y sont parvenus en partie. Le plus important, Toynbee, perspicace et lucide, replace les faits et gestes des grands personnages dans le cadre qui leur convient : lorsqu’il s’agit de l’Antiquité, ce cadre est celui de l’histoire cyclique.
Oublier ce cadre volontairement constitue une malhonnêteté doublée d’une absurdité.
Or, ce cadre est parfaitement délimité par J.-C. Pichon et la démence de Néron retrouve une cohérence qui échappe à la majorité des chercheurs.
Au début du règne (54), Néron est un homme sage et vertueux : il réduit les impôts, autorise les esclaves à porter plainte contre les maîtres injustes, n’applique pas la loi sur la trahison, interdit les effusions de sang dans les jeux du cirque (cf. l’article Nero de J-C Pichon — Encyclopedia Britannica).
Puis le délire artistique et la folie religieuse s’emparent de lui. Il rêve d’abandonner le trône pour se consacrer à la poésie et à la musique. Il monte sur les planches et incarne Hercule au supplice — Hercule se sacrifiant pour sauver de la mort sa famille ; Canacé accouchant, la légende de la Vierge-Mère ; Thyeste — cet homme à qui Atrée sert le corps de son fils.
Néron adore la déesse syrienne Atargatis dont le symbole est le Poisson.
Il se convertit à la religion de Mithra, le Sol Invictus, dont le jour de la naissance deviendra celui de la naissance de Jésus.
Il s’entretient avec le gnostique Simon le magicien qui avec Hélène forme le couple sauveur proche du couple Jésus Marie-Madeleine.
Il s’intéresse aux doctrines des néo-pythagoriciens représentés par Apollonius de Tyane qui prônent l’Harmonie, non seulement musicale, mais l’Harmonie des Sphères, l’harmonie cosmique sous l’égide d’Hermès, le dieu d’eau.
Enfin, il autorise Paul à prêcher à Rome pendant deux ans.
Lui-même s’habille de blanc, confie le consulat à un affranchi, et parcourt la Grèce pendant plus d’un an, chantant et jouant dans les théâtres. Il est suivi par des centaines de jeunes gens, les Augustians, également vêtus de blanc, sortes de jeunesses néroniennes.
Pichon montre Néron en concurrence avec Paul, le premier apôtre et théologien du christianisme ; un Néron nourri de science ésotérique, dont l’ambition ultime est de créer Dieu, hic et nunc. La différence entre Paul et Néron tient à ce que Néron ambitionne sa gloire, Paul la gloire de Dieu.
Lorsqu’à la fin, en 68, Galba rentre dans Rome pour supprimer Néron et ses fidèles, il est accueilli par des marins sans armes, des soldats de Neptune, J-C Pichon ajoute : ces fidèles de l’empereur, des marins désarmés ? Non. Des pêcheurs plutôt. Des pêcheurs d’âmes.
Telle est, très brièvement, la vision de Néron que nous offre Jean-Charles Pichon.

***

LES TEMOINS DE L’APOCALYPSE

 

La dimension sacrée s’impose à l’historien d’aujourd’hui alors qu’hier encore, il était réfractaire à toute approche religieuse — sinon sous une forme caricaturale ou superficielle — de l’époque néronienne. L’historien des religions se trouvait en mesure de saisir cette dimension mais il restait trop souvent cantonné dans sa spécialité. Ce n’est qu’à une date récente que la lucidité d’un Mircea Eliade, par exemple, commença à être admise. Cette lucidité est éclatante et le lecteur avisé ne saurait s’en priver :
« … de même que le temps liturgique diffère du temps profane — celui de la chronologie et de nos emplois du temps — le temps théâtral est une « sortie » hors du temps ordinaire. La musique aussi, d’ailleurs — du moins, certaines musiques, et je pense surtout à Bach — nous fait parfois sortir du temps quotidien. Cette expérience, chacun l’a faite, et par là, elle peut aider l’esprit le plus « profane » à comprendre le temps sacré, le temps liturgique… Mais je ne suis pas moins fasciné par la condition de l’acteur que par cette qualité du temps théâtral. L’acteur connaît une sorte de « transmigration ». Incarner tant de personnages, n’est-ce pas se réincarner autant de fois ? A la fin de sa vie, je suis sûr que le comédien a une expérience humaine d’une autre qualité que la nôtre. Je crois qu’on ne peut se livrer à ce d’incarnations si nombreuses impunément, à moins d’une certaine ascèse. »

De leur côté, les auteurs de Science-fiction parviennent également à appréhender, et à imposer, un temps liturgique.
Le phénomène était encore rare il y a un quart de siècle, avant que n’apparaissent les romans d’écrivains tels que Robert Heinlein, Frank Herbert ou Jean-Charles Pichon, une fois de plus. Ceux qui jugent selon des critères nuisibles à l’esprit de découverte contribuèrent à rejeter ces auteurs à l’écart des grands courants de la littérature, à les transformer en écrivains en marge.
On voudra bien considérer la Science-fiction au sens large, en y incluant l’utopie, cette nostalgie de l’innocence et la contre-utopie, ce repoussoir ou figuration à rebours. Dans tous les cas, la Science-fiction semble liée au futur. Pourtant, l’Histoire est vitale à la Science-fiction. D’une part, son étude peur révéler des schémas inévitables ou cycliques. D’autre part, elle nourrit la Science-fiction et ainsi satisfait notre intérêt pour les forces qui façonnèrent le monde.
En Europe, Pierre Versins et Jacques Van Herp ont décrit, dans des ouvrages fondamentaux, la richesse de la Science-fiction en tant que miroir ludique de l’histoire, selon l’expression de Daniel Riche.
Le critique et écrivain James Gunn ajoute :
« Science-fiction within a religious frame work turns into parable.”
[Dans un cadre religieux, la Science-fiction se mue en parabole.]
Jean-Marc Gouanvic affirme :
« La S.F. pourrait être comme un laboratoire où se fabriqueraient des possibles historiques. »

Le premier siècle à Rome recèle précisément un nombre considérable de possibles historiques. Avec Néropolis, Néron donne corps à l’utopie. L’itinéraire de l’empereur, chrétien sans la grâce, prend l’allure d’une parabole. Nul doute que dans cette perspective Saint-Néron ne fût apparu à certains comme une œuvre de fiction, qui plus est une œuvre de Science-fiction.

Le pas fut franchi par Jacques Van Herp lui-même, pourtant difficile à prendre en faute, dans un chapitre intitulé Science-fiction et Religion :

« … bien qu’il ne soit pas un auteur de S. F., on s’en voudrait de ne pas citer ici les idées de Pichon. Les évangiles furent écrits par Lucain, sur l’ordre de Néron. Et ce dernier mourut en Orient, crucifié parmi les esclaves, et, ma foi, il se pourrait que le Christ soit Néron. Cette savoureuse hypothèse est une suite au Saint-Néron du même auteur. »[1]

A notre avis, tant d’erreurs, au-delà de la banale erreur de classement, fiche de lecture égarée et retrouvée de mémoire, témoignent de la confusion qui s’opéra dans les esprits, lors de la publication du Néron de Jean-Charles Pichon. A moins que la publication des Témoins de l’Apocalypse, du même auteur, trois ans plus tard seulement, n’ait contribué à la confusion.

Précisons donc à nouveau que le Néron de J-C Pichon est un essai historique ; Les Témoins de l’Apocalypse est un roman de Science-fiction, et comme il éclaire de façon originale le temps de Néron et les siècles qui suivirent, nous nous y attarderons.

Le roman se présente de manière inattendue, sous la forme de textes provenant du futur, le premier daté de 2169, le dernier des années 2500. Ils sont rédigés par quatre auteurs, quatre témoins différents :

« … l’américain qu’emploient nos quatre auteurs est à peu près à l’anglais ce qu’était le latin du Bas-Empire à celui de Cicéron… »[2]

Perplexe, l’éditeur Robert Laffont demanda à J-C Pichon de traduire ces manuscrits mystérieusement tombés entre ses mains :

« Mais établir ce texte ne suffisait pas. On me prie de le présenter. Que dire d’un ouvrage dont l’auteur se dérobe et que nous ne saurions placer sous une rubrique précise ? Ces documents sont-ils ce qu’ils annoncent et nous parviennent-ils réellement de l’avenir ? Ou n’est-ce là que le fruit d’une invention perverse et compliquée ? »

La première partie du livre est constituée du journal de Julien Béraud, ingénieur français fourvoyé dans la bureaucratie.

En 2169, synchronique avec 2160 ans d’écart du règne d’Auguste, l’Afrique et le Sud de l’Europe vivent sous la coupe des Etats-Unis représentés par le général Honnedy. J. Béraud réside à Tidjikdja, en Mauritanie, ville de 1 750 000 habitants. L’Afrique est aussi libre que l’Europe ou l’Amérique, au détail près que son architecture d’états est dominée par les Etats-Unis.

De New-York à Paris, de Moscou à Hiroshima, les peuples vivent sous le signe de la Fraternité, bénéficient d’un confort raffiné. Les femmes jouissent d’une libération totale, l’argent n’existe plus, chacun a droit à la culture digeste : tel est le 21ème siècle, siècle doré. Mais dans ce monde apparemment heureux où les êtres s’acceptent divers et comparables, un prêcheur arabe, Adjoran, vient semer le trouble en rappelant aux hommes leur manque de foi, réveillant des souvenirs anciens, durables et forts :

« Qu’y a-t-il donc dans l’esprit de l’homme pour que les plus démentes insinuations le frappent ainsi d’angoisse au cœur même de l’espoir et de la délivrance ? »[3]

Or, l’espoir et la délivrance cèdent vite la place à la Grande Panique. En quelques mois, cinq à six milliards d’humains périssent d’une accumulation de radiations, provoquant lèpres atomiques et leucémies :

« On accumule des milliers de grains de sable sans changer, disons, la face du monde ; mais un seul grain fait naître cette réalité nouvelle : un tas de sable. »[4]

Adjoran, qui se définit comme l’annonciateur de Celui qui vient et qui avait prophétisé le fléau, sera condamné à mort, convaincu de haine contre l’humanité. La première partie du journal de Julien Béraud se termine sur ce fait : le Précurseur a été fusillé le 24 décembre.

La seconde partie, Les Condamnés (suite du journal) est datée de l’an 2177. Béraud, représentant légal de l’Occident réside à Rome, comme, il y a vingt deux siècles, Ponce Pilate, procurateur romain, résidait à Jérusalem. En 2174, la Grande Réforme de l’Occident supprima les frontières et transforma en une Fédération de provinces les anciens Etats d’Europe et d’Afrique. Comme la Rome antique, l’Empire américain vit toujours sous le signe des Frères, des Gémeaux, du double. Cette croyance se matérialise au travers des progrès technologiques : ainsi, on annonce la télévision totale où le double et non plus l’image de l’évènement sera communiqué au téléspectateur…[5] Le peuple se distrait sur les aérodromes, en admirant les combats de chasseurs et les vols-suicides ; comme autrefois les jeux du cirque, ou les naumachies, combats sur l’eau entre navires de guerre, dont l’empereur Claude, oncle de Néron, était si friand, attiraient les foules.

Chaque jour apparaissent des sectes nouvelles ; certaines émanent de vieilles traditions, les rose-croix, le bogomiles ; d’autres font appel à des traditions plus récentes, spirites, théosophiques ou franc-maçonnes ; d’autres encore sont de simples résurgences de mouvements nationalisants. Julien Béraud ne s’en préoccupe guère, jusqu’au jour où les harcèlements du Nonce apostolique viennent perturber l’existence du légat de l’Occident, marquée jusque-là par le luxe, l’ennui, et une vague inquiétude devant l’agitation de la jeunesse.

« Voulez-vous qu’on dise que les U.S.A. ne peuvent plus se faire respecter à Rome ? »[6]

Le mécontentement du Nonce s’exerce à l’égard d’une petite secte, les Darconiens, menée par un garçon de 16 ans, Vitelio. Julien Béraud décide de se renseigner. Il se mêle à la foule qui écoute Vitelio prêcher sur une place de Rome.

[1]  J. Van Herp, Panorama de la Science-fiction, p. 329.
[2]  Texte de présentation de l’éditeur, verso de la jaquette.
[3]  J-C Pichon, Les Témoins. Par commodité, nous avons raccourci le titre.
[4]  Idem.
[5]  J-C Pichon, Les Témoins.
[6]  Idem.

Un agent provocateur vient poser une question au jeune prophète :

            « Si l’homme doit être libre d’abord, il doit donc s’arracher aux  contraintes sociales, refuser le titre de citoyen ? »

Mais lui (Vitelio), sans se troubler, étendit le bras et se fit donner une fiasque ; il remplit un gobelet et but ; puis il rendit la fiasque et le gobelet. Alors, seulement, il dit :

            « Quel est le meilleur, du verre ou du vin ? Boit-on le verre ? Nous donne-t-il la joie ? Apaise-t-il la soif ? Mais, si le vin n’était contenu dans le verre, pourrais-je le boire ? Le vin se répandrait par terre et se perdrait. Ainsi, de la liberté de l’homme. Elle seule exalte et désaltère. Mais si rien ne la contient, personne n’y goûtera jamais. Elle sera perdue pour tout le monde. »[1]

            On le devine en lisant la parabole du vin, Vitelio est perdu. On l’accuse d’anarchie, de renier le Christ, de faire l’éloge du vice. A l’écouter, Béraud ne peut se défendre de subir son étrange influence :

            « Quelle est la preuve de l’arbre, sinon l’arbre lui-même ? »

            En leur temps et au même âge, Saint-Just, Evariste Gallois, Arthur Rimbaud inventèrent des formules non moins prodigieuses. Pourtant, le pape, Pierre VI refuse d’épargner Vitelio. Le Vatican sait que le dieu-poisson est mort, les tabernacles sont vides, mais le rôle de l’Eglise consiste à maintenir le vieil ordre, la vieille Foi :

            « Nous honorons, mais nous craignons « ces aventures prématurées », dont le seul fruit est de tromper les hommes. »

La troisième partie, Le Comédien, regroupe douze articles du journaliste Michael Bart. Nous sommes à New-York, mégapole de 100 millions d’habitants où se côtoient toutes les races du monde en 2216.

            L’empereur Iron a succédé à Hébert et Glaudin (décalques de Tibère et Claude) et son règne évoque par le jeu des correspondances celui de Néron à son avènement, en 54. La personnalité de sa mère, l’impératrice Akrine, correspond à celle d’Agrippine et elle mourra d’une manière similaire. Humaniste et démocrate, Iron prend les Kennedy pour modèles politiques. En outre, il s’intéresse aux philosophies allemandes, et aux recherches astrologiques, au point d’entreprendre la rédaction d’une histoire des religions fondée sur le cheminement des astres. L’idée lui en a été suggérée par les travaux d’un cyclologue, Apollonius, qui vit à New-York. Ce dernier prétend :

            « Les évènements que nous vivons, ainsi, et ceux que nous allons vivre, répondent aux évènements des premiers siècles de l’ère chrétienne, lesquels étaient, dans une certaine mesure, l’écho des évènements qui, deux mille ans avant le Christ, avaient marqué la fin de la Sumérie, les troubles en Egypte, la naissance de l’Assyrie, puis le dieu d’Israël. »[2]

            A Washington, dans son théâtre, Iron organise des joutes philosophico-religieuses auxquelles se joint l’écrivain Petton (Pétrone). Les prophètes, les inspirés y sont conviés. Un certain Simon le Magicien y apparaît lors d’une séance historique ; un inconnu, Samuel Ragulo, dit Raskul, le contredit violemment, ce qui nous permet de l’identifier à Paul de Tarse. Ragulo appartient à une secte chrétienne dissidente, les Darconiens, qui tire son nom de l’héroïne française Jeanne d’Arc. Il prêche le Versalisme annoncé par le prophète Vitelio, mort quarante ans plus tôt. Si Iron pressent — et cela est tout à son honneur — la mort des dieux anciens, Ragulo craint qu’il ne tente de créer Dieu dans l’heure et par tous les moyens.

            Puis, le 14 août 2222, New-York disparaît sous les eaux. Le Sénat accuse Iron d’avoir fait exploser une bombe nucléaire, par l’intermédiaire du général Hullin (Tigellin), au-dessus du pôle Nord. Iron mérite-t-il l’étiquette de naufrageur ? Raskul ne le croit pas :

            « … Raskul aime l’empereur, bien qu’il doive le combattre. Il ne voit pas en lui un fou, un criminel, mais un homme égaré par ses superstitions. Il ne voit qu’un esprit faible dans le tyran le plus dément de l’Histoire. »[3]

            Le lecteur s’en doute : le règne d’Iron s’achève dans le désordre : les décrets de spoliation accablent les citoyens fortunés au profit de jeunes inconscients. L’empereur perd ses amis. Seul, ses agents, âgés de moins de quinze ans et le général Hullin lui demeurent fidèles. Il prend la fuite vers l’Europe et meurt dans l’accident survenu à son avion.

            Sa maîtresse, Joan (sosie d’Acté) prétend néanmoins avoir enseveli son cadavre dans le caveau familial.

            La quatrième partie du roman porte la signature de James Totrichd, né à Washington en 2416, agent secret de l’empereur Bladwey, puis de l’empereur Porgy.

[1]  J.-C. Pichon,Les Témoins de l’Apocalypse.
[2] Idem.
[3] Idem.

« Pendant tout le siècle dernier, où le Versalisme dut survivre et se propager dans le secret, mes aïeux ont ou, comme d’autres croyants, feindre d’honorer les dieux d’Etat : dieu de Mahomet, dieu de l’Evangile, dieu tout puissant surtout du culte officiel : le Janus bâtard du Peyotlisme. »[1]

Le Versalisme recherche le soutien de la jeunesse et de l’enfance, de même que le christianisme s’appuyait sur les esclaves et les déshérités. Totrichd, quant à lui, souhaite convaincre l’empereur qu’une tolérance à demi-avouée (ou prétendue) permettrait à la police de mesurer plus aisément l’évolution des esprits, attitude adoptée, autrefois, par les empereurs Trajan, Hadrien et Marc-Aurèle envers les chrétiens de Paul et de Pierre. L’agent secret, versalien lui-même, enseigne la nouvelle religion à l’empereur Porgy. Il l’entretient du sacrifice au Dieu de l’Espace, du rite de la Brûlure, et avec des fortunes diverses, des notions de contradiction féconde et d’erreur créatrice.  Il le laisse s’imprégner des Tables d’Apollonius au point que son illustre élève ambitionne pour lui-même le destin de l’empereur Constantin.

La cinquième et dernière partie, L’Essaimat, comprend douze lettres de Jonathan Wardy, novice, puis missionnaire. La première missive porte la date du 9 portan 391, le calendrier versalien débutant en 2159 (naissance légendaire de Vitelio). La véritable histoire du Versalisme a été altérée, par les hommes d’Etat, les historiens, les prêtres :

« … il n’a jamais cessé d’être évident que les technologues du premier siècle ne toléreraient pas les impudences d’Adjoran, l’humilité plus scandaleuse de Vitelio ; que les empereurs du second siècle haïraient la mémoire d’Iron et que les prêtres du quatrième siècle ne se montreraient pas empressés de révéler au public la véritable histoire du Versalisme. »[2]

Jonathan Wardy accepte cette imposture, car il est nécessaire que la légende de Vitelio et du martyr de ses adeptes soit créée. Wardy s’est également donné pour but d’informer ses ancêtres des péripéties qui précèdent, entourent, puis suivent la naissance du mythe. Après de longues hésitations, il s’est arrêté à la période 1960—1970 de l’ère chrétienne. Transmis à une date ultérieure, l’ouvrage aurait sans doute paru incompréhensible :

« En ce lieu et à cette heure, moi, Jonathan Wardy, dernier auteur de la Somme Véridique du Versalisme, j’ai transversé l’ensemble des manuscrits qui la composent dans la probable année 1963 de notre ère, afin que nos ancêtres du XXème siècle chrétien en reçoivent l’écho, aussi absurdement que ces phrases mêmes existent, bien que personne au monde n’ait pu les créer. »[3]

Ainsi, dans le cadre d’un ouvrage de Science-fiction, le roman de J-C Pichon suit le modèle des Américains pour qui il n’est pas de futur sans renouveau religieux (Heinlein, etc.).[4]

 

 

 

 

[1] J.C. Pichon, Les Témoins de l’Apocalypse.
[2]  Idem.
[3]  Idem.
[4]  Pierre Versins – Fiche de lecture – Bibliothèque de la Maison d’Ailleurs – Yverdon, Suisse. Notons que l’Amérique « moderne » fut créée par des hommes religieux, les « Pilgrim Fathers ».

 

***

EN TERRE ETRANGERE

            L’importance accordée au phénomène religieux, à la manière dont il déploie, hier comme aujourd’hui, caractérise d’autres ouvrages. A juste titre, P. Versins mentionne le nom de Robert Heinlein.

            En effet, cet écrivain publia en 1961 Stranger in a strange land — titre français : En terre étrangère — son roman le plus célèbre.

            Heinlein y raconte qu’à la suite d’une première expédition sur Mars, tous les participants périrent, sauf un : Valentin Michael Smith. Elevé par les Martiens, recueilli et ramené sur Terre, à l’âge de vingt ans, au début du 21ème siècle, par les membres de la deuxième expédition vers Mars, Smith est, physiquement, un être humain. Mentalement, c’est un Martien. Cloué à son lit hydraulique en raison de la gravité terrestre, ne possédant que les rudiments de la langue anglaise, ignorant tout des mœurs des Terriens, il constitue une proie facile pour les journalistes, les publicistes, les politiciens. Sous prétexte de le protéger, le gouvernement le séquestre. Une infirmière et un journaliste parviennent à le délivrer et le placent sous la protection de Jubal Harshaw, médecin, avocat et auteur de romans populaires.

            Avec l’aide de Jubal, Michael apprend la langue et les coutumes terrestres, puis il quitte la maison Harshaw et occupe divers emplois, notamment celui de magicien dans un cirque où il exploite ses dons supranormaux.

            Attiré, momentanément, par l’imposante secte Fosterite, Michael s’en détourne pour fonder son propre mouvement religieux qui compte vite de nombreux fidèles. Devant la menace que pose cette organisation face à l’ordre établi, les autorités favorisent l’intervention violente des détracteurs de Michael. Ce dernier, en connaissance de cause, s’offre à la foule déchaînée : lapidé et criblé de balles, il meurt en martyr.

            A la dernière page du roman, nous le retrouvons Archange Michael, s’apprêtant à quitter Mars pour une autre mission spéciale !

            Valentin Michael Smith, le merveilleux androgyne, porte un regard naïf sur le monde terrestre. Il y voit régner la technologie, le confort, la sécurité, l’image, l’information sous toutes ses formes, l’argent, la sexualité.

            Il constate que le mythe virginal existe encore sous la forme de la Préservation, car il ne s’agit que de maintenir, de conserver. L’Amour est devenu altruisme, synonyme de bons sentiments et d’hypocrisie ; la Justice a dégénéré ; la Création est morte, remplacée par le modèle, la mode, le plagiat, la copie conforme : le mythe du Double, qui mène ici au simulacre, est à l’œuvre.

            Dans ce contexte, la tendance apollinienne évoquée par Jubal Harshaw, s’est transformée en idéal de sagesse et d’équilibre, Apollon n’étant plus que le berger secourable qui protège les troupeaux et les moissons ; celui qui guérit les hommes et engendre Asclépios (Esculape), ou encore le législateur, protecteur de l’ordre. Aussi peut-on opposer cet Apollon à Dionysos, comme la raison à l’enthousiasme.

            Aisance matérielle, spéculations financières, soif de loisirs, nous retrouvons le 21ème siècle des Témoins de l’Apocalypse. Et dans ce siècle dominé par l’abstraction rationnelle, c’est s’opposer aux rationalistes que de défendre le langage du symbole.

            Le langage métaphorique — aux antipodes de la « culture digeste » — celui du fabuliste, du prophète, du poète, du romancier parfois, éclaire, éveille et révèle, Heinlein le souligne par l’intermédiaire de Mahmoud, arabe et musulman, l’interprète officiel de Michael.

            Les similitudes entre les langues arabe et martienne méritent qu’on s’y arrête. Mahmoud don l’exemple du verbe martien « grok » (« grogner » dans la traduction française).[1]

            « It means « fear », it means « love », it means « hate » — proper hate, for by the Martian “map” you cannot hate anything unless you grok it, understand it so thoroughly that you merge with it and it merges with you — then you can hate.”[2]

            [Il signifie “peur”, il signifie “amour”, il signifie “haine” — la haine véritable, car selon la « carte » martienne, on ne peut haïr une chose, à moins de la « groquer », de la comprendre si profondément que l’on se fonde avec elle et qu’elle se fonde avec soi — alors on sait haïr.]

            Ce langage antinomique — dont l’existence remonte à 6 000 ans avec J.-C., en Egypte notamment —, cet aspect contradictoire des pensées martienne et arabe, cette coexistence des contraires, encore courante dans la pensée persane, restent étrangers à l’Occident.

            L’Occidental s’en irrite ou au mieux condescend à s’en amuser. Ce n’est pas le moindre mérite d’Heinlein que d’attirer l’attention sur le langage porteur de contradictions fécondes — rappelons à ce propos « l’erreur créatrice » des Témoins de l’Apocalypse —, sur la richesse du Coran à travers la diversité de ses ambigüités, sur le rôle enfin que pourrait jouer l’Islam au sein d’un renouveau dionysiaque, rôle qu’évoque également J.-C. Pichon.

            « C’est l’absurde, la métaphore, le mythe qui crée les langages nouveaux, les formes neuves : les pyramides, le temple, la cathédrale ; et c’est l’absurde qui fait progresser l’homme, car il détruit la planification, il interdit l’orgueil et nous livre sans défense à Dieu. »[3]

            Par cette affirmation, l’auteur fournit une clef qui permet de mieux saisir le message du Christ, de Vitelio, de Valentin Michael Smith, et de comprendre l’attitude de Néron, d’Iron et de Jubal Harshaw.

            De même que le Christ rejetait les armes, tendait l’autre joue, pardonnait à la femme adultère, Vitelio et Valentin Michael Smith proposent un renversement inconcevable et scandaleux. En l’occurrence, lorsqu’on parle de haine et donc d’ennemi, il s’agit de devenir cet ennemi. Tel est le sens du verbe « grok ».

            « « Comprendre l’adversaire » disions-nous, mon ami ? Non : il faut le pénétrer ! Il faut entrer en lui comme dans une cire molle, il faut en faire le cercle dont on sera le Centre… »[4]

            Là encore, la teneur des propos de J.-C. Pichon d’Heinlein est identique. Autre point commun : la multiplication des sectes avec en arrière-plan le déclin du christianisme. L’Eglise Fostérite qui, un temps, suscite la curiosité de Michael, est un « salmigondis syncrétique » : elle emprunte aux mouvements revivalistes (Holy Rollers, Shakers, Pentecôtistes), à l’Eglise de Scientologie (fondée par l’écrivain de Science-fiction R. L. Hubbard), insiste sur l’épanouissement de la sexualité et promet le bonheur. La clef de la religion Fostérite nous est donnée par la dénomination même de la secte : en anglais, « foster-rite » signifie rite de remplacement. Michael ne peut s’en contenter : il fonde sa propre secte, l’Eglise de Tous les Mondes, influencée par les gnostiques des Ier, IIème, IIIème siècles après Jésus-Christ (Simoniens — un certain Simon Magus apparaît d’ailleurs dans le roman —, Ophites, Valentiniens), prône les mythes Dionysiaques (de Création), de Fraternité (c’est le sens du partage de l’eau, de l’humanisation de Michael, homme parmi les hommes), de Liberté (car Michael apparaît comme le Verse-eau).

            Avec Stranger in a Strange Land, dont on appréciera la simplicité de ton, Heinlein montre le caractère crypto chrétien des inclinations mystiques de l’Amérique et se livre, comme J.-C. Pichon, à une véritable spéculation mythologique.

            En considérant le passé comme prospective, ces écrivains nous invitent à amorcer un double mouvement : d’une part, réexaminer les grands courants mythiques qui animèrent l’humanité d’hier, d’autre part, spéculer sur les courants, déjà perceptibles, qui animeront l’humanité de demain.

[1]  Signalons l’excellente traduction de Frank Straschits : En Terre Etrangère – Ed. R. Laffont.
[2]  R. Heinlein, Stranger in a strange land, p.199.
[3] J.-C. Pichon, Les Témoins, p.219.
[4]  Idem, p ; 174.

 

 

 

***

LE MONDE DE DUNE

 

            Ce fut l’objectif que se fixa Frank Herbert en écrivant le roman Dune, qu’il qualifie ainsi : « an effort at prediction ».

            Stylistiquement supérieur à Stranger in a Strange Land et aux Témoins de l’Apocalypse, Dune devint un « cult-book ». De par son audience, son contenu, et sa date de parution, 1965 (soit un an après le roman de J.-C. Pichon), nous nous sentons tenus de l’évoquer brièvement.

            L’action se situe sur Arrakis, la planète des sables, aussi appelée Dune. Outre les animaux habituels du désert, les sables recèlent des vers monstrueux, plus énormes que le plus gros des dragons, forces brutales et destructrices, issues des profondeurs du sol, mais que l’on peut dompter et même chevaucher !

            Il s’agit de peupler ce désert, de donner une forme à l’immensité hostile. La tâche en échoit au duc Leto et à son fils Paul, de la maison des Atréides. D’emblée, ces noms évoquent les légendes grecques, entre autres celle d’Apollon et d’Artémis, enfants de Zeus et de la déesse Léto.

            Errant de pays en pays, victime de la jalousie d’Héra, Léto ne peut accéder à Delphes car le monstrueux serpent Python envoyé par Héra lui barre le passage. Apollon l’en débarrassera. Quant à la funeste histoire des Atrides, nous renvoyons le lecteur à son dictionnaire des mythologies !

            Le duc Leto subit la jalousie des grandes familles de l’Empire et perd la vie en tentant d’asseoir son règne. Son fils, Paul, est accueilli comme le Mahdi par les Fremen (les hommes libres) du désert.

            « They’ve a legend here, a prophecy, that a leader will come to them, child of a Bene Gesserit, to lead them to freedom. It follows the familiar Messiah pattern.”[1]

[Ils ont une légende, une prophétie, qui dit qu’un chef viendra à eux, enfant d’un Bene Gesserit, pour les conduire vers la liberté. Elle s’apparente au modèle messianique traditionnel.]

            Dès les premières pages, on apprend que Paul est marqué d’un signe, « a stamp of strangeness » [un sceau d’étrangeté]. L’étrangeté réside en la force de sa présence, son emprise sur les êtres, son intuition hors du commun, sa puissance physique et mentale.

            On le voit se soumettre avec succès à la dernière épreuve de son initiation : le poing enfermé dans une boîte, il doit supporter une brûlure d’intensité croissante. Le moindre mouvement lui serait fatal : une aiguille empoisonnée est pointée sur sa carotide.

            Paul réussira à chevaucher un ver géant, à réunir les tribus des Fremen sous son commandement, à la manière d’un Lawrence d’Arabie, et à se débarrasser de ses adversaires :

« He was a warrior and mystic, ogre and saint, the fox and the innocent, chivalrous, ruthless, less than a God, more than a man. »

[C’était un guerrier et un mystique, un ogre et un saint ; il était le renard et l’innocent, chevaleresque, impitoyable, moins qu’un Dieu, plus qu’un homme.]

            L’épreuve de la brûlure, dont parle déjà J.-C. Pichon, puis celle du proscrit partageant la dure existence des hommes du désert, enfin l’unification des tribus contre la grande famille ennemie qui les exploite, placent Paul Atréides sous le triple signe de la Création, de la Fraternité et de la Liberté.

            L’usage fréquent des mots arabes, ou à connotation arabe invite le lecteur à prendre conscience de la richesse de la civilisation musulmane, de sa mystique propre et des avatars de cette dernière (ainsi, on trouve : crysknife : couteau sacré des Fremen ; fedaykin : commandos de la mort ; jihad : croisade religieuse ; mahdi : prophète ; ramadhan : jeûne ; ou encore : zensunni : secte schismatique, dont la dénomination renvoie au bouddhisme zen et à l’Islam sunnite).

            D’autre part, s’il fallait chercher l’une des influences qui menèrent à la création de l’univers de Dune — lequel possède son génie propre, bien sûr — nous nous tournerions vers l’histoire des Templiers, ces moines-soldats dont l’Ordre fut reconnu lors du concile de Troyes, le 14 janvier 1128, sous la présidence de Bernard de Clairvaux, mystique et érudit, homme d’Etat et homme de Dieu.

            A l’origine, la nouvelle chevalerie du Temple mène un « combat double, tantôt contre des adversaires de chair et de sang, tantôt contre l’esprit du mal dans les cieux. »

            Dans les 9 000 commanderies des chevaliers, comme dans les « essaimats » du 25ème siècle, ou dans les « sietchs », grottes du désert habitées par les communautés tribales des Fremen, la discipline est stricte, tant au plan moral, que militaire ou religieux. On connaît l’activité des Templiers, d’abord libérateurs de l’Ibérie partiellement occupée par les Sarrasins, puis protecteurs des lieux saints et des pèlerins au Moyen-Orient.

            « Néanmoins, les Templiers furent les premiers à prendre conscience de la civilisation de l’Islam, à entrevoir les perspectives spirituelles et matérielles incalculables que pourrait apporter une coopération étroite avec celle-ci. »[2]

            L’institution chevaleresque, dont Ali, gendre de Mahomet, fut le premier membre, « chevalier par excellence », existait chez les Arabes ou les Perses. Les rapports entre chevaliers chrétiens et musulmans furent parfois emprunts d’estime mutuelle. L’ennemi devint, plus noblement, l’adversaire. Ce respect de l’adversaire, s’il ne va pas jusqu’à « comprendre l’ennemi de l’intérieur », est illustré dans Dune, lorsque le Comte Fenrig refuse de tuer Paul Atréides en duel.

            On remarque aussi dans l’entourage du duc Leto, un certain Thufir Hawat, « Maître des Assassins ». Or, parmi les interlocuteurs des Templiers dans le monde islamique, l’Ordre des Assassins tint une place privilégiée. Ainsi en 1172, le Vieux de la Montagne, chef de la secte des Ismaëliens — les fameux Assassins — envoya des émissaires à Amaury de Jérusalem pour lui offrir son alliance contre les Sunnites.

            La similitude entre un rite particulier aux Fremen et aux Templiers surprend pareillement le lecteur. Les chrétiens s’embrassaient sur la bouche afin de transmettre le Souffle, les membres de l’Eglise de Tous les Mondes s’abordent en proférant : « Tu es Dieu », les Fremen crachent au sol. Lors d’une entrevue avec un Fremen, le duc Leto interprète d’abord le geste comme une insulte avant de comprendre que dans cette contrée où la moindre goutte d’eau est un trésor, le crachat est un don précieux, une haute marque de respect.

            Le 13 octobre 1307, Philippe le Bel jette les Templiers en prison et les accuse de mœurs contre nature, d’hérésie, d’idolâtrie, de reniement et de sacrilège. On prétend notamment qu’ils renient Dieu et crachent sur la croix. Ce rite pratiqué lors de l’admission d’un chevalier était peut-être destiné à rappeler le reniement de Saint Pierre. Julius Evola propose une interprétation différente :

            « On doit cependant penser qu’il ne s’agissait d’une véritable abjuration, encore moins de blasphème, mais bien d’une épreuve : on devait témoigner de la faculté de dépasser une forme exotérique, simplement religieuse et dévotionnelle, du culte. »[3]

            La déformation, volontaire, du sens de cette pratique, devait contribuer à déconsidérer les Templiers et conduire finalement au démantèlement complet de l’Ordre, des grands « mouvements » chrétiens.

            Dune est un monde en état de stagnation, un désert parsemé d’ilots de résistants (les Fremen), dotés d’une morale rigide, figée et brutale, qui parviennent tout juste à survivre face à l’exploitation d’une Grande Famille. Dune vit dans l’attente d’un peuplement : physique, moral, métaphysique. Paul Atréides suscite le « mouvement » tant attendu.

            Heinlein décrit le désarroi idéologique du 21ème siècle, amplifié par le mythe du Double (l’Image) ; l’incertitude religieuse, représentée par le Fosterisme ; le mépris de la création. Valentin Michael Smith vient remplir ce vide.

            Dans les Témoins de l’Apocalypse, la croyance au progrès humain, en la science, se révèlent palliatifs insuffisants — comme le furent le stoïcisme, l’épicurisme, l’accumulation des biens matériels au 1er siècle — vis-à-vis d’un panthéon destiné avant tout à maintenir les liens sociaux. Vitelio apparaît comme le prophète et Iron comme l’artisan de la renaissance.

            Si Jean-Charles Pichon considère, explicitement, que les nouveaux exclus, qui correspondent aux esclaves du 1er siècle, sont les jeunes, on constate que c’est précisément auprès de la jeunesse que Stranger in a Strange Land et Dune trouvèrent le meilleur accueil.

            Pour Herbert, Heinlein et Pichon, l’un des éléments constitutifs de la renaissance est issu de l’Islam, de même qu’on ne peut nier l’apport du gnosticisme et du Mithraïsme dans l’avènement du christianisme.

            Les emprunts à l’histoire, aux religions, à l’ésotérisme présentent des variantes et le ton des trois ouvrages diffère. Transposant une époque éloignée, celle de Néron, dans le futur, J.-C. Pichon est amené à un didactisme qui alourdit parfois son propos.[4] Mais l’aspect essentiel commun aux trois romans réside dans la description du vide, de l’attente et du renouveau.

            Dans le cas des Témoins de l’Apocalypse, cette description couvre quatre siècles synchroniques de l’apparition du christianisme jusqu’à la conversion de Constantin. Ainsi, en replaçant dans une chronologie indispensable, la naissance et la croissance d’un dieu, J.-C. Pichon permet de mesurer l’ampleur du chemin parcouru avant que le mythe nouveau n’exerce se pleine influence et modifie durablement une civilisation. Sensible à l’énergie mythique, au caractère fabuleux de l’évènement, l’auteur propose, avec Les Témoins de l’Apocalypse, un commentaire et un prolongement qui précisent le propos de son Néron et le mystère des origines chrétiennes.

[1] Herbert, Dune, p.101.
[2]  Daniel Réju, Temple, Islam et Assassins in Historia N° 358 bis, p.96.
[3]  Evola, Le mystère du Graal et l’Idée impériale gibeline – in Historia N° 358 bis, p.86.
[4]  Van Herp signale cependant : « Il faut au lecteur un minimum de connaissances pour entrer dans le jeu. »
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Et c’est pourquoi, en général, tout comme le roman de cape et d’épée a ses époques de prédilection, le roman Uchronique se cantonne dans quelques périodes, toujours les mêmes : l’Empire, l’Invincible Armada, la Guerre de Sécession, la 2ème Guerre Mondiale.

BIBLIOGRAPHIE

ELIADE Mircéa, L’Epreuve du Labyrinthe – Belfond, Paris, 1985.

HEINLEIN Robert A., Stranger in a Strange Land, N.E.L., London, 1965.

Traduction française, En Terre Etrangère, R. Laffont, Paris, 1970.

Herbert Frank, Dune, R. Laffont, Paris, 1972.

PICHON Jean-Charles

Article « Nero », Encyclopedia Britannica, 1974.

Néron et le Mystère des Origines Chrétiennes, R. Laffont, Paris, 1971.

Les Témoins de l’Apocalypse, R. Laffont, Paris, 1964.

L’Homme et les Dieux, R. Laffont, Paris, 1965.

VAN HERP Jacques

Panorama de la Science-Fiction, Marabout Université, Verviers, 1975.

L’Histoire imaginaire, Ed. Recto-Verso, Bruxelles, 1984.

Fantastique et Mythologies Modernes, Ed. Recto-verso, Bruxelles, 1985.

Ouvrages divers :

Science-fiction et Histoires, Cahiers du Collectif Change, N° 40, Seghers/Laffont,Paris, 1981.

The road to Science-Fiction : from Gilgamesh to Wells, James Gunn, New American Libray, New-York, 1977.

Historia N° 385 bis.

 

 

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A PROPOS DE : LES TEMOINS DE L’APOCALYPSE

A PROPOS DE : LES TEMOINS DE L’APOCALYPSE

DE JEAN-CHARLES PICHON

 

Un peu d’histoire…

            Lorsque l’Allemagne nazie capitule en 1945, laissant l’Europe exsangue, les populations aspirent à un renouvellement dans tous les domaines. Le domaine des idées, et plus généralement de la culture, sera l’un de ceux où les individus se montrent les plus avides de nouveauté. Le roman policier connaîtra une vogue telle que les auteurs adopteront parfois des noms américains (Boris Vian signera Vernon Sullivan). Car les Américains sont parmi les vainqueurs majeurs et leur musique même apporte un souffle de liberté : pendant la guerre, leur gouvernement distribua 8 millions de disques, les Victory Discs ou V-Discs, 78 tours comportant 2 à 4 enregistrements et destinés aux soldats. Mais ces V-Discs circulent et les civils, privés de musique « dégénérée » par les Allemands, accueillirent avec enthousiasme les airs entraînant du capitaine Glenn Miller, Tommy Dorsey, Duke Ellington, Mary Lou Williams, Dinah Shore ou les Andrews Sisters.

            Après 1945, les amateurs — autrefois clandestins — de musique afro-américaine continuent de se réunir dans les caves. Boris Vian, encore lui, joue de la « trompinette » — du cornet à piston — au Caveau des Lorientais à Paris, où se produit le clarinettiste Claude Luter.

            La littérature américaine envahit la vieille Europe et on s’y régale des romans de W. Faulkner, J. Steinbeck, J. Dos Passos, R. Wright, J.-D. Salinger, S. Lewis, H. Miller, etc.

            Mais il est une zone presque secrète où seuls les plus hardis osent s’aventurer, celle de la Science-fiction. La France en est restée à l’anticipation (Jules Verne) et au mieux tolère les ouvrages de René Barjavel.

            Or, en Amérique du Nord, la S.-F. a droit de cité. Alfred Van Vogt, avec Le Monde des Non-A (1945), connaît le succès au travers de son héros emblématique Gosseyn [Go sane : celui qui va sainement], l’homme aux deux cerveaux. L’auteur défend le nexialisme, une approche holistique des problèmes ; il s’appuie sur la Sémantique Générale du philosophe Korzybski ; en outre, « l’Histoire cyclique joue un rôle de tout premier ordre aux côtés du nexialisme » (Wikipedia : La Faune de l’Espace)[1]. Vers quel esprit curieux et audacieux se tourner pour faire connaître un auteur aussi complexe et innovant ? Vers Boris Vian, toujours lui, qui traduisit Le Monde des Non-A en 1953.

            La logique « non-A » (non-aristotélicienne) développée par Alfred Korzybski ne pouvait qu’attirer l’attention de Jean-Charles Pichon. B. Vian partagea avec quelques autres le plaisir d’introduire la S.-F. américaine en France. Parmi ceux-là, il y eut J.-C. Pichon dont l’essai « Fantastique ou réalisme irrationnel », paru dans la revue Europe –Cahiers S.-F., en 1957, fit date. Jean-Charles signa également quatre nouvelles pour la revue Fiction entre 1960 et 1967 mais il fallut attendre les romans Les Témoins de l’Apocalypse (1964) et Borille (1966) pour parler à son égard d’une S.-F. de qualité.

Non content d’avoir (quasiment) abandonné le roman psychologique « classique », J.-C. Pichon, désormais absorbé par ses travaux de mythologue, s’autorise des incursions dans un domaine des plus marginaux, la S.-F. ! Or, cette dernière gagne un lectorat, jeune en grande partie, de plus en plus étendu. Et J.-C. Pichon se passionne pour ce que l’un des meilleurs auteurs américains qualifie de « speculative fiction » (du latin speculum, miroir).

            C’est que l’ambition des grands auteurs des années 1960-1980 est à la mesure de leurs talents : Robert A. Heinlein (En Terre Etrangère) a commencé par esquisser une Histoire du Futur. Ce cadre — dont j’avais reproduit les grandes dates sur une bande papier — qui servait d’abord de guide à l’auteur, me fut utile pour y placer ses romans, ceux du début au moins, dans une chronologie. Et d’y ajouter remarques ou titres d’auteurs proches.

            De son côté, Isaac Asimov appuie son cycle Fondation sur la psycho histoire, science prédictive qui doit permettre de régir l’Empire Galactique. Asimov est surtout célèbre auprès du grand public pour avoir popularisé la cybernétique et rédigé et explicité les « trois lois de la robotique ».

Cependant, Frank Herbert dépeint, dans un style élégant et vif, l’univers des « Fremen ». La saga de Dune laisse une empreinte profonde : sens de la parabole et des images flamboyantes, qui inspirèrent Georges Lucas pour La Guerre des Etoiles [Star Wars] ; richesse du vocabulaire émaillé de termes judicieux, empruntés à la langue arabe entre autres, ou bien inventés.

            Dès lors, on pourrait se livrer à un jeu qui consisterait à placer J.-C. Pichon parmi ces auteurs, ainsi que quelques autres qui furent aussi ses contemporains, par exemple :

— Robert Silverberg (Les Monades Urbaines, L’Homme stochastique)

– Michael Moorcock (Voici l’Homme)

– Ursula K. Le Guin (La Vallée de l’Eternel Retour)

– Samuel Delany (Babel 17)

– Daniel Galouye (L’Homme Infini)

– John Brunner (Le Troupeau aveugle)

– Ian Watson (L’Enchâssement)

– Charles Harness (La Rose).

Et, plus près de nous :

– John Barnes (La Mère des Tempêtes) 1994

– Don DeLillo (Cosmopolis) 2003.

            Tous ces auteurs partagent, peu ou prou, les préoccupations qui animaient J.-C. Pichon. Dans quels domaines ? C’est là que le jeu devient passionnant. Ces domaines sont nombreux. Les propos de J.-C. Pichon concernant ces auteurs montraient à quel point il était en phase avec eux : véritablement, la S.-F., la sienne et celle des auteurs anglo-américains de cette époque, étaient en mesure d’appréhender les changements majeurs de leur temps et du siècle à venir : technologies, écologie, médecine, ethnologie, religions et, plus généralement, mythes (Justice, Gémellité, Liberté).

            Les qualités littéraires de certains (P. K. Dick, Herbert, Ursula Le Guin, Watson, Harness, DeLillo) rivalisaient avec celles des auteurs « classiques ».

            Lors de nos discussions — animées —, J.-C. Pichon se montrait, avec raison, critique quant au style. Pourtant, il savait mettre en lumière une trame prophétique, une ouverture vers une société nouvelle, ou un changement plausible dans les mœurs de demain… Cette attitude enrichissait l’auditoire, fascinait ses amis — dont je fus. Ainsi, nous apprenions que tel roman « populaire » contenait parfois des pépites[2]. La paralittérature trouvait asile dans la bibliothèque de J.-C. Pichon. Cette ouverture d’esprit est à mon sens la marque d’un maître à penser authentique.

            On ne peut donc qu’être reconnaissant vis-à-vis des Editions L’Œil du Sphinx d’avoir réédité Les Témoins de l’Apocalypse.

Témoins

            Je crois avoir été l’un des premiers à présenter ce roman lors d’un colloque universitaire du CERLI[3] en 1989, à Toulouse. Voici le texte de cette communication avec les citations que j’ai puisées dans la première édition de l’ouvrage. Le lecteur retrouvera sans peine, j’en suis sûr, ces mêmes lignes dans l’édition nouvelle.

            Jean-Paul DEBENAT

            Juillet 2016

 

 

[1]  La Faune de l’Espace, roman (darwinien ?) d’A. E. VAN Vogt, 1950.
[2] Critique de Les Enfants de Damia, roman d’Anne Mc Caffrey, revue Présences d’Esprits, mai 1977.
[3] CERLI : Centre d’Etudes et de Recherche des Littératures de l’Imaginaire.

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RAY BRADBURY ET L’ARBRE

RAY BRADBURY ET L’ARBRE

par Jean-Paul Debenat

Photo Pierre-Jean Debenat

Photo Pierre-Jean Debenat

Ray Bradbury (1920-2012), l’un des créateurs de la Science-fiction moderne, demeure avant tout l’auteur des Chroniques martiennes, et de Fahrenheit 451 (1953) qui inspira à François Truffaut un film qui fit date, portant le même titre.

Bradbury est un poète en prose. Styliste donc, il se distingue par l’élégance et la finesse de sa prose imagée. Impressionniste, il accorde aux couleurs et aux sons une place prépondérante. Le lecteur se montre sensible à la mélancolie, au parfum élégiaque qui émanent de ses récits : romans, novellas ou nouvelles.

L’Arbre d’Halloween, novella de 165 pages dans la traduction française[1], correspond aux « visions nostalgiques » de l’auteur qui touchent un large public. Il s’agit d’un conte fantastique, apparemment des plus traditionnels et des plus charmeurs :

« C’est une petite ville au bord d’un petit fleuve et d’un petit lac dans un petit comté au nord d’un Etat du Midwest. »

L’après-midi d’Halloween, froid, sombre déjà, est rempli des cris d’allégresse de huit gamins déguisés qui en attendent un neuvième, Pipkin. Impatients, ils se dirigent vers la demeure inquiétante qui dresse ses tourelles grises en dehors de la ville.

Derrière la maison, aux mille fenêtres, se découpe l’Arbre d’Halloween, aux mille citrouilles qui prennent vie, à la manière du personnage qui apparait alors. Il semble se confondre avec l’Arbre : il lui pousse des branches. Il se présente : « Montsuaire, tel est mon nom ».

Montsuaire invite les enfants à construire un cerf-volant. Ils s’y accrochent et sont emportés au travers des grandes époques de l’Histoire humaine. Chaque déguisement, celui de l’Homme-singe par exemple, met en lumière un Temps particulier. Ainsi, le gamin qui s’est enveloppé de bandelettes, incarnation d’une momie, permet de découvrir… l’Egypte, les pyramides flambant neuves, le  Sphinx tel un « chiot géant »…

Des frises illuminent les murs. Sur l’une d’elles, un enfant reconnaît Osiris. Montsuaire commente : « Osiris, fils du Ciel et de la Terre, assassiné chaque soir par son frère des Ténèbres. Osiris, tué par l’Automne, massacré par son propre sang ».

Emportée par le cerf-volant, la ribambelle de gosses s’approche de l’Angleterre, à la rencontre du Dieu des Morts druidiques. Mais sans tarder, les Romains vont s’acharner sur les chênes sacrés des druides :

« Et Samhain, le Dieu des Morts, arraché au sol et tranché à la base, perd l’équilibre… Les légionnaires allument de nouveaux feux et brûlent de l’encens en hommage à des idoles installées par leurs soins. Mais ces flammes ont à peine eu le temps de luire qu’à l’Orient scintille une étoile. Sur les sables de déserts lointains […] trois hommes sages, trois Mages, ont entrepris un long voyage. »

Le périple se poursuit et à chaque Temps visité le même processus se déroule :

« D’une ère à l’autre c’est partout différent mais sans cesse la même chose. Le jour s’en va et la nuit vient. Redoutez-vous toujours, toi là-bas l’Homme-singe ou toi la Momie, de ne plus jamais revoir le soleil ? »

Avec ce conte, classique mais bondissant d’une ère à une autre, Bradbury aborde le grand thème des cycles de l’Humanité. Dans un domaine réservé aux enfants en priorité, il traite habilement et simplement d’une conception du Temps qui, sous sa plume, devient ludique. Mais elle reste poétique, sans jamais être prise à la légère. Sur le registre propre à cet auteur estimable, l’Histoire cyclique se pare d’atours qui séduisent et, j’en suis sûr, conduiront le lecteur à des approfondissements ultérieurs.

Voilà donc un complément aux travaux de fonds de Jean-Charles Pichon… et à la fresque réalisée par mon fils, Julien Debenat.

Jean-Paul Debenat

P.S. On aura remarqué le rôle de premier plan attribué à Montsuaire jouant du cerf-volant — et des vents — en virtuose. En outre Montsuaire est identifié à l’Arbre.

Quant à Pipkin, il est le grand absent, pendant la majeure partie du périple échevelé des gamins. Il est, en taille, le plus mince, le plus léger, le plus bondissant. Il est indispensable à tous et on dirait que ce voyage aérien n’a d’autre but que de retrouver Pipkin, prisonnier de la « Chose d’Ombre » et de le libérer.

Pipkin s’apparente à la figure du Tricheur divin (ou Fripon divin). Pour mieux s’en assurer, on lira Le Fripon divin de Paul Radin (commentaires de C.G. Jung et C. Kerényi ).

Et en attendant, voici quelques lignes sur l’une des incarnations du Tricheur divin ; ici il s’agit de Coyote, figure partagée par bon nombre d’Amérindiens :

« Coyote est le paradoxe personnifié. Sa nature ambigüe, ses qualités fuyantes, ses facultés d’adaptation, le placent au cœur des mythes navajos. Il vit hors du temps, imperméable à toutes les vicissitudes. Son agitation permanente permet aux Navajos d’éprouver un soulagement par leur capacité à rire d’eux-mêmes.

Par ses bouffonneries, Coyote les libère de l’appréhension d’enfreindre involontairement leurs nombreux tabous. Il est à la fois profane et sacré, maladroit et héroïque. Il vit à mi-chemin entre nature et culture, entre ordre et chaos. Il n’est ni animal, ni homme, ni dieu, mais tout à la fois. On ne peut le tuer, car il repousse les limites de la vie et de la mort. C’est l’incarnation du possible. »

Moi, Sam Begay homme-médecine navajo, O.D. Editions, Paris, 2010.

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[1] Première publication en 1972 aux U.S.A. Réédité, dans la traduction d’Alain Dorémieux chez Gallimard en 2015.

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Frise Pichon

Projet Frise Pichon

Julien Debenat

 

Ces dernières années je me suis mis à lire ou relire les livres de Jean-Charles sur l’histoire cyclique : Les trente années à venir, l’Homme et les DieuxLe Dieu du futur et Celui qui naît. Et plus je les relis, plus je mesure combien ses recherches sur l’histoire cyclique m’aident à vivre notre époque.

J’ai eu l’envie de faire une frise du temps au cours de ces relectures, très naturellement.

 En effet dans ces livres Jean-Charles a mis en parallèle, époque par époque, les ères divines de 2160 ans, passant d’une ère à l’autre, comme s’il décrivait deux ou trois frises du temps superposées, celle du Bélier, celle du Poisson et celle du Verseau.

 La frise du temps avec les ères superposées, selon moi, se trouve déjà dans ces livres. Le travail que je propose aujourd’hui n’est qu’une réécriture, peut-être une synthèse de la théorie cyclique de Jean-Charles, plus simplement une manière de présenter mes notes de lecture sous une forme un peu particulière.

 Le principe de ce projet de frise est simplissime : mettre sous le regard trois ères superposées : le Bélier, le Poisson, le Verseau.

Ainsi se feront écho, à la verticale, les périodes, les événements, les personnages historiques au travers des grandes phases de la vie du Dieu : avènement – mûrissement – épanouissement (âge d’or, parousie) – corruption et le déclin – éloignement – sommeil ou la mort.

 Sur toutes ces questions, Jean-Charles a écrit de très beaux textes. La frise y renverra le plus souvent possible. Dans mon rêve, la frise mettra à la disposition de ceux qui attendent avec impatience devant le garage de Dieu des outils pour faire leurs propres recherches. Elle leur proposera de découvrir les livres de Jean-Charles, de méditer sur les questions de compréhension globale de l’histoire cyclique. Dieu : Lequel ? Quand ? Comment ? Quoi ? Qui ? Combien de temps ?… . Elle permettra à chaque voyageur du temps de se situer dans le cycle, comme un voyageur se situe sur une carte géographique pour établir son itinéraire, ou son campement.

 Concrètement le projet a besoin de :

1 / commentaires, conseils, critiques.

2 / Un illustrateur et un infographiste. Des personnes se sont déjà déclarées intéressées, mais rien n’est décidé encore, et si vous connaissez des gens susceptibles de vouloir participer, faites-moi signe.

3 / Un éditeur. Sans trop d’illusions. Si je ne trouve pas d’éditeur, je le ferai éditer avec les éditions « Les Chemins de Traverse », une petite maison d’édition familiale.

4/ Un imprimeur. Je compte demander des devis, mais je ne connais pour l’instant aucun imprimeur susceptible de produire ce genre d’objet (en rouleau ou en pliage). Si vous avez de bonnes adresses, merci de les signaler.

4 / L’argent : pour l’instant je n’ai pas l’argent pour financer le projet, c’est-à-dire pour payer un illustrateur et un infographiste, et pour payer un imprimeur. Si vous avez des idées sur ce qui serait possible de faire : une souscription, des dons, …n’hésitez pas à m’écrire : julien.debenat@gmail.com

Pour voir la frise :

https://docs.google.com/spreadsheets/d/1jz69KyxWN9fsejbKLkuZf9J0oGpBsr95BNQm4QPpBFw/edit?usp=sharing

 

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Eglises troglodytes du Sud-Ouest (Aubeterre, Gurat, Saint-Emilion, Brantôme, Mortagne)

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EGLISES TROGLODYTIQUES

DU SUD-OUEST

Jean-Paul Debenat

 

Que vient faire un guide touristique sur ce site ?

« TOURISTE » n. est emprunté (1803) à l’anglais  tourist, qui venait d’être formé (1800) par dérivation sur le mot anglais tour, pris au sens de « voyage circulaire », lui-même emprunt (XIVè s.) au français tour, déverbal de tourner. (Dictionnaire historique de la langue française, Dictionnaires LE ROBERT, 1992).

Des « voyageurs circulaires », Jean-Charles Pichon en a suscité un bon nombre !

Jean-Paul Debenat est l’un d’entre eux. Lorsqu’il se promène, en Amérique du Nord ou en Chine, il cherche les traces du « Big Foot » ou du « Yéti ». Il parle avec des témoins autochtones et experts, et en rapporte des récits qui nous emmènent au-delà de l’anecdote, récits qui confortent humainement l’histoire cyclique des dieux que Jean-Charles, après Mircéa Eliade et Carl Jung, a longuement détaillée.

C’est en Dordogne et en Gironde qu’il nous emmène maintenant, dans les profondeurs de ces églises qui témoignent de la  transition entre plusieurs mythes.

Appliqué et impliqué, il nous fait porter sur des vestiges prestigieux un regard plus qu’esthétique : réflexif — dans tous les sens du terme.

Un tour qu’on  n’oubliera pas…

Pierre-Jean Debenat

 

Pour vous procurer ce livre :

amaury.joel@wanadoo.fr

 

Joël AMAURY

L’Esperluette

Le Bourg

24410 St Antoine-Cumond

 

Tel: 05-53-90-67-98

 

Prix: 9€ l’exemplaire + 1,25€ pour un exemplaire (frais de port) ou 3,70€ par 5 exemplaires.

 

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L’imaginaire face au nazisme

Avant-propos

 

                                                               On sait bien que le silence et la censure

                                                                       Ne font qu’aggraver les fantasmes.

(Ph. Sollers)

 

L’imaginaire face au nazisme (Le Cauchemar de Fer) est la réédition d’un ouvrage publié à Bruxelles en 1993. La version présente comporte un chapitre supplémentaire, « L’Utopie, ici et maintenant », mais l’ensemble reste fidèle en son esprit à l’original. Quelques corrections et ajouts justifient cependant la qualification d’édition révisée.

Les auteurs étaient au nombre de trois : Jean-Charles Pichon (1920 – 2006), journaliste, romancier, scénariste, historien des religions, auteur d’une œuvre considérable.

Lorsque Jean-Paul Debenat et Lauric Guillaud le rencontrent les années 80, Jean-Charles Pichon se consacre presque uniquement à l’étude des mythologies et des ésotérismes. Son savoir encyclopédique constitue non seulement un enrichissement mais un stimulant intellectuel puissant pour les deux nouveaux amis de Jean-Charles Pichon. Bientôt, Pierre-Jean Debenat se joint à ce cercle informel.

Lors de discussions animées à propos de la naissance et de l’implantation du nazisme, nous nous interrogions sur les sources profondes de l’idéologie hitlérienne.

Jean-Charles Pichon avait vécu la période de l’occupation allemande. Il s’était engagé dans la Marine Nationale en 1939.

Michel, le père de Lauric Guillaud, alors adolescent, avait échappé aux 2 500 soldats de la Wehrmacht et de la Milice Française qui encerclèrent le camp de Saffré, au nord de Nantes, en juin 1944. Il y eut 13 morts parmi les 350 maquisards, 27 furent fusillés, 29 décédèrent en camp de concentration, 2 furent assassinés en prison. Le père de Jean-Paul et Pierre-Jean Debenat, soldat dans un régiment d’artillerie, fut retenu prisonnier pendant trois mois seulement. Son métier, cheminot, le sauva : en effet, les Allemands avaient besoin de lui pour faire circuler les trains.

Nous avions donc tous le désir d’en savoir plus sur le phénomène qui déclencha la Seconde Guerre Mondiale. Notre ami et maître à penser Jean-Charles, ainsi que nos pères y avaient été mêlés.

Avec le temps, l’Histoire prend du recul devant les faits et les éclaire de manière plus lucide. Il est certain qu’il y a dans les prémices de l’hitlérisme des tendances diverses, idéalisme, socialisme, créativité. Mais ces tendances seules ne parviennent pas à expliquer que de grands esprits du XXe siècle se soient voués à l’attente, puis à la défense et même à la justification des actes du nazisme : Drieu La Rochelle, Heidegger, Hamsun, Céline, Alphonse de Châteaubriant, Brasillach, Malaparte, etc.

Le problème posé exige que certains aspects du phénomène soient étudiés avec plus d’objectivité qu’il y a bientôt 70 ans. Nous avons fait appel aux historiens, aux mythologues et aux romanciers. Nous avons voulu traiter des sectes fondatrices ou annonciatrices de l’esthétisme, de l’architecture et de la technologie du nazisme, et de sa place dans l’histoire révélée par la prophétie. C’est pourquoi nous offrons la publication de ces quelques études. Il va de soi qu’en aucun cas, les auteurs de cet ouvrage ne cautionnent l’école historique dite « révisionniste », et encore moins les innombrables atrocités commises par le national-socialisme.

Il faut ajouter que devant la ruine du communisme et du vide qui lui succède d’une part, et d’autre part devant l’idée d’un Grand Empire américain ou asiatique — sans oublier l’éventualité d’une troisième voie, théocratique celle-là —, ces contributions présentent un intérêt d’autant plus « contemporain ».

CAUCHEMAR001

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